exérèse des adénomes parathyroïdiens sous anesthésie locale

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109 J Chir 2006,143, N°2 • © Masson, Paris, 2006 Technique chirurgicale Exérèse des adénomes parathyroïdiens sous anesthésie locale Ph. Bonnichon, J.M. Thillois, B. Amiel Service de Chirurgie Générale, Hôpital Cochin – Paris. e-mail : [email protected] Correspondance : Ph. Bonnichon, Service de Chirurgie Générale, Hôpital Cochin, F 75014 Paris. Introduction Plus de mille cent patients opérés nous autorisent à écrire que l’exérèse des adénomes parathyroïdiens sous anesthésie locale est une méthode fiable pour traiter l’hyper- parathyroïdie primaire par adénome. Les résultats sont immédiatement favorables dans 90 % des cas, et la méthode n’empêche nullement le passage à l’anesthésie gé- nérale si celle-ci s’avère nécessaire. Nous retrouvons par cette technique les 98 % de guérisons obtenues par la technique classique. Des points importants doivent être rappelés. Leur ignorance conduit inévitable- ment à des échecs mal vécus et préjudiciables à la méthode. Ainsi, le diagnostic d’hyperparathyroïdie doit être certain et la localisation de l’adénome authentifiée par un échographiste entraîné. Une scintigraphie au sestamibi est utile pour conforter le résultat. Le patient doit également accepter les modalités de l’inter- vention et les contraintes de l’anesthésie locale. Il doit accepter un risque d’échecs de 5 à 10 % en rapport avec l’existence d’adénomes doubles ou celle d’atteintes pluri glandulaires. Depuis les trois cents derniers patients, une intervention en chirurgie ambula- toire est systématiquement envisagée. Elle permet d’associer à la réduction du risque opératoire un bénéfice économique dont l’intérêt paraît chaque jour plus évident. Mots-clés : Parathyroïdes. Technique chirurgicale. Adénome. Anesthésie locale. Installation, anesthésie locale et incision L’intervention suit une technique méticuleuse et réglée dans une ambiance calme et paisible car l’exérèse est parfois dif- ficile, dans un champ opératoire exigu et profond. Le patient perfusé est installé en décubitus dorsal, tête droite ou en légère extension, sans billot. Pour l’anesthésie locale l’opérateur infiltre la peau, le tissu cellulaire sous cutané puis les plans profonds des muscles sterno-cleïdo-mastoïdiens, des muscles sous-hyoïdiens et de l’espace sus sternal. On utilise habituellement, en totalité ou partiellement, quatre flacons de deux Novocaïne (1 à 0,5 % et 2 à 1 %). Aujourd’hui, nous rem- plaçons volontiers un flacon de Novocaïne par un flacon de Marcicaïne dont la durée d’action est plus longue. Longue d’en- viron 5 à 6 centimètres, l’incision dessine la partie latéralisée, du coté de l’adénome, d’une incision de cervicotomie hori- zontale traditionnelle. 1

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J Chir 2006,143, N°2 • © Masson, Paris, 2006

Technique chirurgicale

Exérèse des adénomes parathyroïdiens sous anesthésie locale

Ph. Bonnichon, J.M. Thillois, B. Amiel

Service de Chirurgie Générale, Hôpital Cochin – Paris.e-mail : [email protected]

Correspondance :

Ph. Bonnichon, Service de Chirurgie Générale, Hôpital Cochin, F 75014 Paris.

Introduction

Plus de mille cent patients opérés nous autorisent à écrire que l’exérèse des adénomesparathyroïdiens sous anesthésie locale est une méthode fiable pour traiter l’hyper-parathyroïdie primaire par adénome. Les résultats sont immédiatement favorablesdans 90 % des cas, et la méthode n’empêche nullement le passage à l’anesthésie gé-nérale si celle-ci s’avère nécessaire. Nous retrouvons par cette technique les 98 %de guérisons obtenues par la technique classique.

Des points importants doivent être rappelés. Leur ignorance conduit inévitable-ment à des échecs mal vécus et préjudiciables à la méthode. Ainsi, le diagnosticd’hyperparathyroïdie doit être certain et la localisation de l’adénome authentifiéepar un échographiste entraîné. Une scintigraphie au sestamibi est utile pourconforter le résultat. Le patient doit également accepter les modalités de l’inter-vention et les contraintes de l’anesthésie locale. Il doit accepter un risque d’échecsde 5 à 10 % en rapport avec l’existence d’adénomes doubles ou celle d’atteintespluri glandulaires.

Depuis les trois cents derniers patients, une intervention en chirurgie ambula-toire est systématiquement envisagée. Elle permet d’associer à la réduction du risqueopératoire un bénéfice économique dont l’intérêt paraît chaque jour plus évident.

Mots-clés :

Parathyroïdes. Technique chirurgicale. Adénome. Anesthésie locale.

Installation, anesthésie locale et incisionL’intervention suit une technique méticuleuse et réglée

dans une ambiance calme et paisible car l’exérèse est parfois dif-ficile, dans un champ opératoire exigu et profond.Le patient perfusé est installé en décubitus dorsal, tête droite ou en légère extension, sans billot. Pour l’anesthésie locale l’opérateur infiltre la peau, le tissu cellulaire sous cutané puis les plans profonds des muscles sterno-cleïdo-mastoïdiens, des muscles sous-hyoïdiens et de l’espace sus sternal. On utilise habituellement, en totalité ou partiellement, quatre flacons de deux Novocaïne (1 à 0,5 % et 2 à 1 %). Aujourd’hui, nous rem-plaçons volontiers un flacon de Novocaïne par un flacon de Marcicaïne dont la durée d’action est plus longue. Longue d’en-viron 5 à 6 centimètres, l’incision dessine la partie latéralisée, du coté de l’adénome, d’une incision de cervicotomie hori-zontale traditionnelle.

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Exérèse des adénomes parathyroïdiens sous anesthésie locale

Ph. Bonnichon, J.M. Thillois, B. Amiel

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Abord de la loge thyroïdienne par voie externeAprès l’incision cutanée on sectionne horizontalement

le muscle peaucier du cou. Deux lambeaux sont libérés, en haut puis en bas, comme on le fait pour les thyroïdectomies, et on met en place un écarteur autostatique de Joll. On sectionne l’aponévrose cervicale antérieure, en avant du muscle sterno-cleïdo-mastoïdien et on aborde la gouttière jugulo-carotidienne. La veine jugulaire est visible ainsi que la branche descendante du XII qui chemine sur sa face antérieure et qui doit être infil-trée avant d’être sectionnée. Il est préférable de passer en de-dans du muscle omo-hyoïdien pour ouvrir l’aponévrose cervi-cale moyenne, afin de pénétrer dans la loge thyroïdienne.

2Recherche de l’adénome parathyroïdienIl s’agit du temps le plus délicat. Il doit être à la fois ra-

pide et doux car l’anesthésie locale, de durée limitée, ne permet pas les gestes trop appuyés. C’est lui qui demande également de l’expérience. Ceux qui ont déjà souffert pour découvrir un adé-nome parathyroïdien sous anesthésie générale comprendront qu’opérer sous anesthésie locale ne simplifie pas la recherche.

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Exérèse de l’adénomeLa difficulté est variable. Facile si l’adénome est super-

ficiel (on a tendance alors à le chercher trop en profondeur), l’exérèse peut s’avérer très difficile si l’adénome est en bissac ou proche de l’entrée du nerf récurrent, sous le constricteur infé-rieur du pharynx. Le nerf récurrent est très fréquemment visible, l’autre parathyroïde également. De toute façon, la dissection de l’adénome doit s’effectuer à son contact, sans le blesser, jusqu’à la découverte de son pédicule. L’hémostase de ce dernier est assurée par un clip métallique.

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FermetureLa cervicotomie est fermée sans drainage, le peaucier

puis la peau, en utilisant une colle de type cyanoacrylate.Au cours de l’intervention, des prélèvements sanguins pour doser la parathormone ont été effectués avant, pendant et après l’exérèse de l’adénome. Les résultats, revenus en fin d’après midi, témoignent neuf fois sur dix de l’efficacité de l’adénomectomie. Dans le cas contraire, une intervention complémentaire sous anesthésie générale peut être décidée. En cas de succès, le patient, arrivé à 8 heures le matin, quitte le service de chirurgie le soir vers 17 heures, avec une ordonnance comprenant des antalgiques, du calcium buvable, et de la vitamine D di-hydroxylée.

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