erikson nebuleusecompacte

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EHESS Une Nébuleuse compacte : le macro-ensemble pano Author(s): Philippe Erikson Source: L'Homme, 33e Année, No. 126/128, La remontée de l'Amazone (AVRIL-DÉCEMBRE 1993), pp. 45-58 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40589886 . Accessed: 01/08/2011 19:27 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of JSTOR's Terms and Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp. JSTOR's Terms and Conditions of Use provides, in part, that unless you have obtained prior permission, you may not download an entire issue of a journal or multiple copies of articles, and you may use content in the JSTOR archive only for your personal, non-commercial use. Please contact the publisher regarding any further use of this work. Publisher contact information may be obtained at . http://www.jstor.org/action/showPublisher?publisherCode=ehess. . Each copy of any part of a JSTOR transmission must contain the same copyright notice that appears on the screen or printed page of such transmission. JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to L'Homme. http://www.jstor.org

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Une Nébuleuse compacte : le macro-ensemble panoAuthor(s): Philippe EriksonSource: L'Homme, 33e Année, No. 126/128, La remontée de l'Amazone (AVRIL-DÉCEMBRE 1993), pp. 45-58Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/40589886 .

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  • EHESS

    Une Nbuleuse compacte : le macro-ensemble panoAuthor(s): Philippe EriksonSource: L'Homme, 33e Anne, No. 126/128, La remonte de l'Amazone (AVRIL-DCEMBRE1993), pp. 45-58Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/40589886 .Accessed: 01/08/2011 19:27

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  • Philippe Erikson

    Une Nbuleuse compacte : le macro-ensemble pano

    Philippe Erikson, Une Nbuleuse compacte : le macro-ensemble pano. - Cet article propose une rflexion sur les facteurs de cohsion du macro-ensemble pano, famille ethnolinguistique de l'ouest amazonien qui se caractrise par le contraste entre son atomisation extrme et sa remarquable unit linguistique, territoriale et culturelle. Sont examins les anciens mcanismes agrgatifs de ce bloc aujourd'hui disloqu, en par- ticulier les conceptions mtalinguistiques, le systme onomastique, l'eschatologie, la guerre intestine et les tatouages. La conclusion traite de la manire dont la conscience d'appartenir un ensemble pano a t mise profit pour rsister la pression occi- dentale, malgr la disparition du systme pluriethnique en tant que tel.

    paysage ethnographique des basses terres sud-amricaines apparat des plus composites. Un certain nombre de trs grandes familles lin- guistiques (tupi, caribe, g, arawak) se trouvent disperses travers

    le continent, tandis que d'innombrables autres, minuscules et totalement iso- les, ne semblent gure plus reprsentes que par quelques poignes de survi- vants. De ce tableau extrmement pointilliste se dtachent cependant plusieurs macro-ensembles de taille moyenne, qui se distinguent par leur caractre homo- gne dans un sous-continent clat. On songe notamment aux blocs tukano, yanomami, jivaro, et bien sr aux Pano dont il sera ici question.

    L'unit la fois linguistique, territoriale et culturelle constitue en effet une des caractristiques essentielles de l'aire pano, qui saute aux yeux bien que la majorit des tudes panologiques soient tout la fois rcentes et monographiques. Comment rendre compte d'une telle cohsion d'autant plus remarquable qu'en dpit d'une certaine faiblesse dmographique ( peine 35 000 locuteurs), la famille pano couvre une immense aire gographique comprenant, outre les bassins de PUcayali et du Javar, la rgion du haut Jurua et du haut Purus (voir carte) ? Comment expliquer, en outre, qu'un tel continuum territorial s'accompagne d'une intense fragmentation ethnique interne ? En somme, quels mcanismes agrgatifs cimentent cette imposante mosaque faite de bric et de broc ?

    L'Homme 126-128, avr.-dc. 1993, XXXIII (2-4), pp. 45-58.

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  • Le macro-ensemble pano 47

    Cet article, dfaut de rellement la dcrypter, prtend du moins exposer comment l'homognit pano se manifeste. On espre ainsi, analysant la manire dont se prsentent et se construisent ici les identits collectives, contribuer aux dbats relatifs la dfinition, souvent problmatique, des ethnies dans le bassin amazonien. On espre galement montrer en quoi le portrait d'ensemble des Pano, bien qu'il ne commence merger que depuis une dizaine d'annes, per- met dj de remettre en cause certaines gnralisations antrieures sur les soci- ts amazoniennes. L'image traditionnelle d'une aire culturelle compose de petites socits acphales et a-historiques, organises autour d'un systme social de type dravidien, et disposant d'un trs faible pouvoir de mobilisation, s'accommode en effet trs mal de certaines des caractristiques les plus remarquables et les plus originales de la famille pano, par exemple, sa prdilection pour une forme d'organisation sociale tout fait inhabituelle en Amrique, puisque relevant du type kariera que l'on a longtemps cru restreint l'Australie et une petite par- tie de la Mlansie (Murdock 1949 : 56). Ou encore, sa capacit repousser - tout en les intgrant dans sa mythologie - les tentatives d'annexion d'enva- hisseurs (appels inkas) successivement venus des Andes, puis d'Europe.

    L'unit pano

    Un simple regard sur la carte atteste suffisamment de l'unit gographique des Pano, dont le territoire ne recle aucune enclave indigne d'autres familles linguistiques. l'exception d'un petit noyau sud-oriental1, les Pano forment manifestement un bloc compact rparti tout du long de la frontire entre le Prou et le Brsil, et que l'on peut, schmatiquement, diviser en sept sous- ensembles : Amahuaca, Cashibo/Cacataibo, Cashinahua, Mayoruna (Matis, Matses, Korubo...), Pano mdians (Marubo, Capanahua, Katukina...), Pano ucayaliens (Shipibo, Conibo, Shetebo) et Yaminahua/Sharanahua (Erikson 1990). Ce territoire semble avoir t occup en permanence depuis prs de deux mille ans, malgr d'innombrables pressions extrieures, d'origine tupi, arawak, andine, puis coloniale (Myers 1988). Relevons toutefois qu' l'homognit ethnolinguis- tique de l'aire pano ne correspond aucune unit cologique. En ralit, la diff- rence entre l'habitat respectif des groupes riverains et interfluviaux est mme assez considrable, les premiers bnficiant seuls des riches plaines alluviales de l'Ucayali et de ses importantes ressources halieutiques, qui leur permettent une densit de population bien suprieure celle des seconds, parpills dans la fort. La cohsion pano semble donc d'autant plus remarquable qu'elle est apparemment peu affecte par la disparit environnementale2.

    La similitude des diverses langues pano est tout aussi frappante que leur unit gographique et constitue sans doute une des cls de leur cohsion. En effet, loin d'riger leurs diffrences linguistiques en emblmes identitaires (comme dans l'aire tukano, par exemple), les Pano semblent au contraire s'vertuer les minimiser, sinon les nier. Nos informateurs matis, voquant leurs voisins

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    Korubo et Matses, insistaient systmatiquement sur l'extrme ressemblance de leurs faons de parler, quitte se dmentir partiellement par la suite en vo- quant les termes exotiques en vogue dans ces dialectes proches. La possibi- lit de communiquer prime et, pour ce faire, tous les moyens sont bons : du recours un pidgin pano tel celui relev dans le haut Purus (Shell 1975 : 25) jusqu' l'adoption concerte du systme phonologique de villages voisins dont on craint de trop diverger linguistiquement (Levy [1991] : 5). Un tel cum- nisme linguistique joue un rle centripte, et contribue expliquer l'aisance avec laquelle Shell (op. cit.) a pu reconstituer le lexique proto-pano partir des racines communes. Ici, l'intercomprhension mutuelle rpond une volont explicite, et s'en trouve ainsi prserve, voire renforce.

    Du point de vue culturel, la similitude rgne galement, la majorit des traits discernables dans une socit pano donne se retrouvant galement dans la plupart des autres. Citons ple-mle : un habitat en vastes maisons communes (maloca) ; une alimentation vgtale reposant essentiellement sur le manioc doux et la banane plantain, avec une valorisation rituelle du mas ; la conservation de mchoires comme trophes de chasse (et anciennement de guerre) ; l'endocannibalisme funraire ; l'extrme importance de la guerre intes- tine ; un dualisme asymtrique, symboliquement calqu sur le dimorphisme sexuel, et garant d'une thorie des saveurs et des pouvoirs mystiques opposant le doux et l'amer ; l'utilisation du tabac plutt que de Vayahuasca comme hallu- cinogne chamanique et l'emploi du venin de crapaud kampo (Phyllomedusa bicolor) comme stimulant cyngtique ; l'utilisation de masques faciaux faits en calebasse ; un systme rituel centr sur l'initiation (parfois simultane) des jeunes de l'un et l'autre sexe ; enfin, une vidente cohrence stylistique dans l'ornementation des objets et des corps (Kstner [1991]). Bien que spars par prs d'un millier de kilomtres, les Mayoruna et les Chacobo fabriquent par exemple des paniers (respectivement appels kakan et kakano) qu'un muso- logue aurait bien du mal distinguer.

    Certaines institutions pano, non contentes d'tre communes, sembleraient mme destines renforcer la communaut, commencer par le systme social et notamment sa composante onomastique. On sait en effet que la majorit des Pano interfluviaux utilisent un systme de type kariera, qui permet de rpartir l'univers social en huit grandes classes (quatre par sexe) pouvant tre consi- dres comme des sections matrimoniales (Kensinger [1975]). Or, chacune de ces sections dispose en exclusivit d'un stock spcifique de noms propres assorti de sobriquets, de sorte qu' toute appellation correspond idalement, pour Ego, un terme de parent particulier. Ainsi, ds leur toute premire rencontre, et mme en l'absence d'anctres communs, deux inconnus peuvent immdiate- ment dterminer par le biais de l'onomastique quel lien de parent putatif les unit (Erikson, n.d.).

    Remarquablement performant, un tel mcanisme d'intgration prvient la constitution d'units replies sur elles-mmes en fonction du seul apparente- ment biologique. Peut-tre pourrait-on mme y voir l'bauche d'un systme

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    pan-pano, dans la mesure o les noms propres semblent sinon rpandus travers toute l'aire pano (sous rserve d'enqutes plus pousses), du moins aisment traduisibles par le truchement des animaux ponymes auxquels ils renvoient souvent. Le discours des Kaxinawa - pourtant rputs plus autonomistes et plus endogames que les autres Pano - laisse en tout cas nettement entrevoir le potentiel supra-ethnique de l'onomastique pano, puisque selon les informa- teurs de McCallum (1989 : 104) : True names place people in a specified rela- tionship with every other person who also has a true name. The use of this system defines a specific type of humanity, Xutanaua, Namesake People. The other Panoan speakers of the Purus such as the Sharanahua and the Masta- nahua are recognized by the Cashinahua as Namesake People, for exemple. Faut-il postuler qu'en transcendant les barrires ethniques , l'onomastique permettrait aux Pano de se considrer d'une certaine manire comme tous appa- rents, mme si en pratique la diffrence entre parents proches et lointains revt videmment une grande importance ?

    Quoi qu'il en soit, la conscience d'appartenir un ensemble pano pens comme tel se retrouve dans bien des mythes d'origine, qui attribuent aux divers groupes Pano un lieu d'mergence commun et en excluent explicitement non seulement les Blancs, mais aussi les Amrindiens d'autres familles linguistiques tels les Culina, pourtant culturellement trs proches de leurs voisins pano (Tor- ralba Serrano 1986). Nous verrons par ailleurs qu'un rgne pan-pano imagi- naire peut galement se raliser dans l'eschatologie de certains groupes, qui promet la runion post-mortem de tous les Pano (cf. infra, p. 53 et Waisbard & Waisbard 1959). A l'instar du haut Xingu o la destination commune et posthume [doit] compenser dfinitivement l'htrognit des vivants (voir l'article de P. Menget, dans ce volume), on utilise ici un artifice commode pour sparer conceptuellement l'ivraie occidentale et non pano du bon grain consti- tu par les autres similaires .

    L'atomisation ethnique : un fractionnement unitaire

    Si l'on peut donc clairement dgager un profil pano caractristique, dont les individus sont largement conscients, il est en revanche nettement plus dli- cat de circonscrire quelque chose de l'ordre de 1' ethnie dans l'aire qui nous intresse. Car mme lorsqu'elles reposent sur de solides fondements empiriques tels que la langue, la proximit gographique ou la culture matrielle, les classi- fications des ethnologues rendent difficilement justice la complexit des mca- nismes d'identification tribale en vigueur ici. Chaque groupe pano semble en effet aussi prompt exagrer ses diffrences internes qu' souligner sa ressem- blance avec les groupes voisins, entretenant ainsi un flou qui empche les fron- tires ethniques dfinies par l'ethnologue de concider avec celles des intresss. Les Matis, petit groupe mayoruna dont la cohsion politique et territoriale ne laisse aucun doute, considrent par exemple certains d'entre eux comme des

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    trangers (bien qu'ils soient ns au village), tout en affirmant que certains groupes voisins (avec lesquels ils n'ont pourtant aucun contact effectif) seraient en fait des leurs (Erikson 1990).

    Ce besoin d'identification partielle autrui se manifeste parfaitement dans le dualisme trs particulier qui rgne dans l'aire pano. Ici, l'une des moitis se voit systmatiquement assimile l'extrieur, incarnant en quelque sorte la compo- sante exotique perue comme indispensable la constitution du soi. Chez les Yaminahua, la moiti en question va jusqu' porter le nom de dawa, terme gn- rique dsignant plus gnralement les trangers, quels qu'ils soient (Townsley 1988). Les frontires ethniques n'existent donc que pour tre transgresses, ou plutt bafoues par l'existence mme de groupes locaux prcisment dfinis comme la fusion de deux parties d'origine ncessairement diffrente. L'altrit est ici constituante.

    Rien d'tonnant, ds lors, ce que la plupart, sinon la totalit, des ethno- nymes utiliss dans l'aire pano soient des exonymes , imposs de l'extrieur. Tout en le faisant volontiers pour ses voisines, chaque ethnie pano semble en effet trs rticente dlimiter linguistiquement ses propres circonscriptions, sinon de manire trs vague. La preuve en est la difficult qu'prouvent les ethno- logues lorsqu'ils cherchent un terme substituable aux dsignations habituelles, souvent pjoratives, que rcusent leurs informateurs : Cashibo, Cashinahua, Mayoruna, etc. Ils n'obtiennent en gnral que des vocables comme huni, honi, oni, odi, uni (pour les groupes du Jurua-Purus et les Cashibo) ou matis, matses, matse (pour les groupes septentrionaux), appellations aussi rpandues que peu satisfaisantes puisque signifiant tout simplement humain , ou personne . Forts de ce constat, les auteurs du dbut du sicle se riaient volontiers de la navet des Pano, qui, pensaient-ils, rigeaient prsomptueusement un vulgaire ethnocentrisme en pseudo-anthropocentrisme, confondant les limites de leur tribu avec celles du genre humain (Tastevin 1924 : 166 ; Girard 1963 : 190). y regarder de plus prs, on s'aperoit cependant qu'il s'agit tout au contraire, en utilisant des termes extrmement inclusifs, d'exprimer la permabilit concep- tuelle des frontires ethniques.

    Difficile, donc, d'obtenir des auto-dnominations pano qui ne soient des plus vaporeuses. En revanche, les groupes locaux revendiquent bien souvent un morcellement identitaire qui se traduit par une plthore d'auto-dsignations en -bo ou -nahua, c'est--dire formes sur le mme modle que les ethnonymes confrs aux voisins. Les Katukina seraient : un ramassis de divers clans appri- voiss par Angelo Ferreira : Yawanawa, Iskunawa, Rununawa, Eskinawa, Vamu- nawa, Vuinawa, Chandenawa, ainsi que plusieurs esclaves de la tribu des Jami- naua... (Tastevin 1928)3. Le nom d'une des ethnies les plus importantes du bassin amazonien, les Shipibo, n'est en ralit que celui d'une telle entit, arbi- trairement promu au rang de dsignation gnrique de la fdration de dizaines d'autres groupes similaires anciennement indpendants, tels les isajunibu, les nomajunibu, les inojunibu, ainsi bien sr que les shipijunibu (Cardenas Timo- teo 1989 : 29).

  • Le macro-ensemble pano 5 1

    L'aire pano affiche ainsi un contraste droutant entre son unit manifeste au niveau global, d'une part, et l'atomisation extrme qui la caractrise l'chelle locale d'autre part. Mais peut-tre cet effet de patchwork reprsente-t-il prci- sment un des facteurs agrgatifs essentiels de l'aire pano en ce qu'il permet chacun de ne s'identifier qu' des units bien videmment trop rduites pour constituer un univers clos, laissant ainsi la porte ouverte la reconnaissance d'autrui. Et l'on retrouve l un des paradoxes majeurs prsents par les groupes pano : l'impression qu'ils se divisent pour mieux rgner, insistant fortement sur le local afin de rendre inluctable la constitution, ft-elle symbolique, d'un ordre ncessairement supra-local. On a vu que certains mythes d'origine pano postulent une unit originelle et rendent compte de la fragmentation actuelle en termes d'clatement. Mais ce faisant, ce qu'ils justifient est avant tout la division contemporaine, et rien ne permet a priori de penser que l'unit ait jamais exist ailleurs que dans le discours mythique. Au bout du compte, la parcellisation intense, loin de reprsenter un obstacle l'homognit, en constitue peut-tre le moteur essentiel.

    Guerres intestines et tatouages

    Sans doute la cohsion pano dcoule-t-elle dans une large mesure des pra- tiques guerrires, facteur clef du brassage de population. la diffrence de leurs voisins arawak pr-andins (Piro excepts) dont la volont d'union poli- tique s'accompagne d'un refoulement farouche de la violence interne (cf. l'article de F. -M. Renard-Casevitz, dans ce volume), les Pano semblent en effet utiliser la guerre comme un moyen de communication privilgi entre leurs diverses composantes. Ici, la bellicosit prfrentielle unit des partenaires aussi proches que possible, car il ne s'agit pas tant d'annihiler l'adversaire que de l'assimiler.

    Les Shipibo-Conibo tendaient ainsi se spcialiser, lors de leurs raids escla- vagistes, dans la poursuite d'autres Pano, laissant aux Piro le soin de se char- ger des Arawak tels les Campa (D'Ans 1982 : 85 sq. ; DeBoer 1986). Dans le mme ordre d'ides, le cas des Matses parat plus radical encore, puisque depuis le dbut de ce sicle, ce groupe mayoruna s'est consciencieusement appliqu en phagocyter une vingtaine d'autres, constituant de facto une fdration mayoruna o plus de la moiti des femmes adultes ont une origine non matses (Fields & Merrifield 1980). Or, ici encore, la prfrence pour la capture de proches ne laisse aucun doute : ce n'est qu'en tout dernier recours, lorsqu'il ne restait plus d'autres Mayoruna attaquer, que les Matses ont commenc s'en prendre aux mtis pruviens ou brsiliens. En outre, que le lien entre guerre et alliance politique ait t en l'occurrence trs troit, transparat dans ce que certains des groupes absorbs par les Matses s'y soient apparemment adjoints de manire tout fait volontaire (Romanoff 1984 : 69-70).

    Les exemples de telles symbioses guerrires sont innombrables dans l'aire pano, les plus clbres unissant les Amahuaca et les Yaminahua, adversaires

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    implacables, mais aussi partenaires insparables, allant jusqu' migrer conjoin- tement. Townsley (1987) a d'ailleurs interprt le dualisme yaminahua - dans lequel on sait qu'une des moitis incarne l'altrit - comme un moyen de satisfaire la ncessit symbolique de cohabiter avec des ennemis , mme en temps de paix. Abondant dans ce sens, on pourrait voquer les Matis qui, bien que pacifiques depuis plus d'un demi-sicle, prservent artificiellement le statut de captifs trangers d'une partie de leur population, comme pour nier le repli sur soi auquel l'histoire les a rcemment contraints.

    Ainsi, le besoin d'ennemis incorporer est tel que mme l'autarcie effec- tive n'engendre pas forcment l'auto-suffisance conceptuelle. Un groupe local, mme devenu endogame, ne saurait accepter sa finitude, au point d'inventer, le cas chant, les adversaires qui lui manquent. Chez les Yaminahua de Bolivie, la violence interethnique n'tant plus gure envisageable, le mariage, d'aprs Fernandez Erquicia (1992), prend dsormais la forme d'un rapt ritualis. Peut- tre ce Brsilien, voisin des Marubo qu'il connaissait bien, n'avait-il pas tort d'affirmer que la seule diffrence relle entre leurs diverses units provenait de l'ide qu'elles se faisaient de leur diffrence. Mais mme si cela tait, ce refuge contemporain dans l'imaginaire, survivance d'un pass rcent, n'en consti- tuerait pas moins l'indice probable d'un ancien systme o la pluralit et la complmentarit s'affirmaient beaucoup plus concrtement.

    Le rle primordial du bellicisme dans les processus identificatoires des Pano, ainsi que le caractre consquemment indivis de leur ontologie, ressortent tout particulirement d'une analyse de leurs tatouages. On verra en effet que ceux- ci constituent une alternative pacifique la guerre interne, d'une part, mais que d'autre part, ils confrent une identit qui n'est nullement dfinie par opposition celle des adversaires, bien au contraire.

    Que le tatouage s'apparente trs explicitement une mise mort symbo- lique n'a rien de surprenant, au regard de la brutalit du geste qui le produit, de la ncrose des chairs qui en rsulte (Maertens 1976) et surtout du contexte dans lequel on l'applique, qui est celui d'un rite d'initiation. Certains Pano prtendent que les tatouages sont imposs par des esprits ancestraux, dfunts par dfinition, dsireux que les jeunes leur ressemblent, tandis que d'autres y voient explicitement une sorte de propdeutique mortuaire, destine viter de s'garer lors de l'ultime voyage vers l'au-del. En outre, le lien entre les tatouages et la guerre transparat dans l'insistance avec laquelle on impose ceux-ci aux captifs pour signifier et concrtiser leur incorporation sociale dans le groupe de leurs rapteurs. Mme appliqu aux jeunes de son propre groupe, il s'agit nettement d'un acte de violence, dont la responsabilit incombe le plus souvent l'oncle maternel (ou la tante paternelle pour les femmes), de loin le plus tranger des proches parents dans un systme social de type kariera puisqu'il appartient l'autre moiti et l'autre gnration (Erik- son 1986). Marque d'identit ethnique par excellence, le tatouage vient pour- tant du dehors et s'acquiert dans des conditions qui voquent nettement la guerre.

  • Le macro-ensemble pano 53

    Ainsi, en lui confrant une provenance exogne (plus ou moins fictive) et en l'associant au bellicisme, on semble riger le tatouage en don de l'ennemi. Dans un tel contexte, on comprend mieux que les tatouages pano ne soient gure destins rehausser la spcificit de chaque groupe local, ni mme de chaque ethnie . Car en ralit, la gamme des motifs de tatouage utiliss dans Taire pano semble extrmement limite, surtout au regard du grand nombre d'units sociales reconnues par ailleurs, chacune pourvue d'un vaste stock de noms et d'un rpertoire de motifs dcoratifs spcifiques (peints sur la face ou tisss plutt que tatous). Il existe d'innombrables moyens de marquer par l'orne- mentation la diffrence entre deux membres d'un mme village (et de la faire paratre comme quivalente la diffrence avec les membres des groupes voi- sins), mais le tatouage n'en fait pas partie : il servirait plutt de fond de teint neutre que de maquillage distinctif complet.

    De fait, un certain niveau, de subtils indices permettent d'identifier la provenance du porteur de tel ou tel tatouage. La ligne hachure qui relie le lobe de l'oreille la commissure des lvres s'y arrte chez les Poyanahua, par exemple, mais longe galement le pourtour de la bouche chez les Matses, tandis qu'elle ne passe que par la lvre suprieure chez les Marubo. On peut supposer que les Remo et les Katukina, dont on dit qu'ils portaient des tatouages simi- laires, se distinguaient par quelque variante du motif commun. On constate cependant qu'aucun effort ne semble fait pour entrer dans le dtail, pour mar- quer par exemple l'appartenance telle ou telle section matrimoniale. Les diff- rences sont trs peu accentues, comme si l'on voulait favoriser les transfuges. Un jeune Cashinahua ou Sharanahua captur par l'une quelconque des tribus susmentionnes pouvait par exemple s'en voir imposer le motif distinctif , mme s'il avait dj t tatou dans son village d'origine. Les ravisseurs n'avaient pour cela qu' ajouter les hachures ad hoc la simple ligne de base qui reliait dj sa bouche ses oreilles (Siskind 1974 : 76), laissant la place libre pour toutes sortes de dveloppements ultrieurs.

    En simplifiant un peu, on pourrait dire que malgr son lger potentiel dis- tinctif, le tatouage pano rpond avant tout une logique binaire : on en est pourvu ou pas. Une de ses fonctions principales pourrait ainsi consister tracer la fron- tire entre l'univers pano - strictement dfini par le port des tatouages - et le monde de Paltrit radicale (d'origine europenne). Le discours eschatologique marubo l'exprime assez clairement, puisqu'il affirme que tous les porteurs de tatouages suivent le mme chemin post-mortem, diffrent de celui (nawan bai) qu'empruntent les Blancs et les Indiens non tatous (Montagner Melatti 1985). Ainsi, ft-ce seulement dans le monde imaginaire de l'au-del, la totalit des Pano jouit enfin, l'cart des trangers, d'une rassurante sgrgation en un lieu de flicit d'autant plus endogame que chaque section matrimoniale y dispose de ses propres quartiers. De manire typiquement pano, le paradis des Marubo est donc ouvert tous les tatous de leur famille linguistique, mais simultan- ment fragment l'extrme, puisque les Marubo reconnaissent plusieurs dizaines de sections matrimoniales (cf. note 3, et Melatti 1976).

  • 54 PHILIPPE ERIKSON

    Le dualisme matis fournit une autre illustration du caractre syncrtique de ces tatouages. Lorsque les Matis, qui se rpartissent en deux catgories (aya- kobo du dehors et tsasibo du dedans), veulent minimiser la division qui pour- rait en rsulter, ils insistent systmatiquement sur le fait d'tre tous mushabo ( tatous ). Et pour justifier l'insertion de certains des groupes voisins dans la catgorie des tsasibo (gens du dedans) en dpit de l'absence de communica- tion relle, ils affirment que ces groupes sont tatous comme eux. dfaut de l'abolir, le tatouage escamote la diffrence entre les diverses fractions pano et dmarque clairement leur ensemble du reste de l'humanit. Peut-tre est-ce pour cela que le tatouage semble avoir connu, dans l'ouest amazonien, une diffusion essentiellement post-colombienne (Steward 1948).

    Le tatouage pano semble donc sciemment vou demeurer aussi vague et aussi neutre que possible, permettant ainsi de marquer la ressemblance autant que la diffrence d'avec les autres tatous, de quelque origine qu'ils soient. Relevant ici de la politique extrieure, il s'inscrit dans une logique de la compl- mentarit pluriethnique. Moyen de prparer et de canaliser la mort, le tatouage relie symboliquement son porteur au monde des adversaires et des dfunts, autant qu' celui de ses proches ; il s'insre dans un rseau caractris par l'applica- tion rciproque d'une violence perue comme ncessairement constitutive du soi, et dont il ne reprsente lui-mme somme toute qu'une forme bnigne. Cette pratique apparat ainsi comme la glose, ou le prolongement, d'un complexe guerrier dont on postule qu'il a pu fonder l'unit pano.

    l'heure actuelle, les institutions qui sous-tendent la cohsion du macro- ensemble pano font essentiellement figure de vestiges archaques, rsidus d'une poque o les mcanismes agrgatifs exposs ci-dessus jouaient encore un rle actif. Aussi bien la guerre intrieure que le tatouage semblent condamns trs brve chance. Aujourd'hui, spars les uns des autres et noys dans un ocan de colons hispano- ou lusophones, les Pano survivants ne pourraient plus concrtiser leur unit socio-culturelle en vastes rseaux politiques. Paradoxa- lement, il serait cependant erron d'affirmer que l'intrusion occidentale n'a eu que des effets dltres sur l'homognit pano. Bien que l'ayant videmment annihile l'chelle globale, la prsence des Blancs a souvent renforc cette cohsion l'chelle locale.

    En effet, mettant profit leur propension pour le composite, de nombreux groupes pano confronts la dpopulation ont rcemment fusionn pour viter l'extinction. On a vu ce qu'il en tait dans l'aire mayoruna, aujourd'hui tota- lement unifie sous la coupe des Matses (du moins au Prou). voquons gale- ment les Marubo, qui se prsentent comme un conglomrat de tribus rcem- ment fdres par un leader quasi mythique, le trs charismatique Joo Tuxaua (Melatti 1986). Les Marinawa, aujourd'hui rduits une centaine de personnes, prsentent cet gard un cas aussi rvlateur qu'extrme, puisque leurs mis- sionnaires affirment qu'il s'agit d'un village compos des restes d'environ vingt- cinq anciennes tribus (Scott & Scott 1963) !

  • Le macro-ensemble pano 55

    Souvent, mme l'introduction des valeurs et des pratiques d'origine euro- penne - autrement dit l'acculturation - peut entraner de nouveaux rappro- chements. Obligs de trouver un accommodement avec une socit dominante tout la fois attirante et coercitive, les groupes les plus rcemment contacts prfrent en effet apprendre de voisins plus expriments auxquels on peut s'iden- tifier sans peine que directement auprs d'trangers insaisissables. C'est auprs des Marubo que les Matis, une fois sortis de leur isolement en fort, ont appris utiliser (ou du moins connatre) l'argent, les vtements, ou encore les fusils. Or, ce faisant, les Matis ont certainement autant emprunt aux Marubo qu'aux no-Brsiliens, dans des domaines aussi varis que le chamanisme ou l'architec- ture. Mais sans doute l'exemple le plus achev de ce type d'acculturation bifide nous vient-il des Cashibo qui, au dbut de ce sicle, ont adopt massivement les coutumes shipibo (Gray 1953), y compris celle consistant remodeler le crne des nouveaux-ns (Cardenas Timoteo 1989 : 149). Leurs missionnaires affirment qu'ils voyaient l le meilleur moyen de se civiliser sans totale- ment renoncer leur identit indigne (Wistrand 1968).

    L'engagement dans la politique nationale, autre contrecoup de la moder- nit, engendre galement de nouvelles alliances entre Pano. En Bolivie, des leaders pacaguara et chacobo se sont ainsi runis avec leurs homologues yaminahua immigrs dans ce pays, rinstaurant un contact rompu depuis des sicles. Au Brsil, les Shanenawa ont rcemment d accepter de partager avec d'autres Pano l'appellation de Katukina , dans la crainte de perdre leurs droits sur la terre rserve au nom de cette ethnie (Aguiar [1991]). Au Prou, enfin, cette rcente tendance la centralisation semble parfaitement reflte par le prci- pit terminologique Shipibo-Conibo , qui se substitue presque entirement de nos jours aux diffrents ethnonymes anciennement reconnus sur PUcayali (Conibo, Shipibo, Sensi, Shetebo, Pisquibo, et autres noms eux-mmes rsultats d'une simplification terminologique ainsi qu'on l'a vu propos des Shipibo) et qui recouvre une indniable ralit politique : la feconau (Federacin de Communidades Nativas del Ucavali). Ainsi, bien qu'il ne soit videmment plus en mesure de leur permettre de contrler sans partage un immense territoire, le courant centripte caractristique de l'aire pano n'en continue pas moins de la servir. Il ouvre ses ultimes reprsentants - si rduits soient-ils considrs un un - une perspective de survie en tant que peuples.

    UMR 116 CNRS/Institut franais d'tudes andines

    NOTES

    1. Les Pano sud-orientaux (Chacobo, Pacaguara, Karipuna, Kaxarari) reprsentent vraisemblablement un rsidu de population occupant encore une zone proche de celle dont serait originaire le reste de leur famille linguistique, et coupe de la majorit pano par un couloir de population arawak et tacana. Les rares autres groupuscules pano dtachs du bloc principal en ont t spars brutale- ment l'poque du caoutchouc (Erikson 1992).

  • 56 PHILIPPE ERIKSON

    2. L'analyse des techniques, des rituels, du chamanisme et plus gnralement des systmes de reprsen- tations des Pano riverains et interfluviaux tmoigne de remarquables similarits. Cependant, les tenants du dterminisme cologique, et en particulier les archologues de l'Ucayali forms par Lathrap (1970), minimisent ces ressemblances au profit d'un modle situant les uns et les autres des stades diffrents de leur chelle volutionniste. Pour une critique de ce modle, reposant sur l'ethnohistoire et l'analyse des poteries de Pano interfluviaux, voir Erikson 1992 & Erikson 1991, rponse Lathrap et al. 1985.

    3. Ce foisonnement des auto-dsignations reflte le plus souvent la multiplicit de noms de sections matrimoniales qui, la diffrence des noms de moitis, peuvent varier d'un village l'autre. Car bien qu'un systme kariera classique ne comprenne videmment que quatre sections matrimoniales, les Pano en reconnaissent (ou du moins en nomment) gnralement beaucoup plus, que l'on peut toutefois ramener quatre par un systme d'quivalence homonymique.

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    ABSTRACT

    Philippe Erikson, A Monochrome Mosaic: the Panoan Linguistic Family. - This paper reflects upon the factors favoring the cohesion of the Panoan ethnolinguistic family, which forms a mosaic of western Amazonian peoples, and yet displays striking linguistic, territorial, and cultural uniformity. Customs and beliefs enhancing this situation are examined, in particular metalinguistic concepts, onomastics, eschatology, internal warfare, and tattooing. The conclusion describes how an on-going tradition of allegiance to a composite set has helped Panoans face western pressure despite the extinction of the ancient pluriethnic system as such.

    RESUMEN

    Philippe Erikson, Una Nebulosa compacta : el macro-conjunto pano. - Este artculo propone una reflexin sobre los factores de cohesin del macro-conjunto pano, familia linguistica del oeste amaznico que se caracteriza por el contrastre entre su extrema atomizacin tnica y su destacable uniformidad lingustica, territorial y cultural. Los mecanismos agregativos antiguos de este bloque hoy da dislocado estn examinados, y en particular los conceptos metalnguisticos, el sistema onomstico, la escatologia, la guerra interna y los tatuajes. La conclusin trata de la manera por la cual la conciencia de pertenecer a un grupo pano estuvo aprovechada para resistir a la presin occidental, a pesar de la desaparicin del sistema pluritnico tal como era.

    Article Contentsp. [45]p. [46]p. 47p. 48p. 49p. 50p. 51p. 52p. 53p. 54p. 55p. 56p. 57p. 58

    Issue Table of ContentsL'Homme, 33e Anne, No. 126/128, La remonte de l'Amazone (AVRIL-DCEMBRE 1993), pp. 1-600Front MatterUn autre regard [pp. 7-11]Introduction [pp. 13-24]Du local au globalGuerriers du sel, sauniers de la paix [pp. 25-43]Une Nbuleuse compacte : le macro-ensemble pano [pp. 45-58]Les Frontires de la chefferie: Remarques sur le systme politique du haut Xingu (Brsil) [pp. 59-76]Les tudes g [pp. 77-93]Clear Descent or Ambiguous Houses? A Re-Examination of Tukanoan Social Organisation [pp. 95-120]

    La nature du lien socialSystmes dravidiens filiation cognatique en Amazonie [pp. 121-140]La Puissance et l'acte: La parent dans les basses terres d'Amrique du Sud [pp. 141-170]Les Affinits slectives: Alliance, guerre et prdation dans l'ensemble jivaro [pp. 171-190]Death and the Loss of Civilized Predation among the Piaroa of the Orinoco Basin [pp. 191-211]From Prisoner of the Group to Darling of the Gods: An Approach to the Issue of Power in Lowland South America [pp. 213-230]

    Histoire, histoiresIndigenous Transformation of Amazonian Forests: An Example from Maranho, Brazil [pp. 231-254]The Rise and Fall of the Amazon Chiefdoms [pp. 255-283]Ethnic Transformation and Historical Discontinuity in Native Amazonia and Guayana, 1500-1900 [pp. 285-305]Facing the State, Facing the World: Amazonia's Native Leaders and the New Politics of Identity [pp. 307-326]Gringos and Wild Indians: Images of History in Western Amazonian Cultures [pp. 327-347]L'Or cannibale et la chute du ciel: Une critique chamanique de l'conomie politique de la nature (Yanomami, Brsil) [pp. 349-378]A Kalapalo Testimonial [pp. 379-407]

    Les figures du sensibleDes Esprits aux anctres: Procds linguistiques, conceptions du langage et de la socit chez les Yagua de l'Amazonie pruvienne [pp. 409-427]Des Fantmes stupfiants: Langage et croyance dans la pense achuar [pp. 429-447]Song Paths: The Ways and Means of Yaminahua Shamanic Knowledge [pp. 449-468]La Mythologie clive [pp. 469-493]

    A ProposRecent Research on the Native History of Amazonia and Guayana [pp. 495-506]The Amerindianization of Descent and Affinity [pp. 507-516]Rflexions sur la question du genre dans les socits amazoniennes [pp. 517-526]L'Ethnomusicologie de l'Amazonie [pp. 527-533]

    CorrespondanceNous avons reu de J.-L. Amselle la lettre suivante, laquelle rpond J.-P. Digrard [pp. 535-535]

    Comptes rendusReview: untitled [pp. 537-539]Review: untitled [pp. 539-540]Review: untitled [pp. 540-542]Review: untitled [pp. 543-546]Review: untitled [pp. 546-548]Review: untitled [pp. 548-550]Review: untitled [pp. 550-554]Review: untitled [pp. 554-555]Review: untitled [pp. 556-557]Review: untitled [pp. 557-559]Review: untitled [pp. 559-561]Review: untitled [pp. 562-563]Review: untitled [pp. 564-565]Review: untitled [pp. 566-567]Review: untitled [pp. 567-569]Review: untitled [pp. 569-570]Review: untitled [pp. 571-573]Review: untitled [pp. 573-575]Review: untitled [pp. 576-577]Review: untitled [pp. 577-579]Review: untitled [pp. 579-581]Review: untitled [pp. 581-581]Review: untitled [pp. 582-583]Review: untitled [pp. 583-585]Review: untitled [pp. 585-586]Review: untitled [pp. 587-588]Review: untitled [pp. 588-589]Review: untitled [pp. 590-591]Review: untitled [pp. 591-594]Review: untitled [pp. 594-594]

    Livres reus [pp. 595-600]Back Matter