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GROSSESSE ET SOUFFRANCE PSYCHIQUE

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GROSSESSE

ET

SOUFFRANCE PSYCHIQUE

INTRODUCTION

DEFINITION DE LA PARENTALITE

• Carel 1974 : Processus de maturation psychique qui se développe aussi bien chez la mère (maternalité) que chez le père (paternalité)

• Pour Gérard Poussin: « chaque nouvelle naissance peut ouvrir sur une parentalité tout à fait différente pour un même sujet »

• M. Lamour et M. Barraco : « la parentalité peut se définir comme l’ensemble des réaménagements psychiques et affectifs qui permettent à des adultes de devenir parents, c’est à dire de répondre aux besoins de leurs enfants à trois niveaux : le corps (les soins nourriciers), la vie affective, la vie psychique.».

Professeur Houzel :

3 dimensions au concept de parentalité :

• L’exercice de la parentalité: l’ensemble des droits et des devoirs

• Les pratiques de la parentalité: les actes concrets de la vie quotidienne

• L’expérience de la parentalité: le fait de se sentir ou non parent de cet

enfant

PARTIE 1: LA GROSSESSE, un état bouleversant

A/ LE DESIR D’ENFANT

B/ ETRE PARENT s’inscrit dans une dynamique à 3

A/ LE DESIR D’ENFANT

A quel moment devient-on parent ?

A quel moment devient-on parent ?

Les processus psychiques, qui permettent de devenir

parent, se déploient depuis que le parent était lui-même

enfant !!

1/ La dette de vie

Avoir ce sentiment que ses

parents lui ont transmis tout ce

qu’ils pouvaient ou devaient lui

transmettre est important pour

devenir parent.

Cette dette de vie est la

première condition de

l’aptitude psychique à

transmettre la vie.

Enfant

Père Mère

Qui deviendra

parentAcquittement

Attentes

2/ L’enfant imaginaire

Avant même que l’enfant ne soit, le parent l’a conçu inconsciemment.

L’enfant va s’identifier à l’image que sa mère a de lui.

Il sait qu’il ne sera pas l’enfant idéal de ses parents, mais il se met à rêver d’être l’enfant du désir de ses parents.

Puis il va rêver d’avoir un enfant capable de répondre au désir de ses parents

2 aspects composent l’enfant imaginaire :

Il rêve qu’il fera un enfant capable de répondre au désir de ses parents.

Il rêve aussi un enfant capable de résister au désir de ses parents.

Deuil chez celui qui devient parent.

Exemple de la maltraitance

3/ La grossesse et la naissance : un autre temps de

l’expérience de parentalité…

• Un état de régression

• Ambivalence affective

• A la fin de la grossesse, un mouvement contradictoire

• A la naissance, adaptation du parent à cet enfant réel et étranger.

B/ ETRE PARENT s’inscrit dans une dynamique

relationnelle à 3

1/ La fonction maternelle et la fonction paternelle (de la naissance au 6 mois du bébé)

A la naissance, il y a un changement d’environnement pour le bébé

Le visage de sa mère : un point d’ancrage familier et une fonction rassurante.

Se fragiliser elle-même pour être en résonnance avec son bébé est nécessaire.

La fonction maternelle: percevoir les besoins de son enfant, sécuriser son enfant et favoriser une continuité du lien avec son environnement.

La fonction paternante :

une condition importante pour permettre la fragilisation maternelle.

« Envelopper la dyade mère/bébé »

La mère signifie au père la reconnaissance de sa fonction de père. Et là, le père peut être père.

Et du côté du bébé… Si ce processus réussit, chacun des parents va se faire une représentation unique de leur enfant, même s’ils se donnent des rôles différenciés.

Etre père, ou être mère dépend de la façon dont ses propres

parents ont occupé cette place et cette fonction

Image que chacun peut avoir de son parent de même sexe

• La mère sera « mère » en fonction de l’image qu’elle a de sa mère

• Le père sera « père » en fonction de l’image qu’il a de son père

Image que chacun peut avoir de son parent de sexe opposé

• La mère doit croire en la fonction paternelle pour avoir à cœur de donner

un père à son enfant.

• Le père doit reconnaître la fonction maternelle pour qu’elle puisse être

mère auprès de son enfant.

2/ La fonction maternelle et la fonction paternelle (des 6 mois au 1

an du bébé)

• La mère veut réinvestir d’autres intérêts que son bébé.

• La fonction du père, aider l’enfant à se séparer de sa mère.

PARTIE 2: Et du côté pathologique?

PLAN:

A/ Le désir d’enfant échappe souvent à notre volonté

B/ Lors de la grossesse, souffrance psychique

C/ A la venue du bébé

D/ Troubles liés à l’état psychopatholpogique du parent

A/ Le désir d’enfant échappe souvent à

notre volonté

Quelques questionnements…

Et si l’enfant n’a pas pu nouer un lien positif avec sa mère?

Les hommes peuvent-ils avoir un désir d’enfant compliqué?

Les verrous de l’inconscient peuvent-ils être forcés par la science?

B/ Lors de la grossesse:

souffrances psychiques

• La dépression anténatale

• Le déni de grossesse

C/ A la venue du bébé

1/ DES TROUBLES AU NIVEAU DE LA CONSTRUCTION DES 1er LIENS (sans pathologie du côté du parent)

Les troubles de l’attachement

Les travaux de Spitz et ceux de Bowlby

Concept d’attachement : le besoin de contact prime sur la satisfaction des besoins physiologiques. Que même si l’enfant est bien nourri, changé… s’il n’a pas l’affectif, il peut développer des troubles.

• Attachement sécure

• Attachement insécure

Les circuits de l’échange…

3 registres à l’œuvre dans la construction des 1ers liens :

- la pulsion orale : c’est l’échange nourricier

- la pulsion scopique : c’est la question du regard et des échanges visuels

- la pulsion invoquante : c’est la question de la voix, ce sont les échanges vocaux

3 temps qui sont le circuit pour chaque pulsion:

- le bébé qui se tourne vers l’objet de satisfaction (la mère)

- le bébé qui prend une partie de son corps comme objet de satisfaction

- le bébé qui se fait objet de satisfaction pour l’autre (il se donne à celui dont il a reçu)

Repères d’observation

Les circuits de l’échange…

Le déroulement de ces 3 temps pour chaque registre:

• Pour l’échange nourricier : Manger, se manger, se faire manger

• Pour la question du regard : être regardé, se regarder, se faire regarder

• Pour la question de la voix : Ecouter, s’écouter, se faire écouter

Circuit de la pulsion orale : Manger, se manger, se faire manger

Manger

Le bébé sera nourri de la mère d'un point de vue affectif.

Circuit de la pulsion orale : Manger, se manger, se

faire manger

Se Manger

Le bébé va prendre une partie de son corps (le pouce, la main...) qu'il va

amener a la bouche.

Circuit de la pulsion orale : Manger, se manger, se faire manger

Se Faire Manger

Le bébé va se faire lui-même objet de satisfaction de l'autre.

Circuit de la pulsion scopique : Regarder, se regarder, se faire

regarder

Regarder

Rencontre d’un regard qui l'auréole

Circuit de la pulsion scopique : Regarder, se

regarder, se faire regarder

Se regarder

Le bébé va devoir s'identifier à cette image qu'il rencontre dans le

regard de sa mère.

Circuit de la pulsion scopique : Regarder, se regarder, se faire regarder

Se faire regarder

Le bébé va se faire objet du regard de l'autre de manière active.

Circuit de la pulsion invoquante : écouter, s’écouter,

se faire écouter

Écouter

Quand le bébé s'accroche a la voix de sa mère.

Circuit de la pulsion invoquante : écouter, s’écouter,

se faire écouter

S’écouter

Le bébé s'écoute.

Circuit de la pulsion invoquante : écouter, s’écouter, se faire écouter

Se faire écouter

Capacité de la mère à se saisir des vocalisations de son bébé

et à en faire quelque chose.

2/ CHEZ LE PERE :

Le passage à l’acte

Syndrome de la couvade

Un état dépressif post-natal

3/ CHEZ LA MERE :

• Troubles psychiques du travail et de l’accouchement

• Le baby blues

• La psychose puerpérale

DVD « un étranger en moi » Réalisatrice: Emily ATEF

Illustrant la dépression post-partum

D/ TROUBLES LIES A L’ETAT

PSYCHOPATHOLOGIQUE DU PARENT

Quelques repères sur les grandes catégories de maladies mentales

Avant propos

Entre le normal et le psychopathologique

• Est « normal »

Celui qui reste adapté à son milieu,

Celui qui est capable de mobiliser des « forces » psychiques suffisantes

• Est « pathologique »

Celui qui reste en état d’inadaptation relationnelle et sociale,

Celui qui est déstructuré mentalement,

Celui qui est totalement dépassé par sa propre souffrance.

La pathologie, c’est une rupture d’équilibre au sein de la structure de personnalité.

Il n’existe pas une démarcation nette entre un individu « normal » et un individu « pathologique »

Le sens du symptôme en psychopathologie

Le symptôme n’est pas le signe d’une maladie mais plutôt l’expression d’une souffrance.

La structuration de la personnalité

On a chacun une seule structure de personnalité.

C’est l’organisation profonde de la personnalité.

Quand on est dans la maladie mentale, c’est un état de désadaptation visible par rapport à la structure profonde de la personnalité

La névrose , la psychose et les états limites

La névrose : troubles psychiques divers (angoisses, obsessions, phobies...). Ce sont comme des exagérations de sentiments normaux. La dépression est une caricature du deuil, l’anxiété une caricature de la peur.

La psychose: quant à elle, est une maladie mentale affectant gravement la personnalité et détériorant radicalement la relation du sujet au monde extérieur. Perte de contact avec le réel :hallucinations, délires…

Les états-limites :

• Sentiment permanent d’insécurité, basse estime d’eux-mêmes,

• Difficulté de juste distance relationnelle : ou trop près, ou trop loin

• Angoisses d’abandon, de perdre l’autre.

• Symptômes : passage à l’acte, somatisations.

Névrose Psychose

Sujet compréhensible

Accessibilité du sujet

Raisonnable

Sujet non compréhensible

Sujet peu accessible

Altération du raisonnement et du langage

Exagération des difficultés d’être (nier ses possibilités,

refuser l’obstacle, angoissé, perdu, ...)

l’angoisse est plus ou moins aménagée mais elle reste

disproportionnée

Transformation radicale des difficultés (persécuté ou

tout-puissant, il nie le monde, la réalité, les

autres,...)

l‘angoisse est destructrice et donne un sentiment

d’étrangeté

Il se dit « malade », se fait soigner Il ira mieux s’il

tolère ses inhibitions ou certaines frustrations

Acceptation de soi, des autres et du bien-être

Il n’envisage pas ses idées comme une maladie

La réalité est perçue comme étrange

Confusions et inadaptations

S’éloigne du réel et des autres

La souffrance a comme cause la présence d’un désir

(agressif ou érotisé) qu’il s’interdit de réaliser

alors qu’il refuse d’y renoncer.

La souffrance est liée à des troubles graves de

l’identité. Identité non unifiée.

Le sujet ne fait plus la distinction entre le réel et son

imaginaire, entre lui et l’autre.

Dans la névrose obsessionnelle :

Idées obsédantes, compulsions à faire des actes

indésirables, lutte contre ces pensées, mise en

place de rituels (qui ont une valeur magique et

conjuratoires)

Dans la névrose hystérique :

L’angoisse porte sur le danger de voir réaliser un

passage à l’acte interdit.

Mécanisme de projection,

Angoisse de morcellement ou d’éclatement

Délire, hallucinations, passage à l’acte, ...

Schizophrénie, Paranoïa…

Quelques repères sémiologiques

La névrose obsessionnelle,

la névrose hystérique,

la dépression

L’état maniaque...

Rappel du conflit de la parentalité normale :

A la naissance, le parent projette des images positives, chargées émotionnellement afin d’investir son bébé réel et de l’inscrire dans la filiation.

Avec le temps, les aspects particuliers de l’enfant découlant de son tempérament ressortent, alors que les images du passé du parent s’estompent pour ne rester qu’à l’arrière plan.

A l’arrivée de son bébé, la mère tente de recréer une symbiose avec son bébé, en continuité avec la fusion in utéro. La maman plonge à son insu dans un état de sensibilité extrême, par lequel elle régresse pour pouvoir discerner les besoins de son enfant et y répondre de manière adaptée.

Corps du bébé est un moyen privilégié d’expression de son mal-être, ou plus précisément de leur mal-être à tous 2.

Soulager la mère, c’est ainsi soulager le bébé ! Chacun, de notre place, nous avons certainement un rôle à jouer à ce niveau là. Malgré les apparences, ce n’est pas la mère qui amène son enfant mais le bébé qui amène sa mère, et parfois même son père.

Les troubles de la parentalité associés à un état psychotique

Alternance entre une tendresse intense et le sentiment d’être persécutée par son enfant.

La mère psychotique peut être centrée sur son imaginaire et être éloignée des besoins du bébé réel.

L’enfant peut se faire silencieux. Vivant en permanence dans un état d’alerte.

Prohiber tout contact avec la mère a pour effet non pas de gommer le dysfonctionnement relationnel, mais au contraire d’accélérer les troubles.

Quelques chiffres : il y a 40/. de risque plus grand de développer une psychose quand on a un parent psychotique. Néanmoins, quand on sépare l’enfant du parent précocément, ça amplifie le pourcentage de risque.

La question n’est pas « sépare t-on ou non », mais comment aider à faire lien entre cet enfant et cette mère psychotique. Veiller à ce qu’un lien se tisse !

PARTIE 3: PLACE DES PROFESSIONNELS

Comment prévenir et accompagner?

Comment soutenir le lien parent-enfant?

RESSOURCES EXISTANTES SUR LE TERRITOIRE

Sensibilisation à l’approche thérapeutique centrée sur les ressources

POSTULATS :

La classe des solutions n’est pas la classe des problèmes.

On se centre non pas sur le problème, mais sur l’exception.

La personne est experte de sa thérapie.

Idée que le patient est expert sur sa vie, le professionnel est expert sur le processus de

la thérapie. « coexpertise ».

Le changement est inévitable et permanent.

Rien n’est figé, on peut construire l’avenir.

Sensibilisation à l’approche thérapeutique centrée sur les ressources

Passage du problème aux solutions :

Partie centrée sur les problèmes

• Quel est le problème ?

• Depuis combien de temps souffrez-vous de ce problème ?

• Qu’avez-vous fait pour lutter contre ce problème ?

• Est-ce que vous en connaissez les causes ?

• Entre 0 et 10, évaluez l’intensité du problème.

Partie centrée sur les solutions

• Y’a-t-il des moments où le problème ne se pose pas (ou moins intensément) ?

• Qu’est-ce que ça vous permet de faire de différent ?

• Dans votre entourage, qui s’aperçoit le premier que le problème ne se pose pas (ou moins) ?

• Sur une échelle de 0 à 10, où vous situez-vous par rapport au problème.

Sensibilisation à l’approche thérapeutique centrée sur les ressources

Localisation des exceptions :

En équipe : (ou en direction du jeune, ou des parents)

• Quel est le problème ? qu’est-ce qui vous pose question ?

• Avec ce jeune, qu’est-ce qui arrive à l’occasion que vous appréciez ?

• A quels moments les choses vont-elles bien ou mieux avec lui ?

• Au cours des 2 dernières semaines, y’a-t-il des situations qui se sont produites avec lui et que vous aimeriez voir se produire plus fréquemment ?

Ancrer les exceptions

• Qu’y a-t-il de particulier dans les moments où les choses vont bien (ou mieux) avec ce jeune ?

• Qu’apprend t-on sur les compétences de ce jeune ?

• Qu’est-ce que ça vous donne comme pistes par rapport à ce qui vous pose question ?

Poser l’objectif cf Alasdair Mac Donald

• Aujourd’hui, on parle du futur.

• Comment tu peux imaginer que le problème soit résolu, un peu mieux, un peu moins pire ?

• Est-ce que tu penses que ça va arriver ? Si oui, qu’est-ce qui te fait dire que cela se produira ?

• Imaginons qu’on se rencontre dans quelques semaines, qu’est-ce qui serait un peu mieux ? Concrètement pour toi ? ou pour votre enfant ?

• Supposons que cette conversation te soit utile, comment tu t’en rendrais compte plus tard ?

• Est-ce réaliste ?

• Quelle serait la prochaine petite étape positive qui pourrait venir bientôt ? ou qu’est ce qui serait pour toi une étape signe d’un progrès ?

• En supposant que cela arrive, qu’est-ce qui se passerait de différent ?

• Quoi d’autre ? (focus)

Paysage d’identité

Partir d’une situation satisfaisante ou problématique (personnelle ou professionnelle)

• Décrire la situation.

• (Si problème : Comment as-tu fait pour survivre à ce problème ? pour y faire face ? pour y résister ?)

• Sur quelles capacités tu t’es appuyé dans cette situation ?

• De quelles qualités a-t-on besoin pour affronter cette situation ?

• Qu’est-ce que cela vient dire de ce qui est important pour toi ?

• Qu’est ce que cela vient dire de tes valeurs ?

• Est-ce que le fait d’en prendre conscience modifie l’image que tu as de toi ?

• Est-ce que cela te suggère quelque chose à propos de ce que tu veux dans la vie ?

BIBLIOGRAPHIECox et Holden, Psychiatrie périnatale, 1994

Jean Marie Delassus, Penser la naissance, 2011

Le sens de la maternité, 2007 Dunod

Corinne Antoine, La révolution intérieure, psychologie de la grossesse et de la maternité, 2007, Larousse

Jacques Dayan, Psychopathologie de la périnatalité, 1999, Masson

BOUREGBA Alain, Les troubles de la parentalité – Approche clinique et socio-éducative, Dunod,

2002.

CICCONE Albert, LHOPITAL Marc, Naissance à la vie psychique, Dunod, 2001.

LE CAMUS Jean, Le lien père-bébé in Devenir, volume 14, n° 2, 2002, pp. 145-167.

Sous la direction de MONTAGNER Hubert et STEVENS Yves, L’attachement, des liens pour grandir plus libre, L’Harmattan, 2008.

Bourdier P. (1972), l’hypermaturation des enfants de parents malades mentaux , Revue française de psychanalyse, n°36

Clément R. (1993), Parents en souffrance, Paris, Stock