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Enquête particulière Gestion et suivi des dossiers en matière de délinquance économique et financière Hoge Raad voor de Justitie | Conseil supérieur de la Justice Juin 2016

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  • Enqute particulire

    Gestion et suivi des dossiers en matire de dlinquance conomique et financire

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  • Enqute particulire

    Gestion et suivi des dossiers en matire de dlinquance economique et financire Rapport approuv par lAssemble gnrale du Conseil suprieur de la Justice le 22 juin 2016

    Il existe aussi une version nerlandaise du prsent rapport. Er bestaat ook een Nederlandse versie van dit verslag. Vous pouvez consulter ou tlcharger ce rapport sur le site Internet du Conseil suprieur de la Justice ou au moyen du code QR suivant :

    Conseil suprieur de la Justice Rue de la Croix de Fer, 67 B-1000 Bruxelles Tl: +32 (0)2 535 16 16 www.csj.be

    http://www.csj.be/

  • Table des matires I. RESUME ...................................................................................................................................................... 1 II. ORIGINE DE LENQUTE PARTICULIRE ....................................................................................................... 6

    1. Laudition du Collge des procureurs gnraux sur la problmatique du suivi des dossiers judiciaires en matire de fraude fiscale et de blanchiment ................................................................................................ 6

    2. La saisine de la CAER ..................................................................................................................................... 6 3. La dcision de la CAER de mener une enqute particulire ......................................................................... 7

    III. LOBJET DE LENQUTE PARTICULIRE: LA DILIGENCE DES PROCDURES JUDICIAIRES DANS LE

    TRAITEMENT DES DOSSIERS EN MATIRE DE DLINQUANCE CONOMIQUE ET FINANCIRE ....................... 8 IV. LA MTHODE DE TRAVAIL ........................................................................................................................... 9 V. LES FAIBLESSES STRUCTURELLES ET ORGANISATIONNELLES ...................................................................... 12

    1. Les effectifs ................................................................................................................................................. 13 2. Les outils statistiques et linformatisation ................................................................................................. 15 3. Droit de la procdure pnale : la demande daccomplissement dun acte dinstruction

    complmentaire et la dure du rglement de la procdure ...................................................................... 15 4. La coordination et la concertation entre les organes chargs de la lutte contre le blanchiment

    et la fraude fiscale et sociale ....................................................................................................................... 15 5. La formation un dficit de spcialisation ................................................................................................. 15 6. Lorganisation interne, en ce compris les processus de travail .................................................................. 16

    VI. LANALYSE TEMPORELLE DES DOSSIERS RPRESSIFS ................................................................................. 18

    A. ANALYSE TEMPORELLE ................................................................................................................................ 18 Dossier n1: Le jugement dfinitif du tribunal de premire instance de Bruxelles du 15 mai 2013 (49me chambre) dossier de fraude fiscale grave et de blanchiment ............................................................. 19 Dossier 2: Le jugement du tribunal de premire instance de Bruxelles du 17 mars 2011 et larrt de la cour dappel de Bruxelles du 27 fvrier 2013 - dossier de fraude fiscale grave............................... 25 Dossier n3: Le jugement dfinitif du tribunal de premire instance de Bruxelles du 26 juin 2013 (49me chambre) - dossier de fraude fiscale grave et de blanchiment. ............................................................. 29 B. LES FAIBLESSES QUANT LA GESTION DU TEMPS CONSIDRATIONS TRANSVERSALES ......................... 39 1. Labsence dune dfinition dun dlai idal de traitement des dossiers, en concertation avec

    les acteurs de la chaine pnale ................................................................................................................... 40 2. Labsence de contrle systmatique sur lcoulement du temps lpoque du traitement des

    dossiers examins ....................................................................................................................................... 41 3. Labsence de concertation structure ........................................................................................................ 47 4. Labsence doutils informatiques performants et userfriendly permettant de gnrer les

    informations ncessaires au suivi quotidien de lactivit juridictionnelle (suivi automatis et constant) . 49 C. LES AVANCES : UN CHANGEMENT DE CULTURE ...................................................................................... 50

    VII. RECOMMANDATIONS ............................................................................................................................... 55

  • 1

    I. RESUME 1. Origine de lenqute En tant quorgane de contrle externe de lorganisation judiciaire, la Commission davis et denqute runie (ci-aprs dnomme CAER ) du Conseil suprieur de la Justice a t trs attentive aux exposs que les reprsentants du Collge des Procureurs gnraux ont consacr au suivi des dossiers judiciaires en matire de fraude fiscale et de blanchiment devant la Commission des finances et du budget de la Chambre des Reprsentants, en date du 18 fvrier 20141. Lors de son audition, le Procureur gnral alors en charge prs la Cour dappel de Bruxelles, Monsieur Lucien NOUWYNCK, avait soulign les rsultats trs mdiocres de la lutte contre la criminalit conomique et financire, en particulier contre la fraude fiscale grave. Il avait indiqu que les dossiers aboutissaient trop souvent au constat de la prescription de laction publique ou au dpassement du dlai raisonnable en raison de dfaillances tous les niveaux de la chaine pnale2. Suite ces exposs3, la CAER a dcid, en sa sance du 3 avril 2014, de solliciter diffrentes informations auprs du Ministre de la Justice et du Collge des Procureurs gnraux. La CAER a galement demand au Procureur gnral prs la Cour dappel de Bruxelles la copie des diffrentes dcisions judiciaires qui avaient t cites au cours de lexpos des reprsentants du Collge des Procureurs gnraux. Ces dcisions permettaient de mettre en vidence les difficults organisationnelles et structurelles auxquelles ils taient confronts dans le cadre de la lutte contre la dlinquance conomique et financire. Ces dcisions ont fait lobjet dune analyse approfondie par la CAER, en accordant une attention particulire au dlai de traitement aux diffrentes phases de la procdure pnale ainsi qu la motivation de la dcision (soit dclarant laction publique prescrite, soit prononant une simple dclaration de culpabilit ou une peine minimale la peine infrieure, la dure des poursuites dpassant le dlai raisonnable). Dans un mme temps, la CAER a procd lanalyse de diffrents documents et rapports publis entre 2009 et 2015 permettant de mettre en vidence les causes des dysfonctionnements les plus rgulirement cites dans le cadre de la gestion des dossiers en matire dlinquance conomique et financire, ayant un impact sur la dure de la procdure et sur les dlais de traitement des dossiers. Au regard des diffrentes informations prcites, la CAER a dcid, en sa sance du 17 septembre 2015, dentamer une enqute particulire sur la gestion et le contrle du dlai de traitement dans les dossiers en matire de dlinquance conomique et financire4, conformment larticle 259bis-16, 3 du Code judiciaire. La dcision de la CAER se justifie notamment par le fait que ces dossiers prsentent des risques et impacts importants au vu de leur complexit et de la nature des infractions, ce qui justifie une attention toute particulire de la CAER.

    Risques oprationnels - Prescription des faits; - Dpassement du dlai raisonnable constat par le juge du fond, entranant lapplication de larticle 21ter du

    Titre prliminaire du Code de procdure pnale (seule une dclaration de culpabilit ou une peine infrieure la peine minimale est prononce si le sige considre que la dure des poursuites dpasse le dlai raisonnable).

    1 Doc 53, Chambre, 2013-2014, 3481/001. 2 Doc 53, Chambre, 2013-2014, 3481/001, p.1. 3 Doc 53, Chambre, 2013-2014, 3481/001. 4 La criminalit conomique et financire dsigne de manire gnrale toute forme de criminalit non violente qui a pour consquence une perte financire. Cette criminalit couvre une large gamme dactivits illgales, y compris la fraude, lvasion fiscale et le blanchiment dargent. Nations Unies 2005. http://www.unis.unvienna.org/pdf/05-82109_F_5_pr_SFS.pdf.

    http://www.unis.unvienna.org/pdf/05-82109_F_5_pr_SFS.pdf/

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    Risques financiers - Frais de justice engags perte ; - Pertes de rentres financires importantes pour lEtat (manque gagner).

    Risques lis aux ressources humaines Travail en pure perte de tous ceux qui sont intervenus aux diffrentes phases des enqutes et procdures

    judiciaires, entranant une dmotivation importante de tous les acteurs de la chaine pnale5.

    Risques en termes de rputation - Image ngative pour la Justice en gnral, accompagne dune perte de crdibilit de la Justice en matire

    financire ; - Cration dun sentiment, auprs des citoyens et/ou des justiciables, dune justice deux vitesses et dune

    impunit dans les dossiers en matire de dlinquance conomique et financire. Risque de fraude Incitation la fraude, en raison de labsence de sanction. 2. Mthodologie La CAER a dcid dorganiser ses travaux en examinant les points suivants : Les faiblesses structurelles et organisationnelles Procder lanalyse de diffrents documents et rapports publis entre 2009 et 2015 permettant de mettre en vidence les faiblesses et dysfonctionnements structurels et organisationnels les plus rgulirement cits dans le cadre de la gestion des dossiers en matire de dlinquance conomique et financire, ayant un impact sur la dure de la procdure et sur les dlais de traitement des dossiers. Il ressort de lanalyse des diffrents rapports (tablis entre 2009 et 2015) que les difficults principales sont les suivantes : un manque deffectifs, une absence doutils informatiques performants, une formation insuffisante tous les niveaux de la chaine pnale, une faiblesse dans lorganisation interne (en ce compris les processus de travail) ainsi que dans le monitoring des dlais, un management de lenqute trop peu dvelopp et une gestion de laudience insuffisante. Les abus lis aux demandes daccomplissement de devoirs complmentaires dans le cadre du rglement de la procdure sont galement cits. La gestion du temps Procder une analyse approfondie de trois des treize dossiers rpressifs voqus lors des exposs des reprsentants du Collge des procureurs gnraux le 18 fvrier 2014 devant la Commission des finances et du budget de la Chambre des Reprsentants afin de mettre en vidence les difficults importantes auxquelles ils taient confronts dans la lutte contre la dlinquance conomique et financire. La CAER entend, ds prsent, prciser que les dossiers analyss ont t examins en vue dillustrer les faiblesses structurelles et organisationnelles mentionnes dans la partie IV du prsent rapport et non en vue de viser de manire spcifique les instances concernes par le prsent rapport. En effet, les difficults organisationnelles et

    5 Doc. 53, Chambre, 2013-2014, 3481/001, p.1.

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    structurelles dans la gestion des dossiers en matire de dlinquance conomique et financire ne sont pas propres ces dernires. Dans le cadre de lanalyse des trois dossiers, la CAER a considr que la dure des instructions, mme si elle paraissait fort longue, ne semblait pas pour autant excessive, au regard de la nature des faits, de la complexit des dossiers et des devoirs entrepris. La CAER fait toutefois siennes les propositions mises par diffrents intervenants dans les rapports analyss dans la partie IV du prsent rapport visant notamment dlimiter de manire prcise la saisine du juge dinstruction, afin de limiter la dure des instructions. 3. Les faiblesses Labsence de contrle systmatique sur lcoulement du temps dans les dossiers examins Dans le cadre de lanalyse des trois dossiers, la CAER a mis en vidence une absence de matrise interne, et ce particulirement au stade de ltablissement des rquisitions finales, au stade du rglement de la procdure et au stade de la phase de jugement. La gestion des audiences na non plus t des plus optimales, avec de nombreuses remises qui, dans certains cas, auraient pu tre vites. Les moyens humains et techniques La CAER est toutefois trs consciente que certaines mesures de type organisationnel ne peuvent tre mises en place que pour autant que les instances judicaires disposent des moyens techniques et humains suffisants, quod non en lespce, au vu des observations formules par les diffrents protagonistes des dossiers examins. De plus, les moyens humains doivent tre allous de manire ce qu chaque stade du processus pnal, chaque maillon puisse grer, sans tre satur, le flux de dossiers traits par le maillon prcdent, ce qui na pas t systmatiquement le cas dans les dossiers analyss. De plus, la dcharge des acteurs du milieu judiciaire, il y a lieu de souligner que ces derniers ne disposaient pas des outils informatiques utiles permettant de suivre, en temps rel, lvolution dun dossier, de mesurer les retards et de dtecter les ventuels temps morts ou les priodes de traitement de dossiers manifestement anormales (tableau de bord permettant un suivi automatis de l'ensemble des dossiers). Le dveloppement de systmes dinformation performants est pourtant essentiel afin de permettre des valuations priodiques au sein des instances judiciaires, et de dceler ainsi au plus vite toute difficult ou tout retard, et prendre cet effet les mesures qui simposent. La particularit des dossiers en matire de dlinquance conomique et financire Enfin, la CAER est galement particulirement consciente de la particularit de la gestion des dossiers en matire de dlinquance conomique et financire, rsultant, dune part, de lampleur et de la technicit des dossiers et, dautre part, du fait que les personnes impliques bnficient bien souvent des conseils davocats et dexperts spcialiss6. Ces diffrentes considrations constituent autant dlments pouvant notamment expliquer bien souvent un dlai (trop) important entre le dbut de lenqute et le jugement ou larrt, gnrant un risque pour les personnes poursuivies de ntre pas juges dans un dlai raisonnable ou encore dextinction de laction publique par prescription.

    6 Doc. Parl, Chambre, 53, 2013-2014, p. 3. Dans le domaine de la criminalit conomique et financire, lgalit des armes est un leurre : face des suspects aux moyens financiers dmesurs, bnficiant des conseils des meilleurs quipes dexperts et davocats spcialiss, les moyens de la justice sont drisoires. Dans quasi tous les dossiers dune certaine ampleur, les magistrats sont confronts des montages financiers labors, utilisant toutes les subtilits dune lgislation complexe et les opportunits quouvrent les paradis fiscaux qui existent toujours .

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    Les retards pris dans les procdures et/ou les dlais de fixation trop importants devant les juridictions de fond peuvent galement amener le parquet recourir de manire importante aux modes alternatifs dexercice des poursuites pnales (la transaction pnale largie ou encore la procdure de reconnaissance pralable de culpabilit 7(ou plaider coupable8), non pas en application dune politique qui aurait t dfinie, mais uniquement afin dviter une prescription dans un dossier dtermin (palliatif). Cette manire de procder gnre ds lors un sentiment chez le citoyen et/ou le justiciable, tort ou raison, dune justice deux vitesses ou de classe et dune impunit dans les dossiers en matire de dlinquance conomique et financire9. Lorganisation judiciaire devrait en consquence tre particulirement vigilante une bonne gestion du temps dans les dossiers en matire de dlinquance conomique et financire (en ce compris, au niveau du management de lenqute), en identifiant notamment lexistence de temps morts ou un dlai de traitement dun devoir manifestement anormal, et ce, au niveau de linformation, de linstruction, du trac des rquisitions finales, du rglement de la procdure, et enfin, devant les juridictions de jugement. Cette gestion du temps devrait permettre de sassurer de la diligence des procdures judiciaires, singulirement dans les dossiers en matire de dlinquance conomique et financire. Il est en effet indiqu dans les travaux de la Commission europenne pour lefficacit de la Justice que la notion de dlai raisonnable qui figure larticle 6.1 de la Convention europenne des Droits de lHomme (CEDH) constitue une limite basse (qui spare la violation de la non-violation de la convention), et ne peut en aucun cas tre considre comme un rsultat suffisant, sil est atteint. Lobjectif doit donc tre la diligence des procdures judiciaires, ce qui signifie grer et juger les affaires dans le respect des dlais, sans retards excessifs 10. 4. Les avances : un changement de culture La CAER entend, cet gard, insister sur les avances importantes et les changements de culture constats dans le cadre des monitorings des dlais et de la gestion de lenqute (mise en place dun management de lenqute), mettant ainsi en place un environnement favorable la matrise des dlais de traitement des dossiers dans les affaires en matire de dlinquance conomique et financire. Il y a en effet lieu de constater une prise de conscience importante de la magistrature, et singulirement du ministre public, sagissant de la ncessit de mettre en place un contrle des dlais de traitement des dossiers. Parmi ces initiatives, on peut notamment citer le plan de politique et de gestion du ministre public11(2007), dont lun des points porte sur le contrle des dlais de fonctionnement. On peut galement citer les mesures adoptes dans le plan daction du Procureur gnral et du Procureur du Roi, adoptes en 2008, en vue de rsorber larrir judiciaire du parquet de Bruxelles dans les affaires financires et dans lequel sont dfinies diffrentes mesures12 visant rsorber larrir judiciaire au sein de la section financire du parquet de Bruxelles. Ce plan daction encourage notamment une dfinition prcise de la saisine du juge dinstruction, afin den limiter la dure ainsi quun rappel visant ce que les rapports prvus larticle 136bis du Code dinstruction criminelle parviennent dans les dlais requis au procureur gnral.

    7 Article 216 du Code dinstruction criminelle. 8 Le plaider coupable a t introduit par la loi du 5 fvrier 2016 (Pot-pourri II). Les dispositions relatives cette procdure sont entres en vigueur le 29 fvrier 2016. 9 Il convient enfin de prciser que la Cour constitutionnelle du 2 juin 2016 a , sur la base de questions prjudicielles poses par la chambre des mises en accusation de Gand, dit pour droit que Larticle 216bis, 2, du Code dinstruction criminelle viole les articles 10 et 11 de la Constitution, combins avec le droit un procs quitable et avec le principe de lindpendance du juge, consacr par larticle 151 de la Constitution, et par larticle 6.1 de la Convention europenne des droits de lhomme, et larticle 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en ce quil habilite le ministre public mettre fin laction publique par la voie dune transaction pnale, aprs lengagement de laction publique, sans quexiste un contrle juridictionnel effectif. () - Les effets de cette disposition lgislative sont maintenus jusqu la date de la publication du prsent arrt au Moniteur belge . 10 Compendium de bonnes pratiques pour la gestion du temps dans les procdures judiciaires, Strasbourg, 8 dcembre 2006, CEPEJ (2006), 13, p. 2. 11 Plan de politique et de gestion du ministre public, point 5, p. 13. 12 Traitement prioritaire des dossiers communiqus toutes fin depuis moins d'un an, ainsi que des dossiers communiqus depuis plus d'un an mais dont les enjeux prsentent une importance particulire justifiant qu'une orientation leur soit donne bref dlai, dfinition prcise de la saisine des juges d'instruction et intensification du suivi des instructions en cours.

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    La circulaire COL 12/2010 du Collge des Procureurs gnraux prs les Cours dappel, relative la lutte contre larrir judiciaire, la gestion et au contrle de linstruction judiciaire et des dlais de traitement est trs significative de la volont du ministre public de dvelopper un contrle interne des instructions. Il convient encore de citer les diffrentes circulaires adoptes au niveau du parquet fdral (notes de service particulires n8/10 et 22bis/10, adoptes avant la circulaire 12/2010 mais rdiges dans le mme esprit que la circulaire) et celles qui ont t adoptes en 2015 par le parquet gnral prs la Cour dappel de Bruxelles, et plus particulirement les circulaires 2bis et 2quater. Elles tmoignent dune prise de conscience importante du ministre public de la gestion du temps dans les dossiers rpressifs. 5. Les recommandations Enfin, la CAER a mis diverses recommandations visant amliorer le suivi et la gestion des dossiers en matire de dlinquance conomique et financire. Elles peuvent tre rsumes de la manire suivante :

    - Procder une valuation en besoin de personnel, et ce tous les niveaux de la chaine pnale ;

    - Mettre disposition des instances judicaires des applications informatiques performantes afin de leur permettre de soutenir un contrle interne en leur sein, et singulirement au niveau de la gestion des dlais ;

    - Assurer un niveau de formation suffisant des personnes appeles traiter des dossiers en matire de dlinquance conomique et financire, et ce tous les niveaux de la chaine pnale ;

    - Instaurer une concertation structure entre les diffrentes instances intervenant dans la chaine pnale ;

    - Continuer le dveloppement dune gestion du temps et du management de lenqute ;

    - Dvelopper la mise en place dune gestion des audiences permettant de limiter les remises.

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    II. Origine de lenqute particulire 1. Laudition du Collge des procureurs gnraux sur la problmatique du suivi des dossiers judiciaires en

    matire de fraude fiscale et de blanchiment En tant quorgane de contrle externe de lorganisation judiciaire, la Commission davis et denqute runie ( ci-aprs dnomme CAER) du Conseil suprieur de la Justice a t trs attentive aux exposs que les reprsentants du Collge des procureurs gnraux ont consacr au suivi des dossiers judiciaires en matire de fraude fiscale et de blanchiment devant la Commission des finances et du budget de la Chambre des Reprsentants, en date du 18 fvrier 201413. Lors de son audition, le Procureur gnral alors en charge prs la Cour dappel de Bruxelles, Monsieur Lucien NOUWYNCK, avait soulign les rsultats trs mdiocres de la lutte contre la criminalit conomique et financire, en particulier contre la fraude fiscale grave. Il avait indiqu que les dossiers aboutissaient trop souvent au constat de la prescription de laction publique ou au dpassement du dlai raisonnable en raison de dfaillances tous les niveaux de la chaine pnale14.

    2. La saisine de la CAER Suite ces exposs15, la CAER a dcid, en sa sance du 3 avril 2014, de solliciter diverses informations auprs du parquet gnral de Bruxelles, du Ministre de la Justice et du Collge des procureurs gnraux, et en particulier :

    La copie de diffrents arrts et jugements cits par le Procureur gnral prs la Cour dappel de Bruxelles lors de son audition du 18 fvrier 2014.

    Les informations sollicites auprs du parquet gnral ont t communiques le 25 avril 2014.

    Dautres arrts et jugements ont galement t sollicits en date du 3 novembre 201416. La CAER a en outre demand au parquet gnral de Bruxelles de lui communiquer, sur la base des donnes informatiques disponibles, les dates cls de la procdure pnale pour lensemble des arrts et jugements sollicits.

    Le parquet gnral a communiqu ces informations la CAER en date des 9 janvier 2015 et des 23 janvier 2015.

    Les arrts et jugements communiqus ont fait lobjet dune analyse axe en particulier sur les dlais de traitement entre les diffrentes phases de la procdure pnale17.

    Sur la base dun tableau tabli par la CAER, il a t demand au parquet gnral de Bruxelles en date du 19 mars 2015 de modifier les dates reprises dans le tableau et/ou de complter les dates qui navaient pas pu tre identifies par la CAER, faute dinformations suffisantes dans les arrts et jugements transmis. Les informations sollicites ont t communiques par le parquet gnral en date du 24 juin 2015.

    La rpartition exacte des 555 affaires cites par le Procureur gnral comme tant linstruction depuis plus de 5 ans, et ce, par parquet dinstance et par division. Cette demande a t formule en date du 3 septembre 2014. Les informations recueillies ont t communiques la CAER en date du 20 octobre 2014. Les informations recueilles nont toutefois pas t exploites, la CAER ayant considr, aprs analyse, que les donnes ne prsentaient pas une fiabilit suffisante pour tre exploites.

    13 Doc 53, Chambre, 2013-2014, 3481/001. 14 Doc 53, Chambre, 2013-2014, 3481/001, p.1. 15 Doc 53, Chambre, 2013-2014, 3481/001. 16 Jugement du Tribunal de premire instance de Bruxelles du 15 mai 2013 (1), Jugement du Tribunal de premire instance de Bruxelles du 28 juin 2012 (2) et arrt de la Cour dappel de Bruxelles du 21 octobre 2013 (3), Jugement du Tribunal de premire instance de Bruxelles du 17 mars 2011 (4) et arrt de la Cour dappel de Bruxelles du 27 fvrier 2013 (5), Jugement du Tribunal de premire instance de Bruxelles du 26 juin 2013 (6), Arrt de la Cour dappel de Bruxelles du 7 mai 2013 (11me chambre) - dossier de fraude fiscale grave et de blanchiment (7), Arrt de la Cour dappel de Bruxelles du 11 janvier 2012 (13me chambre) - dossier de blanchiment (8), Arrt de la Cour dappel Bruxelles du 27 mars 2012 (11me chambre) - dossier de fraude fiscale grave (9), Arrt de la Cour dappel de Bruxelles du 4 septembre 2012 (15me chambre) - dossier de fraude fiscale grave (10), Arrt de la Cour dappel de Bruxelles du 16 octobre 2012 (15me chambre) - dossier de fraude fiscale grave (11), Arrt de la Cour dappel de Bruxelles du 12 dcembre 2012 (11me chambre) - dossier de fraude fiscale grave (12), Arrt de la Cour dappel de Bruxelles du 7 mai 2013 (11me chambre) - dossier de fraude fiscale grave (13). 17 Et plus particulirement la dure de traitement des dossiers aux diffrentes phases de la procdure pnale (linformation, linstruction, la communication du dossier au parquet en vue de ltablissement des rquisitions finales, le rglement de la procdure, lordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, la fixation devant les chambres correctionnelles, le dlai de traitement du dossier devant les chambres correctionnelles et ce en premire instance et en degr dappel.

  • 7

    La CAER a galement obtenu les informations suivantes :

    - La copie du courrier adress par la Ministre de la Justice de lpoque au Collge des Procureurs gnraux en date du 1er avril 2014, sollicitant, au niveau de tous les ressorts, les diffrentes dcisions constatant soit lextinction de laction publique par leffet de la prescription, soit un dpassement du dlai raisonnable au sens de larticle 6 de la Convention europenne de sauvegarde des Droits de lHomme et des Liberts fondamentales ;

    - La copie de la rponse ce courrier, date du 8 avril 2014, qui fait tat de ce que de statistisch analisten en het vast bureau voor werklasmeting en organisatie ontwikkeling geen cijfers gegevens kunnen geven . Ce courrier prcise toutefois quil y aurait pour lensemble du pays une quinzaine daffaires pour lesquelles laction publique aurait t teinte par leffet de la prescription ou pour lesquelles les magistrats du sige auraient t amens constater un dpassement du dlai raisonnable ;

    - (Suite la demande du Ministre de la Justice formule auprs du Collge des procureurs gnraux en date du 1er avril 2014) en date du 10 juillet 2014, un relev non exhaustif des affaires au sein de certains arrondissements dans le cadre desquelles laction publique aurait t dclare teinte par prescription ou une dclaration de culpabilit aurait t prononce. Il est notamment prcis dans les diffrents relevs que le code redelijke termijn nexiste pas dans la banque de donnes, ce qui constitue dj un constat en soi.

    3. La dcision de la CAER de mener une enqute particulire Au regard des diffrentes informations prcites, la CAER a dcid en sa sance du 17 septembre 2015, dentamer une enqute particulire sur la gestion et le contrle du dlai de traitement dans les dossiers en matire de dlinquance conomique et financire18, conformment larticle 259bis-16, 3 du Code judiciaire. La dcision de la CAER se justifie notamment par le fait que ces dossiers prsentent des risques et impacts importants au vu de leur complexit et de la nature des infractions. Risques oprationnels: les faits sont prescrits; le dpassement du dlai raisonnable est constat par le juge du fond, entranant lapplication de larticle 21

    ter du Titre prliminaire du Code de procdure pnale (seule une dclaration de culpabilit ou une peine infrieure la peine minimale est prononce si le sige considre que la dure des poursuites dpasse le dlai raisonnable);

    Risques financiers: des frais de justice sont engags perte ; manque gagner : pertes de rentres financires importantes pour lEtat ; Risques lis aux ressources humaines : Un travail en pure perte de tous ceux qui sont intervenus aux diffrentes phases des enqutes et procdures

    judiciaires, entranant une dmotivation importante de tous les acteurs de la chaine pnale19 ;

    Risques en termes de rputation: une image ngative pour la Justice en gnral, accompagne dune perte de crdibilit de la Justice en

    matire financire ; la cration dun sentiment auprs des citoyens et/ou des justiciables dune justice deux vitesses et dune

    impunit dans les dossiers en matire de dlinquance conomique et financire ;

    Risques de fraude: une incitation la fraude, en raison de labsence de sanction.

    18 La criminalit conomique et financire dsigne de manire gnrale toute forme de criminalit non violente qui a pour consquence une perte financire. Cette criminalit couvre une large gamme dactivits illgales, y compris la fraude, lvasion fiscale et le blanchiment dargent. Nations Unies 2005. http://www.unis.unvienna.org/pdf/05-82109_F_5_pr_SFS.pdf/. 19 Doc. 53, Chambre, 2013-2014, 3481/001, p.1.

    http://www.unis.unvienna.org/pdf/05-82109_F_5_pr_SFS.pdf/

  • 8

    III. Lobjet de lenqute particulire: la diligence des procdures judiciaires dans

    le traitement des dossiers en matire de dlinquance conomique et

    financire Lobjet de lenqute mene par la CAER consiste sassurer que les dossiers en matire de dlinquance conomique et financire font lobjet dun jugement sans retard excessif20. Dans le cadre des poursuites pnales, lcoulement du temps peut en effet gnrer :

    Soit la prescription de laction publique suite des faits pour lesquels une information ou une instruction a t ouverte.

    Soit une condamnation par simple dclaration de culpabilit ou le prononc dune peine infrieure la peine minimale prvue par la loi, et ce, lorsque la dure des poursuites pnales dpasse le dlai raisonnable. Si le juge prononce une condamnation par simple dclaration de culpabilit, le prvenu est condamn aux frais et, sil y a lieu, aux restitutions. La confiscation spciale est prononce.

    Afin de rduire ces risques, il convient de dtecter tout dbut de retard structurel et dviter les temps morts tous les stades de la procdure. Le contrle des dlais doit porter tant sur la dure totale de la procdure que sur chacune de ses phases intermdiaires. Cela implique notamment une concertation structure entre les diffrents acteurs de la chane pnale, partant du principe qu chaque stade du processus pnal, chaque maillon doit pouvoir grer, sans tre satur, le flux de dossiers traits par le maillon prcdent. Lobjet de lenqute consiste mettre en lumire les ventuelles faiblesses ou dysfonctionnements observs dans les dossiers rpressifs analyss et de sassurer que les mesures actuelles en termes de gestion du temps judiciaire permettent de dtecter les ventuels temps morts ou toute phase de la procdure anormalement longue. Dans cette optique, la CAER sera notamment attentive la manire dont est mis en uvre le contrle du bon droulement de linstruction, vis aux articles 136, 136bis et 23521 du Code dinstruction criminelle.

    20 Compendium de bonnes pratiques pour la gestion du temps dans les procdures judiciaires, Strasbourg, 8 dcembre 2006, CEPEJ(2006), 13, p. 2. 21En vertu de ces dispositions, la chambre des mises en accusation contrle doffice le cours des instructions et peut demander des rapports sur ltat des affaires et prendre connaissance des dossiers. Dautre part, le procureur du Roi fait rapport au procureur gnral de toutes les affaires sur lesquelles la chambre du conseil naurait pas statu dans lanne compter du premier rquisitoire. La loi donne au procureur gnral la possibilit de saisir tout moment la chambre des mises en accusation des rquisitions quil juge utiles, lorsquil lestime ncessaire pour le bon droulement de linstruction, la lgalit ou la rgularit de la procdure

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    IV. La mthode de travail La CAER a dcid dorganiser ses travaux en examinant les points suivants : Les faiblesses structurelles et organisationnelles Procder lanalyse de diffrents documents, permettant de mettre en vidence les faiblesses et dysfonctionnements structurels les plus rgulirement cits dans le cadre de la gestion des dossiers en matire de dlinquance conomique et financire, ayant un impact sur la dure de la procdure et sur les dlais de traitement des dossiers. La gestion du temps Procder une analyse approfondie de trois des treize dossiers rpressifs voqus lors des exposs des reprsentants du Collge des procureurs gnraux le 18 fvrier 2014 devant la Commission des finances et du budget de la Chambre des Reprsentants afin de mettre en vidence les difficults importantes face auxquelles ils taient confronts dans la lutte contre la dlinquance conomique et financire. La CAER entend ds prsent prciser que les dossiers qui seront analyss dans la partie V du prsent rapport (analyse temporelle des dossiers rpressifs) ont t analyss en vue dillustrer et de mettre en vidence les faiblesses structurelles et organisationnelles mentionnes dans la partie IV du prsent rapport et non en vue de viser de manire spcifique les instances bruxelloises. En effet, les difficults organisationnelles et structurelles dans la gestion des dossiers en matire de dlinquance conomique et financire ne sont pas propres ces dernires. Le choix des dossiers a t opr de la manire suivante. En premier lieu, la CAER a choisi les dossiers dont la dure totale de traitement ou certaines phases de la procdure apparaissaient a priori comme particulirement excessive. Dautres lments ont galement t dcisifs dans le choix des dossiers analyss : la fdralisation dun dossier, la dnonciation de lISI ou encore le fait que le dossier ait fait lobjet dun appel devant la Cour dappel de Bruxelles. Dans ce contexte, la CAER a dcid dexaminer les dossiers dans le cadre desquels les dcisions suivantes ont t prononces :

    1. Le jugement du tribunal de premire instance de Bruxelles du 15 mai 2013 (49me chambre) ;

    2. Le jugement du tribunal de premire instance de Bruxelles du 17 mars 2011 (49me chambre) et larrt de la Cour dappel de Bruxelles du 27 fvrier 2013 (11me chambre) ;

    3. Le jugement du tribunal de premire instance de Bruxelles du 26 juin 2013 (49me chambre). A cet effet, les informations suivantes ont t sollicites auprs du parquet gnral prs la Cour dappel de Bruxelles et du parquet fdral :

    la copie de linventaire papier et/ou informatique de ces diffrents dossiers ainsi que des plumitifs daudience, et ce, pour les audiences qui se sont tenues devant le tribunal de premire instance de Bruxelles et, le cas chant, devant la Cour dappel de Bruxelles ;

    lensemble des donnes informatiques disponibles pour chacun de ces dossiers (capture dcran), permettant davoir une vue globale des dlais de traitement toutes les phases cls de la procdure pnale et, le cas chant, la copie du tableau ou de la fiche qui a t utilis par leurs services pour ces diffrents dossiers ;

    la description des donnes en principe disponibles dans les systmes informatiques du parquet gnral, en ce compris dans les systmes accessibles en seule lecture, lui permettant de disposer dun suivi transversal dun dossier, savoir depuis la date de louverture de linformation (date du procs-verbal initial ou de lencodage) la date du jugement ou de larrt ;

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    toutes les informations et instructions internes au parquet gnral et au parquet fdral relatives la mise en place dun suivi des affaires en matire de dlinquance conomique et financire. Cette mme demande a galement t adresse au Procureur du Roi de Bruxelles en date du 8 dcembre 2015.

    Dans le cadre de lvaluation du contrle interne en la matire, la CAER entendait notamment sintresser la manire dont le contrle du bon droulement de linstruction, vis aux articles 136, 136bis et 235 du Code dinstruction criminelle, tait organis22. En date du 16 fvrier 2016, le Procureur gnral prs la Cour dappel de Bruxelles, le Procureur fdral et le Prsident du tribunal de premire instance de Bruxelles ont obtenu une copie de lanalyse des dossiers examins, en vue de leur permettre de valider lanalyse temporelle effectue par la CAER et de faire part de leurs observations ventuelles. La CAER a galement demand au ministre public de prciser dans quelle mesure les dossiers examins avaient fait lobjet dun contrle vis aux articles 136, 136bis et 235 du Code dinstruction criminelle. Il a galement t demand au Prsident du tribunal de premire instance dans quelle mesure ce dernier disposait dun tableau dencombrement des chambres du tribunal et dun systme de suivi des remises, et, dans laffirmative, partir de quelle anne. La CAER a galement souhait obtenir toutes les informations utiles concernant la concertation mise en place entre le ministre public et le tribunal de premire instance dans le cadre de la gestion des dossiers en matire de dlinquance conomique et financire, partant du principe qu chaque stade du processus pnal, chaque maillon de la chaine doit pouvoir grer, sans tre satur, le flux de dossiers traits par un des maillons23. La CAER a galement souhait tre informe de lexistence ou non de programmes informatiques permettant un suivi continu des dossiers judiciaires. Enfin, il a t demand au parquet de Bruxelles de communiquer la CAER, et ce, pour les annes 2008 2014 :

    Le nombre de dossiers entrants au parquet de Bruxelles en matire de fraude fiscale et de blanchiment dargent ;

    Le nombre de dossiers en matire de fraude fiscale et de blanchiment dargent ayant fait lobjet dune information suivie dune fixation devant le tribunal ;

    Le nombre de dossiers en matire de fraude fiscale et de blanchiment ayant fait lobjet dune instruction et dun renvoi devant le tribunal correctionnel ;

    Le nombre de dossiers en matire de fraude fiscale et de blanchiment ayant fait lobjet dune transaction ;

    Le nombre de dossiers en matire de fraude fiscale et de blanchiment ayant fait lobjet dun classement sans suite. Il a t demand au parquet de Bruxelles de prciser dans la mesure du possible le motif des classements sans suite.

    En date du 23 fvrier 2016, le Procureur du Roi de Bruxelles a indiqu que notre demande touchait des questions de politique et dorganisation gnrales et quen consquence, une rponse conjointe avec le Procureur gnral prs la Cour dappel de Bruxelles nous serait adresse. Le procureur fdral nous a fait part de ses observations par courrier dat du 31 mars 2016.

    22 En effet, en vertu des dispositions prcites, la chambre des mises en accusation contrle doffice le cours des instructions et peut demander des rapports sur ltat des affaires et prendre connaissance des dossiers. Dautre part, le procureur du Roi fait rapport au procureur gnral de toutes les affaires sur lesquelles la chambre du conseil naurait pas statu dans lanne compter du premier rquisitoire. La loi donne au procureur gnral la possibilit de saisir tout moment la chambre des mises en accusation des rquisitions quil juge utiles lorsquil lestime ncessaire pour le bon droulement de linstruction, la lgalit ou la rgularit de la procdure. 23 La rsorption dun arrir au sein dun parquet pourrait en effet gnrer une saturation au niveau de la chambre du conseil, des chambres correctionnelles du tribunal et/ou de la Cour.

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    Le tribunal de premire instance de Bruxelles nous a communiqu ses observations le 4 avril 2016. Un complment dinformation nous a t communiqu en date du 28 avril 2016 (rgles dattribution). Le parquet gnral prs la Cour dappel de Bruxelles nous a communiqu les informations sollicites le 26 mai 2016, aprs avoir eu, en prsence du Procureur du Roi, un entretien avec le Prsident de la CAER et certains membres du groupe de travail. Cet entretien a eu lieu suite au courrier que le Procureur gnral avait adress au Prsident de la CAER en date du 31 mars 2016, prcisant quil souhaiterait rencontrer le Prsident afin de clarifier la situation et avant de communiquer au groupe de travail toute nouvelle information. Cet entretien a eu lieu le lundi 18 avril 2016.

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    V. Les faiblesses structurelles et organisationnelles La CAER a dcid de procder, dans un premier temps, lanalyse de diffrents documents permettant de mettre en vidence les causes des dysfonctionnements ayant un impact sur la dure de la procdure et sur les dlais de traitement des dossiers les plus rgulirement cits en matire de gestion des dossiers Ecofin au niveau judiciaire. Elle a ainsi examin les documents suivants :

    I. Le rapport de laudition de M. Delepire, prsident de la CTIF24 en date du 23 dcembre 2013;

    II. Le rapport de laudition du Collge des procureurs gnraux sur la problmatique du suivi des dossiers

    judiciaires en matire de fraude fiscale et de blanchiment, en date du 18 fvrier 201425 ;

    III. Le rapport denqute parlementaire sur les grands dossiers de fraude fiscale dat du 7 mai 200926;

    IV. Le rapport de la Cour des comptes relatif la mise en uvre des recommandations de la commission

    denqute parlementaire sur les grands dossiers de fraude fiscale (mai 201127);

    V. La directive de politique gnrale des procureurs gnraux relative la lutte contre larrir judiciaire et la gestion et au contrle de linstruction judiciaire et des dlais de traitement (2010),

    VI. Le rapport dvaluation mutuelle du GAFI (avril 2015) relatif aux mesures de lutte contre le blanchiment

    de capitaux et le financement du terrorisme (avril 2015)28;

    VII. Le rapport de la phase 3 sur la mise en uvre par la Belgique de la Convention de lOCDE sur la lutte

    contre la corruption (octobre 2013)29.

    La CAER est consciente du fait que les diffrents documents prcits ayant t publis entre 2009 et 2015, tous les dysfonctionnements mentionns par les diffrents intervenants ne sont plus ncessairement pertinents. Le rsum des diffrents dysfonctionnements mentionns en matire de gestion des dossiers dans les diffrents rapports prcits a toutefois le mrite de mettre en vidence les faiblesses les plus importantes voques durant les six dernires annes en ce qui concerne la gestion des dossiers en matire de dlinquance conomique et financire par lorganisation judiciaire. A noter galement que la notion de dysfonctionnement est relative. Un dysfonctionnement pour un intervenant ne lest pas ncessairement pour un autre. La CAER a toutefois veill reprendre les dysfonctionnements cits de manire rcurrente par les diffrents intervenants ou organismes. Il sagit essentiellement du manque deffectifs, doutils informatiques et de statistiques, de formation et dorganisation interne. Les abus lis aux demandes daccomplissement de devoirs complmentaires dans le cadre du rglement de la procdure sont galement cits. Ces diffrents lments seront dvelopps au point suivant.

    24 Doc. Parl., 53, Chambre, 2013-2014, 3269/001. 25 Doc. Parl., 53, Chambre, 2013-2014, 3481/001. 26 Doc. Parl., 52, Chambre, 2008-2009, 0034/004. 27 https://www.ccrek.be/docs/2011_27_FraudeFiscale.pdf 28 http://www.fatf-gafi.org/media/fatf/documents/reports/mer4/Rapport-evaluation-mutuelle-Belgique-2015.pdf 29 http://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/BelgiquePhase3FR.pdf

    https://www.ccrek.be/docs/2011_27_FraudeFiscale.pdfhttp://www.fatf-gafi.org/media/fatf/documents/reports/mer4/Rapport-evaluation-mutuelle-Belgique-2015.pdfhttp://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/BelgiquePhase3FR.pdf

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    1. Les effectifs 1.1. Le manque de moyens humains30 De manire gnrale, les diffrents intervenants soulignent le manque denquteurs, dexperts, de magistrats

    spcialiss et disponibles, les priorits se situant, de facto, ailleurs.

    o Ainsi, lon peut notamment pointer linsuffisance de la capacit policire susceptible dtre affecte des enqutes complexes en matire fiscale et financire (III, 262), (V, 12). A noter galement le fait que les autorits judiciaires ne disposent daucun pouvoir concret en vue dy remdier (III, 235) ;

    o Leffectif insuffisant des magistrats qui se consacrent la lutte contre la grande fraude fiscale est galement soulign. (III, 235) ;

    o Le nombre de juges financiers est galement considr comme insuffisant (I, 12) (IV, 33) ;

    Le manque de ressources accordes aux autorits rpressives belges et de moyens investis par la Belgique dans ce domaine a galement t mentionn dans le rapport de lOCDE en 2013 (II, 5, citant le rapport de

    lOCDE de 201331) (II, 6).

    Il est notamment mentionn dans ce rapport que le manque de ressources humaines et matrielles pse sur la capacit des autorits belges poursuivre et sanctionner efficacement les affaires complexes de criminalit conomique et financire32. La surcharge des services de police et des parquets, ainsi que lengorgement des cours et tribunaux empchent de sassurer que les affaires de corruption transnationales soient conclues avant lexpiration du dlai de prescription33. Ce manque deffectif sera mis en vidence dans le cadre de lanalyse temporelle des dossiers en matire rpressive (partie V). A titre illustratif, la CAER reprend un extrait de larrt de la Cour dappel de Bruxelles du 7 mai 2013, rdig en ces termes :

    "L'ordonnance de renvoi prononce par la chambre du conseil du tribunal de premire instance de Bruxelles a t rendue le 9 fvier 2006, soit environ 6 ans aprs la commission des faits infractionnels. Certes, le prvenu a fait dfaut tant devant le premier juge que devant la cour d'appel. Nanmoins, pour parvenir la condamnation, le tribunal de premire instance a mis plus d'une anne depuis l'ordonnance de renvoi tandis que la cour d'appel, dfaut de disposer des moyens ncessaires voire indispensables son bon fonctionnement, n'a pu traiter ce dossier par dfaut que prs de 5 ans aprs les actes d'appel. Ces dlais raisonnables pour juger une personne ne peuvent tre imputs aux dfaillances du prvenu, mme si elles sont regretter, mais trouvent leur origine dans l'indigence de la Justice qui ne peut assumer ces taches dans les dlais requis l'article 6 de la CEHO, faute des moyens humains et matriels adapts l'ampleur de la tche .

    30 Ce manque de moyens a t dnonc dans une des dcisions qui a t transmises par le Parquet gnral prs la Cour dappel de Bruxelles le 9 janvier 2015. L'ordonnance de renvoi prononce par la chambre du conseil du tribunal de premire instance de Bruxelles a t rendue le 9 fvier 2006, soit environ 6 ans aprs la commission des faits infractionnels. Certes, le prvenu a fait dfaut tant devant le premier juge que devant la cour d'appel. Nanmoins, pour parvenir la condamnation, le tribunal a mis plus d'une anne depuis l'ordonnance de renvoi tandis que la cour d'appel, dfaut de disposer des moyens ncessaires voire indispensables son bon fonctionnement n'a pu traiter ce dossier par dfaut que prs de 5 ans aprs les actes d'appel. Ces dlais raisonnables pour juger une personne ne peuvent tre imputs aux dfaillances du prvenu, mme si elles sont regretter, mais trouvent leur origine dans l'indigence de la Justice qui ne peut assumer ces tches dans les dlais requis l'article 6 de la CEHO, faute des moyens humains et matriels adapts l'ampleur de la tche . Arrt de la Cour dappel de Bruxelles du 7 mai 2013 (18) (arrt sur opposition de 9) 31 http://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/BelgiquePhase3FR.pdf, p. 33. 32 http://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/BelgiquePhase3FR.pdf, p. 37 33 http://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/BelgiquePhase3FR.pdf, p. 40. Il est galement indiqu dans ce rapport (p. 25) qutant donn les dlais trs longs pour mener des enqutes approfondies, suivi de dlais trs longs pour la fixation de la date daudience, puis pour attendre le jugement, lis au manque de moyens et de ressources, ainsi que ceux associs lobtention de lentraide judiciaire, la prise en compte de ces dlais dans la fixation des peines est inquitante .

    http://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/BelgiquePhase3FR.pdfhttp://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/BelgiquePhase3FR.pdfhttp://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/BelgiquePhase3FR.pdf

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    La situation ce jour au sein de la Cour dappel de Bruxelles semble encore plus que difficile, tel quen tmoigne le courrier que le procureur gnral prs la Cour dappel de Bruxelles a adress le 16 fvrier 2016 au Ministre de la Justice faisant tat de difficults importantes la Cour dappel de Bruxelles. Il y est notamment mentionn que :

    M. le premier prsident se trouve en effet confront une situation inextricable due au dpart la retraite et la nomination d'autres fonctions de 11 de ses magistrats.Cette rduction d'un tiers du nombre d'audiences correctionnelles en langue franaise tenues par la cour, alors que l'arrir y est dj endmique et que le dlai de traitement y est rgulirement jug draisonnable, contribuerait crer une situation d'arrir tout fait catastrophique et, mon sens, irrversible. Il est noter que le stock actuel des dossiers pnaux en attente d'tre jugs par la cour d'appel quivaut en chiffres, au nombre annuel d'arrts pnaux que la cour est en mesure de rendre au rythme actuel de 9 audiences par semaine. En d'autres termes, supposer mme que l'actuel nombre d'audiences soit maintenu, il faudrait virtuellement un an sans survenance du moindre nouveau dossier en degr d'appel, pour que le stock actuel de dossiers soit apur. C'est dire l'effet ravageur vident que la rduction d'un tiers du nombre des audiences va produire. Il convient d'ajouter cela le fait que cet engorgement total va entraner un effet boule-de-neige . Les habitus des procs pnaux auront tt fait d'exploiter cette situation, rendant alors impossible de rendre un arrt dans un dlai raisonnable: les appels vont se multiplier en vue d'obtenir, dans les dossiers en cause de dtenus, la libration de ceux-ci et, dans les autres, une simple dclaration de culpabilit pour cause de dpassement du dlai raisonnable. Cette situation hautement prvisible est d'autant plus alarmante que se multiplient par ailleurs les dossiers pour faits de terrorisme, lesquels ne manqueront pas de faire l'objet de recours en appel dans le cas de figure ci-dessus dcrit. Le but du prsent courrier n'est pas de se limiter, Monsieur le Ministre, vous dcrire une pure impasse, sans la moindre issue. Comme vous le verrez dans ma lettre monsieur le premier prsident de la cour d'appel34, j'ai tent de formuler une srie de pistes de rflexion. Il faut nanmoins convenir que les solutions ainsi envisages ne sont que des pis-aller, intenables sur le long terme. En revanche, je voudrais insister auprs de vous afin que soit mis en uvre, de toute urgence, le renfort prvu notamment pour la cour d'appel dans le cadre du plan Canal qui, si mes informations sont exactes, a t adopt le 5 fvrier dernier par le conseil des ministres. Seul ce renforcement, tant de la cour que du parquet gnral et des services administratifs, serait de nature viter de paralyser compltement le fonctionnement en niveau d'appel de la chane pnale, l'heure prcisment ou celle-ci doit faire face la multiplication des procs en matire de terrorisme.

    Ce courrier navait pas encore fait lobjet dune rponse en date du 26 mai 2016.

    1.2. Un turnover important, coupl de longs dlais denqute La rotation importante au sein de la section financire du parquet est un lment rgulirement cit (I, 8) (III,

    264) (V, 16)35 ;

    Les dlais de jugement trop longs affaiblissent laction du ministre public : lorsque quatre ou cinq ans scoulent entre la clture de lenqute et le jugement de laffaire, il est frquent que les magistrats ayant suivi le dossier aient quitt leur fonction. Dans les affaires de criminalit conomique et financire, il est difficile pour leurs successeurs, eux-mmes surchargs, de reprendre avec succs ces dossiers complexes (VII, 33).

    1.3. Le recrutement Le recrutement de substituts du procureur du Roi spcialiss en matire fiscale nest pas ais (II, 12, 24). Cette problmatique diffre toutefois de ressort en ressort. Une rflexion n'en est pas moins sollicite sur cette question, afin de trouver les moyens dattirer des fonctionnaires de lInspection spciale des impts ou de lInspection sociale vers la magistrature (II, 21).

    34 Les diffrentes pistes voques sont mentionnes dans la partie V, B, 4. 35 Ce point a galement t mentionn dans les observations tranmises par le tribunal de premire instance en date du 4 avril 2016 (p. 14).

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    2. Les outils statistiques et linformatisation Labsence danalyses statistiques faites par le dpartement de politique criminelle du SPF Justice (I, 8) ;

    Le manque dinformatisation de la Justice, qui constitue la principale pierre dachoppement de la rforme des procdures judiciaires. Les applications informatiques sont archaques. En raison de carences de linformatisation, les moyens et le personnel nont pu tre utiliss de manire optimale (II, 14);

    Lauditorat du travail, qui doit jouer un rle crucial contre la fraude sociale, est particulirement dmuni en matire informatique (II, 20).

    3. Droit de la procdure pnale : la demande daccomplissement dun acte dinstruction complmentaire et

    la dure du rglement de la procdure36 Les demandes daccomplissement dactes dinstruction complmentaires et les voies de recours disponibles durant lenqute prliminaire sont mentionnes dans les causes de la dure trop longue de la procdure. Il convient de prciser que cette observation est gnrale et ne vise pas uniquement les dossiers en matire de dlinquance conomique et financire. Certains intervenants estiment que les devoirs complmentaires que le prvenu a la possibilit de demander devant la chambre du conseil sapparentent des moyens dilatoires (I, 7). Dautres prcisent quil nest pas rare que des avocats demandent des devoirs complmentaires juste avant la comparution devant la chambre du conseil, bien souvent dans le seul but de ralentir la procdure (III, 238)37. 4. La coordination et la concertation entre les organes chargs de la lutte contre le blanchiment et la fraude

    fiscale et sociale Labsence de coordination optimalise entre les diffrents organes (pour la lutte contre le blanchiment, la

    lutte contre la fraude fiscale et sociale et lanalyse de la menace) (I ,12) ;

    Labsence de concertation structurelle avec les parquets, la police et dautres services (les collaborations sont essentiellement informelles et le fruit de contacts personnels) (I, 13) ;

    La CTIF nest pas toujours informe des raisons pour lesquelles des dossiers sont classs sans suite par le parquet.

    5. La formation un dficit de spcialisation De manire gnrale, le manque de connaissances spcialises dans le chef du ministre public (III, 233), des juges dinstruction, des juges du fond et des services de police (V, 10) est rgulirement cit. Plus spcifiquement, on peut citer:

    Au niveau des enqutes : labsence de corps spcifiques denquteurs spcialiss et les problmes de capacit policire ainsi que les obstacles poss par la charte du contribuable la collaboration entre le fisc et la police (II, 7) ;

    Le manque dexpertise des juges dinstruction en matire fiscale (I, 18), (II ; 12), (III, 236) ;

    Linexistence dune fonction de juge dinstruction spcialis en matire fiscale et financire, ainsi que labsence de cadres de fonctionnaires mis la disposition des juges dinstruction ;

    Labsence de comptences particulires en matire fiscale ou comptable dans le chef de tous les juges (II, 8) ;

    Lengorgement des tribunaux empchant les juges de suivre les formations (VII, 33).

    36 Il convient de noter que la loi pot-pourri II a introduit la suppresion du pourvoi immdiat en cassation. 37 Cet tat de fait a pu tre constat dans les dossiers analyss dans la partie IV.

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    6. Lorganisation interne, en ce compris les processus de travail Les faiblesses relatives lorganisation interne mentionnes de manire rgulire sont les suivantes : 6.1. Au niveau des poursuites

    La mise en uvre insatisfaisante de la fonction de substitut du procureur du Roi spcialis en matire fiscale. Ces magistrats doivent en mme temps traiter dautres dossiers (II, 7), (II, 24). La cration de la fonction de substitut du procureur du Roi spcialis en matire fiscale a constitu une initiative louable. Cette mesure na toutefois pas amlior le traitement pnal des affaires de fraude fiscale de manire satisfaisante. Lune des raisons est que ces substituts spcialiss ont galement t intgrs dans le fonctionnement normal du parquet et quils ne peuvent pas suffisamment faire appel lexpertise dtenue par ladministration fiscale (III, 233).

    Il convient de noter sur ce point quil ressort du compte-rendu intgral de la Commission Justice de la Chambre du 1er juillet 201538, quau Moniteur belge du 29 mai dernier, 70 places vacantes de magistrats ont t publies pour le Ministre public, dont 39 places de substitut du procureur du Roi. Le Ministre Geens a indiqu que cette publication avait t faite en concertation avec le Collge du Ministre public et aprs lavis favorable de lInspection des finances. En ce qui concerne les parquets de Lige et de Mons, aucune place de substitut fiscal na t publie dans ce premier train de publications la demande du Collge du Ministre public, dune part, par manque depuis des annes de candidats qualifis (comme le prouvent les republications permanentes) et dautre part, la suite dun besoin urgent de gnralistes. Et le Ministre de prciser que les deux collges sont trs conscients de limportance des substituts fiscaux mais que le recrutement de gnralistes offre la flexibilit dont le Ministre public a grand besoin pour le moment. Cela ne nuit en rien la lutte contre quelque phnomne criminel que ce soit, vu quil y a aussi des spcialistes en droit de lenvironnement, en cyber-criminalit, en dlits relatifs aux faillites et autres phnomnes criminels ou en matire de mthodes particulires de recherche, qui abordent la criminalit avec autant de motivation, sans bnficier dune allocation supplmentaire39.

    Au contraire des substituts spcialiss en matire fiscale, il na jamais vraiment t donn suite larticle 151 du Code judiciaire sagissant des substituts spcialiss en matire commerciale. Par exemple, aucun cadre lgal fixe na t instaur, pour chacun des parquets, sagissant de ces substituts spcialiss en matire commerciale, comme cela a toutefois t le cas pour les substituts spcialiss en matire fiscale, alors que la plus-value que de tels magistrats de parquet spcialiss pourraient offrir dans le cadre de la lutte contre larrir judiciaire en matire conomico-financire et fiscale est vidente40. 6.2. Au niveau de linstruction judiciaire Linexistence dune fonction de juge dinstruction spcialis en matire fiscale et financire, ainsi que

    labsence de cadres de fonctionnaires mis la disposition des juges dinstruction. Il convient toutefois de noter que larticle 16 de la loi du 25 avril 2014 portant des dispositions diverses en matire de Justice (M.B. 14 mai 2014) stipule que Un ou plusieurs juges d'instruction dsigns par le prsident du tribunal de premire instance traitent prioritairement des affaires relatives une infraction aux lois et aux rglements en matire fiscale . A cet gard, le Procureur gnral prs la Cour dappel de Bruxelles a prcis quil est absolument ncessaire que ces juges dinstruction puissent exercer leur comptence exclusivement, et non seulement prioritairement, et que leur affectation soit effective, ce qui nest pas le cas aujourdhui. En outre, ces juges dinstruction devraient pouvoir enquter, de manire galement exclusive , sur la grande criminalit organise de nature conomico-financire et fiscale. Seule une modification lgislative pourrait apporter une amlioration en la matire41.

    La saisine trop large des juges dinstruction, gnrant des devoirs trop nombreux qui retardent lavance des dossiers (III, 237); le rquisitoire de mise linstruction est souvent trop gnral quant aux faits instruire et nest pas clairement dfini quant son inscription dans le temps, alors quil est souvent effectivement possible de le faire. En outre, ce rquisitoire est parfois prcd dune information tendue, transmise au juge dinstruction dans un tat peu concis et peu lisible (V, 10) ;

    38 Commission de la Justice de la chambre du 1 juillet 2015, Criv 54 COM 208, p. 6, 39 Un supplment de traitement annuel de 6544 euros est attribu un substitut exerant la fonction de substitut fiscal. 40 Courrier du Procureur Gnral prs la Cour dappel de Bruxelles adress le 26 mai 2016 au Prsident de la CAER. 41 Courrier du Procureur Gnral de Bruxelles adress le 26 mai 2016 au Prsident de la CAER.

  • 17

    La longueur de la procdure devant les juridictions dinstruction (II, 7), (III, 238) ;

    Linstruction nest pas suivie (gestion du temps) : o Elle est paralyse par labsence de missions ou leur non-excution (V, 11). En ce qui concerne plus

    particulirement les commissions rogatoires internationales, le problme de leur inexcution ltranger pour diffrentes raisons a t mentionn (clture de linstruction sans que la commission rogatoire ne soit excute). Il est prcis dans le rapport du GAFI (2015) que lentraide en matire pnale fonctionne assez bien au niveau de lUnion europenne, en raison notamment des mcanismes et rglementations spcifiques. En dehors de lUnion europenne, les autorits affirment en gnral ne pas rencontrer de problmes en ce qui concerne les pays o lchange dinformations et dassistance est le plus important en termes de lutte contre le blanchiment, tout en regrettant nanmoins la dure des procdures allant en gnral de 6 mois 2 ans pour lexcution dune demande dentraide (VI,

    p.151)42.

    o Il arrive que linstruction soit clture et que lordonnance de soit communiqu ne soit pas rendue. A linverse, on constate parfois, aprs la lecture de lordonnance de soit communiqu, que des devoirs dinstruction essentiels nont pas t accomplis (V, 12) ;

    o Le dlai entre lordonnance de soit-communiqu et la rdaction des rquisitions finales dure parfois plus dun an (V, 12). Le long dlai est galement mentionn comme cause gnrale de retard dans le

    traitement des dossiers43.

    o Les rquisitions complmentaires : il arrive que lon require des devoirs inutiles, afin de retarder la rdaction des rquisitions finales (V, 13) ;

    o Le dlai entre la transmission des rquisitions finales et la convocation pour renvoi devant le tribunal correctionnel est parfois draisonnable (V, 13) ;

    o Lexpertise (mission et dure): Le manque de communication entre le magistrat qui requiert lexpertise et lexpert. Dans de

    nombreux cas, la mission est trop gnrale (V, 11);

    La dure de lexcution des expertises44.

    6.3. Au niveau des juridictions de fond - La priorit est gnralement donne aux dossiers de droit commun (II, 8); - On constate une perte de temps occasionne par la paralysie de la procdure au fond pendant et cause

    des devoirs denqute complmentaires45.

    6.4. La rpartition des dossiers en matire de dlinquance conomique et financire Un problme de rpartition des dossiers dun point de vue territorial rsultant de laffluence de dossiers ressortissant au parquet de Bruxelles a t mentionn. 6.5. La composition du dossier rpressif La mauvaise composition du dossier rpressif a galement t souligne (importance de la numrotation, de linventorisation et des rpertoires) (V, 12); 6.6. Le suivi des dossiers Lors du traitement du dossier devant la chambre du conseil, il arrive que le magistrat du ministre public ne matrise plus suffisance le contenu du dossier. Il est sans dfense contre les arguments de linculp ou de la partie civile, si bien que laffaire est souvent remise pour une dure indtermine (V, 15).

    42 Cet tat de fait a pu tre constat dans les dossiers analys dans la partie IV. 43 P., TRAEST, G., VERMEULEN, W., DE BONDT, T., GOMBEER, S., RAATS, L., van PUYENBROECK Scnario pour une nouvelle procdure pnale belge, Etude pratique des problmes rencontrs, Etude IRCP, Anvers, Maklu, 2015, p. 327- note infrapaginale 1007. 44 P., TRAEST, G., VERMEULEN, W., DE BONDT, T., GOMBEER, S., RAATS, L., van PUYENBROECK Scnario pour une nouvelle procdure pnale belge, Etude pratique des problmes rencontrs, Etude IRCP, Anvers, Maklu, 2015, p. 327. 45 P., TRAEST, G., VERMEULEN, W., DE BONDT, T., GOMBEER, S., RAATS, L., van PUYENBROECK Scnario pour une nouvelle procdure pnale belge, Etude pratique des problmes rencontrs, Etude IRCP, Anvers, Maklu, 2015, p. 327.

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    VI. Lanalyse temporelle des dossiers rpressifs A. Analyse temporelle

    Dans le cadre de lenqute particulire diligente par la CAER, il a t dcid, pour chacune des dcisions de justice faisant lobjet de cette enqute, de procder une analyse de la dure des dlais de traitement aux diffrentes phases de la procdure pnale. Comme indiqu dans la partie III (Mthodologie), la CAER tient prciser que les dossiers qui seront examins dans la prsente partie du rapport (analyse temporelle des dossiers rpressifs) ont t analyss en vue dillustrer et de mettre en vidence les faiblesses structurelles et organisationnelles mentionnes dans la partie IV du prsent rapport et non en vue de viser de manire spcifiques les instances bruxelloises. En effet, les difficults organisationnelles et structurelles dans la gestion des dossiers en matire de dlinquance conomique et financire ne sont pas propres ces dernires. Le choix des dcisions analyses a t opr partir des diffrentes dcisions prononces par les juridictions bruxelloises que les membres du Collge des procureurs gnraux avaient mentionnes au cours de leur expos le 18 fvrier 2014 devant la Commission des finances et du buget de la chambre des reprsentants, afin de mettre en vidence les difficults importantes auxquelles ils taient confronts dans la lutte contre la dlinquance conomique et financire. Les dossiers examins ont t consults par deux membres magistrats de la CAER en dates des 4 dcembre 2015, 6 et 7 janvier 2016.

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    Dossier n1: Le jugement dfinitif du tribunal de premire instance de Bruxelles du 15 mai 2013 (49me chambre) dossier de fraude fiscale grave et de blanchiment46 1. Brve prsentation47 Ce jugement constate lextinction de laction publique par prescription dans le cadre dune affaire de fraude fiscale de type carrousel la TVA et ordonne la restitution dimmeubles et de vhicules saisis au cours de la procdure. Le jugement comprend notamment une prvention de non-paiement de la TVA reue des clients, dun montant de 40.408.361 euros, et une prvention de blanchiment portant sur ce mme montant. Ce dossier, initialement trait par le parquet de Bruxelles, a t trait par le parquet fdral partir du mois de janvier 2006. Lenqute trouve son origine dans une dnonciation de lISI reue en 2002. La priode infractionnelle stend du 4 septembre 2000 au 24 mars 2003. 2. Analyse temporelle 2.1. Linformation prliminaire Le procs-verbal initial est encod en date du 19 aot 2002. Le rquisitoire de mise linstruction est dat du 7 octobre 2002. 2.2. Linstruction 2.2.1. Linstruction prparatoire et lordonnance de soit communiqu Le dossier est mis linstruction le 7 octobre 2002. Lordonnance de soit communiqu date du 16 dcembre 2004 : linstruction a dur 801 jours, soit 2 ans, 2 mois et 19 jours. Le dossier est transmis au parquet fdral le 13 janvier 2006. La motivation de la dcision est la suivante :

    Attendu que les faits qui fondent cette procdure concernent des infractions qui, dans une large mesure, concernent plusieurs ressorts ou qui ont une dimension internationale, en particulier celle de la criminalit organise. Attendu quil apparait que lexercice de laction publique par le procureur fdral dans le cadre de cette procdure faisant lobjet du N de notices FD.. peut apporter une plus-value la bonne administration de la justice. Attendu en effet quil existe une expertise particulire dans le chef du parquet fdral en raison de la nature de l(des) infraction(s) concerne(s), en lespce des infractions qui, dans une large mesure, concernent plusieurs ressorts ou qui ont une dimension internationale, en particulier celle de la criminalit organise ; quil existe en outre une expertise particulire du co-sign, prcdemment acquise dans le cadre de laction publique par le procureur du Roi de Bruxelles ; Dcidons, en ltat, de nous saisir de cette procdure .

    2.2.2. Les rquisitions finales Le trac des rquisitions finales du Parquet fdral date du 28 fvrier 2008.

    46 Parquet N : FD 78.98.16/06 // J.I.72/02 // n3523 du greffe // 37 cartons. 47 Parquet prs la cour dappel de Bruxelles, 24 fvrier 2014, aperu non exhaustif des dcisions rcentes prononces par les chambres correctionnelles financires du tribunal de premire instance et de la cour dappel de Bruxelles, constatant soit lextinction de laction publique par leffet de la prescription, soit un dpassement du dlai raisonnable au sens de larticle 6 CEDH, p.1.

  • 20

    2.2.3. Le rglement de la procdure Laffaire est fixe en chambre du conseil le 27 mai 2008 en vue du rglement de la procdure.

    A laudience du 27 mai 2008, laffaire est remise sine die, des requtes tendant laccomplissement de devoirs denqute complmentaires ayant t dposes les 26 et 27 mai 2008. Les parties interjettent appel des ordonnances du juge dinstruction rendues suite au dpt des requtes. La chambre des mises en accusation prononce deux arrts en date du 25 septembre 2008, rejetant les demandes de devoirs denqute complmentaires.

    Le 30 septembre 2008, le juge dinstruction rdige une apostille adresse la chambre du conseil en vue de la fixation du dossier pour le rglement de la procdure.

    Laffaire est refixe au 13 janvier 2009, date laquelle elle fait lobjet dune remise, un inculp nayant pas t convoqu rgulirement et un avocat tant retenu aux assises. Laudience est alors fixe au 28 avril 2009, pour deux heures de plaidoiries.

    A laudience du 28 avril 2009, il apparat, lexamen de laffaire, que le prsident de la chambre a sig dans cette affaire en une autre qualit. La chambre du conseil ordonne ds lors la rouverture des dbats, laudience du 26 mai 2009.

    La chambre du conseil statue sur le rglement de la procdure le 26 mai 2009. 2.3. La phase de jugement 2.3.1. La fixation de laffaire En date du 30 mars 2010, le parquet fdral adresse au prsident du tribunal de premire instance de

    Bruxelles une proposition de fixation devant la 49me chambre au mois de mai 2010 (date relais), en vue de fixer lagenda pour le dossier.

    En date du 2 avril 2010, le prsident du tribunal de premire instance prend une ordonnance par laquelle il distribue laffaire en cause, sur proposition du ministre public, la 47me chambre, pour y tre introduite laudience du mercredi 23 juin 2010.

    2.3.2. Lexamen de laffaire Laffaire est fixe au 23 juin 2010 devant la 47me chambre du tribunal de premire instance.

    En date du 23 juin 2010, laffaire est remise sine die pour redistribution devant une autre chambre (en loccurrence la 49me).

    En date du 4 novembre 2010, le prsident du tribunal adresse un courrier au magistrat fdral prcisant que la situation de la 49me chambre correctionnelle est trs proccupante dans la mesure o les volumineux dossiers financiers saccumulent sans perspective de traitement brve chance. Et de prciser qu linstar de mes collgues de la section financire, je dplore pareille situation, mais les moyens humains me manquent cruellement. Ds que jen aurai la possibilit, jaffecterai un nouveau collgue cette section qui, mes yeux, est prioritaire. Jai pris note de ce que vous interrogiez le magistrat titulaire du parquet fdral pour examiner lurgence. Cela tant, comme le suggre mon collgue X, on pourrait envisager une fixation afin de convenir dun calendrier pour le traitement de laffaire en cause .

    En date du 28 janvier 2011, laffaire est fixe devant la 49me chambre du tribunal de premire instance de Bruxelles. Il est indiqu au plumitif daudience qu en vue de mettre laffaire en tat, reciter les prvenus X et Y et joindre un acte de dcs de Y, le tribunal ajourne la cause laudience du 9 juin 2011 .

    En date du 9 juin 2011, le tribunal ajourne lexamen de la cause laudience du 24 novembre 2011, en raison de lencombrement du rle.

    Le 24 novembre 2011, laffaire est remise afin de reciter certains prvenus et de fixer un calendrier. Lexamen de la cause est remis laudience du 27 avril 2012 (date relais).

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    Le plumitif daudience du 27 avril 2012 na pas t retrouv au dossier. Il est indiqu en page 31 du jugement, 5 : la cause a t refixe le 28 janvier 2011 devant la 49me chambre, date laquelle elle a t remise en raison de lencombrement du rle. Dautres remises sont intervenues pour le mme motif .

    Lexamen de la cause commence le 13 mars 2013. Il est poursuivi aux dates suivantes : les 15, 20, 21, 22, 27 et 28 mars 2013.

    En date du 15 mai 2015, le jugement est prononc. Il constate lextinction de laction publique par prescription. Il est prcis dans le jugement que certaines infractions sont prescrites depuis le 19 fvrier 2012, dautres sont prescrites depuis le 27 fvrier 2013, soit avant lexamen de laffaire (le 13 mars 2013).

    2.4. Analyse La dure totale de la procdure, dater de louverture de linformation jusqu la date du jugement du tribunal correctionnel, est de 3922 jours, soit 10 ans, 8 mois et 27 jours. 2.4.1. Linformation prliminaire Linformation a dur 49 jours, soit 1 mois et 19 jours. 2.4.2. Linstruction a) Linstruction prparatoire et lordonnance de soit communiqu

    Linstruction a pris 801 jours, soit 2 ans, 2 mois et 19 jours. La dure de linstruction ne parat pas excessive, au regard de la nature des faits et des diffrents devoirs raliss. b) Les rquisitions finales

    Le trac des rquisitions finales a pris 1169 jours, soit 3 ans, 2 mois et 12 jours. Ce dlai parat excessif. A cet gard, le magistrat en charge du dossier a formul les observations suivantes :

    Je relve que le dossier a t communiqu au parquet fdral le 13 janvier 2006 et que les rquisitions finales ont t traces le 28 fvrier 2008, soit, en ce qui concerne le parquet fdral, dans le dlai de 2,13 ans. Ce dlai sexplique par le caractre particulirement volumineux de ce dossier compos de 37 cartons pour lequel aucun procs-verbal de synthse navait t tabli, ainsi que de sa complexit (245 qualifications ont t reprises dans les prventions .

    Malgr ces explications, la CAER considre que le dlai pour le trac des rquisitions ne peut tre considr comme raisonnable. Le parquet gnral indique dans ses observations qu en ce qui concerne les dlais qualifis dexcessifs, il ne peut tre formul de remarques que pour ce qui est dmontr comme relevant de la responsabilit du parquet fdral . Le parquet gnral de son ct a indiqu dans ses observations que son office ne formulerait pas de remarques en ce qui concerne le traitement de ce dossier, le dossier ayant t trait par le parquet fdral.

    c) Le rglement de la procdure

    Le dlai entre le trac des rquisitions finales et lordonnance de renvoi a t de 454 jours, soit 1 an, 2 mois et 27 jours, ce qui est excessif. Durant cette priode, des requtes en vue de laccomplissement de devoirs denqute complmentaires ont t dposes, pouvant expliquer en partie cette dure. Il y a toutefois lieu de noter que le Code dinstruction

    criminelle48 stipule que la chambre des mises en accusation statue dans les quinze jours du dpt de la dclaration

    48 Articles 61 quinquies, 4 du Code dinstruction criminelle.

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    dappel de lordonnance du juge dinstruction, ce qui na pas t le cas en lespce. Sil est vrai que ce dlai nest pas prescrit peine de nullit (dlai dordre), il exprime toutefois la volont du lgislateur de voir les recours Franchimont traits avec une certaine clrit et dviter les lenteurs dans le traitement des dossiers.

    Dans le cadre de la deuxime phase du rglement de la procdure, une dure de plus de 4 mois peut tre constate entre la fixation de laffaire en vue du rglement de la procdure et la dcision de renvoi en raison notamment dvnements qui auraient pu tre vits. On doit en effet constater: - Une remise plus de trois mois en raison de la convocation irrgulire dun des inculps ; - Une remise un mois lie au fait que le magistrat appel siger laudience sest vu dans lobligation de

    remettre lexamen de laffaire, constatant quil en avait connu en une autre qualit. d) La phase de jugement

    La fixation de laffaire Le dlai de fixation entre lordonnance de renvoi et la premire fixation de laffaire devant le tribunal est de 1,08 an, soit plus de 12 mois. Ce dlai parat excessif. Lexamen de laffaire Au niveau de lexamen de laffaire par le tribunal correctionnel :

    Le dlai entre la premire fixation de la cause devant le tribunal et lexamen de la cause est de 2,72 ans (soit plus de 32 mois). Ce dlai parat excessif.

    Laffaire a t fixe devant une chambre du tribunal qui ne traite pas habituellement des dossiers financiers et qui a remis laffaire sine die.

    Une fois laffaire fixe devant la chambre laquelle laffaire tait en principe destine, celle-ci a d remettre le dossier quatre reprises : o A 5 mois, en vue de mettre laffaire en tat, reciter le prvenu et joindre un acte de dcs ; o A 6 mois, en raison de lencombrement du rle ; o A 6 mois, en vue de reciter certains prvenus et de fixer un calendrier (date relais) ; o A 12 mois, sans que la cause ne puisse tre mentionne, le plumitif nayant pas t retrouv au dossier

    (date relais). Le tribunal a fait part des observations quant aux apprciations de la CAER suite lanalyse du dossier n1. Il a ainsi prcis que

    dans le contexte qui sera dcrit ci-dessous (en particulier la mobilisation de deux juges financiers dans un dossier qui, en raison de multiples incidents d'audiences et de sa complexit, a dur prs de deux annes, redistribution des dossiers initialement attribus ces magistrats auprs des autres, accroissement, pendant cette priode, des rquisitoires du parquet en raison de leur renforcement par une cellule de rfrendaires se chargeant des projets de rquisitoires), la cause NFD78.9816/06 a t remise les 9 juin 2011, 24 novembre 2011 et 27 avril 2012 date laquelle un calendrier d'audiences a t fix. Le juge sigeant dans cette cause a trait les dossiers d'un certain volume (" cartons") de manire chronologique en se fondant de manire objective sur la date du rquisitoire. Des dates relais ont parfois t accordes dans la mesure o la cause ne pouvait tre traite dans l'anne. Ds lors que nous esprions un renforcement de la chambre, un traitement plus rapide pouvait tre escompt. Le magistrat charg de la cause nFD78.9816/06 a donc dlibrment choisi de ne pas fixer de calendrier au-del de l'anne. C'est en respectant ces critres mais galement l'occasion du renforcement de la chambre qu'un calendrier a pu tre fix le 27 avril 2012. Si l'action publique a t dclare prescrite dans la cause nFD78.9816/06, le volet civil a en revanche pu tre examin ce qui a entran la condamnation de certaines parties sur ce plan.

    Malgr les explications du tribunal, le dlai de traitement au sein du tribunal parat excessif. La CAER rappelle cet gard quil appartient lEtat dorganiser le systme judiciaire de telle sorte que les tribunaux puissent remplir les exigences de la Convention europenne des droits de lhomme, et notamment celle du dlai raisonnable. Le tribunal a galement fait part dobservations gnrales, portant sur une description de la situation de la 49me chambre entre 2009 et 2013. Ces observations seront intgres dans lanalyse du dossier n1. Elles valent toutefois galement pour lanalyse des dossiers numro 2 et numro 3. Le tribunal sest exprim en ces termes.

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    Considrations gnrales du tribunal :

    Jusquen janvier 2014, la 49me chambre du tribunal de premire instance de Bruxelles tait la seule chambre francophone traiter des dossiers de droit pnal financier. Elle traitait aussi, trs occasionnellement, des dossiers de terrorisme, lesquels taient certes consquents, mais peu nombreux lpoque. En somme cette chambre tait spcialise dans le traitement de causes pnales financires souvent vastes et complexes, matrialises par des dossiers parfois trs volumineux (plusieurs dizaines de cartons).

    Entre septembre 2007 et septembre 2011, cette chambre fut prside par trois juges sigeant alternativement juge unique.

    De septembre 2011 juin 2012 elle fut alternativement prside par quatre juges dont deux sigrent, ensemble, dans une trs vaste cause sige collgial prononce en juin 2012.

    De septembre 2012 septembre 2013, la 49me chambre fut gre par trois juges, puis quatre partir de septembre 2013 et cinq partir de janvier 2014 (cration de la 89me chambre le 1er janvier 2014).

    En fvrier 2014, 3 des 4 juges qui prsidaient alternativement la 49me chambre devinrent prsidents des 59me, 69me et 79me chambres cres cette poque, depuis laquelle le droit pnal financier francophone est trait par 5 chambres distinctes.

    A la mme poque (dbut 2014), les cinq chambres concernes se sont vues allouer le contentieux du droit pnal social qui formait, jusque-l, le contentieux exclusif et presque unique de la 58me chambre qui fut ferme car son titulaire tait appel dautres fonctions.

    En conclusion, sur lpoque vise, soit de fin 2009 juin 2013, la 49me chambre, seule chambre francophone traitant du droit pnal financier, fut alternativement prside par trois juges de ce tribunal (exceptionnellement 4 fin 2011 - dbut 2012).

    Depuis dbut 2014, ce mme contentieux est gr par cinq juges et rparti en autant de chambres qui traitent, en outre, le droit pnal social.

    Les trois cas isols par la CAER du CSJ font tat de dures de traitement particulirement longues devant la 49me chambre du tribunal puisque lespace de temps entre la premire fixation desdites causes devant cette chambre et le prononc du jugement fut respectivement de plus de deux ans (outre une remise sine die par la 47me chambre), 17,5 mois et 31 mois, ce qui est fort anormal.

    Il est vrai que pratiquement toutes les grosses causes confies la 49me chambre lpoque connaissaient des dures de traitement particulirement importantes. Le faute en incombait lencombrement structurel du rle de cette chambre, lui-mme induit par le nombre et la complexit des dossiers traiter au regard de ltroitesse des moyens humains et matriels affects au traitement de ces causes. A lpoque tous les intervenants concerns taient parfaitement informs de la situation catastrophique des organes devant connatre du droit pnal financier francophone Bruxelles (chambre du conseil et 49me chambre) et tant son prsident que lassemble gnrale du tribunal se sont vainement poumons dcrire cette situation lextrieur.

    En vue dtayer cette information, le tribunal a cet effet communiqu la CAER les extraits de courrier et des rapports de fonctionnement des annes 2010, 2011, 2012 faisant tat de la situation trs problmatique de la 49me chambre.

    Le tribunal a galement indiqu que :

    il rsulte des avertissements lancs par le tribunal de Bruxelles in tempore non suspecto que la situation problmatique de la chambre correctionnelle financire francophone tait parfaitement connue et les causes de son arrir et de sa lenteur juger taient dj analyses, tenant beaucoup au traitement de (trs) grosses causes particulirement complexes. Que, dailleurs, en 2013, en prvision de la sparation du tribunal de Bruxelles en un tribunal francophone et un tribunal nerlandophone, la charge de travail de cette entit fut analyse par le bureau indpendant KPMG. Aprs diverses discussions tenant la dtermination du temps moyen de traitement des causes traites en 2012 en fonction de leur nature, le bureau KPMG est parvenu aux conclusions suivantes (sic), le 10 juillet 2013, parlant du cadre des magistrats :

    En calculant le besoin en personnel future et en remplaant les volumes output par les volumes moyens input, une augmentation du cadre de 16% sera ncessaire. Ceci est reparti de la faon suivante: Vu que laugmentation du volume entre output et input reprsente une augmentation de 16%, laugmentation du cadre et besoin en personnel anticipe cette croissance de volume de charge de travail, tenant compte dune mme productivit.En cas o nous souhaitons anticiper les dossiers mega, il faudra rajouter 3,5 ETP dans le cadre prvu pour les magistrats

    Sur pied de ces conclusions, le cadre du tribunal francophone de Bruxelles a t considrablement largi.

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    Au niveau correctionnel, les nouveaux moyens humains furent prioritairement affects au traitement des (trs) grosses causes qui constituent une spcificit bruxelloise, et notamment :

    - en janvier 2014, passage cinq chambres financires, avec autant de juges (assumant toutefois, en plus, le contentieux dudroit pnal social),

    - en 2015, cration de deux chambres destines traiter les dossiers de terrorisme employant pas moins de cinq juges.

    Quainsi donc, si la chambre pnale financire tait structurellement embouteille entre 2009 et 2013, elle le devait au fait que le cadre du tribunal tait trop troit pour permettre le jugement, dans un dlai raisonnable, des (trs) grosses causes correctionnelles qui constituent une spcificit de Bruxelles en raison de son statut de capitale du pays (sige du Parquet fdral) et de lUE.

    Alors que depuis le 1er mars 2015 se profile la correctionnalisation en masse de dossiers jusque-l confis la Cour dassises, il y a lieu de craindre que ce contentieux supplmentaire ne cre de nouveaux dsquilibres au sein du tribunal correctionnel en labsence dlargissement de son cadre, dautant que ces affaires devront tre traites par des siges collgiaux et que la Cour dassises de Bruxelles sigeait en continu durant toute lanne judici