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ÉTHIQUE Naître autrement ? La Croix du 12 novembre 2015 par Marine Lamoureux Depuis trente ans, l'aide médicale à la procréation (AMP) s'est développée dans le monde. Elle désigne des techniques, au départ destinées à remédier à l'infertilité, qui dessinent aujourd'hui un mode alternatif de procréation, posant de nombreuses questions éthiques Il naît aujourd'hui cinq fois plus d'enfants par fécondation in vitro (FIV) qu'il y a trente ans. Et si les naissances de bébés par des techniques d'AMP (aide médicale à la procréation) représentent moins d’1 % de l'ensemble des naissances dans le monde, ces procédés sont promis à un développement important. D'abord parce que l'infertilité s'étend, notamment sous l'effet de la pollution chimique ; ensuite parce que leurs indications ne cessent de s'élargir, dépassant de loin la seule problématique médicale – l'AMP n'est alors plus seulement un traitement destiné à soigner un couple infertile mais un mode alternatif de procréation susceptible d'intéresser des célibataires, des couples de même sexe, des personnes trop âgées pour enfanter naturellement, etc. ; enfin parce que ces nouvelles indications sont autant d'opportunités de marché. Déjà, dans certains États américains, tout se vend et s'achète : ovules, spermatozoïdes, gestation dans l'utérus d'une mère porteuse… Le biologiste Jacques Testart alerte sans détour (1) : « L'AMP se transforme aujourd'hui en moyen de dépasser certaines propriétés de notre espèce en effaçant la différenciation sexuelle, en niant le vieillissement, en programmant l'identité biologique des enfants à naître et finalement en se proposant comme alternative » à la procréation naturelle. Rien d'étonnant, donc, à ce que les mouvements transhumanistes poussent toujours plus loin les possibilités ouvertes par la procréation artificielle. Celle-ci répond en effet à deux de leurs credo : repousser les limites 1

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ÉTHIQUE

Naître autrement ?La Croix du 12 novembre 2015 par Marine Lamoureux

Depuis trente ans, l'aide médicale à la procréation (AMP) s'est développée dans le monde. Elle désigne des techniques, au départ destinées à remédier à l'infertilité, qui dessinent aujour-d'hui un mode alternatif de procréation, posant de nombreuses questions éthiques

Il naît aujourd'hui cinq fois plus d'enfants par fécondation in vitro (FIV) qu'il y a trente ans. Et si les naissances de bébés par des techniques d'AMP (aide médicale à la procréation) représentent moins d’1 % de l'ensemble des naissances dans le monde, ces procédés sont promis à un développement important. D'abord parce que l'infertilité s'étend, notamment sous l'effet de la pollution chimique ; ensuite parce que leurs indications ne cessent de s'élargir, dépassant de loin la seule problématique médicale – l'AMP n'est alors plus seulement un traitement destiné à soigner un couple infertile mais un mode alternatif de procréation susceptible d'intéresser des célibataires, des couples de même sexe, des personnes trop âgées pour enfanter naturellement, etc. ; enfin parce que ces nouvelles indi-cations sont autant d'opportunités de marché.

Déjà, dans certains États américains, tout se vend et s'achète : ovules, spermatozoïdes, gestation dans l'utérus d'une mère porteuse… Le biologiste Jacques Testart alerte sans détour (1) : « L'AMP se transforme aujourd'hui en moyen de dépasser certaines propriétés de notre espèce en effaçant la différenciation sexuelle, en niant le vieillissement, en programmant l'identité biologique des enfants à naître et finalement en se proposant comme alternative » à la procréation naturelle. Rien d'éton-nant, donc, à ce que les mouvements transhumanistes poussent toujours plus loin les possibilités ou-vertes par la procréation artificielle. Celle-ci répond en effet à deux de leurs credo : repousser les li-mites biologiques et limiter les aléas, en l'occurrence de la reproduction sexuée. Jusqu'où ira-t-on dans ce domaine ?

Ce qui se fait déjàDepuis la naissance du premier « bébé-éprouvette », en 1978, la lutte contre l'infertilité a fait des progrès, grâce à une meilleure conservation des gamètes et à la mise au point de l'Icsi (procédé qui permet d'introduire directement le spermatozoïde dans l'ovule). En France, en 2013, plus de 23 000 enfants sont ainsi nés grâce à l'aide médicale à la procréation. Cependant, comme le rappelle Dominique Royère, à l'Agence de la biomédecine, « la procréation artificielle reste une aventure, avec une grande marge d'incertitude. De nombreuses recherches sont menées pour en augmenter l'efficacité ».

Ces dernières années, les chercheurs ont également concentré leurs efforts sur la lutte contre les ma-ladies génétiques. En février dernier, une équipe anglaise a ainsi été autorisée à concevoir des en-fants à partir de trois ADN pour éviter qu'ils ne soient atteints de pathologies graves liées à des dé-faillances mitochondriales. En outre, le diagnostic préimplantatoire (DPI) s'est développé – une technique qui consiste à sélectionner, parmi des embryons conçus in vitro, ceux indemnes d'une ma-ladie génétique. Le DPI peut également être utilisé pour soigner un frère ou une sœur très grave-ment atteint. On parle alors de « bébé-médicament » : l'embryon sélectionné est non seulement sain mais présente aussi une compatibilité immunologique avec l'aîné malade. À la naissance, le sang du cordon servira à le soigner.

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En France, le DPI, très encadré par les lois de bioéthique, ne peut être utilisé que de façon excep-tionnelle. Mais la ligne de crête entre médecine et technique de convenance est étroite. Ainsi, aux États-Unis, certains laboratoires utilisent le DPI pour permettre aux parents de choisir le sexe de leur enfant. Et même sans aller jusque-là, le risque d'eugénisme n'est jamais très loin. Doit-on écar-ter les embryons ayant une prédiction génétique à telle ou telle maladie ? Mais, alors, où s'arrêter ? D'autres interrogations ont émergé avec le don de gamètes, qui permet de s'affranchir des limites biologiques : en Belgique, l'AMP est ouverte aux couples de femmes, au Danemark, Cryos, une cé-lèbre banque de sperme, rémunère des donneurs avant d'expédier leurs paillettes dans 70 pays, fort d'un catalogue détaillé sur les caractéristiques génétiques des géniteurs. Quant au marché des mères porteuses, il est prospère.

Ce qui pourrait se faire demainÀ l'heure actuelle, des chercheurs tentent de fabriquer des gamètes artificiels à partir de tissus ger-minaux, voire de cellules souches adultes. Ainsi, au printemps dernier, une équipe française a réussi à fabriquer à Lyon des spermatozoïdes humains en laboratoire, à partir de tissus testiculaires ne contenant que des cellules germinales immatures. Chez la souris, des chercheurs ont obtenu des spermatozoïdes et des ovocytes à partir de cellules souches embryonnaires. On est encore très loin, cependant, de la naissance d'un enfant à partir de gamètes artificiels. Les spermatozoïdes humains du laboratoire de Lyon pourraient-ils féconder un ovule ? Si oui, l'embryon réussirait-il à se déve-lopper ? Il faudra sans doute plusieurs décennies pour y parvenir. Ceux qui redoutent déjà une fé-condation avec des gamètes d'un couple de même sexe ou à partir des cellules souches d'un seul in-dividu peuvent se rassurer, du moins à court terme.

Ce que certains imaginent pour après-demainFaudra-t-il autant de temps pour élaborer un utérus – et un placenta – artificiel ? On peut le penser. Certes, comme le souligne le médecin et chercheur Henri Atlan, on a déjà réussi à limiter le temps de gestation dans le corps de la femme : au début du processus à travers la FIV, puis dès vingt-quatre semaines d'aménorrhée à travers la prise en charge des très grands prématurés. Entre ces deux bornes, cependant, le giron maternel est encore indispensable. Ainsi, pour François Ansermet, professeur de pédopsychiatrie à l'université de Genève, l'utérus artificiel n'est pas pour demain. Quand bien même parviendrait-on à mettre sur pied un incubateur à bonne température, avec du li-quide amniotique artificiel et une perfusion de nutriments indispensables, on serait encore loin du compte, souligne ce dernier: « Il est important de réaliser que la grossesse implique des dimensions épigénétiques. (…) Une transmission maternelle s'ajoute à la transmission à travers deux lignées génétiques. Ainsi, même sur le plan biologique, nous sommes bien plus que nos gènes. » (2)

Deux autres technologies nourrissent les fantasmes les plus fous. La première, le clonage reproduc-tif, est condamnée dès 1997 – un an après la naissance de la brebis clonée Dolly – par la déclaration universelle sur le génome humain. Reste que la technique du clonage à visée « thérapeutique » pro-gresse. En 2013, une équipe américaine a ainsi réussi à obtenir des cellules souches embryonnaires humaines, en insérant des noyaux de cellules de peau d'un nouveau-né dans des ovocytes humains préalablement énucléés. En l'état actuel des connaissances, de tels embryons issus du clonage – qui ont été détruits – ne seraient sans doute pas parvenus à se développer. Mais à l'avenir ? La seconde, la perspective du « fœtus augmenté » par modification génétique, semble, elle aussi, lointaine. Pour Dominique Royère, il s'agit seulement d'un « présupposé théorique ». D'autant que ces velléités – par exemple, rendre l'enfant à naître plus intelligent, dans la veine glaçante du Meilleur des mondes d'Aldous Huxley – s'appuient sur une « vision biologisante simpliste », alerte le généticien Jean-François Mattei (lire ci-après).  (1) Faire des enfants demain, Seuil, 2014, 216 p., 16 €. (2) La Fabrication des enfants, un vertige technologique, éd. Odile Jacob, 2015, 256 p., 23,90 €.

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La dignité de la personne au cœur des limites posées par l’EgliseLa Croix du 12 novembre 2015 par Anne-Bénédicte HoffnerL’Église catholique rejette les nouvelles techniques biomédicales lorsqu’elles portent atteinte à la vie embryonnaire, à la filiation ou au corps des femmes.

« La dignité de la personne doit être reconnue à tout être humain depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle. » Cette phrase ouvrant l’instruction Dignitas personae "sur certaines questions de bioéthique"– publiée en 2008 par la Congrégation pour la doctrine de la foi pour « mettre à jour » les enseignements de l’instruction Donum vitae – résume la préoccupation de l’Église lors-qu’elle porte un jugement éthique sur les nouvelles techniques biomédicales. « Si l’Église pose des limites, c’est parce que l’usage de ces biotechnologies porte atteinte à l’identité de la personne, à son intégrité, à sa dignité, ou à celle du couple », rappelle Sœur Catherine Fino, professeur de théo-logie morale à l’Institut catholique de Paris.

L’Église catholique repère en effet trois problèmes majeurs derrière cet ensemble de techniques de procréation médicalement assistée. D’abord les atteintes à « la vie embryonnaire », lors de la congé-lation et surtout par la sélection des embryons. Les complexifications de la filiation sont un deuxième sujet de préoccupation : on le retrouve, par exemple, en cas d’insémination artificielle avec donneur (IAD), puisque l’on fait appel à un tiers pour disposer d’un ovule ou de sperme. En-fin, l’instrumentalisation voire « l’exploitation du corps des femmes » en vue de produire des ovules, voire d’accueillir un embryon dans le cas de la gestation pour autrui, est le troisième de ces sujets d’attention qui fondent le jugement de l’Église sur les nouvelles techniques qui se profilent. La fabrication de gamètes artificiels, le clonage, les « fœtus augmentés » représentent une véritable programmation d’êtres humains qui dissout l’égalité fondamentale entre les citoyens. Pour l’Église catholique, «la vocation d’un couple et d’une famille inclut l’accueil d’une vie humaine comme don de Dieu, dans le cadre d’une relation d’amour », rappelle Catherine Fino. « Cette notion d’accueil est capitale : c’est elle qui permet aux parents de tolérer le fait que l’enfant qui naît est différent de l’idéal qu’ils s’étaient imaginé. »

Au-delà de la dissociation de l’acte conjugal et de la procréation qui fragilise dès l’origine cette pos-ture d’hospitalité familiale, les incidences de ces techniques sur la construction du lien social ne sont pas négligeables : quelle égalité entre individus si certains ont été « programmés » et « augmentés » ? Quelle tolérance envers les moins rentables au regard de nos critères de perfor-mance ? Reste enfin le coût de l’accès à ces technologies, dont on peut imaginer qu’elles seront ré-servées « uniquement à certains pays et à certains couples », relève la théologienne.

Des essais cliniques qui ignorent la douleur des bébésLe Figaro du 14 novembre 2015 par Delphine Chayet

Un médecin italien dénonce les journaux médicaux qui devraient refuser de publier les études scientifiques incluant des nourrissons dont la douleur n'a pas été soulagée lors de soins pénibles. Une quarantaine de recherches menées entre janvier 2013 et juin 2015 sont

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concernées. Dans un article publié en ligne en octobre dans la revue internationale Acta Paediatrica, un médecin italien dénonce les douleurs inutiles infligées à des nouveau-nés inclus dans certains essais cliniques. « Les journaux médicaux devraient refuser de publier les études scientifiques incluant des nourrissons dont la douleur n'a pas été soulagée lors de soins pénibles », s'indigne le Dr Carlo Bellieni, néonatologiste dans une unité de soins intensifs à l'hôpital de Sienne, après avoir passé en revue une quarantaine de recherches menées entre janvier 2013 et juin 2015.

Tous ces essais cliniques ont été menés dans le but de mesurer l'efficacité de traitements antidouleur administrés lors de prises de sang et de piqûres au talon, mais aussi de soins plus spécifiques, comme l'intubation. Dans près de deux tiers des études, les nouveau-nés inclus dans le groupe « témoin » ont reçu un simple placebo ou n'ont bénéficié d'aucun traitement pour diminuer leur inconfort, alors que des analgésiques à l'efficacité prouvée existent. La formation de tels « groupes contrôle » sert à mesurer, par contraste, les bénéfices d'un médicament. « Lorsqu'on compare un nouveau traitement à un analgésique déjà validé, la différence entre les deux groupes a tendance à être moins spectaculaire », décrypte le Dr Bellieni, observant par ailleurs que la douleur éprouvée par les nouveau-nés à l'occasion de ces examens est souvent jugée « mineure » par les scientifiques.

Des procédés impossibles en FranceUn argument que conteste le Pr Claude Ecoffey, anesthésiste pédiatrique au CHU de Rennes : « La perception de l'inconfort est plus aiguë chez un bébé avant l'âge de 6 mois, en raison de l'immaturité du contrôle inhibiteur de la transmission de la douleur. » Elle produit en outre des effets physiologiques (accélération du rythme cardiaque, hausse de la pression artérielle) qui peuvent avoir des conséquences dommageables pour le cerveau, notamment chez les prématurés. Plusieurs traitements ont été reconnus efficaces pour réduire ce désagrément: solution sucrée, allaitement, tétine ou crème anesthésiante. Les protocoles incriminés contreviennent ainsi aux normes éthiques qui s'appliquent à la recherche internationale, dénonce le Dr Bellieni. En France, de tels essais cliniques seraient retoqués par les comités de protection des personnes (CPP), qui supervisent les aspects éthiques. Leur approbation est nécessaire pour tout essai clinique.

Les CPP évaluent l'intérêt de la recherche en regard des risques et des contraintes imposées à l'enfant. Les mesures prises pour limiter les gestes, les prélèvements sanguins et pour soulager la douleur sont aussi regardées de près, souligne le Dr Catherine Cornu, présidente d'un CPP à Lyon, qui relève : « La pertinence même de ces recherches poserait vraisemblablement question, dans la mesure où des antalgiques ont déjà démontré leur efficacité dans ces situations. »

Le tour d'horizon réalisé par le Dr Bellieni inclut des études menées en Turquie, au Brésil, en Inde ou à Taïwan. « Elles ont été autorisées par des comités d'éthique, puis ont été acceptées par des revues internationales connues », déplore le médecin, qui suggère aux parents de refuser ces essais pour leurs bébés.

Oscar Pistorius, le coureur sans jambesLa Croix du 17 novembre 2015 par Loup Besmond de SennevilleAvant d’être condamné après la mort de sa compagne, l’athlète sud-africain a été au centre des discussions sur l’augmentation artificielle des capacités sportives.

Un cas qui illustre à merveille les questions qui se posent autour de l’augmentation humaine  : celui d’Oscar Pistorius, l’athlète sud-africain. Car avant d’être au centre du procès qui a abouti à sa

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condamnation pour l’homicide involontaire de sa petite amie, l’homme fut d’abord the blade run-ner (le coureur aux lames). Avec ses prothèses en carbone, il fut le premier athlète amputé à se qualifier aux épreuves d’athlé-tisme pour les Jeux olympiques, aux côtés de sportifs valides. En 2012, à Londres, il a ainsi pris le départ du 400 mètres. Quelques mois plus tôt, il avait participé aux Mondiaux d’athlétisme de Dae-gu, en Corée du Sud, accédant à la demi-finale du 4 x 400m. Né sans péronés, amputé des deux jambes depuis l’âge de 11 mois, le jeune homme ne s’est jamais considéré comme handicapé. Pous-sé par ses parents, il s’adonne à plusieurs sports, dont la boxe et le rugby, avant de commencer l’athlétisme à 16 ans. C’est donc tout naturellement qu’il demande à rejoindre, dès qu’il le peut, les compétitions internationales réservées aux valides. En 2007, l’athlète sud-africain souhaite partici-per aux Jeux olympiques de Pékin programmés en 2008, et non plus seulement aux Jeux paralym-piques. Mais une question surgit : ses lames de carbone procurent-elles un avantage à l’athlète par rapport à un coureur valide ? Plusieurs expertises sont lancées. Au Cap, le spécialiste des sciences du sport Ross Tucker est contacté par l’entourage de l’athlète, afin de faire examiner ses prothèses. Le chercheur, convaincu que ces dernières avantagent l’athlète, refuse. 

Début 2008, un rapport commandé par la Fédération internationale d’athlétisme au professeur Peter Brueggemann, de l’université du sport à Bologne, révèle que les prothèses représentent bien un avantage. La Fédération rejette donc la demande de Pistorius, qui fait appel de cette décision, et fi-nit par obtenir gain de cause, en mai 2008, auprès du Tribunal arbitral du sport (TAS), autorité su-prême de la justice sportive. Mais cette décision n’éteint ni les polémiques ni les batailles d’ex-perts. En 2009, l’Américain Peter Weyand, spécialiste de biomécanique, soumet les prothèses de Pistorius à des tests, et déduit que l’athlète gagne une dizaine de secondes sur 400 mètres…

« Tout l’enjeu de cette affaire est de savoir si ces prothèses pouvaient être assimilées à une forme de dopage, ce que les Américains appellent le “technodoping”», analyse Anne Marcellini, socio-logue du sport et professeur associée à l’Université de Lausanne. « Au fond, dans le circuit sportif, le corps appareillé contrarie le postulat de la naturalité, et l’aide artificielle est perçue comme un avantage indu. » Ces dernières semaines, un autre athlète allemand, équipé d’une prothèse à la jambe droite, a été au centre des polémiques. Markus Rehm, premier athlète handisport à remporter un titre national (avec les valides), a signé la cinquième meilleure performance mondiale de l’année en saut en longueur. Devant des résultats jugés hors norme, la Fédération allemande d’athlétisme l’a d’ailleurs suspendu de toute compétition chez les valides à titre conservatoire. Et fin octobre, le journal L’Équipe s’interrogeait : « Trop loin pour être vrai ? » 

Etats-Unis: la justice déboute une femme voulant récupérer ses embryons congelésBoursorama avec AFP du 19 novembre 2015

Une juge américaine a débouté mercredi une femme devenue stérile après un cancer qui de-mandait à pouvoir utiliser les embryons congelés avec son ex-mari.

La juge du tribunal supérieur de San Francisco, Anne-Christine Massullo, fonde sa décision sur un accord signé entre Mimi Lee et son ex-mari, Stephen Findley, en 2010 lorsque celle-ci a découvert qu'elle avait un cancer. Selon cet accord, les cinq embryons que le couple avait décidé de congeler avant le traitement, pour avoir une chance d'avoir un jour des enfants, seraient détruits en cas de di-vorce. "Le fait que le sort d'une vie humaine naissante, représentée dans ce dossier par les em-bryons, doive être déterminé par un tribunal qui s'appuie sur les principes froids de la loi est une

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conséquence dérangeante de la technologie biologique moderne", écrit la juge, pour qui l'accord si-gné à l'époque prévaut. Sa décision peut faire l'objet d'un appel.

Le dossier est suivi de près aux Etats-Unis, où il pourrait déterminer ce qu'il adviendra d'embryons congelés dans d'autres cas de divorces. Mimi Lee, pianiste et anesthésiste à mi-temps de 46 ans, avait argumenté que ces embryons représentaient sa dernière chance d'avoir des enfants biolo-giques, étant devenue stérile après son traitement pour un cancer du sein. Son ex-mari, gestionnaire de fonds, a lui souligné, que le consentement signé par les deux parties à l'époque était clair et juri-diquement contraignant.

Le anciens époux sont engagés dans une dure bataille juridique sur le sort de leurs embryons depuis leur divorce en 2013.

Belgique : pas d'euthanasie pour 15 prison-niers qui en avaient fait la demandeInstitut européen de bioéthique du 16 novembre 2015

Suite à la demande d'euthanasie émise par Frank Den Bleeken, pour laquelle un avis favorable avait été émis en septembre dernier par 3 médecins, quinze autres prisonniers avaient demandé à être eu-thanasiés pour « souffrance psychique inapaisable ». Ils se sont vus récemment signifier que leur cas n’était pas recevable dans le cadre de la loi belge dépénalisant l’euthanasie. 

En effet, pour le Dr Wim Distelmans (LEIF / VUB) : « la souffrance (psychique)  insupportable  que ces prisonniers expriment est due en grand partie au contexte (la prison), et ne résulte pas d’une maladie incurable ». « Nous avons averti les personnes intéressées qu’elles n’entraient pas dans le cadre et les conditions prévues par la loi. »

Rappelons que Frank Van Den Bleeken n'a finalement pas été euthanasié mais a été transféré dans un centre où il bénéficie d'une prise en charge plus conforme à sa situation.

GPA : le rapporteur du Conseil de l’Europe suspecté de conflit d’intérêtConseil de l’Europe : communiqué de presse du 23 novembre 2015Lundi 23 novembre, la Commission des questions sociales du Conseil de l’Europe, réunie à Paris, a décidé de reporter sine die l’examen du projet de Résolution sur la gestation pour le compte d’autrui (GPA), en raison d’un potentiel manquement aux règles de déontologie de l’Assemblée parlemen-taire. En cause est le choix du Rapporteur du texte, la sénatrice belge Petra De Sutter, qui, dans son activité professionnelle, pratique elle-même des gestations Pour le compte d’autrui (GPA). Or, le Code de Conduite des Rapporteurs de l’Assemblée Parlementaire interdit expressément aux rappor-teurs d’avoir un intérêt à titre professionnel « en relation avec le sujet du rapport » (art. 1.1.1.).

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La Commission des questions sociales a décidé d’enquêter sur cette situation avant de décider s’il convient « de démettre le rapporteur de ses fonctions » comme le prévoit le Code de Conduite. No maternity traffic est satisfait de cette décision et souhaite que la suite de l’examen de ce projet de Résolution se déroule dans de meilleures conditions « de neutralité, d’impartialité et d’objectivité » conformément au Code de conduite, et comme le mérite un sujet aussi grave. No Maternity Traffic rappelle que la gestation pour le compte d’autrui est une forme de trafic d’êtres humains, qui im-plique l’instrumentalisation du corps de la femme et la marchandisation de l’enfant. La seule poli-tique humaine consiste à chercher à en interdire effectivement la pratique, tout en gérant au cas par cas les situations de fait. La semaine dernière, No maternity traffic a adressé un courrier et un dos-sier à l’ensemble des membres de la Commission des questions sociales pour l’informer notamment de la pétition qui rassemble déjà plus de 100 000 signatures. Cette pétition, qui entre dans le cadre officiel des règles du Conseil de l’Europe,  demande à cette instance de s’engager pour l’interdic-tion effective de la gestation pour autrui (GPA).www.nomaternitytraffic.eu

No Maternity Traffic est une initiative lancée par « l’Union Internationale pour l’abolition de la ges-tation pour autrui » (International Union for the abolition of surrogacy). Elle appelle les instances du Conseil de l’Europe à s’engager pour l’abolition et l’interdiction effective de la pratique de la gestation pour autrui dans les plus brefs délais.

L’Union Internationale pour l’abolition de la gestation pour autrui a pour objet d’œuvrer par tous les moyens légaux en vue de la prohibition internationale de la marchandisation du corps, en parti-culier par la gestation pour autrui (GPA). Cette Union a été fondée à l’initiative d’associations na-tionales et européennes agissant pour le respect de l’enfance, des femmes, de la dignité et des droits humains, notamment le European Center for law & justice, l’Appel des professionnels de l’enfance, Alliance VITA, FAFCE, La Manif Pour Tous, l’Agence Européenne des Adoptés, Care for Europe, European Dignity Watch, Fondazione Novae Terrae…

En Chine, une usine géante va cloner vaches et chiensNice Matin avec AFP du 24 novembre 2015La plus grand site mondial de clonage d'animaux est en cours de construction en Chine, avec pour ambition de fabriquer en série chiens, chevaux, et jusqu'à un million de vaches par an, selon la presse chinoise. Représentant un investissement de 200 millions de yuans (29,4 millions d'euros), ce centre de production comprendra un laboratoire de clonage et une banque de gènes, a annoncé l'agence officielle Chine nouvelle.

Le projet est conduit par la société de biotechnologie chinoise Boyalife et l'entreprise sud-coréenne Sooam Biotech - dont le fondateur fut il y a une décennie au cœur d'une controverse sur le clonage d'embryons humains -, aux côtés de deux instituts de recherche chinois. L'usine se concentrera sur le clonage d'animaux domestiques, de chiens policiers, de chevaux de course et de vaches, tous des-tinés à être commercialisés à une échelle industrielle. La "production" devrait démarrer l'an pro-chain dans la ville portuaire de Tianjin (nord), métropole côtière située à 150 km à l'est de Pékin.

Quelque 100 000 embryons de vaches seront produits annuellement dans un premier temps, puis un million à terme, selon le président de Boyalife, Xu Xiaochun, cité par Chine nouvelle. «  Les agri-culteurs chinois ont des difficultés à produire suffisamment de vaches à viande pour répondre à la demande du marché », a-t-il justifié.

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Le scepticisme dominait cependant sur les réseaux sociaux chinois, où de nombreux internautes doutaient de l'appétit des consommateurs pour de la viande issue d'animaux clonés. La localisation de l'usine, non loin du site où se sont produites cet été des explosions meurtrières dans un entrepôt de produits chimiques, constituait un motif de préoccupation supplémentaire, dans un pays par ailleurs marqué par des scandales alimentaires récurrents. « Cette viande sera-t-elle vendue en Co-rée du Sud ou bien en Chine ? Si c'est en Chine, demandons à nos dirigeants d'en manger d'abord ! », a ironisé un internaute.

Sooam est dirigé par Hwang Woo-suk, qui avait faussement prétendu en 2004 avoir créé les pre-mières cellules souches dérivées d'un embryon humain cloné, une « première mondiale » jugée ca-pitale avant que des spécialistes ne démasquent l'imposteur et révèlent la fraude. Le site Internet de l'entreprise sud-coréenne détaille aux clients potentiels la marche à suivre s'ils souhaitent cloner leur animal de compagnie décédé. La co-entreprise créée par Sooam et Boyalife s'est lancée sur le mar-ché chinois du clonage dès l'an passé, selon Chine nouvelle, la firme dupliquant alors trois chiots mastiffs tibétains pure race.

Melissa Cook, 47 ans, mère porteuse est enceinte de triplés. Le «père» commanditaire la presse d’avorterLe blog de Jean-Yves Nau du 26 novembre 2015

Les médias généralistes français ne s’intéressent guère à une affaire largement évoquée, depuis peu, dans les médias anglophones. A la suite du New York Post et du Daily Mail : “Hired surrogate preg-nant with triplets is threatened with financial ruin by the babies’ father unless she has one of the fe-tuses aborted after he paid her $33,000”. Sans oublier Cosmopolitan : “Father Demands Surrogate Abort One Baby After Learning She Is Carrying Triplets « This is just not right, » the surrogate said”. Soit l’histoire exemplaire d’un conflit entre un homme et Melissa Cook, une mère porteuse californienne avec laquelle il a passé un contrat pour qu’elle porte ses enfants. Rien d’étonnant – nous sommes aux Etats-Unis. Tout s’est compliqué lorsque la femme a annoncé à son commandi-taire qu’elle portait des triplés. Le père putatif  l’a alors prié d’avorter.

Trois semaines pour avorter des triplésL’homme (son nom n’est pas cité) s’était engagé à payer Melissa 33 000 dollars pour une grossesse et un enfant, et 6 000 dollars en cas d’enfant supplémentaire. Les embryons avaient été conçus par fécondation in vitro avec le sperme du père et les ovocytes d’une donneuse âgée de 20 ans (rémuné-rée également). Trois embryons ont été implantés chez Melissa  et les trois se sont développés. Ce qui n’a pas, dit-on, été sans surprendre les gynécologues concernés. Melissa est aujourd’hui en-ceinte de dix-sept semaines. La loi californienne interdit les avortements, sauf en cas de grave dan-ger, au-delà de vingt semaines de grossesse. Melissa n’est pas, stricto sensu, en danger. En réalité elle l’est bel et bien : l’avocat du « père » lui a fait savoir que dans le cas où elle n’avorterait pas elle perdrait tous les bénéfices accordés par le contrat et devrait prendre à sa charge des dommages et intérêts dans les soins des enfants, les frais médicaux y compris ceux dont les bébés pourraient avoir besoin de manière imprévue.

Réduction embryonnaire

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Réponse de Melissa : « Le docteur a inséré trois embryons en bonne santé. Les chances pour que les trois se développent étaient grandes. Si vous saviez que vous désiriez seulement deux enfants, pourquoi avoir autorisé l’implantation de trois embryons ? ». Le « père » et Melissa ne se sont ja-mais rencontrés. Melissa vit séparée. Elle est âgée de 47 ans, mère de quatre enfants (dont trois tri-plés) et a déjà donné naissance à un enfant en tant que mère porteuse.  Elle a informé son comman-ditaire qu’elle portait des triplés lorsqu’elle était à huit semaines de gestation. Un consensus aurait pu être trouvé si Melissa avait accepté que l’on procédât à une réduction embryonnaire (destruction d’un ou deux de ses triplés).

C’est une histoire qui se passe aux Etats-Unis – pays de la libre entreprise souvent cité en exemple, en France par celles et ceux qui contestent l’interdiction formelle qui y est faite de la pratique, es -clavagiste, des mères porteuses.

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SOCIÉTÉ

Don du sang, l’extrême prudence de la FranceLe Monde du 13 novembre 2015 par Julia PascualLa discrimination fondée sur l’orientation sexuelle est toujours à l’œuvre. Elle n’a été que ra-botée.

Etait-ce un « effet de manche  », une « tartuferie  » ou, pire, l’illustration d’une «   homophobie d’Etat  » ? Après l’annonce, le 4 novembre, par la ministre de la santé de la fin de l’exclusion des homosexuels du don du sang, les réactions ont fait florès. En cause   : la condition de cette ouver-ture. Seuls les hommes n’ayant pas eu de rapport homosexuel depuis douze mois pourront donner leur sang. Sur les réseaux sociaux, un humour mordant est venu ridiculiser la portée de l’annonce. «  On baise  ? − Pas cette année, j’ai un don du sang   », raillait une internaute sur Twitter. «  Pour donner leur sang, les homosexuels devront au préalable avoir résolu le conflit israélo-palesti-nien  », ajoutait un autre. Au-delà de l’exercice rhétorique, la décision interroge  : s’il s’agissait de mettre fin à une pratique discriminatoire, en vigueur depuis 1983, pourquoi l’ouverture du don ne s’est-elle pas traduite par un alignement sur les conditions encadrant le don des hétérosexuels  ?« Inacceptable et discriminatoire »«  C’est une étape  », a dû répéter Marisol Touraine. Dans les documents qui ont servi aux réunions préparatoires regroupant le ministère et treize associations de donneurs, de patients et de défense des homosexuels, les autorités sanitaires avaient prévu que le scénario retenu serait assimilé par cer-tains à un statu quo «  inacceptable et discriminatoire  ». D’autant que «  la réglementation française comporte certaines incohérences  ». Ainsi, alors qu’un homosexuel en couple stable sera «  présu-mé  » à risque et «  ajourné  » pendant douze mois, un hétérosexuel qui a eu un comportement à risque ou celui dont le partenaire est séropositif le sont pendant quatre mois. La discrimination fon-dée sur l’orientation sexuelle est donc toujours à l’œuvre. Elle n’a été que rabotée, notamment en ce qui concerne le don de plasma, la partie liquide du sang qui représente 5,9 % des dons en France. Ce don va être ouvert aux homosexuels aux mêmes conditions que pour les hétérosexuels, c’est-à-dire avec une contre-indication de quatre mois en cas de multipartenariat.

« Fenêtre silencieuse  »Pourquoi deux régimes d’autorisation  ? Parce que le plasma a la particularité d’être mis en quaran-taine pendant deux mois. Le donneur doit se représenter pour que son sang soit de nouveau analysé, ce qui permet de détecter le virus du sida si d’aventure il était dans sa « fenêtre silencieuse  » lors de la première visite. La fenêtre silencieuse correspond aux douze jours pendant lesquels la présence du VIH dans le sang est indétectable. Le risque de transmission du sida à un transfusé est ainsi nul. Ce système est impossible à mettre en place pour les globules rouges et les plaquettes (89,5 % et 4,6 % des dons), compte tenu d’une durée de conservation beaucoup plus courte. La seule façon de lutter contre la « fenêtre silencieuse  » consiste donc à se fier aux réponses apportées par les don-neurs au questionnaire qui précède le don. Associé à un entretien avec un médecin, il a permis d’ajourner 13,6 % des candidats en 2014, d’après les données de l’Etablissement français du sang (EFS). «  Depuis 2002, il n’y a pas eu de transmission accidentelle du VIH  », observe Benoît Vallet, directeur général de la santé.Entre 2011 et 2013, 24 donneurs de sang réguliers ont toutefois été identifiés comme porteurs du VIH, grâce au dépistage génomique viral, effectué sur tous les prélèvements. Leurs dons ont été

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écartés, mais ils mettent en évidence un risque infime, rapporté aux 2,8 millions de dons annuels, de non-compliance – le fait de mal répondre par ignorance, malveillance ou, le plus souvent, négli-gence. Parmi ces donneurs, 15 hommes avaient eu des relations sexuelles avec d’autres hommes et n’avaient pas respecté l’interdiction de don. Deux tiers du risque de transmission du VIH par trans-fusion leur est attribuable.

21 000 nouveaux donneursA l’arrivée, une fois écartés les dons contaminés, on estime qu’il reste un risque de transfusion de moins d’un don contaminé par an. Et il est peu ou prou le même dans les pays qui exigent une absti-nence de douze mois des homosexuels, tels que l’Australie, l’Angleterre ou les Etats-Unis. C’est en se fondant sur ces données internationales, lui permettant de tabler sur un risque équivalent, que la France a arrêté sa décision. Ces douze mois renvoient bien à un principe de précaution qui, dans un pays traumatisé par le scandale du sang contaminé, s’impose devant celui de lutte contre une discri-mination. Ce suivisme est d’une extrême prudence. On sait par exemple qu’en Italie, où l’ajourne-ment est de quatre mois en cas de changement de partenaire, quelle que soit l’orientation sexuelle, aucun cas de transmission du VIH par transfusion n’a été relevé depuis 2001. Des données que la France juge insuffisamment détaillées pour les reprendre à son compte. «  Ce n’est pas une petite af-faire, insiste François Bourdillon, directeur de l’Institut de veille sanitaire (InVS). Tous les ans, 1 % des homosexuels sont contaminés et 14 % des homosexuels sont séropositifs  », une proportion 70 fois supérieure à celle des hétérosexuels.

En dépit de cette prévalence, il est fort probable que le risque de transfusion d’un don contaminé soit le même à douze mois ou quatre mois d’ajournement. Mais le ministère veut pouvoir étayer cette hypothèse en étudiant les futurs dons   : 21  000 nouveaux donneurs de sang et 800 de plasma sont espérés. Cette estimation se fonde sur une extrapolation des données de l’enquête «   Contexte de la sexualité en France  » (2007), selon laquelle les deux tiers environ des hommes ayant eu un rapport homosexuel au cours de leur vie n’en ont pas eu au cours des douze derniers mois. Si Mme Touraine a parlé d’une année nécessaire pour réunir une cohorte d’analyses suffisante, il semble que l’horizon 2018 soit plus raisonnable. Pour que soient seulement discriminés les compor-tements à risque.

L'interdiction des soins funéraires à domicile fait débatLe Figaro du 12 novembre 2015 par Stéphane Kovacs

Cette mesure du projet de loi Touraine est censée lever des discriminations contre les malades du sida.

C'est bien souvent « une source de consolation, de pardon, et une interpellation fructueuse sur le sens de l'existence », témoigne Christian de Cacqueray, directeur du Service catholique des funé-railles (SCF). Chaque année, plus de cinquante mille familles choisissent de veiller un proche dé-funt dans le cadre familier et rassurant de leur domicile. Ce ne sera bientôt peut-être plus possible : le projet de loi sur la santé porté par Marisol Touraine, revenu cette semaine en nouvelle lecture à l'Assemblée, pourrait interdire les soins de conservation funéraire au domicile.

Jusqu'à présent, ces soins - dont près d'un défunt sur deux fait l'objet - sont interdits sur les corps de certains malades, comme ceux atteints du sida et d'hépatites, au motif qu'ils peuvent exposer les tha-natopracteurs à un risque de contamination. « Aucun argument scientifique ne justifie cette interdic-

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tion, dès lors que ces soins s'exercent en respectant les précautions universelles préconisées par l'Organisation mondiale de la santé », plaide Jean-Luc Romero, président de l'association Élus lo-caux contre le sida (ELCS), dont la pétition a dépassé les 130 000 soutiens.

Pour lutter contre les discriminations, pressée par les associations accompagnant les malades du sida, la ministre de la Santé a proposé de lever cette interdiction. Mais, en corollaire de cette évolu-tion, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a circonscrit la réalisation des soins de conservation « dans des lieux appropriés et équipés, déterminés par décret en Conseil d'État ». Ce qui revient, selon le SCF, à « interdire, pour l'ensemble des défunts, les soins de conser-vation pratiqués à domicile, qui concernent 25 % des cas ». Une «mesure radicale, fortement atten-tatoire à la liberté des rites funéraires, et disproportionnée au regard des objectifs de sécurité pour-suivis », s'offusque le SCF. « Cette manière de répondre à une question légitime n'est pas satisfai-sante, précise Christian de Cacqueray. En tant que praticien de terrain, je sais que la seule façon de veiller un défunt dans de bonnes conditions, ce sont les soins de conservation à domicile. Qu'est-ce qu'on a besoin d'aller réguler cela ? Il y a quelque chose de riche et de beau qui va être éliminé par les impératifs hygiénistes du gouvernement. »

Emmener le défunt dans un lieu dédié pour les soins puis le ramener à la maison ? « Cela renchérit considérablement l'acte, en obligeant à des allers et retours entre le domicile et le lieu dédié, qui peut être éloigné, dans les territoires ruraux notamment, répond Christian de Cacqueray. En impo-sant, à tous, des règles de précaution destinées à une minorité, cette mesure dissuadera les proches de veiller leur défunt à domicile. Et ce, au profit d'hommages dépersonnalisés, dans un environne-ment commercial. » Du côté des thanatopracteurs, on n'est pas non plus satisfait par ce texte, mais pas pour les mêmes raisons. « Nous sommes favorables à l'interdiction de la pratique des soins à domicile, explique Cédric Ivanes, président du syndicat des thanatopracteurs. Notamment pour des questions d'hygiène : la ventilation de la pièce, par exemple, est nécessaire, car il y a beaucoup d'émanations de formol. Parfois nous officions dans des lieux extrêmement insalubres où nous ne pouvons même pas poser nos instruments… Nous notons également des problèmes récurrents de lombalgie, car on est complètement penchés sur le corps pendant au moins une heure. »

C'est la levée de l'interdiction des soins pour les personnes atteintes du sida et des hépatites que les thanatopracteurs contestent : « Les risques sont aussi présents dans des lieux dédiés !, s'exclame Cédric Ivanes. Pour les séropositifs, nous préconisons une simple toilette. Je l'ai fait pas plus tard qu'hier: le corps peut alors se conserver trois jours, contre six jours avec un soin de conservation classique. Je pense que si l'on autorise ces soins aux malades du sida, de nombreux thanatoprac-teurs exerceront leur droit de retrait, sans oser dire la vraie raison. C'est là qu'il y aura discrimina-tion! »

Augmenter l’homme ?La Croix du 17 novembre 2015 par Loup Besmond de Senneville

Vers un post-humain ? Loin d’être de la science-fiction, un certain nombre de réalisations permettent déjà d’augmenter les capacités de l’homme, et non plus seulement de le « répa-rer ».

Entre réparation de l’homme et augmentation de ses capacités, la frontière est parfois ténue. Les réalisations dans ce domaine illustrent parfaitement le glissement possible entre le soin apporté à l’être humain et l’augmentation artificielle de ses capacités. Partis avec la volonté de mieux soigner, les initiateurs de la cartographie de l’ADN placent ceux qui s’en serviront face à des décisions verti-

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gineuses. Utile au médecin, la collecte de données physiologiques pose aussi la question du sto-ckage et de la destination de ces données… Revue de détail de l’homme augmenté aujourd’hui, de-main et après-demain.  

Ce que l’on sait déjà faire Des puces implantées sous la peau : En septembre 2014, le jeune bio-hacker suédois Hannes Sjö-blad lance des « implant parties », qui permettent à ceux qui le souhaitent de se faire implanter une puce. 300 personnes ont déjà recouru à cette pratique, pour 21 €. L’objet, de la taille d’un grain de riz, est prévu pour fonctionner une dizaine d’années. La puce peut déverrouiller un smartphone, éteindre la lumière ou ouvrir une porte. C’est l’équivalent d’une carte magnétique, ou d’une clé. Hannes Sjöblad est persuadé que l’avenir de l’homme passe par l’implantation de ce type de sys-tèmes. Sur son compte Twitter, le jeune homme pose avec une pancarte. Sur celle-ci, cette inscrip-tion : « Quelques-uns de mes meilleurs amis sont des humains. » 

Un tatouage pour collecter les données physiologiques : Le patch Biostamp, développé par les sociétés MC10 et Ericsson, ressemble à un tatouage. Flexible, connecté, il relève en temps réel cer-taines données comme la pression sanguine, le taux de sucre, le cholestérol, l’exposition aux UV, etc. Ce tatouage est le résultat d’une course à la miniaturisation des capteurs pour mesurer ce type de données, et pour certains de dispenser directement des traitements. En mars 2015, Google a ainsi révélé avoir déposé un brevet pour concevoir un bracelet susceptible de détruire un certain type de cellules cancéreuses, au moyen d’ondes radio, magnétiques ou acoustiques. L’entreprise américaine avait déjà, en 2014, annoncé des lentilles mesurant le taux de glucose dans les larmes, pour les per-sonnes diabétiques.

Des os sur mesure : Le développement des imprimantes 3D, permettant de créer des objets en trois dimensions à partir de fichiers informatiques, intéresse tout particulièrement le domaine médical. La société française OsseoMatrix travaille sur la création d’implants biocéramiques sur mesure. « OsseoMatrix réalise de l’os minéral de synthèse, sur mesure, à partir d’un procédé propriétaire d’impression 3D directe, peut-on lire sur le site de l’entreprise. Ces implants permettent de compen-ser des pertes osseuses cranio-maxillo-faciales, dentaires et orthopédiques. » 

Ce que l’on fera demain Régénérer des organes : La mise au point, en 2007 par le chercheur japonais Shinya Yamanaka, des cellules pluripotentes induites (dites « iPS ») a ouvert aux médecins et aux chercheurs un es-poir : celui de mettre en œuvre une forme de médecine régénérative, réparant des organes abî-més. Cette technique permet de « reprogrammer » n’importe quelle cellule, prélevée à un adulte, afin qu’elle puisse ensuite se multiplier, donnant naissance à d’autres types de cellules qui com-posent l’organisme adulte. Ces cellules sont l’équivalent des cellules souches embryonnaires, culti-vées in vitro, obtenue après la destruction d’un embryon, et de ce fait interdites en France. Concrè-tement, la technologie mise au point par le chercheur japonais, primé en 2012 par le Nobel de mé-decine, consiste à modifier génétiquement les cellules prélevées pour en faire une cellule pluripo-tente. Aujourd’hui, ces cellules sont surtout utilisées pour étudier des maladies comme la sclérose en plaque ou la maladie de Parkinson.

Cartographier son ADN : En 2003, de nombreux scientifiques saluaient le décodage, pour la toute première fois, d’une cartographie complète du génome humain. Le travail avait pris dix ans et coûté 3 milliards de dollars. L’an dernier, la société américaine Illumina a annoncé la mise au point d’un équipement capable de décrypter le génome complet d’une personne pour 1 000 dollars. Tout porte à croire que dans quelques années, cette technologie sera accessible pour quelques cen-taines d’euros. Un tel séquençage pourrait permettre à chacun de connaître les maladies dont il est potentiellement porteur.

Ce que l’on rêve de faire après-demain 

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Le cerveau connecté au Net : « D’ici 20 ans, nous aurons des nanorobots, car une des nouvelles tendances à forte évolution est la miniaturisation de la technologie. Ils entreront dans notre cer-veau à travers nos vaisseaux capillaires et connecteront simplement notre néocortex à un néocortex synthétique dans le cloud*, nous en fournissant ainsi une extension. » Les propos, en forme de pro-phétie, sont du futurologue Ray Kurzweil, figure du transhumanisme. Dans une intervention réali-sée en juin 2014 aux conférences TED, rendez-vous incontournable de l’innovation technologique organisée chaque année par la fondation américaine Sapling, l’ingénieur prédit ainsi la connexion du cerveau au Net. Il évoque également « un système de pensée hybride fonctionnant sur des com-posants biologiques et non biologiques ». « À l’heure actuelle, vous avez un ordinateur dans votre téléphone, mais si vous avez besoin de 10 000 ordinateurs pour quelques secondes pour faire une recherche complexe, vous pouvez y avoir accès dans le cloud. Dans les années 2030, si vous avez besoin d’une extension de néocortex, vous pourrez vous y connecter via le cloud directement depuis votre cerveau. » Ce néocortex numérique permettrait de démultiplier l’intelligence humaine par… un milliard.

L’œil post-humain : Nos capacités visuelles excéderont-elles un jour la capacité naturelle maxi-male d’un œil humain ? La mise en place d’un implant doté d’électrodes pourrait rendre de telles fa-cultés possibles. En jeu : la possibilité d’une vision nocturne et celle de voir très loin, bien au-delà des capacités actuelles. La technologie existe déjà : plusieurs sociétés dont l’américaine Second Sight, et l’allemande Retina Implant, travaillent sur le sujet. Les chercheurs ont mis au point une puce électronique, placée au fond de l’œil, et chargée de stimuler la rétine pour déclencher une per-ception visuelle chez les personnes aveugles. En 2014, la France a approuvé le remboursement des prothèses Argus II pour 30 cas par an, dans trois centres. Le projet EYE, Enhance your eye (Amé-liore ton œil), de la société de design médical MHOX, basée à Bologne en Italie, envisage pour sa part la création d’yeux totalement artificiels d’ici à 2027. Certains soulignent déjà que les capacités de ces organes artificiels (vision augmentée, connexion à un réseau…) pourraient aussi intéresser des personnes valides. « L’œil sera-t-il le premier organe que des humains remplaceront volontai-rement ? », peut-on lire dans les cahiers de veille de la Fondation Télécom publiés en juin dernier.

De multiples pistes possibles Dans son numéro de juin, les cahiers de veille de la Fondation Télécom répertorient les domaines où le transhumanisme pourrait s’illustrer, s’inspirant d’un travail de la chercheuse russe Maria Ko-novalenko.

Bio-informatique : déchiffrage du génome, diagnostics cliniques fondés sur un million de para-mètres… Thérapies anti-âge : augmentation de 20 ans de la durée de vie, régulation génétique du vieillisse-ment. Immortalité numérique : enregistrement des moments de vie grâce aux équipements mobiles, mo-délisation de cerveaux d’animaux, puis d’un humain. Nanomédecine : sang artificiel, bio-robots ou nanorobots, corps nanotechnologiques… Organes artificiels : impression 3D complète d’organes, création de corps facilement rempla-çables… Cyborgs : poumons artificiels, organes biomécaniques, connexion cerveau-machine.

*Dispositif permettant la mise à disposition de ressources de stockage et de calcul, via liaison numérique, à un utilisateur.

Risque “improbable” de cancer : le glyphosate reste autoriséCourrier International du 13 novembre 2015 par Carole Lembezat

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L’Autorité européenne de sécurité des aliments a réévalué le profil toxicologique du glypho-sate, une substance largement présente dans les herbicides, et conclut qu’il est improbable qu’elle présente un danger cancérogène pour l’homme. Un avis contesté.

Il y a quelques semaines, le glyphosate – présent notamment dans le Roundup de Monsanto – faisait parler de lui : des études en trouvaient dans les compresses stériles, les tampons et les serviettes hy-giéniques, comme le soulignait le site EcoWatch. Le voilà de nouveau sur le devant de la scène. Mais avec un blason redoré.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) vient en effet, le 12 novembre, de rendre pu-blic le rapport dans lequel elle conclut “qu’il est improbable que le glyphosate présente un danger cancérogène pour l’homme et propose une nouvelle mesure de sécurité qui permettra de renforcer le contrôle des résidus de glyphosate dans l’alimentation”.

Nick von Westenholz, directeur exécutif de la Crop Protection Association – la voix des industriels britanniques spécialisés dans les “sciences de la protection des plantes” –, se réjouit de cette an-nonce. “Nous sommes heureux de voir que l’Efsa est d’accord avec les nombreuses évaluations me-nées par les pouvoirs publics sur le glyphosate au cours des quarante dernières années, qui ont toutes conclu que, lorsqu’il est utilisé correctement, il ne présente pas de risque significatif pour la santé humaine”, indique-t-il au site Horticulture Week . En tant qu’industriels, nous sommes fiers du fait que nos produits sont manifestement sûrs”, ajoute-t-il. 

Cet avis ne réjouit cependant pas tout le monde. En septembre, une étude parue dans le Journal of Experimental Biology mettait en évidence l’effet du glyphosate sur les capacités de navigation des abeilles. Et, le 6 novembre, des personnalités membres de trois ONG cosignaient une lettre ou-verte à l’Efsa – publiée sur le site The Ecologist – appelant à “garantir un processus transparent, scientifiquement incontestable, et à restreindre immédiatement l’usage cet herbicide”. Un message qui n’a visiblement pas été entendu.

Une greffe complète du visage réalisée sans ci-catrice apparente20 Minutes du 17 novembre 2015Un patient américain a reçu le visage, le cuir chevelu et les oreilles d'un jeune homme de 26 ans en état de mort cérébrale après un accident survenu en juillet...

Trois mois après son opération chirurgicale, Patrick Hardison, pompier volontaire brûlé au visage, au cou et au torse lors d’une intervention dans un bâtiment en feu en septembre 2001, se porte bien. Fin août, ce patient avait été le sujet de la greffe de visage la plus aboutie de l’histoire de la méde-cine. Le professeur Eduardo Rodriguez, qui a dirigé l’opération, assure en effet que plusieurs élé-ments de cette intervention constituaient une première. C’est notamment la première fois que le résultat ne présentait aucune cicatrice ou irrégularité sur le visage même, les cicatrices étant localisées sur le cou et le crâne. Les greffes des oreilles et des ca-naux auditifs ont, elles aussi, été présentées comme une première.

Car si la greffe sur Patrick Hardison n’était pas la première greffe de visage (une première greffe partielle avait été réalisée en France en 2005, la première greffe totale, incluant paupières et sys-tème lacrymal, avait également été réalisée en France, en 2010), jamais une intervention de ce type n’avait été aussi aboutie. L’équipe du professeur Eduardo Rodriguez, du centre de recherche médi-

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cale NYU Langone de New York, a ainsi réalisé une greffe du visage, mais aussi du cuir chevelu, des oreilles et des conduits auditifs. Si Patrick Hardison devra prendre des médicaments immuno-suppresseurs jusqu’à la fin de sa vie, cet homme de 41 ans possède aujourd’hui un visage sans cica-trice apparente, sans marque évidente, seuls les yeux et les paupières présentant un aspect encore tu-méfié, trois mois après l’intervention.

Ses cheveux et sa barbe poussent de façon normale, et il est désormais capable de manger tout aussi normalement. Seule son élocution demeure encore difficile. Mais celle-ci « va s’améliorer de ma-nière très importante », assure son chirurgien. Pareil résultat a été obtenu au terme d’une opération de 36 heures, et grâce à un travail préparatoire ayant mobilisé plus de 150 personnes durant plus d’un an. Le coût de la greffe, estimé entre 850 000 et un million de dollars, a, quant à lui, été pris en charge par une bourse spéciale de NYU Langone. Patrick Hardison sera de nouveau opéré en jan-vier ou février prochain pour ajuster les tissus autour des yeux et de la bouche.

PMA : « Jusqu’où nous faudra-t-il aller ? » Libération du 18 novembre 2015 par Catherine MallavalSixième épisode du récit de Jeanne et Maïwen, un couple de femmes qui a choisi la procréa-tion médicalement assistée pour devenir mères.

Elles. Maïwen, 33 ans, et Jeanne, 29 ans, deux femmes, un couple marié. Leur désir d’enfant est venu progressivement et ne les lâche plus. Depuis bientôt deux ans, elles tentent de réaliser leur rêve en recourant à la procréation médicalement assistée (PMA), avec don de sperme. A l’étranger, car la France persiste à refuser aux couples d’homosexuelles le droit de bénéficier d’une PMA. Elles ont choisi la Belgique qui propose un don « ouvert » : à sa majorité, si l’enfant le souhaite, il peut avoir accès à ses origines, rencontrer son donneur.

Parce que beaucoup se disent opposés à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, sans forcé-ment bien connaître le sujet, Maïwen et Jeanne ont proposé à Libération de publier le journal de bord de leur bataille pour fonder une famille. Le premier épisode est paru le 13 avril 2014. Après des échecs à répétition, et un gros besoin de souffler, elles ont repris leurs tentatives. Et leur récit. Maïwen espère toujours porter un enfant, prête à enchaîner les traitements de stimulation et les ren-dez-vous médicaux dictés par son cycle menstruel.

26 juillet 2015 « Epopée »Jeanne : Je suis contente car Maïwen va mieux, elle est reposée. Pleines d’entrain, les batteries re-chargées à bloc, nous repartons pour l’épopée bébé.Maïwen : Après une phase d’épuisement et plusieurs mois de repos, je me sens à nouveau prête à repartir à la conquête d’une deuxième barre sur le test de grossesse. Pour cet essai, le médecin belge me propose de changer de traitement. On augmente un peu la dose mais avec une autre marque de traitement hormonal destiné à me stimuler : Puregon. Quels en seront cette fois les effets secon-daires ?29 juillet 2015 « Infirmière »Maïwen : Passage à la pharmacie pour récupérer le nouveau traitement. Le gynéco a juste oublié de nous dire que les modalités d’injection étaient différentes. Le pharmacien s’inquiète quand je lui dis que je n’ai pas d’infirmière pour me faire cette piqûre. Panique à bord… En catastrophe et avec sa bienveillance habituelle, il me trouve au pied levé une infirmière disponible une demi-heure plus tard pour réaliser cette injection et me montrer comment faire les suivantes.

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Jeanne : L’extrême sympathie des infirmières fait baisser le stress. L’une d’elles me montre com-ment faire puisque l’injection doit être à une heure régulière et comme après-demain nous ne serons pas à la maison, je ferai office d’infirmière !

5 août 2015 « Secondaires »Maïwen : Je prends mon traitement quotidien et pour notre plus grand bonheur, je ressens beaucoup moins les effets secondaires que précédemment. Pas de crise d’hystérie hormonale en perspective. Finalement, l’infirmière passe tous les soirs. C’est plus reposant pour moi. Une chose de moins à gérer.

8 août 2015 « Personnel »Maïwen : Il y a quelques mois, j’ai opté pour un job moins stressant. Je veux pouvoir me donner toutes les chances de réussir notre projet prioritaire : devenir parents ! Qui dit changement de job dit changement de chef… Et éternelles questions : comment aborder le sujet de mes absences, quelles réactions face à notre projet ? Je décide de ne pas parler de cet essai en cours. Je préfère faire mes preuves avant et que la confiance professionnelle soit installée avant d’aborder un sujet si person-nel… Je devrais donc peut-être inventer une gastro ou autre grippe pour m’absenter.

10 août 2015 « Branle-bas »Maïwen : A 15 heures, nous avons le feu vert de Liège pour une insémination demain matin à 8 heures.Jeanne : Branle-bas de combat pour trouver un avion pour Bruxelles. Tous complets. Seule reste une place en business class : hors de prix et je tiens à accompagner Maïwen. Un vol pour Paris, [de-puis le sud de la France] et une location de voiture nous permettront d’arriver vers 1 heure du matin à Liège. Crevées mais arrivées.

11 août 2015 « Cher »Maïwen : C’est l’anniversaire d’une de mes meilleures amies… Maman de quatre filles. Je veux croire que c’est le bon jour pour moi aussi.Jeanne : Comme nous sommes justes pour reprendre notre avion, nous demandons à passer en prio-rité. Malgré la gentillesse liégeoise à essayer de nous faire passer devant tout le monde, on rate notre avion. En effet, la destruction d’un pont engendre de gros embouteillages. Plus de quatre heures d’attente sur la route. Nous arrivons tard à Paris et passons la soirée dans un bon res-taurant à nous remettre de cette folle journée. Ce voyage nous coûtera cher. Nous apprenons une fois rentrées que le loueur ne pratique pas le kilométrage illimité à Paris, option qu’il pratique pour-tant quand nous atterrissons à Bruxelles. Où est l’Europe dans tout ça ?

12 août 2015 « Intimité »Maïwen : Retour à la maison. Je reprendrai le boulot demain matin, comme si de rien n’était. Au moins cet essai sera passé inaperçu sur le plan professionnel. Peut-être que cette intimité sera gage de réussite…

21 août 2015 « Attente »Maïwen : L’attente, toujours l’attente… interminable.

26 août 2015 « Triste »

Maïwen : Echec… dur, dur.Jeanne : Je suis déçue, triste. C’est l’incompréhension : pourquoi ça ne marche pas ? Jusqu’à quand ça ne va pas marcher ?

3 septembre 2015 « J’arrête ? »Maïwen : Je me remets mal de cet échec. Je confie à ma toubib mon désarroi : jusqu’où nous fau-dra-t-il aller ? A quel moment doit-on se dire « stop, j’arrête ? » Elle m’écoute, me réconforte, légi-

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time mon questionnement à défaut de pouvoir apporter des réponses. Chacun a ses limites. Personne d’autre que nous peut y répondre.

7 septembre 2015 « LGBT Welcome »Maïwen : « Je vous souhaite de très bonnes vacances à toutes les deux. » C’est ainsi que ma chef clôt notre dernier échange téléphonique avant ma quinzaine de vacances. Je ne lui avais pas encore parlé de ma femme, le bouche à oreille l’a fait à ma place… Je suis très émue par sa phrase. En rac-crochant, je verse même une petite larme. Avec ce « toutes les deux », elle me glisse simplement que ce n’est pas un souci pour elle. Certaines grandes entreprises placardent des affichettes arc-en-ciel avec ces mots « LGBT Welcome ». Sa petite phrase fait chez moi l’effet d’un panneau 4 x 3 planté au milieu de son bureau.

20 septembre 2015 « De front »Jeanne : Je change d’activité professionnelle. Nouvelle équipe, nouveaux collègues. Me voilà à mener deux grands projets de front : celui de m’intégrer dans mon nouveau travail et celui d’être maman. J’ai peur de ne pas pouvoir réussir à m’organiser pour accompagner Maïwen. Je me pose pas mal de questions : faut-il être transparent et raconter à ce nouvel employeur notre parcours ?

30 septembre 2015 « Agenda »Maïwen : Deuxième début de cycle depuis notre dernier essai. Je passe mon tour. Je suis reposée mais l’insémination pourrait tomber sur un week-end que nous avons prévu de longue date pour fê-ter notre anniversaire de mariage. Il ne peut et ne doit pas y avoir que ce beau projet dans notre vie. Nous cochons le mois suivant dans l’agenda !

25 octobre 2015 « Prier »Maïwen : Rendez-vous avec ma chef. Il faut que je lui parle de mes futures absences. Je lui glisse en fin de rendez-vous. Je me rends compte que je ne suis pas très à l’aise. Après ma tirade sur les incidences professionnelles de mon prochain essai, elle me répond : « J’étais contre le mariage pour tous, mais je prierai pour que vous puissiez avoir la joie d’avoir un enfant. Un enfant a avant tout besoin d’amour et je ne doute pas un instant que vous et votre épouse puissiez lui en donner. » Je sors de ce rendez-vous soulagée, heureuse mais c’est vrai, un peu décontenancée… Elle, l’anti-mariage pour tous, va prier pour moi, l’anticléricale. Décidément, la vie nous réserve de drôles de rencontres.

2 novembre 2015 « Piqûres »Maïwen : Et c’est reparti pour un tour… de piqûres !

3 novembre 2015 « Danemark »Maïwen : Pour cet essai nous avons décidé de faire une infidélité à la Belgique. Direction le Dane-mark. Après sept voyages en Belgique, j’ai besoin que quelque chose change. Changer pour que le résultat change…Jeanne : On peut faire les rendez-vous préalables par Skype, ce qui nous évite de nous déplacer. C’est très appréciable, puisque je peux me libérer facilement pour y participer.

5 novembre 2015 «Velkommen»

Maïwen : Le Danemark, comme la Belgique, nous permet d’avoir un donneur semi-anonyme. Se-mi-anonyme signifie anonyme pour nous mais pas pour notre enfant qui pourra à sa majorité avoir accès à son identité et ses coordonnées s’il le souhaite. Lors de nos longues pauses, fatiguées, nous avons hésité à poursuivre en Espagne. A trois heures de route de chez nous, juste derrière la fron-tière, une clinique nous tendait les bras. Fallait-il céder à la facilité ou maintenir nos convictions ? En proie au doute, nous avons appelé un adhérent de l’association Procréation médicalement ano-nyme, qui milite pour la levée de l’anonymat des dons de sperme et d’ovocytes en France. Son livre Né de spermatozoïde inconnu avait déjà orienté notre choix d’un donneur non anonyme. Nous lui

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confions nos doutes, l’énergie que ces 2 000 kilomètres de trajet nécessitent à chaque fois, les sacri-fices financiers que de tels voyages engendrent. Son discours nous réconforte. Non, ce n’est pas en vain que nous faisons tous ces efforts. Oui, disposer d’un cahier avec des centaines d’informations sur son géniteur permettra à notre enfant mineur, s’il en a besoin, de mieux connaître l’origine de sa conception. Oui, la levée de l’identité du donneur à la majorité de notre enfant peut constituer une étape importante pour lui. Oui, les renseignements médicaux dont nous disposons sur le donneur se-ront utiles au parcours de santé de notre enfant qui pourra connaître ses antécédents. Non, il ne s’agit pas d’eugénisme mais bien de données utiles à la santé de notre enfant et à la santé publique.Jeanne : Nous sommes restées plus d’une heure avec lui à échanger sur ces sujets intimes, sen-sibles, éthiques. Et en sommes ressorties rassurées et regonflées à bloc. Le jeu en vaut la chandelle. Adios Espana !  Velkommen til Danmark !

10 novembre 2015 « Engagé »Maïwen : Deuxième échographie de la semaine. Notre gynéco ouvre son cabinet spécialement pour nous, très tôt le matin. Quelle chance de pouvoir compter sur un médecin si engagé ! Et en prime, il nous dit qu’il faudra faire un dernier contrôle le lendemain… le 11 novembre !

11 novembre 2015 « Papa en or »Jeanne : Pour cette écho un jour férié, notre gynéco est en jogging ! Son fils patiente dans la salle d’attente. J’ai envie de lui dire qu’il a un papa en or !

12 novembre 2015 « 22 millimètres »Maïwen : Départ pour Copenhague. Jeanne travaille, j’y vais donc seule. Je peine à marcher. Pour cet essai, le médecin a voulu prolonger jusqu’au dernier moment le traitement. J’ai un ovocyte de 22 millimètres contre 18 millimètres pour les essais en Belgique. Jamais je n’aurais pensé que quelques millimètres pèseraient autant sur mes ovaires. J’ai l’impression de traîner deux boulets. Au point que je n’irai pas visiter Copenhague en attendant l’insémination, préférant me reposer à l’au-berge de jeunesse.Jeanne : Je suis les aventures danoises de Maïwen à Copenhague par mail et téléphone. Je suis en confiance, nos communications avec le Danemark ont toujours été excellentes. Comme la clinique lui est très agréable et que le personnel médical est très accueillant, je ne suis pas stressée. J’espère que ce changement culturel va être un déclic.

Tétanos : l’enfant contaminé n’était pas vacci-né. Comme le recommande publiquement le Pr JoyeuxLe blog de Jean-Yves Nau du 19 novembre 2015Contrairement aux souhaits de l’Agence régionale de santé Centre-Val-de-Loire l’information a lar-gement franchi les frontières de l’Indre-et-Loire : « Tétanos : rebondissements dans l’affaire de l’enfant contaminé. Son pédiatre est suspendu ». Et maintenant ? Connu pour ses convictions anti-vaccinales le pédiatre en question est convoqué devant sa juridiction ordinale régionale. En dé-cembre, à Orléans (Loiret). Sera-t-il seul ? Soutenu par des militants ? Les médias (nationaux) se-ront-ils là ? Sera-t-il condamné et martyr ? L’affaire deviendra-t-elle exemplaire ? Elle pourrait constituer un beau thème du « débat national sur les vaccins et la vaccination » annoncé au cœur de l’été par Marisol Touraine mais dont personne n’entend plus parler.

Elargir la focale

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Restons, pour l’heure, sur l’essentiel. Cet enfant âgé de 9 ans n’était pas vacciné contre le tétanos pas plus que contre la diphtérie et la poliomyélite. Trois vaccinations obligatoires. Il a, en juin der-nier contacté le tétanos, infection gravissime, pratiquement disparue en France. L’absence de vacci-nation a été biologiquement confirmée par les meilleurs experts du sujet. Or le carnet de santé de l’enfant indiquait que les trois vaccinations obligatoires avaient bien été pratiquées par le médecin pédiatre de l’enfant. Deux enquêtes sont en cours, l’une administrative, l’autre pénale, parallèlement à l’action ordinale. Elles répondront aux différentes questions soulevées par cette affaire. Mais cette dernière ne saurait être cantonnée à ce dossier et à l’Indre-et-Loire. Il faut ici élargir la focale et re-venir au Pr Henri Joyeux. On sait en effet (au moins depuis août dernier) que ce médecin recom-mande aux parents de ne pas faire vacciner leurs enfants : « Diphtérie-tétanos-poliomyélite.

Aluminium et formaldéhydeMieux, cette recommandation est publique et fait florès sur la Toile comme on peut le voir ici. « Dites à votre médecin que vous êtes d’accord pour le vaccin obligatoire DTP, mais que vous at-tendez la fabrication et la mise à disposition du vaccin trivalent seulement contre Diphtérie Tétanos et Polio, sans adjuvant (aluminium et formaldéhyde. » Attendre la fabrication et la mise à disposi-tion du « vaccin trivalent DTPolio sans adjuvant ». Attendre combien de temps ? En août nous avions interrogés sur ce thème l’Agence nationale de sécurité des médicaments et les responsables de Sanofi-Pasteur. Réponses convergentes : aucun vaccin de ce type n’est en cours d’homologation et aucun projet de fabrication de ce type n’est connu dans les milieux de l’industrie vaccinale.

761 000 signaturesEn d’autres termes, préconiser d’attendre l’arrivée de ce vaccin « DTPolio  sans adjuvant » équivaut à recommander de ne pas vacciner. Il ne s’agit pas ici d’un pédiatre anonyme exerçant à proximité de Tours (Indre-et-Loire). Le Pr Henri Joyeux  aujourd’hui  devenu le porte-parole  d’un mouve-ment important et idéologiquement  assez mal défini : sa pétition à l’adresse de Marisol Touraine  revendique 761 000 signatures. Le Pr Henri Joyeux vient de publier : « Vaccins comment s’y retrou-ver ? » (Editions du Rocher) – 18,90 euros. On le retrouve aussi en kiosque dans la dernière livrai-son (novembre-décembre) de Nexus (« zéro pub, la réalité pour changer »). Nexus (7,90 euros). Egalement visé par la juridiction ordinale depuis juin dernier, le Pr Henri Joyeux va-t-il, publique-ment, défendre son confrère pédiatre suspendu ?

Epidémie d'Ebola, bientôt la fin ?Sciences et Avenir du 17 novembre 2015 par Hugo Jalinière

En ce 17 novembre 2015, plus un seul cas connu d'Ebola n'est à déplorer en Afrique de l'Ouest. Mais si la fin de l'épidémie semble plus proche que jamais, la prudence reste de mise.La Guinée-Conakry a annoncé la guérison du dernier cas d'Ebola encore connu sur le territoire. L'annonce est d'importance car elle signifie que, pour la première fois en près de deux ans, il n'y a plus aucun cas connu d'Ebola en Afrique de l'Ouest. En effet, après l'annonce par l'Organisation mondiale de la santé de la disparition du virus au Liberia en septembre 2015 et en Sierra Leone le 7 novembre suivant, seule la Guinée était encore considérée touchée par la plus importante épidémie d'Ebola jamais connue. Entre décembre 2013 et novembre 2015, celle-ci a fait plus de 11 300 morts pour près de 29 000 infectés.

Une période de 42 jours crucialeLa Guinée s'engage désormais dans une période de 42 jours qui sera cruciale. Car au terme de ce délai correspondant à deux fois la période maximale d'incubation du virus, et si aucun nouveau cas n'est enregistré, l'épidémie en Afrique de l'Ouest sera officiellement déclarée terminée par l'Or-

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ganisation mondiale de la santé. La dernière malade connue est une petite fille de seulement 3 se-maines, Nubia, qui a été guérie au centre de traitement de Médecins sans frontières à Conakry, la capitale. A la mi-octobre, sa mère et deux de ses enfants avaient été testés positifs au virus Ebola dans la préfecture de Forécariah, près de la frontière avec la Sierra Leone, dernier foyer actif de transmission dans le pays. Âgée de 25 ans, la mère a malheureusement succombé au virus après avoir mis au monde Nubia le 27 octobre. « Nubia a bien répondu au traitement, s'est félicitée Lau-rence Sailly, coordinatrice d'urgence pour MSF en Guinée. Nous sommes contents qu'elle ait été tes-tée négative, mais comme il s'agit du premier bébé contaminé à avoir guéri, elle continuera à rece-voir un soutien médical spécialisé avant de retourner chez elle. »

Si la fin de la plus grave épidémie d'Ebola depuis la découverte du virus en 1976 semble plus proche que jamais, la prudence reste de mise tant que les 42 jours sans enregistrement de nouveaux cas ne se sont pas écoulés. En effet, comme nous le précisait le Dr Sylvain Baize dans une récente interview, des cas d'Ebola ont été enregistrés en Guinée ces derniers mois sans que ceux-ci puissent être reliés à une chaîne de transmission connue. « C'est inquiétant, car cela veut dire qu'on ne maî-trise pas entièrement l'affaire. Est-ce que ce sont des transmissions sexuelles ? Est-ce qu'il y a des chaînes de transmission qui restent occultes ? L'origine de certains cas nous échappe », expliquait-il à Sciences et Avenir. Il ne peut donc encore être exclu que d'autres cas de ce type surviennent dans les prochains jours. Une chose est sûre néanmoins, la fin de l'épidémie est proche.

Qu'est-ce que le captagon, la drogue des djiha-distes ?Sciences et Avenir du 17 novembre 2015 par Lise Loumé

Les combattants de Daesh consommeraient une drogue les aidant à commettre des atrocités : le captagon. Un neurobiologiste nous explique son action sur le cerveau.

26 juin 2015, dans la station balnéaire de Port El-Kantaoui, près de Sousse, en Tunisie. Un homme âgé de 23 ans et du nom de Seifeddine Rezgui ouvre le feu sur des touristes. Bilan : 39 morts et 39 blessés. Selon des témoignages, pendant la tuerie, l'homme souriait et riait alors qu’il venait de commettre son massacre. Son autopsie mettra en évidence qu'il était sous l’emprise d’une drogue, selon une source citée par le Daily Mail. La substance en cause : la fénéthylline, vendue sous le nom de « captagon ». D'après un témoignage, les terroristes qui ont pris d'assaut le Bataclan à Paris le vendredi 13 novembre 2015 avaient un comportement mécanique et déshumanisé. L'hypothèse qu'ils aient pu eux aussi être sous l'effet d'une drogue a été évoquée. Peut-être là encore le captagon, cette pilule blanche très prisée des combattants de Daesh (que l'on peut aussi s'injecter en intraveineuse).

L'impression d'être "le roi du monde"Synthétisé pour la première fois en 1961, le captagon est un stimulant de la famille des amphéta-mines qui comprend notamment la métamphétamine et l'ecstasy (aussi appelé MDMA). Connue pour ses propriétés dopantes, cette drogue a été largement utilisée dans le milieu du cyclisme dans les années 1960 à 1970. À des doses modérées, le captagon stimule la production de dopamine et améliore la concentration, c'est pourquoi il a longtemps été prescrit dans le traitement contre la nar-colepsie et l'hyperactivité. Mais il a été retiré du marché français en 1993 en raison des graves lé-sions cardiaques qu'il provoquait. Depuis 1986, la fénéthylline est d'ailleurs classée sur la liste des substances stupéfiantes placées sous contrôle international de l'Organisation mondiale de la santé.

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« Comme toutes les autres amphétamines, cette drogue entraîne une résistance à la fatigue, une vi-gilance accrue et une perte de jugement. Elle donne l'impression à celui qui la consomme d'être tout puissant, d'être le "roi du monde" en quelque sorte », détaille à Sciences et Avenir le Pr Jean-Pol Tassin, neurobiologiste de l'Inserm et spécialiste des addictions. Ce qui lui permet de tuer sans craindre de réaction de la part des autres, qui n'existent même plus pour lui. « Plus précisément, au niveau moléculaire, la fénéthylline pénètre dans les neurones et chasse deux neurotransmetteurs, la noradrénaline et la dopamine, présentes dans les vésicules. La libération de noradrénaline hors des neurones augmente la vigilance et réduit le sentiment de fatigue. La dopamine, elle, agit notamment sur le circuit de la récompense, responsable de la sensation de plaisir et, à haute dose, de l'addic-tion. »

La "descente" qui suit la prise de captagonLes effets de cette drogue ne sont pas cantonnés au cerveau. « Le captagon augmente la libération du glucose, ce qui permet de prendre du muscle sans fournir d'effort. De plus, la libération de nora-drénaline accélère significativement le rythme cardiaque », explique le Pr Jean-Pol Tassin. Mais tous ces effets restent temporaires. Les neurones doivent fabriquer de nouveau l'adrénaline et la do-pamine sorties très rapidement de ses vésicules, et seul le repos le permet. En l'absence de sommeil, c'est la « descente » : « les individus ressentent une fatigue intense, une psychose, des fonctions mentales altérées, l'alternance de phases d'euphorie et de dépression. C'est un peu comparable aux effets d'une nuit blanche sur le cerveau », précise le neurobiologiste. Et une euphorie intense permet de ne ressentir ni peur, ni douleur. Une arme redoutable face aux pressions. « On les frappait et ils ne ressentaient pas la douleur. La plupart d'entre eux rigolaient alors qu'on les bourrait de coups », témoigne un officier de la brigade des stupéfiants de Homs, en Syrie, interrogé par Reuters.

Jusqu’en 2011, le centre névralgique de la fabrication du captagon se situait au Liban. Depuis, la production se serait largement délocalisée vers la Syrie, selon un responsable de l’unité de contrôle des drogues libanais interrogé par Reuters. Le captagon serait devenu incontournable dans les rangs des combattants djihadistes syriens car il serait assez simple à fabriquer. Les pilules sont ensuite transportées par bateau ou voiture de la Syrie vers le Liban et la Jordanie, et sont vendues entre 5 et 20 dollars l'unité ou mêmes échangées contre des armes. D’après les chiffres de l’Organisation mondiale des douanes (OMD), la quantité de pilules saisies dans les pays de la péninsule arabique a fortement augmenté ces dernières années : plus de 11 tonnes de captagon en 2013, contre 4 seule-ment en 2012.

Les Etats-Unis autorisent la commercialisation du premier saumon transgéniqueLes Echos du 19 novembre 2015 par Lucie Robequain

Connu sous le nom d’AquAdvantage, le saumon autorisé jeudi a un sérieux atout : il lui faut deux fois moins de temps que les autres pour devenir adulte.

Après le maïs et le soja, les Américains s’apprêtent à voir arriver du saumon transgénique dans leur assiette. Après vingt ans de pourparlers, l’agence américaine des produits alimentaires et médica-menteux (la FDA) vient de donner son feu vert à la commercialisation d’un saumon génétiquement modifié, le premier autorisé dans l’alimentation humaine. Autorisés depuis une quinzaine d’années, les organismes génétiquement modifiés (OGM) ont déjà cannibalisé pratiquement toutes les autres formes de cultures aux Etats-Unis. Ils représentent désormais 90 % des surfaces plantées. Ces orga-nismes, qui requièrent moins de pesticides et résistent mieux aux climats extrêmes, constituent dé-sormais la quasi-intégralité des cultures de maïs (88 %), de coton (90 %) et de soja (94 %).

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« Frankenfish »Quinze ans après avoir inondé les terres agricoles, les voilà donc qui investissent un nouveau mar-ché de taille, celui de l’élevage. L’avancée des recherches sur les poulets et les cochons laisse pen-ser que le « Frankenfish » - comme le désignent les écologistes - ne restera pas longtemps seul. Connu sous le nom d’AquAdvantage, le saumon autorisé jeudi a un sérieux atout : il lui faut deux fois moins de temps que les autres pour devenir adulte (18 mois). Il s’agit en fait d’un saumon de l’Atlantique, auquel est ajouté un gène issu d’un saumon Chinook pour accélérer sa croissance. La FDA estime le poisson « sans danger pour la consommation humaine ». Il aurait un impact « peu si-gnificatif » sur l’environnement, ajoutent les régulateurs, en tous cas pas dans les conditions d’éle-vage proposées par AquaBounty.

Des femelles stérilesDes précautions ont effectivement été prises pour éviter que le nouveau poisson n’entraîne l’extinc-tion des saumons sauvages. La nouvelle espèce ne sera constituée que de femelles, a priori toutes stériles. Les lieux de culture ont par ailleurs été sélectionnés pour éviter tout accident : si par mal-heur des œufs devaient rejoindre l’océan, les eaux du Canada seraient trop froides pour qu’ils y sur-vivent. Les poissons sont ensuite élevés au Panama, un environnement trop chaud pour qu’ils y prospèrent en eaux libres. Des restaurateurs ont appelé au boycott, avant même que le poisson soit autorisé. Les chaînes de distribution Aldi, Whole Food et Trader Joe’s ont d’ores et déjà indiqué qu’elles ne commercialiseraient pas le nouveau saumon. Les associations de consommateurs sont d’autant plus furieuses que l’étiquetage en tant qu’OGM ne sera pas obligatoire. Les américains au-ront donc bien du mal à savoir quel poisson se trouve dans leur assiette.

Les Pays-Bas avaleront-ils la « pilule de la mort » ?Aleteia du 20 novembre 2015 par Isabelle Cousturié

Une puissante association pour le droit au suicide assisté veut ouvrir gratuitement l’accès à la "kill pill" aux plus de 70 ans, indépendamment de leur état de santé physique ou psychique.

Les Pays-Bas avancent encore une fois, inexorablement, vers une nouvelle conception de l’euthana-sie. L’Association néerlandaise pour une fin de vie libre (NVVE) vient de lui faire franchir un nouveau pas en militant pour une euthanasie étendue d’office aux plus de 70 ans, indépendamment de leur état de santé physique ou psychique. L’association propose d’expérimenter cette voie qui, si elle de-vait être acceptée, consistera à mettre sur le marché une pilule de la mort – la  « Kill pill » – acces-sible gratuitement et en pharmacie. L’association prétend que la société est demandeuse. Elle a fait savoir que des discussions sur le sujet sont prévues dans les prochaines semaines avec l’association des médecins néerlandais et les ministres de la justice et de la santé.

En 2002, lorsque la loi sur l’euthanasie et le suicide était passée – les Pays-Bas furent le premier pays au monde – son recours devait être une exception, dictée par la compassion, pour des per-sonnes en fin de vie dont les souffrances étaient jugées « insupportables et interminables ». Puis le droit de mourir s’est étendu, revendiqué pour les malades en fin de vie, les malades mentaux, ceux souffrant d’imperfection ou de problèmes physiques ou tout simplement fatigués de vivre. Mais « pour NVVE, cela ne suffit pas, il faut que tout le monde, personnes malades et en bonne santé,

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puisse y avoir accès », commente Tempi.it en rapportant les faits, « comme s’il s’agissait après tout d’une nouvelle manière ‘naturelle’… de mourir » !

L’association argumente : « L’année dernière, aux Pays Bas, la ‘bonne mort’ a été administrée offi-ciellement à 5 306 personnes – Tempi.it corrige : « en réalité, les victimes étaient au moins 6 000 » –, soit une augmentation de 182 % par rapport à 2002. Selon le directeur de l’association, Ro-bert Schurink, « la société est prête pour la Kill pill », surtout « la génération du baby-boom » où les gens veulent « avoir le contrôle de leur vie ». Et cette expérience qu’elle veut faire ? Juste pour s’assurer que la Kill pill ne sera pas utilisée pour un suicide, un abus ou un homicide mais seule-ment pour se procurer la « bonne mort » ??!!!

Sida : Touraine donne son feu vert au Tru-vada en préventionLibération du 23 novembre par Eric FavereauCe lundi après-midi à l'Assemblée, Marisol Touraine a annoncé l'autorisation prochaine du Truvada, cette molécule qui permet à des personnes à risques de ne pas être contaminées par le VIH. Une annonce importante qui peut être les prémices de nouvelles politiques de préven-tion.

Le Truvada, ce traitement préventif contre le sida, arrive. La porte vient de s’entrouvrir, et même si le pas est encore limité, la décision ministérielle, annoncée aujourd’hui, marque un tournant. Ce lundi après-midi, en effet, à l’Assemblée nationale, lors du débat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, et en réponse à une question, Marisol Touraine a annoncé que, « sous cer-taines conditions », le Truvada pourrait être prescrit pour éviter aux personnes à risques d’être in-fectées par le virus du sida. « J’y suis favorable, a-t-elle précisé. Et cela sera effectif au cours de la première quinzaine de décembre. Et j’ai décidé que ce traitement sera pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie. »

Une décision importante car, si elle intervient, certes, trois ans après celle de la FDA (Federal Drug administration) aux Etats-Unis, la France devient le premier pays européen à permettre ce traite-ment préventif. Et cette annonce était aussi très attendue. Depuis plus de deux ans, l’association Aides la réclamait fortement. Et depuis plus d’un an, les différents essais cliniques se montraient ca-tégoriques : le Truvada, molécule antivirale utilisée en traitement sur les personnes séropositives, possède un très fort pouvoir préventif. Deux comprimés pris quelques heures avant une relation sexuelle à risque, puis un autre pendant la relation, et un dernier comprimé vingt-quatre heures après, cela marche, et au final, le risque de contamination devient quasi nul. Officiellement les essais parlent d’une efficacité à 86 %, mais elle est de 100 % si la personne suit le schéma.

« Plusieurs dizaines de milliers » de bénéficiairesDébut novembre, une commission de l’Agence du médicament donnait un avis favorable. Et propo-sait que le Truvada bénéficie d’une « recommandation temporaire d’utilisation » (RTU). Ladite commission précisant que l’autorisation du Truvada en prévention ne serait valable que pour les personnes « à haut risque d’acquisition du VIH par voie sexuelle » et « en tant qu’outil additionnel d’une stratégie de prévention diversifiée ». Les bénéficiaires seraient en outre l’objet d’un « suivi » spécial. Il s’agirait surtout d’hommes ayant des relations anales sans préservatif avec d’autres hommes (avec au moins deux partenaires différents lors des six derniers mois), selon cet avis qui

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évalue « à plusieurs dizaines de milliers de personnes » les potentiels bénéficiaires. Et il y a huit jours, des chercheurs, dont la Prix Nobel de médecine Françoise Barré-Sinoussi, mais aussi des mé-decins, des associations de lutte contre le sida et des politiciens exhortaient le gouvernement à rendre disponible « immédiatement » le traitement préventif contre le VIH.

Ils ont donc été entendus. Ce lundi, la ministre a repris en grande partie leur argumentaire. Rappe-lant les 6 000 contaminations par an, soulignant d’un côté l’importance de l’usage du préservatif mais notant aussi que pour des raisons variées celui-ci n’était pas toujours utilisé dans des situations à hauts risques, Marisol Touraine a annoncé qu’elle était favorable « à une autorisation temporaire d’utilisation », « et cela rapidement, dans les toutes prochaines semaines ». La prescription du Tru-vada sera néanmoins très encadrée, réservés aux médecins spécialistes, à l’hôpital mais aussi dans les lieux de dépistage. Les personnes en recevant seront suivies.

Cette annonce peut marquer un tournant dans les politiques publiques sur le sida. Depuis plusieurs années, les autorités semblaient s’accommoder de la poursuite « à bas bruit » de l’épidémie en France. Cette autorisation de ce que l’on appelle la Prep (prophylaxie pré-exposition) change la donne. Et pourrait devenir le point de départ d’une nouvelle politique forte « pour casser les chaînes de la contamination ».

Pour la théologie chrétienne, la mort est un passage nécessaireLa Croix du 24 novembre 2015 par Anne-Bénédicte HoffnerLes théologiens peuvent s’appuyer sur les fondamentaux de l’anthropologie chrétienne, qui connaît l’homme dans sa finitude de créature.

Que penser de la possibilité déjà offerte de cryogéniser son corps post-mortem dans l’espoir de res-susciter un jour ? Ou de celle, dans un futur plus ou moins proche, de recevoir des « autogreffes » grâce à des cellules souches et ainsi de se renouveler indéfiniment ? Sur toutes ces techniques futu-ristes dont le projet revient à repousser, voire même à supprimer la mort, le magistère ne s’est pas encore explicitement prononcé. Et pour cause, il y a peu, cette perspective relevait encore de la science-fiction. Mais les théologiens, dans leur réflexion, peuvent s’appuyer sur les fondamentaux de l’anthropologie chrétienne, qui notamment connaît l’homme dans sa finitude de créature*.

« On se trouve ici à l’acmé du rêve de toute-puissance. Car, de l’espace et du temps dans lesquels l’homme éprouve la morsure de sa finitude, c’est bien ce dernier qui offre le point maximal de ré-sistance », relève ainsi Anne-Marie Pelletier, professeur émérite de littérature et enseignante au Collège des Bernardins. 

La théologienne n’hésite pas à rapprocher ce rêve d’une « humanité augmentée à l’infini » de la prétention déjà mentionnée par la Genèse d’« être comme des dieux », c’est-à-dire connaissant « le bien et le mal » mais aussi exemptés de la mort… Par le récit de la fin des patriarches qui meurent « rassasiés de jours » ou à travers les méditations décapantes de l’Ecclésiaste, la Bible rappelle à l’inverse qu’il y a bien « un temps pour enfanter et un temps pour mourir » (Qohélet 3).

Vus sous ce jour, les désirs d’immortalité des hommes apparaissent donc d’abord comme une mani-festation de l’orgueil humain face à une finitude jugée insupportable. Mais aussi comme « un fan-tasme absurde ». « Une vie prolongée indéfiniment à l’identique serait un enfer », fait valoir Anne-Marie Pelletier, rappelant au contraire la promesse annoncée par Isaïe et reprise par Jean dans son Apocalypse d’une « terre nouvelle et (de) cieux nouveaux ». « Les morts ne revivront pas », pré-

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vient le prophète Isaïe (26, 14), ruinant par là nos espérances imaginaires et nos représentations ido-lâtriques, avant – quelques versets plus loin – de rappeler que Dieu seul a pouvoir sur la mort : « Tes morts revivront, tes cadavres ressusciteront. » Dans la foi chrétienne, seul le passage par la mort ouvre à la vie éternelle et à la résurrection des corps. Loin des fausses consolations offertes par les visions si répandues aujourd’hui sur « l’au-delà », la Bible affirme que « si Dieu a ce pouvoir de surmonter la mort, c’est parce qu’il est saint, explique la théologienne. C’est la teneur en sainteté de nos vies qui est gage de vie éternelle ». 

*Transversalités, supplément 3. « Destinée de l’humanisme et révolution anthropologique contemporaine. Trouble dans la définition de l’humain (II) ». Revue de l’Institut catholique de Paris. Sous la direction d’Henri-Jérôme Gagey et Brigitte Cholvy, 2015, 20 €.

Premier cas mortel d’Ebola depuis juillet au LiberiaLe Monde avec AFP et Reuters du 25 novembre 2015

Nathan Gbotoe, un adolescent de 15 ans libérien, est mort du virus Ebola lundi 23 novembre au soir dans un hôpital de Paynesville, un faubourg à l’est de la capitale Monrovia. Il s’agit de la première mort due au virus depuis juillet après la proclamation officielle de la fin de l’épidémie dans le pays en septembre. Le responsable de la cellule nationale de crise contre Ebola, le docteur Francis Kar-teh, a précisé que deux membres de la famille de la victime, son père et son frère, ont également contracté la maladie et sont sous observation au centre de traitement ELWA 2 de Monrovia. L’Or-ganisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé la semaine dernière que l’adolescent avait montré des symptômes de la fièvre hémorragique le 14 novembre et avait été hospitalisé trois jours plus tard.

Pays déclaré exempt de contagion à deux reprisesAu total, 153 personnes qui auraient pu être en contact avec le jeune homme ont été placées sous surveillance, ainsi que 25 travailleurs de santé, dont dix sont considérés à haut risque. L’OMS attri-bue la résurgence du virus dans un pays où l’épidémie est officiellement terminée à sa persistance dans les liquides corporels de certains survivants. Le Liberia a été déclaré exempt de contagion à deux reprises par l’OMS, le 9 mai et le 3 septembre.Un pays est déclaré exempt de transmission d’Ebola lorsque deux périodes de vingt et un jours – la durée maximale d’incubation du virus – se sont écoulées sans nouveau cas depuis le second test né-gatif sur un patient guéri.

L’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, la plus grave depuis l’identification du virus en Afrique centrale en 1976, a fait plus de 11 300 morts sur 29 000 cas recensés, un bilan toutefois sous-évalué selon l’OMS. Les victimes se concentrent à 99 % dans trois pays limitrophes : la Guinée, d’où est partie l’épidémie en décembre 2013 et où le dernier patient guéri a été testé négatif le 16 novembre, la Sierra Leone, où la fin de l’épidémie a été proclamée le 7 novembre, et le Liberia.

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Un cas de grippe aviaire dépisté en Dordogne, une première depuis 2007 en FranceHuffington Post avec AFP du 25 novembre 2015Un cas de grippe aviaire H5N1 a été dépisté dans une basse-cour de la commune de Biras, si -tuée dans l'aire urbaine de Périgueux (Dordogne), a indiqué mercredi 25 novembre le minis-tère de l'Agriculture. Il s'agit du premier cas détecté en France depuis 2007. La dernière grosse épizootie remonte à 2006. Le virus a été identifié mardi soir par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et « il s'agit d'une souche hautement pathogène pour les volailles », précise le ministère dans un communiqué, ajoutant que le plan national d'intervention sanitaire d'urgence a été activé. Ce dépistage a été confirmé « à la suite d'une mortalité anormale ayant entraîné immédiatement la réalisation de prélè-vements pour analyse par la Direction départementale de la protection des populations », précise le ministère de l'Agriculture. Par ailleurs, « des zones de protection et de surveillance respectivement de 3 km et 10 km autour de l’élevage » ont été mises en place.

Le ministère de l'Agriculture rappelle en outre « que l'influenza aviaire n'est pas transmissible à l'homme par la consommation de viande, œufs, foie gras et plus généralement de tout produit ali-mentaire ». Elle est « transmissible entre volailles et plus rarement à des mammifères (dont le porc), mais elle est habituellement difficilement transmissible à l'homme », ajoute Sud-Ouest.

Les ministres de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, et de la Santé, Marisol Touraine, vont saisir l'Anses « à titre de précaution, afin d'évaluer la dangerosité potentielle de la souche pour l'homme ». Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le virus H5N1 a contaminé 842 personnes de 2003 à juin dernier, principalement en Egypte et en Asie du sud-est. Parmi elles, on dénombre 447 morts. En France, la dernière crise de 2006 avait touché 64 élevages, essentiellement dans l'Ain. Les derniers cas isolés avaient été détectés en Moselle en août 2007.

Université de la vie 2016 : une société à Panser Alliance Vita du 24 novembre 2015Du lundi 11 janvier au 1er février aura lieu la 11ème édition de l’Université de la vie, le cycle de formation en bioéthique d’Alliance VITA, sur le thème : « Panser la société – Comment agir en faveur d’une culture de vie ? ». Cette formation se déroulera en visioconférence dans 113 villes, en France et dans une demi-douzaine d’autres pays.Déjà suivie par plus de 20 000 personnes les années précédentes, l’Université de la vie 2016 s’adresse autant à ceux qui y ont déjà participé qu’aux « nouveaux arrivants ». Cette année, la for-mation sera centrée sur l’action. Décidé avant les évènements dramatiques du mois de novembre 2015, le thème « Panser la société » répond à de profondes attentes. Constatant à quel point notre société manque de repères vitaux, de nombreuses personnes ne veulent pas subir passivement ses errances, mais désirent agir concrètement, et se relier pour changer la donne. Chacune des quatre soirées permettra de réfléchir aux souffrances et aux contradictions de notre société et aux solu -tions pour y remédier. Chacun est invité à prendre position personnellement face aux défis huma-nitaires, politiques et culturels à relever.

Le thème 2016 sera abordé avec l’approche spécifique d’Alliance VITA nourrie d’une part, de l’expérience de ses services d’écoute des personnes confrontées aux épreuves de début ou de fin de vie, et d’autre part, de son travail de sensibilisation du public et des décideurs.  François-Xavier Pérès, Tugdual Derville, Caroline Roux, Henri de Soos, Valérie Boulanger et le docteur Xavier

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Mirabel partageront leurs analyses et expliciteront les convictions et les façons d’agir de l’asso -ciation, avec une animation globale assurée par Blanche Streb. Leurs interventions seront complé-tées par l’apport de cinq experts : les philosophes François-Xavier Bellamy, Thibaud Collin et Martin Steffens, la spécialiste en accompagnement Anne Davigo-Le Brun et le docteur en droit Grégor Puppinck. Il s’agira d’éclairer plusieurs concepts indispensables à l’action, comme par exemple : épreuve, deuil, démocratie, loi naturelle, droits de l’homme, culture…

Innovation supplémentaire de cette année, Alliance VITA a également demandé à quatre fonda-teurs d’œuvres destinées aux personnes fragiles ou fragilisées de témoigner de leur parcours et de leur regard sur la société : Laurent de Cherisey (Simon de Cyrène), Etienne Villemain (Les Mai-sons Lazare), Christian de Cacqueray (Service catholique des funérailles) et Jean-Marc Potdevin (Réseau Entourage). La façon dont leurs innovations sociales sont nées et ont été conduites contient pour tous une valeur d’exemple et d’émulation. Par ailleurs, de nombreux autres experts et témoins interviendront dans les villes où se tiendra l’Université de la vie, chaque soirée se ter -minant par un temps de « décrochage en région » qui permet d’animer une phase locale dans chaque ville qui le souhaite.

Pour la troisième fois, l’Université de la vie sera diffusée dans toute la France en simultané dans 113 salles, par un système de visioconférence depuis une salle parisienne. Comme en 2015, l’Uni -versité de la vie sera également proposée à l’international. Les villes de Berlin, Bruxelles, Liège, Lausanne, Zurich, Rome, New-York, Casablanca, notamment, assureront une retransmission. Un effort particulier sera de plus effectué pour faciliter l’interactivité au sein des salles et entre elles.

Dates des soirées : les lundis 11, 18 et 25 janvier et 1er février, de 20h15 à 22h30.

Informations et inscriptions sur : http://www.universitedelavie.fr

Débat autour de la fin de vie à NancyMédecins français et luxembourgeois ont confronté leur point de vue Le Quotidien du Médecin du 26 novembre 2015 par Denis Durand de Bousingen

Introduite en 2009, la loi luxembourgeoise sur l’euthanasie a déjà permis à quelques dizaines de citoyens du Grand-Duché de mettre fin à leurs jours avec l’assistance d’un médecin. À l’heure où la France prépare une nouvelle version de sa loi sur la fin de vie, un débat entre les médecins des deux pays, en ouverture de la Semaine médicale de Lorraine qui vient de se tenir à Nancy, a présenté les positions des deux pays… sans parvenir pour autant à les rapprocher.

Député au parlement luxembourgeois, Jean Huss est l’un des deux auteurs de la « loi sur l’euthana-sie et le suicide assisté », votée en 2009 par 31 voix contre 29, « après des débats qui furent les plus intenses de l’histoire du Grand-Duché depuis la guerre ». Inspirée des lois néerlandaise et belge da-tant de 2001 et 2002, mais plus restrictives que celles-ci, cette loi permet à tout patient atteint d’une maladie incurable de demander, selon un protocole très strict, à un médecin de lui prescrire et de lui injecter un produit létal qui lui permettra de « partir » chez lui, entouré des siens. En moyenne, 7 à 8 personnes par an, dans ce pays de 550 000 habitants, ont recours à la loi pour mettre fin à leur

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existence. Généraliste à Esch-sur-Alzette, le Dr Maryse Flammang a déjà effectué deux fois un tel acte : « Ce sont des patients que je connaissais bien qui me l’ont demandé à plusieurs reprises, et la décision reste très difficile pour le médecin », a-t-elle témoigné lors de la rencontre. Les contrôles, par une commission spécialisée, s’effectuent non seulement avant l’acte d’euthanasie, mais aussi après.

Selon Jean Huss, « les détracteurs de la loi ont commencé par nous traiter d’assassins, mais on constate aujourd’hui que le nombre de cas reste faible… et que celui des suicides de malades a net-tement régressé, alors qu’il est très élevé en France et en Allemagne ». Parfois, ajoute-t-il, les pa-tients qui demandent l’euthanasie le font parce qu’ils ne souhaitent pas bénéficier de traitements palliatifs ou même de sédation profonde et continue, pourtant facilement disponibles dans le pays. Pour lui, il ne s’agit pas tant de mettre fin à une vie qu’à choisir librement sa manière de partir : « Ce sont souvent des intellectuels qui demandent l’euthanasie, et qui ont eu le temps de penser à leur fin depuis longtemps », précise-t-il.

Enjeux de la loi françaiseEn France, la future loi « Leonetti 2 » aura la lourde tâche de remplacer la loi actuelle, mal connue et trop mal appliquée. En l’absence des députés Leonetti et Claeys, retenus à Versailles, les D r Pa-trick Bouet et Gilles Munier, respectivement président national et conseiller régional pour la Lor-raine de l’Ordre des médecins, ont rappelé les enjeux du nouveau texte. Pour le D r Bouet, la séda-tion profonde et continue soulagera le malade sans provoquer la mort, dans le respect de la déonto-logie et de la loi. Un point de vue soutenu par les autres intervenants français du débat, inquiets du risque de « dérive » contenu, à leurs yeux, dans la loi luxembourgeoise. Par ailleurs, le D r Flam-mang a rappelé que cette loi « exclut toute forme de tourisme médical » et qu’il est donc impossible à un frontalier d’aller « se faire euthanasier » au Luxembourg aussi facilement qu’il vient y faire le plein ou acheter ses cigarettes. Si la loi luxembourgeoise correspond, selon ses auteurs, au respect d’un choix de vie, elle ne répond pas pour autant à toutes les situations, puisque les directives anti -cipées et le consentement éclairé du malade priment sur toute décision : en d’autres termes, des cas comme celui de Vincent Lambert restent aussi insolubles du côté sud que du côté nord de la fron-tière. Enfin, quel que soit le pays, les divergences de vues perdureront, concluait le Dr Munier, parce que « chaque personne a sa propre conception de la fin de vie, et qu’une loi ne pourra jamais ré-gler cette question ».

Sida : l’ONU plaide pour une nouvelle ap-procheLe Monde du 25 novembre 2015 par Paul Benkimoun

Pour atteindre l’objectif de mettre un terme à l’épidémie de sida d’ici à 2030 dans le monde, il faut passer d’une approche « taille unique » à une réponse « sur mesure ». C’est en quelque sorte le changement de paradigme auquel invite le rapport annuel, publié mardi 24 novembre, par l’Onusi-da, à quelques jours de la journée mondiale de lutte contre le sida du 1 er décembre. L’organisation onusienne plaide pour une action focalisée sur les zones où des populations font face à un risque élevé d’infection par le VIH. En quelque sorte, passer du global au local. « En ciblant, nous tou-chons davantage de gens, avec une plus grande efficience dans l’allocation de ressources », argu-mente Michel Sidibé, directeur exécutif d’Onusida. Les preuves du succès de cette méthode sont nombreuses. En Iran, le nombre de détenus usagers de drogue injectable ayant accès à un pro-gramme méthadone, afin de réduire les risques de transmission du VIH par le partage de seringues, est passé d’une centaine dans les années 2002-2003, à 25 000 en 2009.

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Au Burkina Faso, l’épidémie est concentrée dans les deux plus grosses villes du pays, Ouagadougou, la capitale, et Bobo-Dioulasso, notamment parmi les prostituées chez lesquelles la prévalence du VIH est de 13 à 15 %. Le programme Yerelon offre à ces dernières un éventail de services sanitaires et sociaux dispensés par leurs pairs. « Une étude sur la période 2011-2014 montre que grâce au programme, il n’y a eu aucun nouveau cas d’infection par le VIH dans cette population pourtant très exposée », se réjouit Michel Sidibé. « Le rapport présente plus de 50 exemples montrant comment il est possible d’atteindre les populations clés, en s’appuyant encore plus sur les communautés et en leur transférant des compétences », plaide Michel Sidibé.

DépistageLe directeur exécutif de l’Onusida cite ainsi la politique de « formation de 37 000 agents de santé communautaires en Ethiopie, dont l’action a permis de diminuer de 92 % le nombre des nouvelles infections au cours des cinq dernières années ». Cette initiative a facilité l’acceptation de tests de dépistage et la mise sous traitement des personnes infectées par le VIH, dans la logique des objec-tifs fixés par Onusida d’ici à 2020 : que 90 % des personnes aient eu un test de dépistage et connaissent leur statut ; que 90 % des séropositifs soient traités ; que 90 % des patients traités aient une charge virale supprimée.

Eviter les nouvelles infections implique d’apporter les bonnes interventions au bon endroit et au bon moment. Parmi elles, le préservatif a largement fait ses preuves mais souffre d’une certaine désaf-fection. D’autres mesures comme la circoncision proposée aux hommes jeunes possèdent une effi-cacité protectrice de 60 %. A la fin 2014, neuf millions d’hommes avaient subi une circoncision mé-dicale dans les pays d’Afrique jugés prioritaires, dont trois millions pour la seule année 2014. L’uti-lisation de médicaments antirétroviraux « s’est également révélée un outil de prévention efficace chez des personnes exposées à un haut risque d’infection par le VIH et peut énormément réduire le nombre de nouvelles infections », souligne Michel Sidibé. C’est ce qu’on appelle la prophylaxie pré-exposition (PrEP). L’emploi de la combinaison fixe commercialisée par Gilead sous le nom de Truvada a ainsi démontré son efficacité notamment dans l’expérience de San Francisco.

Mais, la PrEP ne se limite pas à un « luxe » – en raison de son coût élevé – que pourraient seule-ment se permettre des habitants de pays riches ayant des pratiques à risque, comme le dénoncent certains critiques. Elle peut aussi être utile dans le cas de couples sérodiscordants, où un seul des deux partenaires vit avec le VIH, ou celui des adolescents sexuellement actifs dans des pays où la prévalence de l’infection est élevée, notamment les adolescentes en Afrique australe. Le rapport présente également les expériences d’utilisation avec des résultats très efficaces parmi les prosti-tuées au Zimbabwe et les hommes ayant des rapports homosexuels en Thaïlande ou au Brésil, ainsi que les transgenres dans ce dernier pays. Pour Michel Sidibé, « nous ne pouvons gagner contre le VIH en restant au niveau global ».

Les derniers chiffres sur le VIH

2 millions de nouvelles infections par le VIH ont été enregistrées dans le monde en 2014, selon le bilan publié mardi 24 novembre par l’Onusida. Cela traduit une diminution de 35 % par rapport à l’année 2000. La baisse atteint 58 % pour les enfants au cours de la même période.En 2014, un total de 1,2 million de personnes sont mortes de maladies liées au sida, soit 42 % de moins que lors du pic observé en 2004.Fin 2014, 36,9 millions de personnes dans le monde vivaient avec le virus, contre 33,3 millions en 2010, ce qui reflète la diminution des décès. En juin 2015, 15,8 millions de personnes avaient accès aux traitements antiviraux, 84 % de plus qu’en 2010.

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L'avortement en cas de viol toujours interdit au Pérou24 Heures du 26 novembre 2015Le Parlement péruvien a rejeté mercredi une proposition de loi visant à dépénaliser l'avorte-ment en cas de viol.

La commission des lois du Parlement péruvien a rejeté une proposition de loi visant à dépénaliser l'avortement en cas de viol, fermant la possibilité d'un débat au Parlement avant la clôture de la ses-sion parlementaire en juillet 2016. En réaction, une dizaine de femmes, la poitrine dénudée, ont pris la tête d'une manifestation mercredi devant le Congrès péruvien. « C'est mon corps, c'est ma déci -sion », « Mon utérus n'appartient pas au Congrès », avaient peint ces femmes en rouge et noir sur leur poitrine, alors qu'étaient également scandés des slogans liés à la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Les manifestantes ont été accueillies par un impo-sant dispositif policier, qui les a empêchées d'approcher de l'entrée du Congrès et de remettre un do-cument demandant que la proposition soit reconsidérée. Des manifestantes ont alors tombé le haut. La police les a dispersées à l'aide de gaz lacrymogène.

La proposition d'initiative populaire a été débattue mardi durant plus de deux heures et s'est soldée par un second échec cette année pour les groupes féministes, qui tentent de promouvoir l'initiative en arguant que les femmes ont le droit de disposer librement de leurs corps. En mai, une commis-sion législative avait rejeté une demande similaire. La proposition rejetée visait à autoriser l'avorte-ment notamment en cas de viol. « Qu'on le veuille ou non, l'avortement est une réalité (au Pérou). Il faut reconnaître cette situation de fait », a soutenu le parlementaire Freddy Otarola, président de la commission des lois, dont la majorité des membres ont rejeté la proposition. « L'avortement est inconcevable pour la majorité des Péruviens. La défense de la vie dépasse les religions comme les politiques. Nous ne pouvons pas permettre que ce pays puisse promouvoir la mort », a dit pour sa part le parlementaire et pasteur évangéliste Julio Rosas.

Le débat sur la légalisation de l'avortement, relancé ces derniers mois, coïncide avec le début de la campagne électorale pour les élections présidentielle et législatives d'avril 2016. Comme l'autorise la loi péruvienne, la proposition émanait d'une initiative populaire soutenue par 50 000 signatures et appuyée par les collectifs féministes. En juin, le président Ollanta Humala avait exprimé son soutien à la dépénalisation de l'avortement en cas de viol, assurant à la télévision que « les femmes doivent pouvoir disposer de leur propre corps ». Au cours des cinq derniers mois, la capitale Lima a connu plusieurs manifestations féministes en faveur de l'avortement, qui n'est autorisé au Pérou qu'en cas de malformation grave du fœtus ou lorsque la vie de la mère est en danger.

L'Église catholique, religion majoritaire au Pérou (26 millions sur les 30 millions d'habitants, selon le Vatican), a pour sa part lancé l'année dernière une campagne pour mobiliser les fidèles et la classe politique contre cette initiative populaire.

Carmat: un quatrième cœur artificiel pourra être implantéLe Figaro du 25 novembre 2015 par Soline Roy

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Carmat a reçu des autorités de santé l'autorisation de continuer ses essais d'implantation du cœur artificiel, avec la possibilité de sélectionner des patients dans un état moins désespéré.

Près de six mois après le décès du second patient implanté, le 2 mai, la société Carmat a reçu le feu vert des autorités de santé pour procéder à une nouvelle implantation de son cœur artificiel et ache-ver sa phase initiale d'essais. Nouveauté importante, le protocole a été assoupli : jusqu'ici, seuls les patients en phase terminale d'insuffisance cardiaque, qui ne pouvaient pas bénéficier d'une greffe « classique », notamment à cause de leur âge, pouvaient participer à l'essai clinique. Désormais des patients éligibles à la greffe cardiaque pourront également être inclus dans l'étude, sous certaines conditions s'ils « en ont besoin très rapidement et ne peuvent pas attendre », confie au Figaro Piet Jansen, directeur scientifique de la société Carmat. « Notre objectif est de voir si le cœur Carmat peut remplacer les greffons habituels », ajoute Piet Jansen.

Correction des anomaliesCarmat a « obtenu l'autorisation de l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) et du CPP (Comité de protection des personnes) pour finaliser l'essai clinique de faisabilité de son cœur bioprothétique », a annoncé mardi soir la société. Avant d'obtenir cette auto-risation, les « pères » du cœur artificiel totalement implantable ont dû montrer patte blanche, avec un rapport d'expertise sur les anomalies constatées sur les prothèses et mettre en œuvre des solu-tions pour y remédier. Concernant le second patient implanté, une fuite a été détectée. « Pendant neuf mois, un peu de liquide sanguin s'est échappé, et le sel contenu dans le sang s'est déposé sur la sonde du moteur et a entraîné une petite corrosion », explique Piet Jansen. Pour y remédier sur les prochains appareils posés, poursuit-il, « nous n'avons pas changé le concept de la prothèse en elle-même, mais juste apporté une amélioration lors de son assemblage, en installant une double-bar-rière à l'endroit où cette fuite s'est produite ».

Le quatrième patient implanté devrait aussi être le dernier de l'étude dite « de faisabilité », qui po-sait comme critère principale la survie à 30 jours. Objectif rempli pour le moment : le premier pa-tient implanté était décédé 74 jours après, et le second neuf mois après ; quant au troisième, opéré en avril, Carmat a précisé mi-octobre qu'il allait bien ; « nous avons mis en place une surveillance très précise pour vérifier que la prothèse marche bien, en particulier en surveillant les capteurs de pression », précise Piet Jansen.

AlternativeLa société devrait ensuite entreprendre, dès le deuxième trimestre 2016 si tout se déroule comme prévu, une « étude Pivot visant le marquage CE » qui permet la mise sur le marché des dispositifs médicaux en Europe. Environ 25 patients devraient être concernés ; les critères d'éligibilité seront moins stricts que pour l'étude de faisabilité, mais l'exigence de survie sera plus importante et devrait être de plusieurs mois.« Aujourd'hui, le retour d'expérience de 19 mois avec plus de 65 millions de battements cumulés nous donne une bonne confiance dans la capacité de Carmat à apporter une véritable alternative à la transplantation pour les patients souffrant d'insuffisance cardiaque terminale », indique Marcel-lo Conviti, directeur général de Carmat. L'entreprise prétend notamment apporter une solution au manque chronique de greffons disponibles. L'action de Carmat a bondit mardi de 7,45 % en bourse après l'annonce de l'élargissement du recrutement des patients.

Marion Maréchal-Le Pen part en croisade contre le planning familial

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Libération du 27 novembre 2015 par Stéphanie Harounyan

Dénonçant sa supposée « banalisation de l'avortement » lors d'un raout de la Manif pour tous, la tête de liste FN en Paca promet de couper les subventions au planning en cas de victoire aux régionales.

La question est claire, la réponse définitive. « Vous l’avez dit deux fois mais je ne suis pas totale-ment sûr d’avoir compris : vous supprimerez la subvention accordée au planning familial ? » de-mande Geoffroy Lejeune, rédacteur en chef à Valeurs actuelles et animateur du débat. « Oui, abso-lument ! répète la députée Marion Maréchal-Le Pen, tête de liste du FN pour les régionales en Paca. Je considère qu’aujourd’hui, ce sont des associations politisées, on le sait bien, et elles véhiculent une banalisation de l’avortement. » Devant un public de militants de la Manif pour tous, la déclara-tion a forcément enthousiasmé la salle. Applaudissements nourris. C’était le 13 novembre à Mar-seille, à l’occasion d’un meeting du mouvement qui avait convié, comme il le fait dans l'ensemble des régions, tous les candidats à la présidence. Seule Marion Maréchal-Le Pen avait répondu à l’in-vitation.

Jeudi, le site Les Nouvelles News a diffusé une vidéo de l’intervention de la tête de liste FN ce soir-là. Au cours de la discussion, le journaliste interroge la candidate sur les subventions aux associa-tions et les éventuelles coupes qu’elle serait prête à faire si elle devenait présidente de région, « no-tamment concernant les associations à caractères politiques et idéologiques, et on sait desquelles on parle... », lance Geoffroy Lejeune. « Oui, il y en a beaucoup, enchaîne Marion Maréchal-Le Pen, il y a beaucoup de ménage à faire de ce côté-là ! » Très vite, la discussion s’oriente sur les « 200 000 euros accordés chaque année aux plannings familiaux », dixit la candidate, qui dénonce donc leur « approche assez banalisée de l’avortement ». Et si la députée frontiste prend soin de préciser qu’elle n’est pas pour l’interdiction de l’avortement, elle affirme qu'il faut « poser le problème » : « Il faut savoir pourquoi, alors qu’il y a eu une facilitation de l’accès aux contraceptifs, les avorte-ments ne baissent pas. Pourquoi parfois ils augmentent – et en Paca nous avons même des taux in-quiétants –, alors que dans le même temps, on continue de libéraliser l’accès à l’avortement avec la loi santé qui va être votée, en mettant des quotas aux centres médicaux de taux d’IVG, en suppri-mant le délai de réflexion... Je trouve que ce n’est pas une bonne approche. Je suis pour une res -ponsabilisation des femmes et surtout, je suis pour sortir de l’idéologie. »

Le Planning familial n’est pas le seul dans le viseur Marion Maréchal-Le Pen. Si elle est élue, la candidate promet le même tarif pour les associations LGBT. « Il n’est pas question de leur verser un sou demain à la région ! » assène-t-elle. Jeudi 26 novembre, une trentaine d’associations de la région, dont la Fédération Paca du Planning, ont publié un communiqué pour répondre à la charge de la tête de liste FN : « Ces associations, que vous décriez, viennent en aide depuis des années à des milliers de per-sonnes victimes de discriminations et de violences au quotidien. (…) Si la région Paca supprimait son aide au Planning familial, ce sont des milliers de femmes et d’hommes qui perdraient l’accès à une information et un accompagnement dans leur vie affective et sexuelle. L’avortement est un droit fondamental des femmes à disposer de leur corps. Le Planning familial défend l’application réelle de ce droit sur le terrain. Restreindre l’accès à l’avortement ne le fait pas disparaître, il le rend seulement dangereux et source de corruption. » Et pour la sémantique : « Oui, Mme Maréchal Le Pen, nos associations sont politiques, au sens noble du terme, et elles sont impartiales. Nous en sommes fièr-e-s. Politiques, parce qu’elles sont confrontées à la réalité de la vie des populations et parce qu’elles s’impliquent dans le vivre ensemble et pour que cette société soit plus juste, plus égalitaire et plus respectueuse. »

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Aide médicale à mourir: Québec maintient le capLe Journal de Montréal du 27 novembre 2015 par Johanne Roy

Malgré les vœux du fédéral, l'aide médicale à mourir sera bel et bien offerte à compter du 10 décembre au Québec, à moins que l'injonction réclamée par un groupe de médecins opposés à la nouvelle loi ne soit accordée par la Cour.

« La première chose à faire est d'attendre la décision du Tribunal. Chose certaine, notre volonté est d'aller de l'avant avec l'aide médicale à mourir. On maintient le cap », a déclaré, jeudi, la ministre québécoise de la Justice, Stéphanie Vallée, à la suite des informations du Devoir voulant qu'Ottawa demande à Québec d'attendre pour appliquer la nouvelle loi, le temps qu'il dépose son propre cadre législatif. « J'ai eu des discussions avec mon homologue fédérale (Jody Wilson-Raybould). Je lui ai signifié qu'une injonction a été plaidée, lundi dernier, et qu'elle a été prise en délibéré par le juge. Nos arguments sont à l'effet que nous avons légiféré à l'intérieur de notre juridiction. Selon la déci-sion de la Cour supérieure du Québec, on prendra les gestes qui s'imposent », a ajouté Mme Vallée, lors d'une mêlée de presse.

Le ministre de la Santé a abondé dans le même sens. « Au moment où on se parle, il n'y a qu'un seul événement devant nous, soit le jugement de la Cour du Québec qui va donner ou non l'injonction. S'il y a une injonction, on verra en temps et lieu. Je ne suis pas au-dessus des lois. Sinon, la loi sur l'aide médicale à mourir est prévue d'entrer en vigueur le 10 décembre », a formulé le ministre Bar-rette. La députée péquiste Véronique Hivon a pour sa part demandé aux ministres Barrette et Vallée « de réaffirmer haut et fort que notre loi québécoise entrera en vigueur comme prévu le 10 dé-cembre prochain ». « On a fait le débat de la manière la plus démocratique qui soit. Cela fait six ans qu'on travaille là-dessus. C'est inacceptable d'avoir à attendre. Cette loi doit aller de l'avant pour tous les gens qui se sont investis dans le processus », a insisté Mme Hivon.

Subutex : proscrit sur ordonnances Libération du 30 novembre 2015 par Michel Henry

Soignant les toxicomanes depuis plusieurs décennies, le docteur Furlan comparaît à partir de ce lundi, à Sarreguemines, après la dénonciation d’un pharmacien qui l’accuse de trafic.

Bon samaritain des toxicos, le docteur Jacques Furlan, 61 ans, est-il un escroc ? La justice le pré-tend, il s’en défend, s’estimant victime d’une vile querelle. Le médecin doit répondre ce lundi de-vant le tribunal correctionnel de Sarreguemines (Moselle) d’une accusation grave : selon le juge d’instruction, il a escroqué l’assurance maladie en rédigeant des « ordonnances de complaisance » au profit d’usagers du Subutex, ce produit de substitution à l’héroïne. Il rétorque qu’il n’a fait que son devoir de médecin, et se plaint d’être interdit d’exercer son métier depuis octobre 2013. « On me reproche d’être cupide, laxiste et irresponsable, explique Jacques Furlan. On me dit : "Vous prescrivez trop facilement, vous en faites un commerce." Mais je veux juste accompagner ces per-sonnes pour augmenter leur espérance de vie et les aider à retrouver un peu de dignité. »

Le médecin exerce à Hombourg-Haut, dans la cité de la Chapelle, frappée par le chômage et la pau-vreté, où il a grandi. On l’y salue toujours avec respect, lui qui en fut le maire de 2006 à 2014. Res-

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pect dû aussi au fait qu’il reçoit en consultation ces toxicos que certains de ses confrères évitent ou rabrouent. « Ce sont souvent des marginaux, agités, en état de défonce ou de manque, toujours pressés, explique-t-il. Leur présence provoque des remous dans la patientèle, qui risque de fuir le cabinet. Les médecins disent : "Allez voir le docteur Furlan, il est habitué". » Le praticien s’estime victime de ce « bouche à oreille ».

DélateurA ses côtés, sera jugé le pharmacien qui exerce sous son cabinet. A l’origine de l’affaire, une jalou-sie clochemerlesque : le pharmacien concurrent, établi dans l’autre cité de la commune, aux Chênes, a dénoncé la doublette en août 2012 auprès de la police de Sarrebruck. Prétendant, à tort et sans au-cune preuve, qu’ils approvisionnaient un trafic de Subutex en Allemagne toute proche, où la bupré-norphine, considérée comme un médicament stupéfiant (contrairement à la France, où elle est clas-sée « substance vénéneuse »), est plus difficile à obtenir, ce qui provoque un marché noir assez ac-tif. Le délateur avait précédemment, mais sans succès, saisi la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), soutenant, selon l’ordonnance de renvoi du juge, que le docteur Furlan avait instauré un « système clientéliste occulte au profit de la clientèle maghrébine ». L’enquête diligentée par la jus-tice française, à qui le parquet de Sarrebruck a dénoncé les faits, n’a mis au jour aucun trafic de la part du médecin ou du pharmacien. Le magistrat instructeur a délivré un non-lieu partiel à Jacques Furlan, estimant qu’il ne s’était pas rendu coupable de « délivrance irrégulière » de Subutex. Néan-moins, le juge a ordonné son renvoi en correctionnelle au motif qu’il pratiquait des « consultations au rabais » et faisait preuve d’une « complaisance coupable et d’un déni de prise de conscience à l’égard du trafic » de Subutex.

Le docteur Furlan prescrivait beaucoup de Subutex - 25 000 boîtes de mars 2011 à avril 2013 -, en rapport, selon lui, avec sa forte clientèle. Sa pratique n’a pas été remise en cause par les instances médicales avant la dénonciation. Exerçant au cœur de cette Lorraine qui comporte « le plus fort taux de population sous BHD [buprénorphine haut dosage] », selon une étude de l’assurance mala-die en 2011, il a bien reçu un courrier d’information, en mai 2013, l’informant de sa situation « aty-pique » : sur ses 177 patients soignés au Subutex, 43 recevaient le traitement le plus fort (plus de 16 mg par jour). Mais l’assurance maladie n’y voyait pas malice, l’invitant simplement « à un strict respect des référentiels ». Jacques Furlan se voit aussi reprocher ses trop nombreuses consultations quotidiennes, avec un record de 84 le 27 février 2012, dont 18 pour prescrire du Subutex. Selon Me Stanislas Louvel, partie civile pour l’ordre des médecins, il « a eu un comportement mercantile » et doit être « radié définitivement » : il fait partie de « ces médecins qui ont la carte Vitale un peu facile » et qui « se sont constitué une clientèle » dont une partie revend le Subutex. Me Louvel y voit un « dérapage » - l’ordre n’avait pourtant rien trouvé à redire.Pour son défenseur, « si certains patients ont pu faire, grâce à ses prescriptions, un trafic pour ob-tenir de l’argent ou acheter de l’héroïne, il n’en est pas responsable et a été abusé ». Me Domi-nique Rondu dénonce un « procès d’avertissement » destiné à tous les prescripteurs.« Aucun moyen de contrôle »La justice devra aussi aborder cette question : qui peut, sans expertise sur chaque patient, décider que le médecin abusait ? Difficile, pour un juge pénal, de trancher ce qui ressemble plus, selon la défense, à un débat devant l’ordre des médecins. S’il a pratiqué des consultations trop rapides ou des chevauchements d’ordonnances, et délivré des prescriptions de patients absents à des proches, « ce sont des actes peut-être non conformes à l’éthique, mais en aucun cas des infractions pénales », soutient Me Rondu. Sur les consultations trop rapides, le médecin explique : « Trois minutes pour une prescription, c’est un renouvellement d’ordonnance, qui doit intervenir chaque mois. Ces per-sonnes, je les connais depuis des années. » Certains patients ont affirmé aux enquêteurs s’être pré-tendus toxicos pour se faire prescrire du Subutex. Le médecin, à qui l’on reproche également une « violation des règlements sur le commerce ou l’emploi des substances vénéneuses », avoue son im-puissance : « Comment puis-je savoir ? Je n’ai aucun moyen de contrôle. »

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Son affaire illustre les réussites et la misère de la politique de réduction des risques (RDR). Côté po-sitif, elle a permis, via les échanges de seringues autorisés en 1989 et les produits de substitution dé-livrés depuis 1995, de stopper les épidémies de sida et d’hépatites. Mais la RDR n’a pas réglé le problème de la dépendance, les usagers passant d’un produit illégal comme l’héroïne au Subutex lé-gal, avec des allers-retours entre les deux et des mélanges. Concernant le Subutex, « drogue du pauvre » remboursée par la Sécu, la Moselle est le premier département français au nombre de boîtes vendues pour 100 habitants de 20 à 39 ans (selon une étude Trend en 2013). Le Subutex ne défonce pas, mais on peut détourner son usage, broyer les comprimés destinés à la voie orale et se l’injecter. Il n’y a pas de flash, mais les usagers sont souvent autant accros au geste (l’injection) qu’au produit.

Les généralistes se retrouvent souvent isolés face aux pressions violentes : « Certains patients dé-gradent la salle d’attente ou la voiture du médecin, urinent à côté des toilettes », raconte un habi-tué. Les praticiens de la RDR conseillent un travail d’équipe - ce qui n’est pas toujours possible, les structures étant engorgées. « Chez nous, on travaille avec des éducateurs, on a des règles précises, des procédures, des réunions cliniques. Si l’un de nous est en difficulté, nous agirons ensemble, ex-plique François Claval, directeur du centre de prise en charge des addictions Les Wads de Metz et Forbach. Pour les médecins seuls dans leurs cabinets, c’est plus difficile. » Surtout quand déboule un patient en manque. « Avec eux, ajoute-t-il, il faut travailler sur d’autres aspects, dont le social, le familial, le professionnel… La prise en charge des addictions n’est pas que médicale. Elle doit être globale. »

Refus de soinsVoilà où se situe la faille. « Je note l’absence totale des pouvoirs publics sur ces problèmes, déplore Me Rondu. La réduction des risques repose entièrement sur quelques médecins. Le docteur Furlan ne fait pas de sélection dans sa clientèle, lui. Qu’en pense l’ordre des médecins ? » L’ordre, via Me Louvel, « conteste de façon vigoureuse » les refus de soins. Pourtant, ils sont confirmés par les acteurs de la RDR. Un médecin d’Hombourg-Haut a placardé une affiche claire sur sa porte : « Le docteur ne fait pas de prescription de produits de substitution aux opiacés. » « Ce n’est pas parce que certains médecins refusent que tous refusent », rétorque Me Louvel, manière de reconnaître le problème.

Après la suspension du docteur Furlan, des toxicos victimes de « refus de prise en charge médicale » ont essayé d’obtenir directement leur Subutex auprès des officines, expliquant qu’ils régularise-raient ultérieurement. Les pharmaciens qui refusaient ont craint « des réactions de violence ». La caisse primaire d’assurance maladie leur a conseillé, « afin d’éviter toute rupture de traitement », d’orienter les demandeurs vers les hôpitaux ou le centre de soins Les Wads. Preuve que le docteur Furlan rendait un service réel, en militant des politiques de substitution qu’il a appliquées dès 1989. En 1994, ayant délivré irrégulièrement du Temgesic, un précurseur du Subutex, il écope d’un aver-tissement. Dès l’apparition du Subutex en 1998, il devient un de ses prescripteurs. La maison d’arrêt de Sarre-guemines lui adressait « une grande partie des sortants de prison » sous Subutex, preuve de la confiance des institutions.

S’il a effectivement bien gagné sa vie, l’activité Subutex restait minoritaire dans son chiffre d’af-faires. Depuis sa mise en cause, il a proposé d’instaurer un « parcours sécurisé », avec contrôle tous les deux mois par un médecin-conseil de la CPAM. Mais il n’a pas été entendu. Toutes ses de-mandes pour la levée de l’interdiction d’exercer ont été rejetées. Devant les juges, il joue son avenir professionnel.

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RECHERCHE

Prédire la sortie du coma grâce à l’imagerie cérébraleLe Monde du 13 novembre 2015 par Sandrine Cabut

Va-t-il sortir du coma ? A cette question qui taraude les familles, les travaux d’une équipe de l’Insti-tut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) apportent un nouvel élément de ré-

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ponse. En étudiant, par imagerie à résonance magnétique (IRM) fonctionnelle, le cerveau d’une trentaine de patients plongés dans le coma à la suite d’un traumatisme crânien ou d’un arrêt car-diaque, comparativement à celui d’individus sans trouble neurologique, Stein Silva, réanimateur au CHU de Toulouse, et ses collègues montrent que le degré de communication entre deux zones céré-brales permet de prédire quels individus vont récupérer leur conscience dans les mois suivant l’acci-dent. Ces travaux novateurs sont publiés dans la revue Neurology, datée du mercredi 11 novembre.

Altération plus ou moins sévère de la conscience de soi-même et de l’environnement, le coma concerne chaque année des dizaines de milliers de personnes en France. Il peut résulter de nom-breuses causes, dont les plus fréquentes sont l’hypoxie (manque d’oxygénation) cérébrale après un arrêt cardiaque, un traumatisme crânien ou un accident vasculaire cérébral, en particulier par hé-morragie. Cet état transitoire dure au maximum quelques semaines. Le devenir des patients est très variable. Certains meurent. D’autres, au contraire, se réveillent en quelques jours. La récupération peut être beaucoup plus lente et passer par des états de conscience altérée : état végétatif et état de conscience minimal.

L’état végétatif correspond à des patients qui ont des cycles de veille et de sommeil (avec ouverture spontanée des yeux), mais aucun signe de conscience. Leurs seuls mouvements sont réflexes. L’état de conscience minimale est, lui, défini par la présence – parfois fugace mais reproductible – de signes de conscience : verbalisation, poursuite visuelle, réponses à la commande… Dans le monde, des équipes très spécialisées explorent tous azimuts ces états de conscience altérée et les comas, pour essayer d’affiner au mieux le diagnostic et le pronostic. La prédiction de l’avenir de ces ma-lades reste cependant souvent difficile.

Perspectives thérapeutiquesCes recherches, qui font appel à de nombreuses techniques (imagerie cérébrale, étude de l’activité électrique du cerveau…), permettent aussi d’élucider peu à peu les mécanismes de la conscience à l’échelle neuronale. Ainsi, on sait désormais qu’il n’y a pas un siège unique de la conscience, mais qu’il s’agit d’un « espace de travail global », une sorte de conversation entre différentes parties du cerveau. L’équipe de Stein Silva et Patrice Péran (spécialiste en neuro-imagerie) a comparé l’activi-té cérébrale de 27 personnes dans le coma (14 à la suite d’un traumatisme crânien et 13 après un ar-rêt cardiaque) et de sujets du même âge sans trouble neurologique, grâce à une IRM fonctionnelle. Les chercheurs se sont particulièrement intéressés à une zone postérieure du cerveau, le cortex po-stéro-médian (CPM). Cette région est en effet impliquée dans d’autres formes de perte de conscience : son activité est, par exemple, abaissée pendant le sommeil ou lors d’une anesthésie.

Chez tous les patients dans le coma, quelle qu’en soit l’origine, Stein Silva et ses collègues ont ob-servé une « perte de communication majeure » entre le CPM et la partie antérieure du cerveau (cor-tex frontal médian). Une observation qui, selon eux, suggère le rôle important de l’interaction entre ces deux structures dans l’émergence de la conscience humaine. De plus, ils ont étudié le niveau d’altération de cette connexion au cours du temps et montré qu’il était corrélé à l’état neurologique du patient trois mois plus tard. « Les malades qui vont récupérer un état de conscience présentent des niveaux de connexions comparables à ceux observés chez les sujets sains. A l’opposé, une dimi-nution de la communication entre les deux zones prédit une évolution défavorable vers un état végé-tatif ou un état de conscience minimale », soulignent Stein Silva et Patrice Péran. Une nouvelle étude est en cours sur un plus grand nombre de patients (une soixantaine), pour conforter ces obser-vations et analyser plus finement les câblages neuronaux, indique Stein Silva.

« Si ces résultats se confirment, il pourra être utile de proposer une IRM fonctionnelle dans le bilan d’un coma, poursuit le médecin. En outre, cela ouvre des perspectives thérapeutiques, pour tenter de stimuler les connexions chez les patients chez qui l’on observe un potentiel de récupération ». « Pouvoir prédire le plus tôt possible l’évolution de ces malades est un enjeu majeur pour répondre aux questions des familles et prendre des décisions opérationnelles, et ce travail y contribue, se ré-

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jouit le professeur Louis Puybasset, chef du service de neuroréanimation chirurgicale à la Pitié-Sal-pêtrière, à Paris. Les recherches de cette équipe sont complémentaires des nôtres, qui évaluent la capacité de récupération des comas par des critères anatomiques comme la qualité de la substance blanche [connexions entre neurones] à l’IRM. »

Un smartphone qui dépiste la drépanocytoseSciences et Avenir du 13 novembre 2015 par marc Gozlan

Des chercheurs américains ont développé un système simple, fiable et bon marché permettant de diagnostiquer la drépanocytose, une maladie génétique qui affecte les globules rouges. Il fonctionne via un boîtier que l’on fixe à un smartphone.

Une équipe d’ingénieurs biomédicaux de l’Université du Connecticut, de l’Université Yale, du Massachusetts Institute of Technology et de l'Université Havard (États-Unis) ont développé un boîtier adaptable sur un smartphone Samsung Galaxy S4, équipé d’une application Android dédiée, pour diagnostiquer la drépanocytose. Ce dispositif médical pourrait être notamment utilisé dans certaines régions d’Afrique centrale et de l’Ouest, où cette affection touche un nombre important de la population, environ 25 %. Elle est également présente aux Antilles, en Inde, au Moyen-Orient et dans le bassin méditerranéen. Cette maladie, aussi appelée anémie falciforme, affecte les globules rouges : lorsque la concentration sanguine en oxygène diminue, il se produit une déformation caractéristique des globules rouges (ou hématies) qui prennent alors la forme de faucilles. La maladie se manifeste notamment par une anémie, des crises douloureuses et un risque accru d'infections.

En France, 441 enfants drépanocytaires ont vu le jour en 2013, soit un enfant atteint pour 1900 nais-sances, selon l'Inserm. Un chiffre qui en fait la maladie génétique la plus fréquente dans notre pays, avec une fréquence beaucoup plus importante dans les départements d’outre-mer (1/419) et en ré-gion parisienne (1/874) où se concentrent les populations à risque.

La drépanocytose dépistée grâce à un champ magnétiqueLe système mis au point par les chercheurs américains est décrit dans Scientific Reports, revue en ligne du groupe Nature. Il repose sur la différence de densité entre hématies normales et celles pro-venant d’individus atteints de drépanocytose. Placés dans un champ magnétique, créé par deux ai-mants, contenant du gadolinium et dans un milieu dépourvu d’oxygène, les globules rouges anor-maux ne lévitent pas aussi haut que les globules sains, ce qui permet de les reconnaître lorsqu’on les observe.

Un coût de 17 dollars pour 4000 testsCe système de détection ne nécessite qu’un très faible volume de sang (moins d’un microlitre). Il se compose d’une lentille optique pour agrandir l'image, de son support imprimé en 3D, d’une source LED pour éclairer l'échantillon et d’une batterie. Nul besoin de centrifuger l’échantillon sanguin pour séparer les cellules en fonction de leur densité. Pas plus que le système ne nécessite d’avoir une résolution poussée des images. Le système optique du smartphone suffit. En moins d’une se-conde, les images sont transmises depuis le tube qui renferme le minuscule volume de sang à une application Android fonctionnant sur un smartphone. Ce système de détection innovant de la drépa-nocytose n’est pas onéreux, la quantité de gadolinium nécessaire pour le fonctionnement de ce dis-positif revenant à 17 dollars la fiole de 2 ml. Elle permet de réaliser environ 4000 tests.

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Lutte contre le sida : un médicament contre l'alcoolisme pourrait contribuer à l'élimination du virusHuffington Post du 17 novembre 2015

Un médicament utilisé pour traiter l'alcoolisme associé à d'autres substances pourrait contri-buer à l'élimination du virus du sida chez les séropositifs traités, selon une étude publiée ce mardi 17 novembre.Le médicament, appelé "disulfiram" (noms de marque selon les pays : Antabuse, Esperal, etc.), ré-veille le virus dormant dans l'organisme infecté, permettant ainsi de le détruire ainsi que les cellules qui l'hébergent, et ce, sans effets secondaires, notent les auteurs dont l'étude paraît dans la revue mé-dicale en ligne, The Lancet HIV. Actuellement un traitement antirétroviral (ART), un cocktail de médicaments standard souvent surnommé trithérapie, permet de garder le contrôle du virus (VIH) chez les patients séropositifs, mais sans les en débarrasser définitivement. Le virus reste en effet tapi dans le corps de personnes traitées, sous forme latente (dormante).

Ce réservoir, difficile à atteindre, est l'un des plus grands obstacles à l'élaboration d'un traitement permettant d'assurer une guérison certaine. "Réveiller" le virus dormant est une stratégie promet-teuse pour débarrasser les patients du VIH. Mais "réveiller le virus est seulement la première étape pour l'éliminer", souligne Julian Elliot, directeur de la recherche clinique dans le service des mala-dies infectieuses à l'hôpital Alfred à Melbourne (Australie), premier auteur de l'étude. "Maintenant, nous devons travailler sur la façon de se débarrasser des cellules infectées", ajoute-t-il. D'autres médicaments ont également été testés pour s'attaquer au réservoir de VIH, mais sans grand succès, ou ils se sont avérés toxiques. Dans l'essai clinique conduit par Sharon Lewin, directeur de l'Institut Doherty à Melbourne, 30 personnes sous traitements antirétroviraux ont reçu des doses croissantes de "disulfiram" sur une période de trois jours. A la dose la plus élevée, une stimulation du VIH dor-mant, sans effets indésirables sur les patients, a été obtenue, selon les auteurs de cette étude.

Trisomie 21 : de nouveaux tests prénataux ju-gés efficacesLes Echos avec AFP du 18 novembre 2015

La Haute autorité de santé (HAS) réfléchit désormais à une manière de les intégrer dans la stratégie de dépistage afin de limiter le nombre d’amniocentèse.

C’est un pas important dans le dépistage de la trisomie 21 : de nouveaux tests prénataux ont été ju-gés efficaces par la Haute autorité de santé (HAS). Surtout, ils se font sur simple prélèvement de sang maternel, ce qui permettrait d’éviter certains recours à l’amniocentèse. Pour l’heure, la HAS réfléchit à un moyen de les mettre en place dans le parcours prénatal. « Pour l’instant, le test n’est ni autorisé, ni inscrit à la nomenclature, ni recommandé dans la stratégie de dépistage, a expliqué, ce mercredi, Catherine Rumeau-Pichon, adjointe du directeur de l’évaluation médicale, écono-mique, et de la santé publique de la HAS. Dans la mesure où nous disposons maintenant d’un cer-tain nombre d’études montrant que ses performances sont bonnes, il faut travailler sur la manière de l’intégrer dans la stratégie de dépistage ».

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Diminuer les recours non justifiés à l’amniocentèseL’objectif est, avant tout, de diminuer le nombre de recours non justifiés à l’amniocentèse, méthode jugée invasive pouvant se solder par une fausse couche. Aujourd’hui, le dépistage de la trisomie 21, anomalie chromosomique dont la probabilité augmente avec l'âge de la mère, repose sur une écho-graphie du fœtus associée au dosage des marqueurs sanguins dans les premiers mois de la grossesse, rappelle la HAS. En analysant l’ensemble des études publiées sur le nouveau test (dit test de dépis-tage non invasif, DPNI), il apparaît que « le taux de détection de trisomie 21 par le DPNI est supé-rieur à 99 % et le taux de faux positifs inférieur à 1 % dans le groupe des femmes identifiées comme à risque », ajoute la Haute autorité de santé. Ces performances « justifient de mettre à jour les moda-lités actuelles de dépistage », estime-t-elle encore.

Entre 400 et 600 euros le test« Il demeure néanmoins des questions: à quelle population faut-il proposer ce test ? Que fait-on en cas de résultat potentiellement faussement négatif ? », se demande Catherine Rumeau-Pichon. Elle relève aussi la problématique du remboursement. En effet, le test, facturé entre 400 et 600 euros, est actuellement non remboursé. Par ailleurs, il ne peut pas être pratiqué par tous les laboratoires. « L’objectif est que toutes les femmes enceintes puissent avoir accès au même soin », souligne la res-ponsable de la HAS. Dès 2013, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’était dit favo-rable à l’introduction en France de ce dépistage dans un premier temps aux femmes à risque. Il esti-mait alors qu’il constituait un progrès pour celles-ci. Mais son introduction a tardé notamment pour des raisons éthiques.

CRISPR, le couteau suisse des généticiensL’Humanité Dimanche du 26 novembre 2015 par Jérémie BazartNée il y a quelques années dans les laboratoires, une nouvelle technologie fiable, simple et peu coûteuse est en train de bouleverser le monde de la génétique. Elle est capable de réparer l’ADN et, avec elle, tous les rêves de guérison de maladies génétiques semblent réalisables, de même que n’importe quelle modification de gène…En 2012, un article publié dans la célèbre revue « Science » met le feu dans les laboratoires de biologie. Il explique dans le détail une nouvelle technique permettant de facilement modifier des séquences d’ADN. Son nom ? CRISPR/Cas9. Un nom imprononçable pour un outil qui semblerait avoir de beaux jours devant lui tant il est facile à mettre en œuvre, efficace et bon marché. Pour de nombreux chercheurs, c’est un véritable couteau suisse de la génétique, tout au moins en laboratoire.

Tout commence par un palindrome… cette figure de style qui fait qu’un mot ou une suite de mots peut se lire dans les deux sens (Kayak, non, radar, rotor, élu par cette crapule, etc.) L’ADN est constitué de 3,6 milliards de bases qui sont représentées par les lettres ATCG, correspondant chacune à une molécule chimique définie. En 1987, un chercheur de l’université d’Osaka découvre une suite de lettres de l’ADN qui peut se lire dans un sens et dans l’autre dans le génome de la plus célèbre des bactéries. Escherichia Coli. Il découvre là des palindromes génétiques qui seront baptisés CRISPR (le P veut dire palindrome) en 2012.

Immunité et palindromeLes chercheurs découvrent dans ces années-là qu’entre deux séquences palindromiques, il y a souvent de l’ADN de virus qui permet aux bactéries d’acquérir une immunité naturelle contre les infections, mais le mécanisme n’est alors pas encore bien connu. Ce n’est qu’en 2012, avec la

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fameuse publication d’Emmanuelle Charpentier dans « Science », que le mystère est élucidé : lorsque la bactérie rencontre à nouveau l’ADN du virus, la séquence est reconnue par le système CRISPR/Cas9.

Ce système se comporte de deux parties : de l’ARN (c’est-à-dire une copie de l’ADN du virus déjà rencontré) et une enzyme (Cas9). L’ARN viral contenu dans le complexe reconnaît l’ADN viral et la Cas9 peut le couper, retirer l’ADN du virus et ensuite recoller les morceaux. L’idée d’Emmanuelle Charpentier est de fabriquer des « ARN-guides » pour aller directement vers la zone du génome où l’on souhaite couper l’ADN pour éliminer une séquence malade, ou la remplacer par une autre. En fait, elle utilise les séquences de palindrome pour rechercher, parmi les 3,6 milliards de lettres, celles qui correspondent à l’ADN cible.

« Dommages collatéraux »Depuis cette date, le nombre de publications qui utilisent cette technique a explosé passant de 80 en 2012 à plus de 680 en 2015. Quand les techniques traditionnelles demandent des mois pour synthétiser des séquences, CRISPR ne demande que quelques semaines avec des techniques éprouvées par les laboratoires. Il est même possible de cibler plusieurs gènes à la fois sur des bactéries, mais également sur des plantes ou des animaux.

Tout devient possible, le système est très simple, rapide et fiable… ou presque. Car des effets « off target », en dehors de l’ADN ciblé, sont possibles et parfois peu visibles. Si le complexe vise bien la séquence recherchée, il est aussi capable de modifier des zones qui ne le sont pas, et donc potentiellement d’entraîner des « dommages collatéraux ». Toujours est-il que des expériences sont en cours, y compris chez des embryons humains, avec de nombreuses questions éthiques en suspens qu’il convient de rapidement clarifier…

Une révolution technique qui inquiète les autorités scientifiquesDans les laboratoires, la technique est éprouvée. Sur plusieurs groupes de cellules, la technique fonctionne in vitro et chez l’animal. Des gènes ont ainsi pu être supprimés, replacés ou inactivés chez la souris, le poisson-zèbre, la drosophile… bref, sur tous les modèles connus. Des tests ont démontré que cette technique pouvait stopper la multiplication de cellules cancéreuses ou rendre inopérants des gènes qui jouent un rôle dans le développement du VIH. Une des toutes dernières publications explique comment la technique peut être utile pour transplanter des organes entre espèces et éviter les rejets ! Et en avril dernier, un groupe de chercheurs chinois a annoncé avoir réalisé des essais sur des embryons humains unicellulaires, dans le but de réparer le gène responsable d’une maladie sanguine héréditaire.

Récemment, des rapports ont été publiés pour utiliser la technologie afin de modifier l’ADN humain dans des cellules germinales – les cellules susceptibles de former les gamètes : spermatozoïdes et ovocytes. L’effet serait donc héréditaire et transmis de génération en génération. Face à ces dérives, début octobre, dans un communiqué, un panel d’experts de l’UNESCO demandait un moratoire sur l’ingénierie de l’ADN humain pour éviter des modifications de caractères contraires à l’éthique. « Les interventions sur le génome humain ne sont admises que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques et sans apporter de modifications chez les descendants », rappelle l’UNESCO en faisant valoir que « l’alternative serait de mettre en péril la dignité inhérente, et donc égale, de tous les êtres humains et de faire renaître l’eugénisme ».

Le texte parle justement de CRISPR/Cas9, « qui offre la perspective de traiter ou même de guérir certaines maladies. Mais cette ingénierie peut également apporter des modifications de l’ADN telle que la détermination de la couleur des yeux… »

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Un nouveau test de détection du virus de l'hépatite CLe Figaro du 27 novembre 2015 par Jean-Luc Nothias Alors qu'il n'existe à ce jour qu'un test sanguin qui se fait en deux étapes, des chercheurs américains ont annoncé avoir mis au point un test urinaire simple et peu onéreux.

La détection d'infections virales n'est pas toujours simple. C'est le cas des hépatites et particulièrement de la C. Pour le moment, il existe un test sanguin qui se fait en deux étapes. Des chercheurs de la Irvine School of Medicine de l'université de Californie ont annoncé, lors de la Conférence annuelle de l'association américaine pour l'étude des maladies du foie, avoir mis au point un test urinaire simple et peu cher qui permet de savoir si l'on souffre ou non d'une hépatite C. Cette maladie est due à un virus découvert en 1989. Environ 150 millions de personnes dans le monde sont infectées chroniquement par le virus de l'hépatite C (VHC) et quelque 350 000 meurent chaque année de pathologies hépatiques liées à ce virus, cirrhoses ou carcinomes. De 3 à 4 millions de personnes sont infectées chaque année. La transmission du virus se fait pas voie sanguine (seringues des toxicomanes ou transfusion sanguine). Il n'existe pas à ce jour de vaccin. Le dépistage du VHC se fait par une prise de sang où va être recherchée la présence, ou non, d'anticorps contre le virus. Ce premier test permet donc de savoir si la personne concernée a été en contact avec celui-ci. Mais un deuxième test doit être réalisé pour savoir si le virus a été éliminé ou s'il est toujours actif (tests pris en charge à 100 % par la Sécurité sociale).

« Mettre au point un test fiable, facile à utiliser et peu coûteux est un impératif de santé publique , a expliqué le Dr Ke-Qin Hu, le responsable de ces travaux. Car l'hépatite C est largement sous-dépistée et sous-diagnostiquée. Or une personne atteinte ne peut être prise en charge et soignée que si elle est diagnostiquée, ou alors seulement lorsqu'elle développe des symptômes . » Les chercheurs estiment que leur test urinaire, qui permet de savoir en une fois si une personne a été en contact avec le VHC et si elle développe ou non la maladie, sans passer par la prise de sang, permettra de réduire grandement les coûts globaux du dépistage. Et ainsi de pouvoir le proposer dans de nombreux pays très concernés mais qui n'ont pas les moyens de se le procurer. Reste maintenant à vérifier sur une large échelle la fiabilité du test et à réaliser son développement industriel…

PERSONNALITÉS, FILMS ET OUVRAGES

André Glucksmann, un philosophe combat-tant du monde Libération du 11 novembre 2015 par Robert Maggiori

Parfois véhément, loin d’être académique, André Glucksmann pratiquait une philosophie ba-tailleuse. Une vigilance politique permanente.

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Chacun pourrait le constater : les « histoires de la philosophie » ou les « dictionnaires des philo-sophes » ne contiennent presque jamais l’entrée « André Glucksmann » - dont le nom peut être plus facilement trouvé si on passe par « nouveaux philosophes », le groupe informel d’intellectuels né et façonné par les médias au milieu des années soixante-dix, comprenant, entre autres, Bernard-Henri Lévy, Guy Lardreau, Christian Jambet, Jean-Paul Dollé, Jean-Marie Benoist ou Maurice Clavel. In-dice mineur, sans doute, ou, chez les rédacteurs de ces ouvrages, léger mépris pour toute philoso-phie qui ne répond pas aux critères de l’académisme.

De fait, André Glucksmann n’a pas été un philosophe académique, et sans doute se fichait-il d’être dans des panthéons. C’est avec un ouvrage sur la guerre, et sur Clausewitz, qu’il fit son entrée sur la scène de la pensée, témoignant déjà de ce que la philosophie n’était pas pour lui un exercice de style, un jeu de concepts, une tentative de simplement expliquer ce qui est, mais une guerre juste-ment, une bataille, une usine à fabriquer avec les mots et les idées des armes capables de désintégrer les dogmatismes, les idéologies, les totalitarismes, la raison d’Etat au nom de laquelle l’Etat trouve toujours raison d’opprimer et de priver de liberté. On lui a reproché parfois, lorsqu’il participait à des débats, d’être trop véhément, trop violent : il ne cédait rien, en réalité, de l’éthique de la convic-tion qui était la sienne. D’Auschwitz à la révolte de Budapest, du Vietnam au Rwanda, de Sarajevo à la Pologne de Solidarnosc, à la Yougoslavie, au printemps de Prague, jusqu’au goulag, puis à la question tchètchène et à l’islamisme : rien ne lui a été étranger, au sens où rien n’a fait - pas même les accusations de « transformisme », qui l’ont fait aller du maoïsme à un alignement aux côtés de Nicolas Sarkozy - qu’il renonçât à l’exercice de l’esprit critique, à l’exercice, justement, de la philo-sophie, conçue non pas comme système idéal, ni uniquement comme logique, ou esthétique, ou éthique, mais aussi attention vigilante, surveillance, politique et (demeurant d’une certaine façon marxien sinon marxiste à cet égard), transformation du monde, action sur le monde.

Happé par EschyleAndré Glucksmann connaît ses premiers succès avec deux de ses livres, la Cuisinière et le Mangeur d’hommes, réflexions sur l’Etat, le marxisme et les camps de concentration et les Maîtres penseurs. Dans l’un, il dénonçait, avec d’autant plus de force que cela venait d’un homme qui avait été com-muniste et maoïste, la férocité des régimes communismes et leur capacité à étouffer toutes les liber-tés au nom de la liberté et de la promesse d’avenir radieux, et rapprochait le totalitarisme commu-niste du totalitarisme nazi. Dans l’autre, il mettait à nu les procédés par lesquels, « sous couleur de savoir »,  même les plus grands philosophes - de Fichte à Marx, de Hegel à Nietzsche et à Freud - « ont agencé l’appareil mental indispensable au lancement des grandes solutions finales du XXème siècle ». On le dira trop passionné, excessivement cynique… Or, si dans Passion et cynisme, publié en 1981, il exprime son amour passionné et acritique pour la culture et la civilisation de l’Occident - dont les thuriféraires se trouvent généralement appartenir aux vieilles et nouvelles droites -, ce n’est pas pour glorifier une « pureté » occidentale, car un simple regard en arrière suffit à percevoir le mal que l’Occident a produit et semé, mais pour souli-gner sa capacité à voir le mal, à « fixer l’horreur ». Cette terascopie (teras = monstre, scopie = vue), dont le paradigme est à chercher dans l’Orestie d’Eschyle, est précisément, aux yeux de Glucks-mann, ce qui « sauve » l’Occident, en ce qu’elle est une « vue pure du défaisant en tant que défai-sant », un face-à-face avec ce qui défait, détruit et ruine, et sans la perception de quoi rien ne pour-rait être fait ou refait, bâti, construit.

De l’itinéraire de Glucksmann qu’à gauche on juge « involutif », ne doit pas être oubliée la façon dont, au début, le philosophe a été « pris », happé, par Eschyle et par les tragiques grecs - lesquels, avec Socrate, Diogène, Aristote, Montaigne et Bodin constituent les « phares », ou plus exactement les figures nyctalopes de Cynisme et passion - qui montrent dès l’aurore que la tragédie n’a pas édi-fié l’homme, mais l’a saisi « en creux », tel un « sentiment papillonnant ne se laissant saisir qu’à travers le geste qui s’efface ». L’homme est nuit, autrement dit, c’est dans la nuit qu’il voit, et c’est comme voyant dans la nuit que la tragédie grecque nous le donne à voir. Voilà la grande intuition du premier Glucksmann : c’est la nuit, et le manque, et la privation, et la guerre, et le Mal - qui sont « mère » originelle, terre d’origine, matrice première. Le fond noir est avant la lumière, ou, comme

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dirait Aristote, c’est l’aporie qui est première, la « voie dont on ne sait l’issue », qui ne dit pas où il faut aller, mais seulement la difficulté qu’il y a à aller. Cette difficulté, Glucksmann n’a cessé de l’affronter, tombant souvent, se relevant toujours. On ne doit pas y lire que l’homme, à l’état de na-ture, serait, mauvais, ni qu’il faut faire - idiotie - l’éloge du mal. Si mal il y a, il viendrait plutôt de ne pas avoir cru que voir le mal n’était pas mal, car l’homme s’accorde sur le mal, et non sur le bien, sur ce qu’il ne faut pas faire, et non sur ce qu’il est « prescrit » de faire, et d’avoir au contraire posé, comme idéal à atteindre (déjà chez Platon) l’idée de Bien. Tout le malheur des hommes est là : car si « dans le noir, on ne range pas d’un coup d’œil les bons d’un côté et les méchants de l’autre », en revanche, dès qu’on pose le Bien, on impose le discours de la division, de la guerre, de l’attaque, de la défense, et les lignes de démarcation - puis on se tue pour des questions de « bon » Dieu, de « bonne » société, de « bons » régimes, de « bons » principes.

Le fanatisme, fils aîné du systèmeIl est vrai que Glucksmann, à mesure qu’il avancera dans sa vie et dans ses combats, sera de plus en plus « politique » et traduira moins ses causes en termes philosophiques. Mais s’il ne la formulera plus ainsi, il ne se dépendra jamais de cette idée, à la lueur de laquelle toute sa biographie intellec-tuelle devient une « ligne » : lorsqu’on pose le Bien (quels que soient la personne, le tyran, le ré-gime, la politique, la stratégie que ce « on » pourrait désigner), on pose aussi les moyens, parfois forcés, de l’atteindre, les moyens « sûrs » de l’atteindre (garantis par Dieu, par une structure poli-tique, économique, militaire…), puis la certitude de le posséder, de sorte que sur cette certitude se fonde aussi la légitimité d’éliminer ceux qui, opposants, malfaisants, dissidents, ne le possèdent pas ou ne le recherchent pas. Le fanatisme est le fils aîné du système.

Le Bien (posé et imposé), la Vérité, la Certitude, voilà les valeurs léthifères par quoi s’autorise la propension à traquer, éliminer, enfermer, massacrer, les « aveugles ». Cette tentation, souvent réali-sée en actes, Glucksmann la traquera partout, du néoplatonisme à… l’euro-platonisme des gouver-nants d’aujourd’hui. Mais il indique aussi quelques antidotes : la folle sagesse de Diogène le cy-nique, l’apport « révolutionnaire » du dit réactionnaire Jean Bodin, philosophe du droit qui « fonde la souveraineté sur l’absence de consensus préalable », et les lumières du grand Montaigne, chez qui l’individu « ne symphonise à tout coup ni avec les autres ni avec lui-même ». Pas de doc-trine, pas de consensus, pas de « symphonie », au nom de quoi les hérétiques, les dissidents, les ca-cophoniques sont désignés à la vindicte, destinés à quelque camp de travail ou de concentration. Seulement un peu de cynisme et beaucoup de passion, qui déstabilisent unanimismes et optimismes béats, tuent dans l’œuf le fanatisme. Seulement un peu d’incertitude.

L’éloge de l’étonnementCe principe d’incertitude, qui peut féconder les sciences, l’homme, quand il pense, croit, espère ou agit, le craint toujours un peu, car il n’a pas renoncé au vieux rêve, cauchemardesque, d’une « sagesse » scientifiquement déterminable, politiquement ou religieusement garantie, qui permettrait de régler les problèmes humains sur le modèle d’une science réglant les problèmes de la nature. C’est pourquoi Glucksmann fait aussi l’éloge (présent dans la philosophie dès sa naissance) de l’étonnement, cette faculté remarquable qui interdit aux concepts de devenir, au sens propre, « staliniens », c’est-à-dire en acier, et qui, tranchant « dans son propre vif », découvre « dans le sans-espoir de son absence de ressources, une ressource inespérée ».

Sans doute cette « positivité » a-t-elle peu à peu été « oubliée » dans l’œuvre de Glucksmann. On la perçoit cependant exprimée en d’autres termes, dans bien des ouvrages successifs, entre autres la Bêtise, de 1985. Faisant d’elle un concept philosophique, il y affirme que la bêtise - « évidence com-mune et pain quotidien » - est première, comme étaient premiers le noir et le Mal, que la raison est seulement seconde, que la bêtise n’est pas l’échappée ou le raté de la raison et que la raison ne se présente jamais que comme une maîtrise momentanée de la « bêtise-toujours-déjà-là ». Désormais loin de la gauche, il fustige la bêtise de gauche, du gouvernement mitterrando-rocardien mais aussi

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des régimes de l’Est, où « la prise de pouvoir gérontocratique n’a pas dissipé l’horizon d’horreur des dictatures hitlérienne et stalinienne ».

Mais il élabore également une véritable phénoménologie de la bêtise, et, grâce à la critique de la conception bergsonienne du rire ou l’exemple de l’Idiot de Dostoïevski, des réflexions de Kant sur le respect, de Cicéron sur l’amitié ou de La Boétie sur la servitude volontaire, il caractérise la bêtise comme « existence et comme logique », capable, elle aussi, de « desserrer » l’emprise des discours dogmatiques.

Il est prévisible que bien des parties des livres d’André Glucksmann, nées de l’impérieuse envie d’introduire dans le discours philosophique, social ou moral, une « actualité » empruntée à la poli-tique politicienne, sont destinées à l’oubli. Quand resteront les « voix » et les voies dont il a tracé les linéaments, incarnées l’une par Heidegger, l’autre par Socrate : la première est impraticable, ou-verte par un penseur qui porta l’uniforme nazi, et qui a donc « cédé », la seconde par un philosophe qui n’avait comme certitude que celle de ne rien savoir, et qui a pu mettre en discussion les cou-tumes, les habitudes, les pratiques et les pensées de ses concitoyens, et qui, fidèle à lui-même, ne céda rien, sur la justice, et accepta même de se soumettre à un pouvoir dont il avait pourtant dénon-cé l’arbitraire et la bêtise - jusqu’à donner sa vie. D’une certaine manière, André Glucksmann aura aussi été « socratique », usant maintes fois de l’ironie pour déstabiliser les visages multiformes du dogmatisme.

Une éthique de la convictionIl suivait, on l’a dit, une éthique de la conviction - même lorsque ses convictions déroutaient ceux qui s’estimaient ses amis, même lorsque ses convictions le faisaient changer de bord politique. A propos de la menace nucléaire, il eut l’occasion de louer la dissuasion, qui est l’« entente de ceux qui ne s’entendent pas », car la dissuasion oblige à passer des rapports de force aux rapports de risque, introduisant ainsi l’exigence de ne plus jouer au plus fort mais de jouer au plus fin, d’avoir une « pensée vertigineuse », qui court sur la corde raide, très fine, reliant la certitude d’un côté et le nihilisme de l’autre, la croyance en une vérité « stalinienne » et la croyance qu’il n’y a, nulle part, une once de vérité. Dans l’entre d’eux - et c’est une vertu qu’on ne pourra pas ôter à André Glucks-mann -, il y a le courage, lequel tient « sur une ligne de crête entre deux peurs », dans un équilibre précaire où rien n’est jamais perdu ni gagné définitivement.

Un nouvel homme dans un nouveau corpsLa Croix du 12 novembre 2015 par Corinne Renou-Nativel

Avec subtilité, Hubert Haddad livre un conte fascinant* sur le projet de greffe d’un nouveau corps à un homme grièvement blessé.

Il fallait oser empoigner un tel sujet : ultime étape de la médecine en matière de greffe, doter un in-dividu non plus d’une nouvelle main, d’une jambe de rechange ou encore d’un rein neuf, mais d’un corps tout entier ! L’opération rend soudain plus concret le fantasme de l’immortalité. Fils d’un ma-gnat de l’industrie pharmaceutique, Cédric Allyn-Weberson a fait davantage que tuer le père. Il a rompu tous les ponts et, sous le nom de Cédric Erg, il signe des enquêtes d’investigation très lues qui prennent pour cibles industries, laboratoires et trusts en tous genres.

Dissimuler sa véritable identité s’avère essentiel à sa crédibilité, mais peut-être aussi à sa survie. Éperdument amoureux de Lorna Leer, une journaliste de terrain aussi belle qu’indépendante, il la demande en mariage sur un voilier qui croise au large de l’île de Paros. Choquée d’avoir appris par hasard son mensonge sur sa filiation, elle lui avoue songer plutôt à une séparation, sans lui donner

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l’explication. Un mauvais coup du sort n’arrivant jamais seul, une pièce de bois et de métal tombée du mât de misaine s’abat sur Cédric.

Entre la vie et la mort à l’hôpital d’Athènes, il est transféré dans une clinique de Turin pour une opération inédite financée par son richissime père qui n’a jamais perdu sa trace. L’objectif de l’in-tervention qui mobilise les meilleurs pontes : arracher Cédric à un corps inerte devenu un tombeau et lui en offrir un autre en parfait état de marche.

Hubert Haddad slalome avec élégance entre le récit réaliste et la fable pour avancer subrepticement jusqu’à son vrai sujet : où se situe réellement l’identité d’un homme ? Dans le nom et la filiation donnée par sa naissance ou le patronyme et le chemin choisis à l’âge adulte ? Dans la tête où ré-sident pensées et émotions, ou le corps qui vit les sensations ? Un charme singulier nimbe chacune des pages de Corps désirable à l’atmosphère étrangement feutrée et sensuelle, malgré le drame, malgré les enjeux éthiques et moraux.

L’écrivain confirme une fois de plus la dimension protéiforme de son talent avec ce conte envoûtant où l’inenvisageable est envisagé, l’impensable pensé. Avec subtilité, il glisse d’un genre à l’autre, double l’histoire d’amour d’une intrigue policière, enrichit le récit d’un défi médical d’une trame métaphysique. Dans un style d’une belle élégance, il crée un suspense oppressant, maîtrisé jusqu’à la pirouette de la dernière phrase.

*Corps désirable d’Hubert Haddad Éditions Zulma, 176 p., 16,50 €

Jean-François Mattei* : « Rien ne serait pire que d’encourager des enfants à la carte »La Croix du 12 novembre 2015 par Marine LamoureuxL’ancien ministre de la santé, professeur de médecine et généticien, met en garde contre le fantasme de l’enfant parfait.

Les techniques de procréation artificielle ne cessent de se développer. À quelles réflexions cela vous conduit-il ?Tant que l’on est dans le domaine de la médecine, c’est une bonne chose. Ces techniques permettent de lutter contre l’infertilité et contre certaines maladies graves, il n’est pas question de les rejeter en bloc. L’aide médicale à la procréation est alors une manière d’améliorer la condition humaine, comme la médecine a toujours tenté de le faire. Le désir le plus cher des futurs parents, c’est évi-demment que leur enfant se porte bien et qu’il soit normal, je parle avec quarante ans d’expérience dans ce domaine ! Ces techniques deviennent problématiques lorsque l’homme se prend pour Dieu, ne se pose aucune limite et commence à manipuler le vivant. Dans une société fragile comme celle d’aujourd’hui, sans idéal, le risque de fuite en avant est réel.

Que peut-on craindre ? 

Avec ces techniques, il n’est pas seulement question d’avoir un enfant mais un enfant plus perfor-mant ou conforme à un cahier des charges… Or rien ne serait pire que d’encourager des enfants à la carte. Si l’on devait se placer dans une telle perspective, les techniques de procréation artificielles créeraient plus de problèmes que de solutions… Et ce, pour une raison simple  : nous sommes libres parce que nous sommes le fruit du hasard. Dans le cas contraire, chacun serait enclin à demander

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des comptes. On peut citer le cas d’école de « l’enfant-médicament » obligé de se soumettre, toute sa vie, à des ponctions de moelle pour un aîné… Ou l’exemple des enfants nés d’un don anonyme qui demandent à connaître leurs origines… Il arrive aussi que des couples s’insurgent quand le bébé ne correspond pas à ce qu’ils attendaient. L’argument très puissant de la parenté d’amour plus forte que la parenté biologique en prend alors un coup… La liberté de l’enfant est aussi l’un des princi-paux arguments contre le clonage reproductif. Car il est insupportable d’être la copie d’un autre et non pas soi-même.

Peut-on imaginer qu’un jour, il paraisse « archaïque » d’avoir des enfants naturellement ?Je ne pense pas. Je crois en la résistance de l’esprit humain. L’homme n’est pas fait pour marcher au pas. Mais il est vrai qu’il faut être vigilant, éduquer les consciences et rappeler – notre société indi-vidualiste l’oublie trop souvent ! – que le bonheur c’est le lien à l’autre. Qu’un enfant heureux est un enfant qu’on aime pour lui-même et pas pour la performance qu’il représente… Attention aussi au syndrome de la pente glissante, qui peut nous conduire, de proche en proche, là où nous pensions ne jamais aller. L’élargissement des indications du DPI dans certains pays en est une illustration. Cette technique de tri embryonnaire, autorisée au départ pour des maladies incurables extrêmement graves, est désormais utilisée pour des gènes de prédisposition à certains cancers, pathologies que l’enfant à naître ne développera peut-être jamais… Bientôt, il pourrait ne plus concerner des gènes de maladie mais des gènes ayant trait à telle ou telle qualité particulière. Cela doit nous questionner.

(1) Président du fonds Croix-Rouge française. Auteur de « Où va l’humanité ? », avec Israël Nisand, Les liens qui libèrent, 2013, 87 p., 9,50 €.

Ils ont trouvé comment l’ADN s’autorépare !L’Humanité Dimanche du 12 novembre 2015 par Marine Cygler

Soumis aux polluants, l’ADN se dégrade mais obéit à un mécanisme de réparation permanent, mis en évidence par des chercheurs. Une découverte, gratifiée du Nobel de chimie,

prometteuse face au cancer. Le 7 octobre dernier, les « réparateurs de l’ADN » étaient à l’honneur. Les pionniers Tomas Lindhal, Paul Modrich et Aziz Sancar ont été récompensés par le prix Nobel de chimie. La distinction ultime pour ces chercheurs dont la thématique de travail est largement inconnue du grand public. Les lauréats ont été honorés par le jury de Stockholm pour avoir mis au jour les mécanismes moléculaires chargés de repérer les lésions de l’ADN et de les éliminer. Ces systèmes permettent de maintenir l’intégrité de notre matériel génétique.

A la fin des années 1940, les biologistes pensaient que l’ADN, support de l’information génétique, était une molécule stable. Las, ce n’est absolument pas le cas. Soumis à de nombreuses attaques comme l’exposition aux rayons ultraviolets du soleil, à la fumée de cigarette ou à divers composés toxiques présents dans l’environnement, l’ADN est endommagé. Les lésions s’accumulent avec le temps. On considère d’ailleurs que chaque jour il se produit entre 1000 et 10000 petites lésions sur l’ADN. Elles sont potentiellement dangereuses dans la mesure où elles peuvent mener à un mauvais fonctionnement des cellules, voire à leur dégénérescence ou à la formation d’une tumeur. Quand la molécule d’ADN se dédouble, le système de copie, appelé réplication, n’est pas infaillible et introduit des mutations.

C’est le premier lauréat, déjà récipiendaire du prix international de l’Inserm en 2008, le Suédois

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Tomas Lindhal (Institut Francis-Crick, Royaume-Uni), qui a mis en évidence la fragilité de l’ADN et la rapidité de sa dégradation. Dès lors, les scientifiques ont cherché quelles étaient les protéines garantes de l’intégrité du matériel génétique. Tomas Lindhal a mis le doigt sur un mécanisme de sauvegarde. Le Turco-Américain Aziz Sancar (université de Caroline du Nord, Etats-Unis) a, lui, révélé l’effet délétère du rayonnement ultraviolet sur l’ADN et la manière dont les altérations étaient corrigées grâce à un autre système de réparation. Enfin, le généticien américain Paul Modrich (Institut médical Howard-Hughes et université Durke, Etats-Unis) a montré comment les cellules corrigeaient les erreurs survenant lors de la réplication.

Une oubliée de ce Nobel : la généticienne américaine Evelyn Witkin, âgée de 94 ans, qui a reçu en septembre le prestigieux prix Lasker pour avoir montré en 1956 que les rayons ultraviolets étaient délétères pour la synthèse des protéines. On dit souvent que le prix Lasker est l’antichambre du Nobel, pas cette fois-ci malheureusement.

Jean-Marc Egly : directeur de recherche à l’institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (Inserm, Strasbourg)L’Humanité Dimanche du 12 novembre 2015 Comment avez-vous accueilli ce Nobel ?Tout comme la communauté de chercheurs qui travaillent sur les mécanismes de réparation de l’ADN, je suis ravi car cela faisait longtemps qu’on l’attendait. Ce Nobel met en lumière tout un domaine de recherche qui était un peu ignoré de la communauté scientifique, qui s’intéresse plus à la lecture des gènes qu’au maintien de leur intégrité. Des chimistes, des physiologistes, des spécialistes du développement ou encore des biophysiciens vont nous rejoindre. C’est tout à fait vertueux. Par ailleurs, je connais bien Tomas Lindahl, un scientifique de grande classe, qui a produit au cours de sa carrière des travaux de qualité et a dirigé un des centres de recherche les plus prestigieux d’Angleterre. Quant aux travaux des deux autres nobélisés, Aziz Sancar et Paul Modrich, je les ai souvent cités dans mes publications. Ils correspondent à la définition de l’attribution d’un prix Nobel, c’est-à-dire à une innovation ayant permis de franchir un cap dans un domaine de recherche.Quelles sont les perspectives médicales ?Elles sont vastes. Contrôler les réparations de l’ADN est un enjeu pour les nouvelles molécules anticancéreuses. De fait, la chimiothérapie utilise des composés qui génèrent des lésions dans l’ADN des cellules de la tumeur. Si ces lésions sont très nombreuses, le système de réparation est dépassé, ce qui conduit à la mort des cellules cancéreuses. Aujourd’hui, les molécules sont en développement afin d’empêcher les enzymes de la réparation d’agir. Par ailleurs, certaines maladies génétiques rares, comme celles des enfants de la Lune (xeroderma pigmentosum), qui sont obligés de vivre enfermés éloignés des rayons ultraviolets du soleil, sont liées à un défaut d’une enzyme de réparation. Pour les soigner, on pourrait espérer pallier ce dysfonctionnement. Le vieillissement aussi est lié à une accumulation de lésions de l’ADN. On tient là un vrai sujet d’actualité.

Du côté fondamental, que se passe-t-il dans les laboratoires ?La recherche est toujours très active. Après avoir compris que l’ADN pouvait être la cible d’attaques génotoxiques à la fin des années 1960, les divers mécanismes de réparation ont été découverts jusqu’au milieu des années 1990. Dans un tube à essai, les chercheurs sont capables de reconstituer un système de réparation en mettant en présence un l’ADN lésé et les acteurs

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principaux de la réparation. Nous connaissons les éléments basiques, maintenant nous devons comprendre le deuxième cercle de régulation et ainsi nous rapprocher des conditions physiologiques. Prenons l’exemple d’une voiture, tout se passe comme si de la voiture nous avions les portes, le moteur et les roues. Il nous reste à y mettre les sièges, les rétroviseurs…

Quand les promesses (dé) font la science Le Temps du 13 novembre 2015 par Olivier Dessibourg

Dans la recherche en train de se faire, les promesses (de résultats) sont-elles utiles ? Efficaces ? Contraignantes ou stimulantes ? Un collectif de spécialiste, sous l’égide d’un poli-tologue de l’Université de Lausanne, se pose ces questions. Et y répond dans un livre : Sciences et technologies émergentes: pourquoi tant de promesses ?*. C’est le titre d’un ouvrage issu d’un collectif d’auteurs, sous la direction de Marc Audétat, politologue et chercheur à l’Interface Sciences-Société de l’Université de Lausanne.

Vous parlez de 'business des promesses' agissant comme une bulle spéculative qui se surim-pose à la recherche. La situation est-elle si grave ?L’excès de promesses et la surenchère conduisent à des décisions plus politiques que scientifiques, à des espoirs déplacés ; elles n’éclairent pas la vision des possibilités qui s’offrent à partir de l’état de l’art, elles l’obscurcissent. Ainsi, l’on finance mieux certaines recherches au détriment peut-être d’autres priorités. Le business des promesses crée un écran qui empêche ces dernières d’être éva-luées.

Pour la sociologue Ulrike Felt, 'vendre la science' ne peut plus être vu comme un luxe mais est devenu une nécessité. Pourquoi ?Elle a fait le constat, il y a 20 ans, que les fonds pour la recherche ne sont pas illimités ni assurés à jamais. Or depuis, avec les grands programmes de recherche qui allouent des sommes toujours plus larges sur une base compétitive, à l’instar du schéma européen Future and Emerging Technologies FET, doté d’un milliard d’euros, et qu’a remporté le Human Brain Project (HBP) à l’EPFL, on a vu se mettre en place un régime de promesses qui déborde sur l’ensemble du système de la recherche.

Quels sont les ressorts des promesses scientifiques ?Il faut rappeler que promesses et visions ont toujours été présentes dans le travail des sciences mo-dernes. Or on pense qu’elles se contentent d’accompagner le travail scientifique. En fait, elles font bien plus, en ayant un rôle d’orientation et de coordination des efforts de recherche. En ce sens, elles façonnent les sciences et les techniques. Cela dit, la production de promesses a augmenté en raison de la compétition toujours plus dure pour capter les fonds, des ruptures technologiques qu’elles annoncent, de la croissance des services de communication, de la multiplication des ana-lystes industriels qui répondent à la demande du capital risque. Enfin, la circulation des promesses est devenue massive avec l’Internet et l’implication d’acteurs de toute sorte.

N’est-ce pas ardu de résister aux promesses lorsqu’elles s’adressent aux espoirs les plus pro-fonds de l’être humain ?Notre collègue américaine Sarah Franklin parle de « technologies de l’espoir » lorsqu’il s’agit de santé, de médecine reproductive ou du vieillissement, des domaines où il conviendrait d’observer un peu de retenue. Ce que n’a pas fait le HBP lorsqu’il a joué sur l’espoir de guérir les maladies neurodégénératives comme l’Alzheimer ou Parkinson. Des arguments avancés durant la campagne de candidature FET que nombre d’acteurs ont trouvé abusifs.

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Les promesses des chercheurs seraient aussi fortement conditionnées par celles des institu-tions qui les hébergent…Sans doute, mais ils vivent et s’engagent dans ces promesses avec un idéal parfois très différent des buts recherchés par leur institution. Généralement, ils se montrent plus prudents quand on les inter-roge sur leurs travaux que les porte-parole de leur institution ou que les entrepreneurs scientifiques. J’ai pu le constater sur le terrain de la nanomédecine et de la médecine personnalisée, qui postule que la génomique permettrait d’élaborer des médicaments adaptés aux spécificités des patients.

Selon vous, « les promesses ont aussi pour but de répondre à l’irréductibilité des incertitudes ». Faire des recherches dont on ignore l’issue impose-t-il forcément de faire des promesses de ré-sultats ?C’est bien là un des problèmes : la recherche n’aboutit pas forcément au résultat escompté au dé-part, mais elle progresse en ouvrant éventuellement une autre voie. C’est pourquoi la sur-médiatisa-tion de promesses, en créant des attentes et une exigence de résultat, peut bloquer la recherche et entraîner une perte de liberté. Du côté de l’innovation, où les incertitudes sont nombreuses, les pro-messes tendent à minimiser les obstacles et exagérer les vitesses de réalisation. Certains affirment que le futur est déjà écrit, que le développement technologique est déterminé. Il ne faut pas être dupe.

Pour le sociologue Olivier Glassey, « les promesses peuvent avoir plusieurs vies ». En quoi ? Mon collègue rappelle la crise des '. com' dont la valeur a chuté en l’an 2000 en raison de la pro -messe déçue de rentabilité des premiers services en ligne, et comment le 'web 2.0' a été conçu pour relancer cette promesse. Mais on peut penser aux promesses qui reviennent régulièrement : la mai-son automatisée, l’intelligence artificielle. Ou celle de remplacer les organes malades : on l’a ou-blié, mais on nourrissait cet espoir il y a 20 ans avec la xénotransplantation. Après la désillusion sont arrivées les cellules souches d’embryons. Il y a aussi des promesses pluricentenaires, puisque Francis Bacon, dans La Nouvelle Atlantide en 1627, parlait déjà de nouveaux matériaux, de nou-velles espèces et de prolongation de la vie. Mais les promesses peuvent être évaluées selon leurs performances et on observe aussi des cycles de crédibilité. La médecine personnalisée, par exemple, arrive semble-t-il au bout d’un cycle, et l’expression « médecine de précision » circule déjà pour lui venir en aide.

Pire, « une fois émises, les promesses scientifiques échappent à leur producteur », lit-on dans une analyse sur le transhumanisme…

Une fois portée à l’attention du public, les visions et promesses sont interprétées, réécrites, prolon-gées, incluses dans de grands récits du futur. Il n’est pas interdit de rêver.

N’y a-t-il pas un risque que le public se lasse de toutes ces promesses ? L’intégrité de la science n’est-elle pas menacée ? C’est la crainte de nombreux chercheurs : l’exagération des promesses prépare les désillusions, qui peuvent conduire à des baisses de moyens. Et en ce sens, la science qui bénéficie des promesses peut aussi en être victime. C’est pourquoi les promesses les plus futuristes, qui trahissent des inté-rêts à court terme, dans le positionnement de la compétition pour les ressources financières, ont par-fois un caractère factice ou désincarné.

Selon Pierre-Benoit Joly, directeur de recherche à l’INRA, c’est « le futur qui colonise le pré-sent ». Pourquoi ?Certaines promesses attirent toute l’attention et mobilisent des moyens qui créent un état de nécessi-té et empêchent de voir qu’il y a plusieurs avenirs possibles. Elles font écran à la vision des priorités possibles et court-circuitent la discussion qui devrait avoir lieu. Pour exemple, il rappelle comment la promotion des OGM pour résoudre des problèmes de la production agricole a eu pour consé-quence de négliger d’autres solutions.

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Va-t-on vers la fin de cette « ère des promesses » ? Comment calmer le jeu ?Il n’y a pas de recette. Nous pouvons tous déjà exercer notre sens critique et promouvoir celui-ci chez les scientifiques eux-mêmes et dans le public. On peut aussi chercher le moyen de ré-enchanter les promesses : il faudrait arrêter de concevoir la recherche comme exclusivement au service de l’utilité, du marché, et de la brevetabilité, et de voir la société comme un frein au progrès. En tous cas, le régime des promesses technoscientifiques paraît parfois déconnecté. Il faudrait préserver les autres types de recherche, y compris « fondamentale », promouvoir des travaux faisant une meilleure place aux enjeux sociaux et environnementaux, et encourager la participation d’un plus grand nombre d’acteurs concernés.

*Sciences et technologies émergentes : pourquoi tant de promesses ? Sous la direction de Marc Audétat. Avec Gaïa Barazzetti, Gabriel Dorthe, Claude Joseph, Alain Kaufmann et Do-minique Vinck. Editions Hermann

Alain Damasio* : « Les tentations transhuma-nistes se fondent sur l’antique désir d’être Dieu »La Croix du 17 novembre 2015 par Frédéric Mounier Les transhumanistes visent la subversion des cadres ontologiques de la condition humaine : être ici et maintenant, être blessé, s’affaiblir, vieillir et mourir.

Allons-nous passer prochainement de l’homme réparé à l’homme augmenté ?

Le transhumanisme fabrique de l’« Hourra-anticipation » : « Hourra, nous allons être réparés, im-mortels, puissants ! » On suscite ainsi un imaginaire désirable, dont on ne sait absolument pas si, scientifiquement, il est viable ou même possible, dont on n’évoque jamais les effets secondaires en termes d’inégalités accrues ou d’effets psychotiques désastreux. Par exemple, le stress et l’hypocondrie exacerbée qu’induisent les dispositifs de « body-check » qui mesurent notre tension, notre pouls, etc., soi-disant pour notre santé.

Sur quoi se fondent les tentations transhumanistes ?

Sur l’antique désir d’être Dieu, cette pensée magique qui nous saisit dès l’enfance  : nous jouissons de contrôler et diriger notre environnement au doigt (interface tactile) et à l’œil (écran), et même à la voix, avec nos smartphones à reconnaissance vocale. « Que notre Verbe agisse le monde », tel est le rêve qui nous est offert ! Ce désir est très puissant car il s’appuie sur la subversion des cadres on-tologiques de la condition humaine : être ici et maintenant, être blessé, s’affaiblir, vieillir et bien sûr mourir. Le transhumanisme nous dit : « Tu peux être immortel, dépasser ta condition d’être vivant : ne plus souffrir, courir un marathon comme une fleur, être partout à la fois. » Le transhumanisme vise à incarner cela, en utilisant souvent le handicap comme Cheval de Troie : vaincre Alzheimer ou Parkinson, équiper un amputé, c’est fabuleux ! Sauf que ce n’est qu’une étape et un masque. Très vite, on glisse vers cette idée : l’homme normal est lui-même handicapé (par rapport à un idéal pos-tulé). Donc augmentons-le.

Et pourtant, selon vous, l’homme peut rester l’homme ?

Nous avons absolument tout en nous. Tout pour être des soleils vivants. Le techno-capitalisme nous pousse à ne pas résoudre les problèmes directement à partir de nos propres puissances. Peu importe

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d’oublier 99 % du livre que je lis, si j’en retiens le 1 % qui m’aidera à mieux regarder le monde. Ré-apprenons à percevoir le monde sans écran. À nous parler en face-à-face, chaleur à chaleur. Et réha-bitons nos quatre grandes capacités propres : éprouver, percevoir, penser et imaginer. Là est notre différence, notre grandeur d’humain. Pourquoi la déléguer, l’atrophier en la confiant à nos applis ?Selon vous, l’homme n’est pas en train de changer d’espèce ?

Non, mais il change d’imaginaire d’espèce. Le transhumanisme prend place dans un combat des imaginaires. Il est en train de préempter le futur : « Vivre heureux demain sera affaire de pouvoir sur nos corps, notre nature limitée. Donc augmentons-nous ! » Il risque d’être tragique pour beau-coup de monde, de ne servir qu’une élite.

Le hasard va-t-il disparaître ?

Relisons Péguy : « Ne jamais vouloir être tranquille d’avance. » Toute notre société est construite sur l’opposé. Vouloir être tranquille d’avance, c’est conjurer toute altérité possible, toute surprise, tout hasard heureux. Or, la confrontation à ce qui n’est pas nous, en tous domaines, nous rend plus vastes, un peu plus riches, fécondés, que ce que nous étions avant la rencontre. Le hasard, c’est la chance de l’ouvert : là où l’appel d’air passe et nous fait respirer. Amplement.

*Alain Damasio, auteur de science-fiction : La horde du contrevent. Edition La Volte, 53 Rue Perthuis, 92 140 Clamart ; et de jeux vidéo, spécialiste du transhumanisme. 

Comment l'IRM fœtale peut-elle aider au pronostic ?Le Figaro du 23 novembre 2015 par Le docteur Chantal Durand*Si l’échographie reste l’examen de première intention dans le cadre du dépistage et du diagnostic prénatal, les indications de l’IRM sont aujourd’hui validées et sa place est devenue essentielle dans le diagnostic de certaines malformations, notamment cérébrales mais aussi pulmonaires, digestives ou urogénitales.Cet examen, qui présente l’avantage de pouvoir analyser le fœtus dans les trois plans de l’espace, contribue dans certaines situations à améliorer l’approche diagnostique. L’IRM participe aussi à l’évaluation du pronostic et à la prise en charge ante et postnatale.

L’IRM fœtale a été développée par les radiopédiatres. Une part importante de l’imagerie pédiatrique est consacrée aux pathologies du développement et de la croissance et, en pratique, le radiopédiatre permet d’assurer le continuum entre l’imagerie prénatale et l’imagerie postnatale. L’expertise des radiopédiatres est utile pour caractériser les lésions fœtales, mais aussi pour participer à l’évaluation du pronostic postnatal, un élément fondamental pour guider l’attitude thérapeutique à la naissance, ou lorsque le pronostic est très péjoratif, pour envisager une interruption de grossesse pour raison médicale (IMG). En France, celle-ci peut être pratiquée jusqu’au terme. La possibilité d’interrompre la grossesse pour raison médicale même tardivement impose une évaluation précise de la gravité des lésions et de leurs conséquences sur le pronostic vital, mais aussi sur les conditions de la vie du futur bébé. L’indication est portée sur « une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité, reconnue comme incurable au moment du diagnostic », comme le précise la loi sur l’IMG.

L’avis médical donné aux parents est collégial et multidisciplinaire. Les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) ont été créés dans ce but par la loi du 30 juillet 1994. Ces pôles d’expertise sont composés d’obstétriciens, d’échographistes, de néonatologues, de pédiatres, de

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radiopédiatres… Ils sont accrédités par l’Agence de la biomédecine et répondent à un règlement précis. L’IMG reste volontaire, demandée par la patiente, et ne peut être pratiquée que si deux médecins membres d’un CPDPN attestent, après que cette équipe a rendu un avis consultatif, qu’il existe une affection d’une particulière gravité.

Un examen clé pour l’exploration de l’encéphaleEn postnatal comme en prénatal, l’IRM permet, en complément de l’échographie, de préciser des anomalies du développement cérébral fœtal. Parfois, le pronostic pourra conduire à une IMG. A l’inverse, l’IRM peut apporter des éléments de bon pronostic quand elle affirme le caractère isolé d’une anomalie. La découverte d’une dilatation ventriculaire en échographie est une indication fréquente de réalisation d’IRM en complément. Le caractère isolé d’une dilatation modérée permet de rassurer les parents sur le devenir de leur enfant à naître. L’IRM peut être réalisée au cours du 2ème trimestre de la grossesse pour l’étude de certaines structures cérébrales, en particulier la fosse postérieure, le tronc cérébral, mais dans la majorité des cas elle n’est indiquée que dans la 31 ème

semaine d’aménorrhée, quand les sillons sont apparus à la surface du cerveau.

Au niveau thoraciqueL’IRM est complémentaire de l’échographie pour la caractérisation de certaines malformations et participe à l’organisation de la prise en charge périnatale. S’il existe un risque de détresse respiratoire à la naissance, un accouchement dans une maternité de niveau 3 est préconisé, où une équipe pluridisciplinaire pourra prendre en charge le nouveau-né. En cas de hernie diaphragmatique, le pronostic repose toujours sur l’association échographie-IRM avec évaluation du risque d’hypoplasie pulmonaire qualifiée de sévère en anténatal, il est aujourd’hui possible de proposer un traitement in utero dans des centres de référence.

Au niveau abdominalL’IRM est un examen important dans l’évaluation et la prise en charge des obstacles digestifs, responsables à la naissance d’occlusion. C’est l’examen clé en anténatal pour le diagnostic de cloaque, malformation complexe de la fille, de pronostic chirurgical et fonctionnel sévère. L’échographie est l’examen de première intention pour le suivi de la grossesse et le dépistage anténatal. En cas d'anomalie, une échographie de deuxième niveau est réalisée par un médecin référent. L’indication d’IRM est alors posée – ou non – en fonction du type de malformation. Elle est généralement réalisée au 3ème trimestre de la grossesse.

*Chef du service d’imagerie pédiatrique, CHU de Grenoble. Membre de la Société française de radiologie. Secrétaire générale de la Société francophone d’imagerie pédiatrique et prénatale.

Geneviève Avenard, adjointe au Défenseur des droits en charge des enfants« Les difficultés d’accès aux soins en protec-tion de l’enfance sont aggravées lorsqu’il y a handicap »Le Quotidien du Médecin du 23 novembre 2015 par Coline Garré

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À l’occasion de la journée internationale des droits de l’enfant, le Défenseur des droits a ren-du le 20 novembre au Président de la République son rapport annuel consacré aux enfants en situation de handicap, pris en charge en protection de l’enfance. La défenseure des enfants Geneviève Avenard appelle à une sensibilisation des généralistes à l’égard de ces « enfants in-visibles », perdus entre plusieurs politiques publiques.

Qui sont ces « enfants invisibles » que vous mettez en lumière dans votre rapport annuel ?Il est extrêmement difficile de répondre à cette question. Les informations précises sur ces enfants, émargeant dans deux types de politiques différentes, manquent. Pour avoir une meilleure visibilité, nous avons lancé une enquête auprès des départements. 43 ont répondu, dont seulement 18 pou-vaient indiquer le nombre d’enfants handicapés en protection de l’enfance. Nous avons conduit, en parallèle, plus de 40 auditions et reçus des contributions des acteurs de la protection de l’enfance et du handicap. Nous estimons que le taux d’enfants pris en charge en protection de l’enfance et béné-ficiant d’une reconnaissance de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) est de 17 % (soit 70 000 enfants) mais d’autres données font état de taux plus élevés (25 % voire 40 %). On note une sur-représentation des handicaps psychiques et mentaux, avec des troubles du compor-tement. Autre caractéristique, ces enfants se trouvent dans un enchevêtrement de prises en charge sans cohérence. Ils sont très souvent accueillis dans des structures inadaptées, dotées d’équipes édu-catives mais pas forcément d’un plateau technique de soins.

Quels sont les problèmes d’accès aux soins auxquels ces enfants sont confrontés ?Toutes les difficultés de coordination, de partage d’information, et de prévention qu’on peut rencon-trer en protection de l’enfance sont aggravées pour ces enfants en situation de handicap. En théorie, ils ont accès aux soins psychiatriques dans les hôpitaux publics, les centres médico-psycho-pédago-giques, les centres d’action médicosociale précoce ou dans les instituts médico-éducatif ou théra-peutiques. Mais la réduction des moyens en pédopsychiatrie freine leur prise en charge. Les listes d’attente s’allongent. L’offre est insuffisante. Le défaut d’articulation entre les structures conduit parfois à la suspension ou au gel d’un soin : par exemple, lorsqu’un enfant, à la faveur d’un place-ment en institution, change de secteur psychiatrique. La multitude d’acteurs qui ne se connaissent pas ni ne se comprennent peut conduire à des évaluations différentes, des retards dans l’orientation vers la MDPH, et des fractures dans leur accès aux soins.

Quel peut être le rôle des médecins à l’égard de ces enfants ?Les généralistes doivent être sensibilisés aux problématiques spécifiques de ces enfants et être convaincus de leur place dans un projet global. L’aide sociale à l’enfance (ASE) doit identifier un médecin référent en son sein, qui soit l’interlocuteur ressource et le coordonnateur des praticiens li-béraux et hospitaliers. Pour intervenir le plus justement auprès de l’enfant, les acteurs doivent en avoir une vision globale. C’est pourquoi nous plaidons en faveur d’outils, comme le carnet de santé informatisé et un dossier présentant l’anamnèse de l’enfant. Enfin, les médecins scolaires et de la protection maternelle et infantile sont très importants en matière de dépistage précoce, de soutien aux parents, et de lien avec les généralistes.

Mon corps (re)connecté Libération du 24 novembre 2015 par Guillaume MarchandPour le cofondateur de DMD Santé*, Guillaume Marchand, la santé connectée pourrait pro-fondément modifier notre rapport à nous-mêmes.

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Tracking, Quantified Self, auto-mesure, santé connectée, e-santé et même transhumanisme, le monde de la santé tremble à l’arrivée de ces nouveaux barbarismes. Pourtant, entre les pourfendeurs du Big Brother de la santé et les adeptes du corps amélioré voir du corps dématérialisé, il semble que la véritable (r)évolution échappe encore à certains : le corps (re)connecté !

De fait, la santé connectée est d’abord et avant tout porteuse d’une nouvelle valeur : notre corps. Il s’agit bien d’une nouvelle valeur et non de la redécouverte d’une valeur. Le corps connecté n’est pas un ultime avatar du « mens sana in corpore sano », mais avant tout la découverte d’un nouvel objet : nous-mêmes. Pour la deuxième fois dans l’histoire de l’humanité, la santé connectée nous permet de nous connaître, de nous comprendre et donc d’agir en tenant compte – ou non – de nous-mêmes ou tout du moins des conséquences directes de nos actions (pour mémoire, la première fois date de l’époque pré-médicale, celle où la conséquence d’une action reposait sur un rapport binaire : vivre ou mourir). Il ne s’agit pas d’une évolution mineure comme certains aiment à le dire. L’auto-nomisation du patient et de la personne en pleine santé ne peuvent se concevoir qu’autour d’une personne en pleine conscience d’elle-même et de ses actes.

Se connecter, mais pourquoi ?La santé connectée est un bouleversement, une (r)évolution profonde qui peut - doit si on lui en donne la chance – modifier profondément notre rapport à nous-mêmes. Évidemment, le corps (re)connecté est une chance : celle de se redécouvrir et d’être conscient de soi, mais aussi une chance pour la médecine. Je ne peux m’empêcher de croire qu’une personne qui se connaît est un patient potentiel en moins. De fait, le corps (re)connecté est, au-delà de l’autonomisation, porteur d’un nouveau système de santé, d’une nouvelle médecine : celle de la prévention. Depuis l’heure où la médecine est devenue science, technique, technologique et hyperspécialisée, règne le dogme du soin, du curatif. Nous, médecins notamment, mais également décideurs et payeurs, avons perdu l’objet même de la médecine : la santé dans sa globalité. Nous sommes focalisés sur une excellence du soin, et avons écarté du cœur des préoccupations l’être humain.

Vers une ère de la préventionLa santé connectée ne va pas déshumaniser la médecine. Tout au contraire. Elle va redonner aux médecins la place qu’ils doivent avoir : celle d’un passeur de message, d’un chaman. La santé connectée, le big data et la génomique sont des domaines où les algorithmes sont et seront présents et le médecin sera celui qui pourra les donner à comprendre.Il ne s’agit pas de construire une médecine des chiffres, mais une médecine du dialogue. Un dia-logue fondé sur la connaissance de soi, une connaissance éclairée. Le corps (re)connecté est donc d’abord et avant tout la promesse d’un monde en mutation, un monde où la prévention – qu’elle soit primaire, secondaire ou tertiaire – se fondera sur une relation médecin-patient enrichie de la connaissance même de ce dernier par lui-même. *DMD Santé est une société active depuis 3 ans. Localisée à Reims, elle agit dans le secteur des activités spécialisées, scientifiques et techniques diverses. Elle a pour mission d'évaluer les applications et les objets connectés liés à la santé.

Numérique en santé : le chaînon manquant?Libération du 24 novembre 2015 par Christian Saout, secrétaire général délégué du Collectif interassociatif sur la santé Dans la santé, comme ailleurs, le numérique constitue une révolution. Que l’on songe un instant au potentiel que recèle la combinaison d’une molécule, d’un dispositif médical, des nanotechnologies,

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de la génomique et du numérique. Ce sont des guérisons nouvelles et des rémissions longues en perspective. La gestion de la vie avec la maladie sera aussi facilitée : plus facile de comprendre sa santé avec la data-visualisation sur un smarphone (on en rêve avec le dossier médical partagé !). Donc plus facile aussi de s’impliquer dans sa santé : soi-même ou ses proches. Or, plus grande est l’implication du patient, meilleures sont ses chances d’aller mieux. Enfin, le numérique c’est aussi la facilitation des échanges notamment entre les professionnels de santé. C’est un puissant adjuvant pour coordonner les multiples intervenants et les nombreuses disciplines dont la connexion est ren-due indispensable avec l’explosion des maladies chroniques. Donc, le numérique c’est bon pour la santé ! Mais, si nous n’y prenons pas garde des difficultés pourraient briser ce scénario de l’espoir.

D’abord, le creusement des inégalités de santé. Notre pays ne parvient toujours pas à prendre en charge le lecteur de glycémie en continu qui permet pourtant une meilleure autonomie du patient diabétique. La Slovénie, le 24ème pays en Europe selon le produit intérieur brut, le fait ! Si nous continuons à refuser la prise en charge solidaire des nouveaux outils numériques en santé ce sera l’accès aux meilleurs soins pour les plus fortunés, et pour les autres l’exclusion de la modernité thé-rapeutique.

Ensuite, la soutenabilité de la dépense. Car ces innovations coûtent cher. Intrinsèquement parfois, mais surtout parce qu’elles s’adressent à des milliers de malades. Nos investissements publics sont contraints par la crise de la dette. Mais dans la santé, nous avons des marges de manœuvre : 30 % de soins inutiles selon des études convergentes. Cela devrait libérer beaucoup d’argent pour les in-novations de demain, si les rentiers d’hier ne bloquent pas tout. Enfin, l’utilisation des données et des traces captées aux terminaux d’usage : smartphone, tablettes et ordinateurs. Car nos gestes « informationnels » sont enregistrés, scrutés à l’aide de puissants algorithmes et « profilés » pour in-duire des comportements ou des consommations. Les Français le pressentent bien : 80 % déclarent que le numérique facilite leurs vies et 80 % sont inquiets pour la sécurité de leurs données. « Data is the new oil » dit-on sur les places boursières. Cela interroge en santé : va-t-on vers l’achat de don-nées par les assureurs pour écarter les malades de l’accès aux assurances ? Va-t-on vers encore moins de solidarité catégorielle dans les complémentaires où les écarts de prix sont déjà de 1 à 3 pour les mêmes prestations selon que l’on est jeune, adulte ou vieux ? Ne renonçons pas à notre Constitution qui proclame : « La Nation garantit à tous (…) la protection de la santé. » 

« Il ne suffit pas de stocker les données de santé, il faut aussi savoir les traiter » Libération du 24 novembre 2015 par Pierre Fesnien Spécialiste en santé publique, le professeur Jean-Luc Bosson* revient sur les possibilités qui pourraient s'ouvrir à la médecine grâce à l'utilisation des données de santé. Interview.

Que peut concrètement apporter la libération des données de santé à la médecine ?On imagine un très grand potentiel mais on n’a pas encore de preuve scientifique de ce que cela peut nous apporter. On peut tout de même dire qu’il y a un potentiel majeur en ce qui concerne la médecine personnalisée et une meilleure gestion des systèmes de santé. Je pense que l’impact des données de santé pourrait être assez important dans le domaine du bien-être. C’est-à-dire, tout ce qui vient avant d’être malade. Pour les gens qui ont déjà trois cancers, je doute que ces données ap-portent beaucoup. Ce que l’on n’a jamais su faire dans un système de santé occidental, c’est avoir une vraie stratégie préventive, une vraie personnalisation des prises en charge de santé… Là, avec les données de santé, je pense qu’on peut en effet imaginer plein de choses fantastiques.

L’enjeu serait donc avant tout la prévention ?

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De mon point de vue, oui. L’enjeu est majeur sur le « avant d’être malade ». Je suis médecin de san-té publique, un biologiste vous répondrait sans doute que le Big Data c’est l’avenir du génomique. Je pense qu’une des implications majeures du Big Data, et c’est ce qu’ont bien compris les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon, ndlr), c’est le comportement au quotidien des gens pour les amener vers la prévention primaire des maladies.

L’autre grand enjeu, c’est la régulation de l’utilisation de ces données de santé…La question, c’est comment protéger la confidentialité de ces données ? En France, on a les héber-geurs de données de santé. Une piste à creuser serait que l’hébergeur de santé ne soit pas qu’un hé-bergeur. Pour l’instant, c'est un coffre-fort qui donne la garantie que ces données ne seront  pas ac-cessibles trop facilement. L’idée que je trouve intéressante, c’est que l’hébergeur soit aussi celui qui analyse ces données. Ainsi, les données de santé ne seraient pas diffusées tous azimuts. On dirait aux chercheurs, aux instituts publics et aux entreprises privées : « si vous avez tel projet d’applica-tion dans les données, nous validons votre démarche et nous la mettons en œuvre ». Cela éviterait de diffuser les données, ce qui remettrait automatiquement en cause l’anonymat.

L’hébergeur deviendrait le gardien du temple ?Exactement. Il ne serait pas seulement passif, il deviendrait aussi un endroit où l’on pourrait trouver une vraie compétence en matière de traitement des données. Il ne suffit pas de stocker les données, il faut aussi savoir les traiter.

Pensez-vous que la législation aille assez loin en France concernant ces questions ? La dernière loi santé a accordé une très grande place aux données de santé donc il y a selon moi une vraie conscience du problème en France. Le débat n’est pas fini car la ministre de la santé Marisol Touraine a réuni un groupe d’experts pour réfléchir sur le Big Data. Globalement, la loi va dans un sens plutôt intéressant.

La recherche s’intéresse beaucoup à ces données, ce qui semble légitime, mais les entreprises privées aussi. Cela ne vous paraît-il pas inquiétant ?Personnellement, je mets totalement à égalité le chercheur et le secteur privé. Un industriel de santé a pour but de faire du bénéfice et de renvoyer de l’argent à ses actionnaires, mais pour cela il se doit d’être efficace. Les chercheurs ont pour but le bien de l’humanité, mais ils sont tellement peu pilotés et encadrés qu’en voulant le bien, ils me paraissent au moins aussi dangereux que les industriels. Les enjeux des règles éthiques, de la confidentialité ou de l’accès aux données sont, de mon point de vue, bien moins connus des chercheurs que du secteur privé.

*Professeur Jean-Luc Bosson, spécialiste en santé publique au Centre d'Investigation Cli-nique Département de Méthodologie et de l'Information de Santé (DMIS) Institut de l'Ingé-nierie et de l'Information de Santé, pavillon Taillefer du CHU de Grenoble.

Bertrand Vergely : « Vouloir ainsi supprimer la mort est en réalité suicidaire »La Croix du 24 novembre 2015 par Marine Lamoureux

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Loin de la quête d’immortalité « héroïque » des Grecs anciens, la volonté de perpétuer indéfi-niment le corps revient à priver l’homme de tous les ressorts de la vie, décrypte le philosophe Bertrand Vergely*.

La quête de l’immortalité a-t-elle toujours jalonné l’histoire de l’homme ? 

Oui, et on le comprend, car cela va dans le sens de la vie, de l’amour de la vie, de la confiance. C’est l’élan de l’homme qui ne se résout pas à ce que la mort et le néant soient les derniers mots de toute chose. Chez les Grecs, la quête de l’immortalité est ainsi liée à la figure du héros qui, par ses exploits extraordinaires, devient un être mémorable, à l’image d’Hercule qui se mesure au mons-trueux. Le héros antique a résisté à ses démons intérieurs dans un parcours initiatique. Cependant, cette quête n’a rien à voir avec ce que les transhumanistes projettent de réaliser. L’immortalité, telle qu’ils la conçoivent, n’a plus rien d’un engagement moral : il s’agit de perpétuer indéfiniment le corps, par peur de la fin, dans une approche égocentrée et une obsession de maîtrise et de sécurité. Le grand paradoxe, c’est que vouloir ainsi supprimer la mort est en réalité suicidaire.

Pourquoi ? 

Parce que cela signerait, d’une part, la fin de la morale, d’autre part, la fin du risque et du courage. Comme le rappelle le philosophe Vladimir Jankélévitch, l’irréversibilité de la mort est l’un des ga-rants de la morale. Je ne vous tue pas parce que mon geste aurait une conséquence irréversible. Le jour où l’on ne meurt plus, où l’on peut réparer le corps à l’infini, il n’y a plus d’obstacle à la vio-lence, c’est la porte ouverte à la barbarie totale. En outre – c’est le second aspect –, le propre de la vie, c’est le risque, l’incertitude. Ainsi, l’action, la prise de décision n’ont de sens que parce que tout n’est pas écrit. Imaginez une course sportive dans laquelle on connaîtrait le palmarès à l’avance. Quel intérêt y aurait-il à s’engager dans l’épreuve ? Aucun ! Si la mort est vaincue, il n’y a plus de prise de risque, donc plus de victoire, plus d’échec, plus de surprise, c’est une forme d’anéantissement. Autrement dit, pour créer un homme qui ne meurt pas, on crée un homme qui ne vit plus.

Comment se fait-il que cette imposture ne semble plus visible aujourd’hui ?Nous vivons dans une société matérialiste, fascinée par la technologie toute puissante. Remettre en question la promesse d’immortalité, c’est apparaître comme opposé au progrès technique. En réalité, les projections transhumanistes prospèrent sur un impensé philosophique et sont intellec-tuellement très frustes. À quoi bon vivre indéfiniment si toute vie réelle m’échappe ? Ce qui compte n’est pas de perpétuer le corps à l’infini, mais bien de vivre « une éternité de vie ». Or celle-ci ne trouve pas sa source dans le temps qui s’étire indéfiniment mais dans ce que l’on expérimente d’unique et d’inoubliable. Le sentiment d’éternité se forge dans l’intensité de la vie.

Cette vision du monde peut-elle l’emporter face à la tentation transhumaniste ?Oui, j’en suis convaincu. La première chose, c’est de poser un regard critique sur les promesses transhumanistes, donner à voir leurs contradictions et leur absurdité. Vivre perpétuellement ? Mais qui cela concernerait-il ? Voudrait-on d’une « humanité à deux vitesses » ? Car ne nous leurrons pas, seuls les plus fortunés auront accès à la longévité. La deuxième chose, c’est de partager des ex-périences de vie très profondes. Pour cela, il est important que des personnes inspirées témoignent de la puissance de la vie, de la lumière qu’elle recèle, de la beauté, de la grâce. C’est notamment le rôle des poètes, des écrivains, des philosophes, des cinéastes. Partageons ce que nous vivons, ce que nous sentons. Ce sera d’autant plus aisé qu’il y aura une fatigue d’homo technicus, une lassitude vis-à-vis de cette frénésie technique désincarnée, bien pâle à côté de la vie elle-même, si imparfaite soit-elle !

*Auteur de La tentation de l’Homme-Dieu, Le Passeur, 2015, 138 p., 15 € et de Entretiens au bord de la mort, Éditions Bartillat, 2015, 200 p., 17 €

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Vers une médecine du futur, prédictive et personnalisée ? Libération du 24 novembre 2015 par Dominique Stoppa-Lyonnet, chef du service génétique oncologique de l'Institut Curie à ParisLe séquençage complet du génome humain en 2003 et la révolution du séquençage à très haut débit touchant nos laboratoires 10 ans plus tard sont en passe de permettre à chacun d’accéder à son gé-nome, d’avoir son avatar digital* dans sa poche, sur une clé USB. La médecine du futur sera-t-elle seulement guidée par la connaissance du génome de chacun, de son épigénome ? Sera-t-elle prédic-tive de la survenue d’une maladie, de son évolution ou encore de la réponse à un traitement ou de sa toxicité ?

De tous temps, l’homme rêve de prédire, et la médecine plus encore : déjà, le médecin interroge son patient sur ses antécédents familiaux, retenant les marques du passé comme des indicateurs de risque de maladies dont on présume de la composante héréditaire. L’accumulation des caractéris-tiques cliniques et génétiques a multiplié les marqueurs de risque d’un grand nombre de maladies et tend à placer les risques individuels sur les valeurs extrêmes d’une échelle allant de 1 à 100. Plutôt que médecine personnalisée, une expression très séduisante et trop vite adoptée (on se demande bien quelle médecine n’est pas personnalisée), il est plus juste de retenir aujourd’hui celle de méde-cine stratifiée ou de médecine de précision. L’une des applications majeures aujourd’hui de la mé-decine de précision est la cancérologie avec ses deux volets : l'étude des tumeurs et l'identification d’altérations génétiques qui constituent des cibles thérapeutiques, et l'étude de l’ADN constitution-nel et l'identification d’altérations génétiques associées à un risque élevé de cancers. C’est se sachant porteuse d’une altération du gène BRCA1 et donc d’un risque élevé de cancers qu’Angelina Jolie a fait le choix difficile de l’ablation des seins et des ovaires : « my own choice » dit-elle.

Le développement extraordinaire de la génétique médicale au cours de ces vingt dernières années a reposé sur la contribution des malades et de leur famille. La recherche est en effet partie des phéno-types (les signes présentés pas les patients) pour identifier des génotypes (les caractéristiques géné-tiques qui en seraient la cause). Si ce chemin du phénotype au génotype est déjà semé d’embûches, le chemin inverse, du génotype au phénotype, en un mot la prédiction d’une maladie à partir de tests génétiques en absence d’un contexte évocateur, est infiniment plus périlleux. En effet, il est acquis que pour la plupart des maladies génétiques d’autres facteurs génétiques et non génétiques viennent modifier le risque de la maladie, son âge d’apparition, ou sa gravité. C’est l’un des enjeux majeurs de la recherche aujourd’hui que d’identifier ces facteurs modificateurs.

Qu’allons-nous donc faire face à des capacités de séquençage tous azimuts ? Quand et chez qui vou-drons-nous les utiliser de manière prédictive ? Irons-nous jusqu’à séquencer le génome d’un fœtus accessible dès la 10ème semaine de grossesse à partir d’un prélèvement sanguin de la femme en-ceinte ? Voire d’embryons avant leur transfert dans l’utérus maternel ? Voudrons-nous proposer des tests préconceptionnels aux couples en particulier pour des maladies récessives ? Si la médecine de précision a montré dans un certain nombre de situations son intérêt indéniable pour les personnes à risques et pour les patients, il reste essentiel de réfléchir aux principes qui guideront nos réponses : avant tout des tests ayant une utilité clinique et répondant à une question médicale posée, des tests de qualité et les plus précis possibles, des tests ne s’accompagnant pas de discrimination sociale ou professionnelle, des tests conduits chez des personnes informées et volontaires.

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*Avatar digital : expression empruntée à François Sigaux, Directeur de la Recherche et de l’Innovation à l’Institut National du Cancer

Le techno-libéralisme à l’assaut de la santé Libération du 27 novembre 2015 par Eric Sadin, écrivain et philo-sophe

La médecine contemporaine vit un moment d’euphorie, grisée par la perspective d’une gestion optimisée à terme de toutes les pathologies et du passage progressif du curatif vers le préventif. Vu l’inflation de discours panégyriques propagés par le monde numérico-industriel et les laboratoires pharmaceutiques, il est impératif d’opposer un contre-discours critique. La médecine dite « des données » engage actuellement cinq mutations majeures. C’est d’abord un suivi continu de la condition physiologique qui s’opère, via l’extension de capteurs posés à même la peau d’un nombre sans cesse croissant d’individus. C’est une hyperindividualisation des traitements qui s’institue, grâce à la constitution de dossiers médicaux numériques personnels, à une connaissance approfondie des pathologies et au séquençage du génome rapporté à la singularité de chaque patient.

C’est une médecine génétique prédictive qui émerge, qui par des procédés complexes de traitement informationnel statistique, délaisse progressivement l’exercice curatif, pour privilégier l’adoption de conduites hygiéniques ou de stratégies thérapeutiques destinées à prévenir en amont l’éclosion d’af-fections annoncées. C’est une contextualisation à l’échelle globale qui s’établit, par le fait d’une mise en réseau mutualisée des informations qui autorise une appréhension étendue et détaillée des phénomènes.C’est enfin un diagnostic automatisé qui peu à peu se constitue, via des systèmes alimentés par un savoir multi-sources continuellement documenté et évolutif, à l’instar du protocole Watson dévelop-pé par IBM. Programme également capable de rédiger des ordonnances, et dont il est légitime de se demander de quel niveau d’intégrité il est doté, pouvant faire l’objet de discrètes enchères auprès de compagnies privées en vue de prescrire telle marque plutôt que telle marque.

Les oscillations du corps sont interceptées de façon privilégiée via les smartphones et autres montres ou bracelets connectés équipés de capteurs, qui mesurent la température, la tension, le taux de diabète, le degré d’hydratation, la qualité du sommeil, autant d’informations susceptibles d’être analysées en temps réel par des médecins traitants ou des sociétés privées. Ces dispositifs sont in-dissociables des applications ne cessant de proliférer, qui informent à l’égard des états, de leur évo-lution, préconisent des consultations ou des produits, inaugurant l’ère d’un corps connecté dont les variations sont examinées tant par les personnes elles-mêmes que par de multiples instances.

Renseignements émis par des millions d’individus adjoints à ceux récoltés par les cabinets médi-caux, les hôpitaux, les pharmacies, qui dressent un panorama dynamique de la santé mondiale, d’après un large spectre qui comprend notamment la localisation et les taux de densité des patholo-gies, les données épidémiologiques, les cadences de progression, ou encore l’efficacité ou les effets secondaires des médicaments.

La médecine du XXIème siècle s’institue prioritairement comme une science de l’information. Ce n’est pas tant que le savoir thérapeutique progresse subitement, c’est que ne cesse de se produire une accumulation d’indications de tous ordres, qui détermine un nouveau régime cognitif et de nou-velles pratiques. Jusqu’à récemment, le domaine médical était composé d’une chaîne de compé-

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tences distinctes qui s’emboitaient entre elles sans se confondre, formée en premier lieu des méde-cins et des hôpitaux, ensuite des industries pharmaceutiques et de fabricants de matériel profession-nel, et en dernier lieu du champ paramédical, produits ou instituts de cure et de bien-être. Désor-mais, une prolifération d’acteurs vient s’agréger, principalement constituée de concepteurs de proto-coles connectés et d’applications dites de « santé mobile », qui brisent la « complémentarité natu-relle » historique, pour instaurer un morcellement ou une discontinuité qui se manifestent sous di-verses formes.

Une « contamination » à des champs extra-médicaux s’opère : une application reliée à une paire de chaussures de sport peut en fonction de résultats suggérer des compléments alimentaires ou un sé-jour de repos, ou informer une compagnie d’assurance ou un cabinet de recrutement. La connais-sance des états physiologiques tenue au sceau du secret conformément au serment d’Hippocrate, glisse pour large partie en un champ de données ouvertement partagé, exploité par une multiplicité d’instances dans l’objectif prioritaire de monnayer des biens et des services ou d’instruire des déci-sions de tous ordres. C’est une pénétration sans cesse approfondie de l’intimité des personnes, asso-ciée à une extension corrélative de la marchandisation de la santé qui s’effectue. C’est cette vérité qu’il faut saisir au-delà ou en deçà des supposés vertus ou avantages, dans leurs incidences collaté-rales ou effets secondaires. C’est encore un renversement du principe historique humaniste de la cu-ration qui s’opère, jusque-là limitée à un soin plus ou moins épisodique, désormais appelée à être continuellement assurée par des programmes qui agissent sur les conduites au prisme de critères participant d’une « utopie de la santé parfaite ». C’est un « bio-hygiénisme algorithmique » qui se généralise poussant à une gestion performancielle de soi, soutenue par des systèmes hautement lu-cratifs.

Vu l’ampleur des mutations actuellement en cours, il relève d’une urgence de procéder à un strict encadrement juridique, d’élaborer une charte déontologique et éthique commune impliquant tous les métiers de la santé, et de nous demander si la médecine à laquelle nous aspirons est celle qui à chaque instant de nos quotidiens nous signalera le bon geste à adopter, en vue principalement de nous inciter à acquérir des produits et des services supposés adaptés à nos états.

Le techno-libéralisme a lancé un assaut final sur la santé. Montesquieu avait en son temps insisté sur la nécessaire séparation des pouvoirs en politique ; il y va d’un enjeu politique majeur de dé-fendre la nette séparation des compétences en médecine. Faute de quoi chacun de nos corps devien-dra une sorte de tiroir-caisse ouvert 24h/24 et 7j/7 à l’attention de compagnies et de start-up qui ne cessent d’affirmer vouloir œuvrer au « bien du monde » et qui dans les faits sont littéralement por-tées par des instincts hautement prédateurs. C’est à nos sociétés dans leur ensemble de veiller à fer-mement les contenir et à défendre sans concession l’inaliénable intégrité humaine. 

« La régulation d’un marché peut aussi pas-ser par les choix d’utilisateurs avertis » Libération du 27 novembre 2015

Selon Delia Rahal-Lofskog, chef du service de la santé à la direction de la conformité de la CNIL, la protection des données de santé passe aussi par le choix des consommateurs de faire ou non confiance aux initiatives privées. Interview.

Aujourd’hui quel est l’enjeu de la libération des données de santé en France ? 

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Sur cette question, une précision terminologique est nécessaire. L’open data diffère de l’accès aux bases médico-administratives (comme le SNIIRAM) à des fins de recherche. L’open data concerne l’ouverture des données au grand public et leur libre réutilisation. Sur ce point, la CNIL demande des garanties substantielles, notamment que cela ne concerne que des données strictement ano-nymes. Le procédé pour rendre ces données anonymes fait partie du champ de compétence de la CNIL qui accompagne les acteurs en ce sens. L’intérêt général et la transparence sont ainsi conciliés avec le respect de l’intimité de la vie privée des personnes et des secrets protégés par la loi : cet équilibre indispensable constitue l’enjeu principal de cette question, c’est pourquoi la CNIL est vi-gilante.

Quant à l’accès élargi aux bases médico-administratives, que la CNIL accompagne depuis plusieurs années, il ne s’agit pas là d’open data à proprement parler, mais de permettre à des organismes de recherche par exemple d’accéder à des données personnelles relatives à la santé des personnes à des fin de santé publique. Dans cette hypothèse, la CNIL, dans le cadre de ses autorisations, apprécie notamment la légitimité de la finalité poursuivie au regard des critères légaux (interdiction de toute discrimination, par exemple) et veille au respect des droits reconnus aux personnes.

Pourquoi la France est-elle encore si réticente à mettre à disposition des chercheurs ces don-nées ?La France a la chance de s’appuyer sur des équipes d’excellence et une recherche compétitive. Compte tenu des autorisations que la CNIL délivre chaque année (Plus de 700 en 2014 en augmen-tation de 50 % depuis 5 ans) sans compter celles qui bénéficient déjà de procédures simplifiées, je ne crois pas que l’on puisse parler de réticence en ce domaine. Ce qui compte, c’est de trouver le juste équilibre entre une ouverture nécessaire, d’intérêt public – personne ne conteste que l’utilisa-tion des bases médico-administratives peut être utile pour, par exemple, prévenir des complications ou identifier des effets indésirables de médicaments –, et la protection de la vie privée. Il n’est heu-reusement pas nécessaire de savoir qui est malade ou qui suit quel traitement pour évaluer l’effica-cité de celui-ci.A la CNIL, nous travaillons à la simplification des procédures car nous souhaitons justement soute-nir la recherche dans le domaine de la santé et l’innovation en la matière. Là encore, c’est une ques-tion d’équilibre et de garanties.

La réelle crainte n’est-elle pas l’utilisation que le secteur privé pourrait faire de ces données ? La nécessaire légitimité de la finalité poursuivie s’applique au secteur public ou au secteur privé, tout comme le respect des droits des personnes (l’information, l’accès et l’opposition). Au-delà des questions de sécurité et de confidentialité, nous devons aussi être collectivement attentifs à ce que l’utilisation faite des données, parfois au nom de l’intérêt général, ne conduise pas à l’exclusion d’une personne ou d’un groupe de personnes, en raison de leur état de santé. Par ailleurs, il y a une différence majeure entre les objets connectés et les systèmes de l’assurance maladie. Chacun est libre d’utiliser ou de ne pas utiliser un pèse-personne connecté. Rares sont ceux qui peuvent renon-cer au bénéfice de l’assurance maladie. L’information effective des personnes est donc cruciale et on le voit de plus en plus aujourd’hui, la régulation d’un marché peut aussi passer par les choix d’utilisateurs avertis. Le secteur privé y est forcément sensible, à lui de faire de la protection des données personnelles un facteur concurrentiel à son avantage.

Que doit améliorer la loi dans le domaine des données de santé ?La loi ne définit pas aujourd’hui les données de santé ce qui a pu conduire à un questionnement sur le statut des données issus de certains objets connectés. La CNIL va d’ailleurs prochainement mener des contrôles en la matière pour s’assurer que les données issues de ces objets, qui sont souvent per-çues comme des données de « bien-être » mais qui en disent en fait beaucoup sur votre état de santé, sont traitées conformément au cadre légal. Le projet de règlement européen sur les données person-nelles qui devrait être adopté fin 2015/début 2016 contient une définition de la donnée de santé à caractère personnel. Il rappelle aussi les principes déjà prévus par la loi Informatique et Libertés et

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renforce les droits des personnes en consacrant notamment le droit à la portabilité, ce qui permettra notamment s’agissant des données de santé, d’améliorer l’accès des usagers aux données qui les concernent.

Et maintenant, l’édition génétique… : bientôt des co-pier-coller sur notre ADN, CTRL+X pour les mala-dies, CTRL+V pour le talent Atlantico du 9 novembre 2015 par Alexandra Henrion-Caude*

CTRL+X, on enlève tout ce qui ne va pas, CTRL+V, on remplace par ce qu'il y a de meilleur. La recherche génétique sait désormais fonctionner sur le principe de copier-coller.

En quoi cette technologie de l’édition génétique est-elle révolutionnaire ?Le principe de l'édition génétique est révolutionnaire car cette technologie est d’une grande simpli-cité à mettre en œuvre. On réalise des manipulations génétiques depuis longtemps de différentes fa-çons : en remplaçant des bouts d'ADN ou en remplaçant des nucléotides, c’est-à-dire des lettres, précises. Mais avec l’édition génétique, on dispose désormais d’une technologie qui rend la tâche extrêmement aisée et applicable dans n'importe quel type cellulaire.

En quoi consiste cette technologie ?L’édition génétique consiste dans l'utilisation d'une enzyme de bactéries, dite Cas9, qui coupe l’ADN en utilisant des espèces de petites molécules qui vont le guider. Ce sont les ARN. L'en-semble du complexe formé de l'enzyme – qui est une protéine -, de l'ADN – qui est à couper – et des ARN – qui le guident pour lui dire où est-ce qu'il doit être coupé – va permettre de manipuler le génome avec une précision extrême. Le mécanisme de cette édition se fait sur des reconnaissances de  répétitions en palindrome, c’est-à-dire des lettres qui restent les mêmes qu’on les lise de droite à gauche, ou de gauche à droite. Ce principe est appelé CRISPR dans notre jargon. Nous pouvons continuer à dire CTRL+X, CTRL+V, ici, par simplification.

Quelle est la différence entre cette pratique de l’édition génétique et la pratique utilisée pour développer des Organismes génétiquement modifiés (OGM) ?Jusqu’à présent, les OGM – qui sont des plantes – ont été développés par une vieille technique de manipulation génétique : la transgénèse. On additionne une information – un gène - au patrimoine génétique. Mais avec cette transgénèse, on ne maîtrise pas l'endroit où le gène va s'insérer. Il va donc peut-être tomber dans une phrase qui avait une importance dont on n'avait pas idée et apporter par conséquent un nouveau stress à l’organisme modifié. Il faut comprendre que toute modification génétique se fait dans le contexte de tout un ensemble complexe d'autres informations génétiques. Ce qui diffère entre la transgénèse et l'édition génétique, c’est son efficacité : sa simplicité, sa rapi-dité et son moindre coût.

L’édition génétique permet d’envisager une multitude d’applications possibles. Qu’en est-il concrètement ?Ces applications sont restées pour l’instant dans nos laboratoires : sur des bactéries, des levures, des plantes, des vers nématodes, des mouches Drosophiles, des poissons-zèbres, des rongeurs, des singes, et déjà, de façon dramatique, des embryons humains. Mais on ne peut pas considérer que, sous prétexte que cette technologie existe, on puisse modifier tous les organismes car on n’en maî-trise pas encore toutes les conséquences sur le génome, ni les erreurs de ciblage dont on ne connaît

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pas la fréquence, et encore moins toutes les conséquences du remplacement d’une population par une autre. De nouveaux bouleversements d’écosystèmes sont dans la logique d’une application à échelle industrielle. "CTRL+X on enlève tout ce qui ne va pas, CTRL+V on remplace par du bon", c’est possible sur le principe. Mais encore faudrait-il connaître ce qui est défini comme "bon". Pre-nez par exemple un mot comme "tabernacle". Employez-le en France, vous n'aurez aucun problème. Employez-le au Québec, il est considéré comme une injure. Cela signifie qu'une information prise dans un contexte génétique donné a un retentissement, qui sera différent dans le contexte d’autres informations génétiques, et cela on ne le maîtrise pas du tout. Personne n’en parle d’ailleurs.

Certes, l’édition génétique permet de modifier l’ADN avec une précision remarquable et de façon simple à mettre en œuvre. Mais même si l’on arrive à maîtriser l'information qu'on est en train de modifier, on ne maîtrisera pas en revanche l'aspect de la caisse de résonance des autres informations génétiques. On ne connaît pour l'instant que la fonctionnalité de moins de 2 % des informations gé-nétiques contenues dans l'ADN chez l’homme. Maintenant, cette édition génétique est un outil re-marquable que nous a donné la nature pour étudier en détail les gènes, les fonctions. A ce titre, elle devrait en toute logique donner de très nombreuses applications. Or, c’est partiellement une décou-verte française, faite notamment par Emmanuelle Charpentier, et donc tout à fait nobélisable !

Cette technologie permet notamment d’envisager effectivement des possibilités de nouvelles mé-thodes thérapeutiques. Avec cette édition, on a corrigé des maladies mimées chez des souris comme une maladie du foie (la tyrosinémie) ou des muscles (la myopathie de Duchenne). En revanche, je considère qu’avant d’entreprendre ces nouvelles stratégies de soin, que je nomme "post-géno-miques" : il faut d’abord avoir compris le génome avant de changer ce qu'il faut à nos cellules, et aux générations futures. Les applications de l’édition génétique relèvent donc aujourd’hui seulement du fantasme ?

On ne peut pas vraiment considérer que les applications de l’édition génétique relèvent vraiment de la science-fiction dans la mesure où une équipe chinoise a déjà utilisé cette technique pour modifier la lignée germinale des embryons humains. Et a d’ailleurs pu constater les éditions non voulues, non ciblées, sans que l’on ne comprenne pourquoi. Concernant l’utilisation des embryons à des fins de recherche, j'ai pour ma part lancé une alerte à la conscience scientifique, signée par plus de 300 chercheurs et médecins, - dont de nombreux académiciens. Nous dénoncions le fait que les em-bryons humains ne pouvaient pas être banalisés au rang de matériel de laboratoire. La loi a pourtant été votée dans la nuit du 25 au 26 mai 2011. Depuis, on a la possibilité d'utiliser les embryons hu-mains à des fins de recherche en France.

Je continue malgré tout à dire qu'on ne peut pas utiliser l'embryon humain pour des recherches dans la mesure où je sais, en tant que généticienne, qu'il y a un continuum parfait de l'information géné-tique qui est porté par l'embryon à l'être que je suis maintenant et à l'être que je serai quand je vais mourir. A partir de cela, comment nous permettons-nous de choisir un stade de sa vie où l’on consi-dère l'humain comme un matériel de laboratoire acceptable ? Ne sachant pas faire ce distinguo, je m'empêche de compromettre cette vie à des fins de recherche pure.

Au final, quelles sont, selon vous, les limites que rencontre la technologie de l’édition géné-tique ? A partir du moment où l'on modifie et où l'on transmet une information génétique, on ne sait pas maîtriser la diffusion de cette information ni ses conséquences. Outre le problème de la caisse de ré-sonnance évoqué plus haut, c’est donc le problème du saut de génération qui est en question. On ne maîtrise pas les tas d'informations génétiques qui sautent les générations. C’est un domaine dans le-quel il reste aussi encore énormément à découvrir. Et le principe de précaution en matière de rema-niement génétique devrait prévaloir. Lorsque vous touchez à l'information génétique elle-même – c’est-à-dire au codage du vivant -, vous savez que toute modification que vous faites ne va pas être neutre. Cela nécessite donc une connaissance complète de l'impact que l'on peut avoir. Le problème

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c'est qu'on ne maîtrise pas les conséquences de cet impact. C'est cela qui peut être inquiétant et c'est cela qui pose des problèmes éthiques.

Que se passe-t-il donc en attendant que la génétique avance ?Le monde de la recherche génétique est pour l'instant surexcité avec cet outil et joue avec les em-bryons dans certains pays. Il n'y a pas de limites fixées. C'est bien ce que je craignais d'ailleurs : on savait bien qu'à partir du moment où on banalisait en manipulant l'embryon humain comme s'il n'était pas vivant, - comme s'il n'était pas un programme de vie initié et engagé -, on allait toucher tôt ou tard à l'espèce humaine. Il aura fallu moins d’un mois entre le moratoire signé en mars der -nier dans la revue Nature mettant en garde contre l’application de cette technique d’édition sur les embryons humains et sa mise en œuvre par une équipe chinoise en avril. Ce moratoire avertissait que tout changement génétique des embryons, touchait effectivement la lignée germinale, rendant ces modifications transmissibles par hérédité aux générations suivantes. Ils mettaient en garde contre des applications préliminaires et non éthiques de cette technique. Mais comment limiter les expériences faites sur les embryons humains puisque, de façon dramatique, elles ont été autorisées. Je dois avouer que je suis surprise de cette schizophrénie ambiante qui salue ce fameux moratoire, mais qui pourtant trouve justifié de manipuler l'embryon humain (dont sont dérivées les cellules souches embryonnaires humaines).

On sait parfaitement qu'on manipule le génome de tas d'espèces depuis les années 1970. C'est ce qu'on a appelé la biotechnologie. On dispose aujourd’hui de techniques qui deviennent de plus en plus faciles. Voilà qui banalise de facto l'accessibilité à manipuler le génome. Quand on franchit des lignes rouges, on tombe toujours dans un monde qui manque de cohérence. Toute la difficulté est de rester effectivement à la fois mobile et ouvert à tous ces progrès et à la fois ferme et strict sur les li -mites. Ceci dit, je considère aujourd’hui l'édition génétique – aussi appelée CRISPR-Cas9 - comme une révolution dans l'ingénierie des gènes riche de formidables promesses de compréhensions, mais dont il est clairement prématuré de proposer tout champ d’application…*Le Dr Alexandra Caude est directrice de recherche à l’Inserm à l’Hôpital Necker. Généticienne, elle explore les nouveaux mécanismes de  maladie, en y intégrant l’environnement. Elle enseigne, donne des conférences, est membre de conseils scientifiques.Créatrice du site Internet science-en-conscience.fr, elle est aussi l'auteur de plus de 50 publi-cations scientifiques internationales. Elle préside l’Association des Eisenhower Fellowships en France, et est secrétaire générale adjointe de Familles de France.

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