effets des radiations ionisantes

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Effets des radiations ionisantes 1. Organisations diverses RIHSS : Research Implication Head in Safety Standards. UNSCEAR : groupe de 21 pays basé à Vienne. Par pays, un représentant et un suppléant. Il existe au sein du groupe une influence prédominante des principales puissances nucléaires. Historiquement, sa mission consistait à évaluer les retombées des essais nucléaires. L’UNSCEAR se veut une conception purement scientifique. Ainsi, tant que rien n’est démontré, aucune conclusion n’est tirée. AEN : Agence pour l’Energie Nucléaire. C’est une agence de l’OCDE basée à Paris. ICRP : Commission Internationale de RadioProtection. Ce groupe émet des recommandations relatives à la protection. Il s’agit d’un groupe relativement indépendant, composé de 12 personnes. Les sujets traités concernent la biologie, la médecine, l’environnement, la dosimétrie et la réglementation en radioprotection. Deux époques sont distinguées : l’époque nordique, qui était à l’avant-garde de la radioprotection, et l’époque américaine, qui opère une marche arrière. IAEA : c’est un organisme qui publie des Requirements (obligatoires uniquement pour ceux qui font appel à l’IAEA), des Guides (aucune valeur obligatoir), et des Technical Reports (peu contrôlé par des reviewers). Les Requirements de l’IAEA sont en général moins sévères que celles émises par EURATOM (qui elles sont obligatoires en Europe). NAS : National Academy of Science (USA). 2. Effets radiobiologiques L’ADN est constitué de 4 bases : l’adénine, la cytosine, la guanine, et la thymine. Ceux-ci sont regroupés par paires (A-T et G-C) pour construire deux chaines. L’ADN et sa gaine forment le nucléosome. Un ensemble de nucléosomes forme une fibre, qui s’enroule en spirale pour constituer un chromosome. Ainsi, casser un ADN en 2 revient à séparer tout un chromosome en deux. Ce sont des lésions au niveau de l’ADN qui sont principalement responsables de développements de tumeurs. Le développement de tumeurs est décrit à l’aide d’un modèle comportant plusieurs étapes : Dommage à l’ADN, associé à une incapacité de la cellule à corriger le dommage La croissance promotionnelle, comportant un développement de clones, dans laquelle l’environnement cellulaire joue un rôle important La conversion en phénotype malin : cette conversion est associée à d’autres mutations La progression de la tumeur Les différentes étapes requièrent à chaque fois des mutations supplémentaires par rapport à la mutation initiale. Celles-ci ne se font pas nécessairement en présence de radiations ionisantes. En particulier, en cas d’instabilité génomique, des mutations peuvent se produire en l’absence de nouvelle agression. Ainsi, la défense des cellules peut être contournée par des mutations spécifiques. Les événements initiaux sont des ionisations des atomes et molécules du milieu au long des trajectoires des radiations ionisantes. Ces perturbations affectent en grande partie des molécules d’eau et aboutissent à la formation de radicaux libres, qui sont extrêmement

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Effets des radiations ionisantes

1. Organisations diverses • RIHSS : Research Implication Head in Safety Standards. • UNSCEAR : groupe de 21 pays basé à Vienne. Par pays, un représentant et un

suppléant. Il existe au sein du groupe une influence prédominante des principales puissances nucléaires. Historiquement, sa mission consistait à évaluer les retombées des essais nucléaires. L’UNSCEAR se veut une conception purement scientifique. Ainsi, tant que rien n’est démontré, aucune conclusion n’est tirée.

• AEN : Agence pour l’Energie Nucléaire. C’est une agence de l’OCDE basée à Paris. • ICRP : Commission Internationale de RadioProtection. Ce groupe émet des

recommandations relatives à la protection. Il s’agit d’un groupe relativement indépendant, composé de 12 personnes. Les sujets traités concernent la biologie, la médecine, l’environnement, la dosimétrie et la réglementation en radioprotection. Deux époques sont distinguées : l’époque nordique, qui était à l’avant-garde de la radioprotection, et l’époque américaine, qui opère une marche arrière.

• IAEA : c’est un organisme qui publie des Requirements (obligatoires uniquement pour ceux qui font appel à l’IAEA), des Guides (aucune valeur obligatoir), et des Technical Reports (peu contrôlé par des reviewers). Les Requirements de l’IAEA sont en général moins sévères que celles émises par EURATOM (qui elles sont obligatoires en Europe).

• NAS : National Academy of Science (USA).

2. Effets radiobiologiques L’ADN est constitué de 4 bases : l’adénine, la cytosine, la guanine, et la thymine. Ceux-ci sont regroupés par paires (A-T et G-C) pour construire deux chaines. L’ADN et sa gaine forment le nucléosome. Un ensemble de nucléosomes forme une fibre, qui s’enroule en spirale pour constituer un chromosome. Ainsi, casser un ADN en 2 revient à séparer tout un chromosome en deux. Ce sont des lésions au niveau de l’ADN qui sont principalement responsables de développements de tumeurs. Le développement de tumeurs est décrit à l’aide d’un modèle comportant plusieurs étapes :

• Dommage à l’ADN, associé à une incapacité de la cellule à corriger le dommage • La croissance promotionnelle, comportant un développement de clones, dans

laquelle l’environnement cellulaire joue un rôle important • La conversion en phénotype malin : cette conversion est associée à d’autres

mutations • La progression de la tumeur

Les différentes étapes requièrent à chaque fois des mutations supplémentaires par rapport à la mutation initiale. Celles-ci ne se font pas nécessairement en présence de radiations ionisantes. En particulier, en cas d’instabilité génomique, des mutations peuvent se produire en l’absence de nouvelle agression. Ainsi, la défense des cellules peut être contournée par des mutations spécifiques. Les événements initiaux sont des ionisations des atomes et molécules du milieu au long des trajectoires des radiations ionisantes. Ces perturbations affectent en grande partie des molécules d’eau et aboutissent à la formation de radicaux libres, qui sont extrêmement

réactifs et peuvent provoquer des modifications chimiques, en particulier au niveau des molécules d’ADN. L’irradiation peut également agir par voie directe. Dans ce cas, l’énergie est directement absorbée par la molécule d’ADN. Plusieurs types de lésions de l’ADN sont possibles. Les principales sont les ruptures simple (une seule chaîne) et double (les deux chaînes). Notons qu’il ne faut pas nécessairement plusieurs « projectiles » pour créer une lésion double, un seul projectile peut suffire, s’il ne perd pas trop d’énergie lors de la première rupture. Ces lésions ne sont heureusement pas automatiquement suivies d’un effet biologique nocif. Il existe des mécanismes de réparation, faisant intervenir des enzymes parfois de manière complexe. Il faut cependant distinguer les mécanismes de réparation fidèles, qui restaurent l’ADN dans son intégrité, et ceux qui peuvent induire des mutations génétiques ou des aberrations chromosomiques pouvant être à l’origine de cancers ou d’effets héréditaires. Les ruptures simples sont aisément et fidèlement réparées, sur base de la chaîne ADN intacte. Les ruptures doubles sont plus difficiles à réparer. Les erreurs de réparation conduisent alors à des lésions fixes de l’ADN. Ainsi, par exemple, les deux brins peuvent être recollés, mais ils peuvent être recollés au mauvais endroit. De même, une méthode de réparation consiste à aller chercher le chromosome homologue à celui qui est lésé, et on en fabrique une copie homologue. Cependant, si ce chromosome homologue porte une tare, et que le premier chromosome lésé ne la portait pas et donc assurait la fonction du gène, si ce dernier est remplacé par un chromosome taré, une maladie pourra se déclarer. Il y a dans ce cas une perte d’hétérozygotie.

Note : dans une même famille, on possède les mêmes tares. Lorsqu’une tare est présente sur un seul chromosome, la maladie associée ne s’exprime pas. Sous l’effet d’irradiation, certaines des lésions double brin peuvent conduire à mettre en évidence une tare au sein d’une cellule. Cette cellule comporte cependant des gênes suppresseurs de tumeur, afin d’éviter la cancérisation de la cellule. Cependant, si on est hétérozygote (un organisme est hétérozygote pour un gène quand il possède deux allèles différents de ce gène sur un même locus pour chacun de ses chromosomes homologues.) pour le gène suppresseur de tumeur, on risque en cas d’irradiation de se retrouver avec une copie du mauvais gène, et le processus de cancérisation est susceptible de commencer. Ainsi, plus on vieillit, plus le nombre de cellules touchées par cette première mutation augmente, et plus on a la chance de développer un cancer.

Les réparations fautives se produisent d’autant plus facilement que les processus de réparation sont plus sollicités (risque de « débordement »), donc quand la dose ou le débit de dose augmentent. L’importance de l’irradiation est définie par l’énergie déposée localement. L’effet est d’autant plus marqué que la dose est plus élevée. A la limite, si la dose est suffisamment élevée, tout tissu vivant ou organe est détruit. L’effet biologique n’est pas uniquement fonction de la dose absorbée, mais également du mode d’absorption de celle-ci. Les rayonnements à transfert d’énergie linéique élevé produisent plus facilement des dommages complexes. Pour une même énergie déposée, ils sont plus dangereux. La notion d’équivalent de dose a été introduite pour tenir compte de cette différence d’action. On obtient cette grandeur en multipliant la dose absorbée par un facteur de pondération qui tient compte de l’efficacité biologique du rayonnement dans la production d’effets à long terme. Au niveau du tissu ou de l’organe, on parlera de dose équivalente, qui est la dose absorbée moyenne dans ce tissu ou organe, pondérée pour la quantité du rayonnement. Cependant, à

dose absorbée égale, le risque varie d’un tissu à l’autre. On attribue ainsi à chaque organe important un facteur de pondération dont la valeur est proportionnelle au risque que ses effets à long terme ne s’y manifestent. L’utilisation des facteurs de pondération permet la conversion des doses par organe en dose efficace pour le corps entier. Nous distinguons :

• L’ irradiation externe : une personne est exposée à une source de rayonnement qui lui est extérieure. Cette exposition est die totale lorsque l’ensemble du corps est irradié. Elle est dite partielle lorsque seule une partie du corps est irradiée.

• La contamination externe est définie comme le dépôt de radionucléides au niveau de la peau. Ces radionucléides irradient principalement la peau, mais le risque est de les voir pénétrer dans l’organisme.

• La contamination interne est définie comme l’incorporation de radionucléides dans l’organisme. Elle peut résulter de l’inhalation ou de l’ingestion de substances contaminées. Des radionucléides peuvent également pénétrer dans l’organisme par des plaies ouvertes.

On peut classer les effets biologiques de différentes manières :

• On peut les classer selon leur moment d’apparition : on parle d’effets précoces ou d’effets tardifs. Les effets précoces sont définis comme ceux qui apparaissent dans les jours ou semaines qui suivent l’irradiation. Les effets tardifs apparaissent après 6 mois, un an, voire plusieurs années après l’irradiation.

• On peut les classer en effets somatiques et génétiques. On parle d’effets somatiques lorsque c’est la personne irradiée elle-même qui subit les effets de l’irradiation. On parle d’effets génétiques quand c’est la descendance qui subit les effets de l’irradiation. En cas d’irradiation du fœtus, il s’agit essentiellement d’un effet somatique.

• On peut les classer selon le caractère déterministe ou aléatoire des effets. o Effets déterministes : aucun effet déterministe n’apparaît pour des doses

inférieures à 0,5 Gy. De telles informations aident à guider la conduite des autorités sanitaires, car les mesures à prendre doivent viser à rester en dessous de ce seuil. Notons que de petites variations du seuil peuvent apparaître selon les individus.

o Effets aléatoires : l’augmentation de la fréquence des cancers et le risque génétique sont des effets aléatoires. Ils se distinguent des effets déterministes par les caractéristiques suivantes :

Effets déterministes

Effets aléatoires

Existence d’un seuil

La probabilité augmente avec la dose

La gravité augmente avec la dose

La gravité n’augmenta pas avec la dose

Les lésions sont présentes chez tous les individus

L’effet apparaît chez certains sujets

Les radiolésions de la peau Les radiolésions de la peau sont fréquemment observées :

• Historiquement, des radiodermites ont été observées, surtout au niveau des doigts, chez les pionniers de la radiologie et de la radiophysique.

• En radiologie, des accidents de radiodermites aigües et leurs séquelles chroniques ont été observées parmi les premiers malades radiographiés. Les radiodermites chroniques des doigts et les cancers induits à leur niveau constituent un des risques professionnels majeurs chez les radiologues, pneumologues, etc.

• Dans l’industrie nucléaire, des irradiations accidentelles à haute dose entraînant des radiodermites aigües et chroniques au niveau des mains sont fréquemment observés.

• En cas d’accident nucléaire, des radiolésions cutanées sont à craindre en raison de la dispersion de grandes quantités de radionucléides émetteurs beta.

La peau est composée de deux tissus : l’épiderme et le derme.

• L’épiderme, comme l’intestin, est un tissu à compartiments. Le compartiment des cellules souches comprend les cellules capables de se diviser, assurant ainsi la régénération des tissus. Le compartiment des cellules différenciées comprend des cellules qui ne peuvent plus se diviser mais qui effectuent une certaine fonction. Leur durée de vie est limitée. L’épiderme est constitué d’une couche basale formée de petites cellules en prolifération active. Cette couche basale est surmontée de 3 ou 4 couches de cellules nucléées différenciées qui ne se divisent pas : elles constituent la couche de Malpighi. Schématiquement, ces cellules sont disposées en colonnes. A la base se trouve une unité de prolifération constituée d’une dizaine de cellules basales situées sur un même plan. Cette unité est recouverte d’une grande cellule incapable de se diviser, surmontée elle-même d’autres cellules disposées les unes au-dessus des autres en colonne jusqu’à la surface. On estime que par mm² d’épiderme, il y a environ 20000 cellules basales regroupées en 1500 unités de prolifération. Chez l’homme, la durée du cycle cellulaire des cellules basales de l’unité de prolifération est en moyenne de 200 heures. La durée totale du transit, entre le moment où la cellule se différencie en quittant la couche basale et celui où elle desquame, est d’environ 14 jours.

• Le derme est une couche de tissu dont l’épaisseur est en moyenne de 3-4 mm. Il contient des follicules pileux, des glandes sébacées et des glandes sudoripares.

Schéma de l’épiderme Ce sont essentiellement les cellules souches basales qui vont être lésées par l’irradiation. Les cellules différenciées de la couche de Malpighi sont plutôt radiorésistantes. Elles seront de toute manière éliminées après environ 14 jours. Une dose de 2 Gy tue environ 50% des cellules souches basales (la mort signifie la perte de leur capacité de prolifération). La dénudation qui apparaîtra après une vingtaine de jours n’est donc pas due à la dégénérescence

des cellules induite par l’irradiation, mais à l’arrêt de leur production. La chronologie des lésions est donc indépendante de la dose reçue puisqu’elle correspond au temps nécessaire pour que meurent les cellules différenciées. On peut distinguer plusieurs types de radiodermites cutanées. Les radiodermites aigües apparaissent dans les jours ou semaines qui suivent l’exposition. Les radiodermites chroniques apparaissent après des mois ou des données. Les radiodermites aigües :

• Erythème précoce : il est analogue au coup de soleil et apparaît quelques heures après l’exposition pour des doses supérieures à 4-5 Gy. Il peut persister durant quelques heures ou jours.

• Epidermite sèche : pour des doses supérieures à 10 Gy, l’érythème précoce est suivi, après environ 3 semaines, d’un érythème plus profond avec desquamation sèche. L’érythème est dû à une atteinte des vaisseaux de la partie superficielle du derme.

• Epidermite exsudative : elle apparaît de 3 à 4 semaines après l’exposition pour des doses supérieures à 12-15 Gy. Elle est secondaire à la mortalité élevée des cellules de la couche basale.

Le délai d’apparition ainsi que la vitesse avec laquelle les lésions se développent ne sont pas influencés par la dose. Par contre, la durée de réparation est d’autant plus longue que la dose a été plus élevée, par ce que le nombre de cellules basales capables de participer à la régénération de l’épiderme est d’autant plus faible. Les réactions d’épidermite ne sont observables que si la dose dépasse un seuil, car un faible dépeuplement de la couche basale n’entraîne pas de réaction macroscopique détectable. L’observation clinique a montré cependant qu’il persiste des lésions résiduelles après une radiothérapie, lesquelles se traduisent par une réduction de la tolérance de la peau. Ainsi, lors d’irradiations ultérieures, les doses nécessaires pour produire des réactions cutanées sont réduites d’environ 10%. Les radiodermites chroniques :

• On observe après une irradiation des lésions cutanées tardives, qui sont plus graves que les lésions précoces car elles sont irréversibles. Elles apparaissent entre 6 mois et 2 ans après l’irradiation. La peau est amincie et fragilisée. Pour éviter des effets tardifs, inacceptables sur le plan d’esthétique, la dose cumulée au niveau du derme ne doit pas dépasser 30 Gy, sur la vie entière. La limite de dose recommandée par l’ICRP pour les travailleurs professionnellement exposés est de 0,5 Sv par an, soit 20 Sv sur la durée de la vie professionnelle.

• Une radiodermite chronique peut également survenir après exposition répétée à de petites doses de rayonnement. C’est le cas pour les radiologues. Dans ce cas, la radiodermite chronique se développe sans que les effets aigus n’aient attiré l’attention. Il est donc important de reconnaître les premiers signes : perte d’empreintes digitales, perte des poils, peau sèche, ulcérations, lésions au niveau des ongles. Le risque majeur des radiodermites chroniques est la cancérisation.

L’irradiation peut induire 2 types de cancers au niveau de la peau : les épithéliomas basocellulaire et les épithéliomas spinocellulaires. La létalité liée aux cancers cutanés radioinduits est faible : 0,01% pour les basocellulaires et 1% pour les spinocellulaires. Le risque de radiocancérogenèse, pour une dose donnée, varie en fonction du degré de pigmentation de la peau. Il est maximal pour une peau claire et faible pour une peau pigmentée. Il ne semble pas que le risque, par unité de dose, soit plus faible aux faibles doses

qu’aux doses élevées. Il est donc prudent d’admettre que les effets d’une irradiation chronique s’additionnent. L’ICRP évalue de manière suivante le risque d’induction de cancer cutané à partir du risque absolu. Le risque est de 22 10-8 par Gy, par cm² et par an pour la peau exposée aux UV, et de 1,3 10-8 par Gy, par cm² et par an pour la peau protégée.

Les effets sur le cristallin Le cristallin de l’œil est plus sensible qu’on ne le pensait. Actuellement, les doses sont 3-5 fois trop élevées. L’ICRP a mis du temps à modifier les limites de dose autorisées pour le cristallin. En cause : ce durcissement des normes gène beaucoup le monde médical.

Les effets d’une irradiation sur les gonades • Spermatogenèse : une dose de 0,08 Gy entraîne une baisse temporaire du nombre de

spermatozoïdes. Après 2 Gy, on observe une azoospermie durable (1-2 ans). Après 6 Gy l’azoospermie est généralement définitive. Même pour des doses de plusieurs dizaines de Gy, on observe peu d’effets sur les cellules qui sécrètent la testostérone. Après irradiation, en cas de fécondation, la probabilité d’anomalies génétiques est environ double de celle observée pour une fécondation ultérieure. On conseille donc, après irradiation, d’attendre au moins 3 mois avant de procréer.

• Ovaire : dès le stade fœtal, les ovocytes ne se divisent pas. Ils sont tous présent dès la naissance. La radiosensibilité des ovocytes est extrême. Une dose de 0,1 Gy tue environ la moitié des ovocytes. L’irradiation de l’ovaire peut donc entraîner la castration. Les doses qui la provoquent varient avec l’âge (12-15 Gy pour une femme de 20 ans, 5-7 Gy à 45 ans). Les ovocytes sont peu sensibles à l’induction d’anomalies génétiques.

Risques liés à l’irradiation de la glande thyroïde En cas d’accident d’installation nucléaire, des substances radioactives, en particulier d’iode, peuvent s’échapper et être entraînés par les vents. Les isotopes radioactifs de l’iode, qui s’accumulent dans la glande thyroïde, peuvent y être à l’origine de cancers, particulièrement chez les sujets jeunes. Un excès de cancers thyroïdiens a en effet été observé parmi les enfants exposés aux radiations à Hiroshima et Nagasaki, ainsi que chez des enfants traités par radiothérapie pour cancer ou pour des affections bénignes (affections fongiques du cuir chevelu). La période de latence observée est de l’ordre de 5 à 10 ans. Le coefficient de risque pour l’induction de cancers de la thyroïde a été évalué en 1990 par le CIPR à 0,8 10-2 Gy-1, et ce quel que soit la dose reçue. Ce coefficient signifie que par millier de personnes dont la thyroïde a été exposée à la dose de 1 Gy, le CIPR prédit 8 cancers supplémentaires. Si la dose était 10 fois plus faible, il y aurait 10 fois moins de cas. La relation dose-effet est donc de type linéaire. Notons que des études réalisées sur des patients exposés pour des raisons médicales à une irradiation interne par l’iode 131 ne mettent pas en évidence de façon probante l’existence de cancers radioinduits. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les doses très élevées à la thyroïde sont plus susceptibles de tuer les cellules que d’y induire une cancérisation. Remarquons cependant que les durées d’observations sont parfois réduites et que la population de patients est essentiellement composée d’adultes. L’extrapolation aux enfants doit donc être prudente.

La population peut être contaminée par deux voies principales : par inhalation d’air contaminé et par ingestion d’eau ou d’aliments contaminés. Parmi ces derniers, le lait constitue un des vecteurs principaux. Après absorption digestive, l’iode se fixe au niveau de la thyroïde. L’iode 131 est un émetteur beta et gamma. La dose reçue au niveau du tissu thyroïdien est due essentiellement au rayonnement beta. L’administration d’iode sature la thyroïde et contrarie l’accumulation ultérieure d’iode. Le moyen le plus approprié pour éviter l’accumulation d’iode radioactif en cas d’accident est donc de prendre rapidement de l’iode stable. La rapidité de la prise d’iode stable est importante : l’effet protecteur est proche de 100% lorsqu’il est pris dans les 6 heures qui précèdent la contamination, et tombe à 50% quand il est pris à la 5ème heure après la contamination. Les comprimés disponibles en Belgique sont des comprimés de 65 mg d’iode de potassium. La stabilité est garantie 5 ans mais elle pourrait en réalité atteindre 10 ans. Les autorités belges ont opté pour une distribution préalable d’iode stable dans les familles et collectivités résidant dans les zones de planification d’urgence (rayon de 10 km autour des installations nucléaires). La protection offerte par une seule prise est de 24h. L’administration doit donc être quotidienne. Il y a deux exceptions : les femmes enceintes et les nouveau-nés. Une dose unique doit leur être administrée. Des doses massives d’iode stable peuvent en effet induire un blocage de la fonction thyroïdienne du fœtus ou du nouveau-né. Le risque de pathologie thyroïdienne induite par l’iode radioactif diminue avec l’âge. Par contre, les personnes âgées présentent une probabilité non négligeable de maladies thyroïdiennes méconnues. Il est donc recommandé d’éviter la prise de comprimés d’iodure de potassium après l’âge de 60 ans et d’être prudent entre 45 et 60 ans. Il existe d’autres contre-indications, comme des allergies à l’iode. Notons toutefois qu’en Pologne, suite à l’accident de Tchernobyl, plus de 10 millions d’enfants et 7 millions d’adultes ont pris de l’iode stable. Plus de 95% des enfants et adultes n’ont présenté aucun effet secondaire. On estime que 0,2% de la population a souffert d’un effet secondaire médicalement significatif. Les observations sont donc rassurantes. En cas de surdosage accidentel, on peut craindre des vomissements, des maux de ventre et diarrhées, … Le traitement consiste en un lavage d’estomac. En cas d’indisponibilité de comprimés d’iodure de potassium, les pharmaciens peuvent préparer des doses individuelles. Chez l’adulte jeune on peut envisager l’administration de perchlorate de sodium ou de perchlorate de potassium. Vu les effets secondaires parfois très graves, leur administration n’est envisageable que si des doses thyroïdiennes très élevées sont à craindre. Observations réalisées à Tchernobyl L’accident est trop récent pour tirer des conclusions définitives, mais certaines tendances peuvent déjà être mises en évidence. Avant l’accident, l’incidence annuelle du cancer thyroïdien chez l’enfant était faible (environ un par million en Biélorussie, qui dispose d’un registre de cancer depuis 1970). A partir de 1990 (4 ans après l’accident), le nombre de cas annuels de cancers thyroïdiens chez l’enfant a commencé à augmenter drastiquement. Remarquons que, par convention, il s’agit de cancers enregistrés chez des enfants âgés de moins de 15 ans au moment où ils ont été opérés. Les chiffres présentés pourraient donc être sous-estimés. C’est bien l’iode de la centrale qui est la cause du cancer de la thyroïde dans les environs de Tchernobyl. Cela est argumenté sur base, entre autres, de la carte géographique, et du fait que les enfants qui étaient au 1er trimestre de grosse au moment de l’accident n’ont pas absorbé

l’iode (la thyroïde fœtale ne concentre l’iode qu’à partir du second trimestre de grossesse) et ont donc moins développé de cancers thyroïdiens, contrairement à ceux qui étaient déjà au 2ème ou 3ème trimestres de grossesse. La question a cependant été soulevée de savoir si le nombre de cancers thyroïdiens observés autour de Tchernobyl n’a pas été gonflé artificiellement par un effet dit de screening, en ce sens qu’un dépistage accru des affections thyroïdiennes aurait permis de détecter un grand nombre de cas muets. Il semble clair à l’heure actuelle que le screening n’a pas contribué de façon significative au nombre de cas observés chez les enfants. De même, d’autres facteurs, comme les polluants chimiques ont été incriminés, mais cette hypothèse est difficilement recevable car aucun carcinogène n’est connu pour être spécifique de la glande thyroïde. L’hypothèse d’un facteur racial a été soulevée et est en cours d’investigation. Pour étudier l’influence de l’âge sur la susceptibilité de la thyroïde à la cancérisation, une comparaison de la distribution d’âge des cas de cancers entre la zone de Tchernobyl et des cas survenus dans des régions non contaminées (Grande Bretagne) a été effectuée. Ainsi, à une augmentation continue du nombre de cas en fonction de l’âge, telle qu’observée en Grande Bretagne, s’oppose un pic de fréquence pour les âges de 8-9 ans chez les biélorusses. Ce pic se déplace au fil des années d’observation. L’analyse suggère une radiosensibilité fortement accrue pour la catégorie des enfants les plus jeunes. Si on classe les enfants cancéreux en groupes définis par l’âge qu’ils avaient au moment de l’accident, on constate dans chaque groupe une augmentation du nombre de cancers en fonction de l’âge atteint (comme en Grande Bretagne), mais surtout un plus grand nombre de cancers chez les enfants les plus jeunes au moment de l’accident.

Variation du risque relatif pour l’induction de cancer thyroïdien chez l’enfant en fonction de l’âge au moment de l’exposition

Si on compare le nombre de cas observé avec le nombre attendu sur la base des observations britanniques, on peut voir que le risque relatif atteint 300:1 pour les enfants de moins de 1 an (au moment de l’accident) pour descendre aux alentours de 30:1 chez les enfants âgés de 7 ans au moment de l’accident. Notons que pour des raisons de volume de la thyroïde, une même activité incorporée d’iode radioactif donnera une dose beaucoup plus élevée chez l’enfant que chez l’adulte (5 à 10 fois plus).

Cette grande radiosensibilité des enfants a des implications importantes sur les plans de secours. Plus les sujets sont radiosensibles, plus les niveaux de doses d’intervention s’abaissent et plus les zones d’intervention potentielles s’étendent. Les études sur les cancers thyroïdiens montrent que les cas de cancer persistent pendant des dizaines d’années après l’exposition, même si l’excès de risque peut décroître après 20 ou 30 ans. Ces études suggèrent un risque de type multiplicatif, c’est-à-dire un excès de risque qui obéit à un modèle de type relatif : la fréquence des cas radioinduits est proportionnelle à celle des cancers survenant spontanément dans la population témoin. Comme la fréquence des cancers augmente avec l’âge, une telle relation implique que, plus la population exposée vieillit, plus le nombre absolu de cancers radioinduits augmente. En utilisant les coefficients de risque proposés par le CIPR, et en supposant qu’un million d’enfants ont reçu en moyenne 0,5 Gy, on doit s’attendre à environ 4000 cas de cancers thyroïdiens radioinduits dans la population d’enfants irradiés (risque vie entière). Les taux observés à Gomel font cependant craindre que ce coefficient de risque ne soit trop optimiste : il pourrait être de 10 à 50 fois plus élevé.

Les effets d’une irradiation in utero L’embryon et le fœtus sont particulièrement fragiles vis-à-vis des rayonnements ionisants. La loi de Bergonié et Tribondeau stipulent qu’un tissu est d’autant plus radiosensible que les cellules qui le composent sont moins différenciées, ont un potentiel de prolifération plus grand, et se divisent plus vite. Pour des doses élevées, en plus des morts in utero, on observe des malformations congénitales ainsi que des retards mentaux. Pour des faibles doses, on ne dispose pas de données humaines et on est obligé d’extrapoler les études chez l’animal. Pour l’induction de cancers à faibles doses, le problème n’est pas différent de celui pour les enfants. Toutefois, la longue espérance de vie et le potentiel élevé de division des cellules en cas d’irradiation in utero donnent à ce problème une gravité particulière. Pour connaître les effets d’une irradiation in utero, de nombreuses recherches ont été réalisées et sont encore en cours, essentiellement sur des rats et des souris. L’avantage est que les processus de développement et les durées sont sensiblement les mêmes, en tout cas pour la période de préimplantation. Jusqu’à présent, on avait établi que

• Au-dessus d’un certain seuil (100 mSv), l’exposition aux radiations ionisantes durant la période préimplantatoire (0-8 jours après la conception) conduisait soit à la mort de l’embryon, soit à une survie en bonne santé (règle du tout ou rien).

• Au-dessus d’un certain seuil, l’exposition au cours de la phase d’organogenèse (9-60 jours) comporte des risques d’induction de malformations congénitales significatives. L’ICRP estime qu’on reste à l’abri de ces effets pour des doses inférieures à 100 mGy. Ce seuil est cependant remis en question par de nouvelles recherches. Pendant la phase initiale d’induction, la capacité embryonnaire de régénération et de réorganisation est assez grande mais les lésions radioinduites sont sérieuses. Le pronostic en termes de malformation dépend du degré de sélection intra-utérine, c’est-à-dire de la tendance à avorter, à éliminer les embryons malformés. Les relations dose-effet observées pour chaque type spécifique de malformation sont généralement de type sigmoïde.

Incidence des malformations squelettiques résultant d’une irradiation effectuée au 7ème ou 10ème jour après la conception chez la souris

• L’exposition pendant la grossesse peut conduire à une leucémie pendant l’enfance. Il y

a des indications selon lesquelles tous les stades de la grossesse peuvent être affectés. • Les analyses de désordres mentaux des enfants exposés in utero à Hiroshima et

Nagasaki ont montré que des retards mentaux sévères peuvent être induits. En effet, de la 8ème à la 15ème semaine, le danger majeur est l’induction d’un retard mental. Avant la 8ème semaine, le risque n’est pas apparent, soit parce qu’il n’existe pas, soit parce que les lésions radioinduites n’autorisent pas la survie jusqu’à l’âge ou le retard mental peut s’observer. Il n’est pas sûr qu’il existe un seuil de dose et le coefficient de risque de retard mental est très élevé (40% Sv-1). Dans les semaines qui suivent, le même type d’effet est redouté, mais avec un seuil (200 mSv). Le risque est alors de 10% Sv-1. L’irradiation entraîne un glissement uniforme vers le bas de la courbe de QI (30 points de QI par Sv). Le problème important de la nature déterministe ou aléatoire de l’induction d’un retard mental n’est pas résolu actuellement. Les effets déterministes dépendent essentiellement du nombre de cellules tuées, alors que les effets aléatoires dépendent essentiellement de la fonction des cellules touchées. A côté des retards mentaux graves, d’autres altérations cérébrales sont à craindre. Des doses assez faibles (0,2 Gy) produisent des effets anatomiques ou comportementaux.

Retard mental résultant d’une irradiation in utero. La courbe de QI glisse vers les faibles valeurs après l’irradiation

Depuis quelques temps, de nouvelles recherches sèment le trouble dans les acquis. Des essais réalisés sur des souris remettent en cause la règle du tout ou rien dans la période préimplantatoire. Des malformations ont été induites lors d’irradiations effectuées au cours de la période préimplantatoire. Il est a noter que les prédispositions génétiques jouent un rôle important. Cependant, elles ne constituent pas une condition préalable pour aboutir à des malformations. De nouvelles recommandations devraient donc être considérées :

• L’utilisation de CR-scan pour des femmes enceintes devrait être clairement justifiée. • De par des facteurs génétiques, après l’irradiation pendant le premier trimestre de la

grossesse, certains individus présenteraient un risque accru de malformations, et des seuils plus bas.

• Même en l’absence de facteurs génétiques, l’irradiation pendant la période préimplantatoire, pendant laquelle la femme n’est pas encore consciente de sa grossesse, des malformations et instabilités génomiques pourraient être induites.

• Il faudrait recommander la règle des 10 jours (pas d’examen non-urgent pendant les 10 jours suivant le début de la menstruation).

Les grands syndromes aigus après irradiation accide ntelle Ils sont la conséquence d’une irradiation du corps entier à des doses massives. Ils traduisent une atteinte grave des tissus les plus radiosensibles (moelle osseuse, tube digestif). Des données systématiques ne sont pas disponibles chez l’homme, il faut donc se référer aux études faites sur les mammifères, l’étude des populations irradiées d’Hiroshima et de Nagasaki, les quelques irradiations accidentelles, et les irradiés de Tchernobyl.

• Le syndrome nerveux : pour des doses de 50 Gy et plus, le système nerveux central est gravement lésé, et accompagné de sensations de brûlures. Après un état d’excitation ou convulsions, les irradiés sombrent rapidement dans le coma et la mort suit dans les 48 ou 72 heures. Ce syndrome peut déjà apparaître après une dose de 10 Gy au niveau du cerveau.

• Le syndrome prodromique : il se manifeste dans les quelques heures qui suivent l’irradiation par une sensation de malaise généralisé, de nausées et de vomissements. Cette première phase est suivie d’une période de rémission apparente qui peut durer quelques jours et qui est d’autant plus courte que la dose reçue est plus importante.

• Le syndrome gastro-intestinal : pour des doses supérieures à 6 Gy, la muqueuse intestinale est détruite. Dans les conditions normales, la muqueuse intestinale se renouvelle chez l’homme en une semaine environ. Après irradiation, les cellules souches des cryptes intestinales, qui sont radiosensibles, sont tuées, le taux de létalité étant fonction de la dose. Le renouvellement cellulaire ne se fait plus, et il en résulte une destruction progressive de la muqueuse intestinale, après environ une semaine, qui se réduite à une vaste ulcération. Une dose de 2 Gy tue environ 50% des cellules souches. Des doses de plus de 10 Gy sont toujours létales, la mort étant la cause d’une perte de liquides et d’une résorption massive des bactéries normalement présentes dans l’intestin. Chez l’homme, le syndrome intestinal est le plus marqué aux environ des 6ème et 10ème jours après l’irradiation.

Coupe schématique de la muqueuse intestinale • Le syndrome médullaire ou hématopoïétique : il se traduit par des infections et des

hémorragies et apparaît vers la 4ème semaine. Une dose de 1 Gy tue environ 50% des cellules souches hématopoïétiques. Le délai d’apparition du syndrome médullaire s’explique par la durée de vie des leucocytes et des plaquettes ainsi que de leurs précurseurs dans la moelle. L’irradiation est sans effet sur les éléments différenciés du sang, mais ceux-ci s’élimineront progressivement (après environ 3 semaines) et ne seront pas remplacés. La mort survient par infection ou hémorragie. En l’absence de traitement, une dose de 4 Gy tue environ 50% des sujets irradiés. Bien que des troubles sanguins apparaissent déjà vers 1 Gy, les décès sont rares en dessous de 2 Gy.

3. Estimation du risque de décès suite aux radiatio ns Le risque de décès lié à l’exposition peut être estimé. Le rapport UNSCEAR donne deux valeurs suivant le modèle considéré :

• Selon le modèle tenant compte de l’âge à l’exposition : 12,1% Sv-1 • Selon le modèle tenant compte de l’âge atteint à la mort : 8,3% Sv-1

Il s’agit d’un risque global, pour toute la population, sans distinction de sexe, ni d’âge. Pourtant de fortes disparités existent : le risque peut être multiplié par deux pour ceux ayant été exposé à l’âge de l’enfance. De même, le risque pour les femmes est plus élevé de 30%. Notons également que dans le cas d’expositions chroniques, le risque serait réduit de moitié. Il existe également des disparités suivant les différentes populations.

4. Relation entre dose et effets Quelques ordres de grandeur : l’irradiation naturelle est de l’ordre de 2 à 3 mSv/an. La limite de dose efficace pour le public est actuellement de 1 mSV/an. Pour les travailleurs elle est de 20 mSV/an. Les premiers effets aigus de l’irradiation de l’adulte peuvent apparaître vers 150 mGy (stérilité masculine temporaire). Pour des doses de 3,5 Gy, la mortalité est de l’ordre de 50% en l’absence de traitement médical.

Effets aux doses élevées Des évaluations basées sur les survivants des explosions nucléaires ont été faites par l’UNSCEAR :

• Pour les leucémies, le nombre de cas radioinduits a diminué progressivement au cours du temps pour tendre vers zéro à l’heure actuelle. La majorité des leucémies semblent donc apparues, et l’on peut évaluer le risque de leucémie mortelle radioinduite : 1,1% par Gy.

• Pour les tumeurs solides, on constate que la fréquence des cas radioinduits est proportionnelle à celle des cancers qui apparaissent spontanément dans la population témoin (on parle d’excès de risque relatif). Comme la fréquence augment avec l’âge, une telle relation implique que plus la population vieillit, plus le nombre absolu de cancers radioinduits augmente. Dans le cas des adultes exposés à Hiroshima et Nagasaki, l’excès de risque relatif est resté jusqu’ici constant au cours du temps. Chez les enfants par contre, l’excès de risque relatif, très élevé au départ, a diminué d’abord rapidement, ensuite plus lentement. Les personnes exposées à Hiroshima et Nagasaki à un âge peu avancé étant pour la plupart encore en vie, on ne peut faire que des hypothèses quant à l’apparition future de cancers solides. L’UNSCEAR utilise trois modèles pour prévoir l’évolution : o Un premier modèle où l’excès de risque relatif reste constant pendant toute la vie. o Deux autres modèles où l’excès de risque relatif reste constant pendant 40 ans puis

il diminue, mais à des vitesses différentes. Selon le modèle utilisé, les coefficients de risque de tumeur solide mortelle radioinduite varient entre 7,5% et 10,9% par Gy.

Modèles de projection utilisés pour prévoir l’évolution au cours du temps du risque que courent des individus de sexe masculin de développer une tumeur solide après irradiation

Notons que ces évaluations se rapportent à la mortalité par cancer. Or tous les cancers ne sont pas mortels. Au total, il y aurait deux fois plus de cancers radioinduits. Au niveau de la thyroïde, le nombre serait même 10 fois supérieur.

Effets aux faibles doses Qu’est-ce qu’une faible dose ? Trois approches peuvent être considérées :

• Epidémiologique : dans la plupart des études, les effets ne sont pas significatif statistiquement pour des doses inférieures à 100 mGy

• Radiobiologique : la limite pour la détection est de 20 mGy • Microdosimétrique : le dommage pour une seule cible correspond à 1 mGy

Ainsi, sur base de l’approche épidémiologique, nous considérons que la faible dose est de près de 100 mGy. L’estimation directe des coefficients de risque à faible dose est difficile, à cause des fluctuations statistiques et interférences des autres cancérogènes (tabac, excès d’alcool, …), à rapporter à une incidence déjà élevée de cancers en général (25% de risque de mourir d’un cancer autre que radioinuduit en Europe). Pour l’évaluer, on est amené à effectuer des extrapolations à partir des observations faites à des doses élevées. Cette extrapolation peut se faire selon différents modèles :

• La courbe linéaire sans seuil • La courbe linéaire avec seuil • La courbe linéaire-quadratique

Illustration de la difficulté d’extrapoler aux faibles doses les données obtenues pour les doses élevées

***graphique***

A : Haute dose absorbée et haut débit de dose B : Pente linéaire sans seuil (10%/Sv) � observation C : Pente haute dose mais faible débit de dose (cela se rapproche des conditions des faibles doses, et permet d’estimer la pente de la droite D) � expérimental D : pente limite pour faible debit de dose � théorique

La pente Le DDREF (Dose and Dose Rate Effectiveness Factor) représente le rapport entre les pentes des droites B et D. Il y a intérêt à avoir un DDREF élevé : la pente aux faibles doses serait ainsi plus petite. L’existence d’une diminution de risque par unité de dose, à mesure que la dose décroît, provient probablement de l’existence de phénomènes de réparation. Pour les observations humaines, on estime que le DREFF est inférieur à 3-4. L’ICRP a choisi 2 par prudence (dans ce cas, le coefficient de risque à faible dose est de 5% par Gy environ.). L’Académie des sciences aux USA estime que le DREFF est de 1,5. C’est également l’avis des experts européens. La relation la plus vraisemblable entre le taux global de cancers radioinduits et la dose est la relation linéaire-quadratique. Par ailleurs, la relation observée est plus ou moins proche de l’un ou l’autre courbe selon le type de cancer considéré et la population concernée. Dans les études, une relation linéaire est observée pour tous les cancers solides. Pour les leucémies, un facteur de réduction de 2 est observé aux faibles doses, et la relation se rapproche donc plus d’une relation linéaire-quadratique. Le DDREF peut donc être supposé comme étant 1 (pas de réduction du risque aux faibles doses) pour les faibles doses émises à des taux de doses élevés.

Le seuil La probabilité qu’une cible soit lésée d’une façon grave par une seule trajectoire ionisante n’est jamais nulle. Il existe dès lors toujours, quelque soit la dose, une probabilité de toucher un gène critique et d’y provoquer une rupture double d’ADN. Pour qu’il y ait seuil, il faudrait que la réparation soit toujours efficace. Or les lésions de type rupture double sont difficiles à réparer.

5. Mesures en cas d’exposition accidentelle En cas de suspicion de contamination par des substances radioactives, le personnel médical d’intervention revêtira une tenue de type chirurgie, et portera si possible un dosimètre. S’il y a suspicion de contamination de l’air par de l’iode radioactif, un comprimé d’iode stable sera pris dès que possible.

Gestes prioritaires • Accorder toujours la priorité au traitement d’urgences vitales (hémorragie, …) • Si une contamination radioactive est suspectée :

o Administrer les traitements urgents � Iode stable si suspicion d’iode radioactif. L’iode stable sature les

mécanismes de transport de la glande thyroïde. L’effet protecteur est proche de 100% si l’iode stable est administré immédiatement après l’exposition au radioiode. Notons que la prise d’iode stable est contre-

indiquée en cas d’intolérance connue à l’iode. La grossesse et l’allaitement ne constituent pas une contre-indication.

� DTPA (Calcium Trisodium Pentetate) en injection intraveineuse si présence d’isotopes de plutonium ou éléments transplutoniens émetteurs alpha. Les contaminations digestives ne sont pas dangereuses (sauf chez les nourrissons), car l’absorption intestinale est pratiquement nulle.

� Perfusion lente de bicarbonate de soude en cas de contamination interne par l’uranium. Surtout pas de DTPA.

o Faire enlever les vêtements et les mettre dans un sac en plastique soigneusement fermé. La personne prendra ensuite une douche : utiliser de l’eau du robinet et du savon en évitant les brossages excessifs, protéger les ouvertures (yeux, oreilles, …).

o Recommander la prise de boissons abondantes. • Le plus vite possible :

o Compléter les renseignements sur l’installation et l’accident (pour l’estimation de la dosimétrie entre autres).

o Noter l’existence et l’heure précise d’apparition de symptômes cliniques éventuels.

o Prendre du sang pour l’examen hématologique et numérotation des lymphocytes.

o Prendre un écouvillon au niveau du nez et de la bouche (pour recherche ultérieure de contamination).

o Récolter les urines et les celles (recherche de contamination) o Effectuer une première évaluation de la dose et diriger les patients vers les

centres spécialisés.

Evaluation clinique de la dose • Estimation d’après l’existence et la vitesse d’apparition de nausées et vomissements

(sur base de tableaux). • Estimation d’après l’existence d’un érythème cutané. Sa présence dépend de la dose

absorbée au niveau de la peau. La dose doit dépasser 4 à 5 Gy. En cas d’exposition aux rayons beta uniquement, seuls la peau et les tissus sous-cutanés sont irradiés. Une dose élevée à la peau peut être à l’origine de brûlures graves. En cas d’exposition aux rayons gamma uniquement, un érythème cutané survenant rapidement fait craindre des doses très élevées au niveau de l’ensemble du corps. En cas d’irradiation combinée, les brûlures peuvent être redoutables en raison de la diminution des défenses contre l’infection.

• Estimation d’après l’existence de signes neurologiques. Des signes neurologiques (tremblements, …) dans les premières minutes qui suivent l’irradiation font craindre des doses très élevées.

• Si une contamination interne est suspectée, il faut adresser le patient à un centre spécialisé pour effectuer une anthropo-gammamétrie.

Estimation biologique de la dose • Estimation d’après l’importance et la rapidité de la chute du taux sanguin des

lymphocytes. Dans les quelques heures après l’accident, le nombre des lymphocytes diminue et le niveau de déplétion lymphocytaire est proportionnel à la dose. Examen du nombre de lymphocytes toutes les 3 heures. Compte tenu des variations existant d’une personne à l’autre, il est important de pratiquer le premier examen le plus vite

possible après l’irradiation (valeur de référence). En l’absence de valeur de référence, un taux de base de 2000/mm³ sera utilisé chez l’adulte.

Réponse hématologique à une irradiation corporelle totale à dose létale chez l’homme

Evolution dans le temps du taux de lymphocytes, neutrophiles et plaquettes sanguines • Estimation par recherche des aberrations chromosomiques. La fréquence des

aberrations chromosomiques dans les lymphocytes est reliée de manière précise à la dose reçue. On recherche en général le pourcentage de chromosomes dicentriques (présentant 2 centromères) dans les lymphocytes du sang. L’examen dure assez longtemps. La limite inférieure de détection est de 0,05 Gy environ. La précision augmente avec la dose.

Numération des anomalies chromosomiques

Nombre moyen d’aberrations chromosomiques par cellule en fonction de la

dose corporelle totale

Attitude thérapeutique • En l’absence de signes cliniques, la dose est probablement inférieure à 1 Gy. Il faudra

néanmoins poursuivre la surveillance. • Si un signe clinique au moins est présent, la dose est probablement supérieure à 1 Gy,

et une hospitalisation s’impose. • Si les signes cliniques font supposer une dose supérieure à 2 Gy, l’hospitalisation se

fera en centre spécialisé.

6. Mesures en cas d’accident nucléaire La première mesure de protection pour la population est de rester à l’intérieur des habitations et des bâtiments, portes et fenêtres fermées (mesure de confinement). En fonction des circonstances, d’autres mesures pourraient s’avérer nécessaires, telles qu’une évacuation, interdiction d’accès à certaines zones, mesures préventives dans les exploitations agricoles (mise à l’abri du cheptel laitier, …), restrictions de consommations d’aliments (légumes du potager) ou d’eau potable (eaux de surface). Les habitants doivent rester à l’écoute des communiqués diffusés par les autorités (radio et TV). Le remède est parfois pire que mal. L’évacuation de la population d’une grande ville par temps de verglas peut faire plus de victimes que n’en ferait l’exposition de celle-ci à une certaine dose. L’intervention doit donc être justifiée. Il y a lieu d’apprécier tous les éléments : médicaux, économiques, sociaux et éthiques. Les décisions doivent donc être prises à un niveau suffisamment central pour pouvoir prendre en compte un maximum d’éléments. En cas d’alerte, des spécialistes se réunissent à Bruxelles au centre national de crise où toutes les données relatives à l’accident sont rassemblées. Sur base de modèles et de programmes informatiques, les responsables peuvent alors évaluer les doses que la population risque de recevoir. Des niveaux de dose d’intervention ont été développés au niveau international. Il s’agit de guides pour la prise de décision. Le plan d’urgence belge prévoit lui aussi une gamme de niveaux guides d’intervention pour chacune des mesures envisagées.

Confinement général de 24h maximum 5-15 mSv Recommandation de prise d’iode stable 50 mSv Evacuation générale 50 mSv – 150 mSv Pour la prise d’iode stable, le tableau ne donne qu’une valeur inférieure, mais signale que ce niveau pourra être modifié en fonction des particularités de la population concernée. Sur le plan international, il existe une tendance à choisir les niveaux d’intervention en donnant la priorité aux considérations sociales et économiques : le risque radiologique est traduit en coût pour la société, en affectant une valeur financière au détriment radiologique. De la même façon, les risques et inconvénients des contre-mesures sont convertis en coût financier. L’intervention est dite justifiée quand le bénéfice net est positif pour la société. Le niveau d’intervention est dit optimisé quand ce bénéfice net est maximal. Le plan d’urgence belge s’écarte donc de cette approche et accorde la priorité à la protection sanitaire des individus. Certains coûts nets ont été acceptés par la société. Ceci a pour conséquence pratique d’abaisser les niveaux d’intervention. Trois types d’effets de radiations ionisantes sont à craindre pour la santé :

1. Les effets déterministes sont des effets sur la santé dont la gravité augmente avec la dose reçue, mais qui n’apparaissent qu’au-delà d’un certain seuil d’irradiation. On estime ce seuil à 500 mSv environ. Il y a cependant des exceptions. Ainsi, une diminution temporaire de fertilité chez l’homme peut apparaître dès 150 mSv. Les valeurs supérieures des niveaux d’intervention ont été choisies de manière à ce que personne dans la population ne souffre d’un effet déterministe.

2. Les effets stochastiques comprennent essentiellement les cancers radioinduits et les maladies héréditaires (ex : ataxie = problèmes psychomoteurs). Pour ce type d’effet, on n’a jamais pu démontrer l’existence d’un seuil. On constate cependant que la fréquence des effets stochastiques dans une population augmente avec la dose reçue par cette population. Dans la gamme de dose envisagée dans le plan d’urgence, on considère que la relation dose-fréquence de l’effet est linéaire avec un coefficient de risque de cancer mortel radioinduit qui pourrait atteindre 5.10-5 mSv-1. Cela signifie que, si chaque individu d’une population de 100 000 personnes reçoit 5 mSv, on pourrait déplorer 25 cas de cancer mortel radioinduit. A l’inverse, si grâce à une intervention on épargne une dose de 5 mSv à chaque individu de cette population, on estime qu’on pourrait éviter 25 cas de cancer mortel radioinduit. Il faut y rajouter à peu près autant de cas en moins de cancers curables radioinduits et environ 5 cas en moins de maladies héréditaires dans la descendance. Ce dernier risque est en effet 5 fois plus faible que celui de cancers mortel radioinduit. Notons aussi que le risque de cancer radioinduit varie avec l’âge : de 2 à 3 fois plus que la moyenne chez les jeunes enfants, de 2 à 3 fois moins chez les personnes âgées. D’après les connaissances actuelles, on peut considérer que le niveau-guide de 50 mSv à la thyroïde est justifiée pour les enfants. Pour les adultes, il faudrait envisager des niveaux plus élevés, en raison des risques de la prise d’iode stable chez certaines personnes de ce groupe.

3. L’irradiation in utero, c’est-à-dire l’irradiation de l’être humain avant la naissance, depuis le stade de conception jusqu’à la période prénatale.

Les suites de l’accident de Tchernobyl ont mis en lumière la grande sensibilité des jeunes. Les niveaux de dose ont dès lors été revus à la baisse, en tout cas pour les jeunes. Les nouvelles zones d’intervention dépassent largement un rayon de 10 km et même de 30 km. Il en résulte

que la question de la distribution des stocks en cas d’accident continue à poser un problème difficile. L’approche belge a donc été revue et s’appuie sur 4 principes :

1. Public cible prioritaire : ce sont les jeunes et les femmes enceintes. 2. Zone d’abri : les études sur base des nouvelles données montrent que des comprimés

d’iode pourraient se révéler nécessaires pour les membres du public allant jusqu’à plusieurs dizaines de km. La notion de zone d’abri devient donc pratiquement virtuelle et il y a lieu de prévoir la possibilité d’approvisionnement en iode sur l’ensemble du territoire.

3. Le rôle de la distance : lorsque la distance par rapport au lieu de l’accident augmente, le délai disponible pour la distribution augmente également, et les niveaux de doses sont moins élevés.

4. Le vecteur idéal pour la distribution : le circuit grossiste distributeur-pharmacie est de loin de circuit préférable.

Le schéma général adopté en Belgique est le suivant :

• Zones de 10 km : dans chaque boîte aux lettres de la zone sera postée une enveloppe contenant les informations sur le plan d’urgence et un bon pour des comprimés d’iode stable. Une distribution préalable aura également lieu pour les collectivités situées dans ce rayon ainsi que les bureaux de police et services d’intervention. Les boîtes de comprimés pré-distribuées ne servent que pour le premier jour. Des stocks de réserve sont prévus dans les pharmacies.

• Zone de 10 à 20 km : il est prévu suffisamment de boîtes de comprimés d’iode pour couvrir l’ensemble des familles et collectivités de cette zone. La distribution préalable se fera au niveau des collectivités.

• Zone de 20 à 30 km : vu la distance il est probable que les niveaux-guides d’intervention ne seront dépassés que pour les catégories sensibles de la population. Des stocks suffisants sont prévus pour satisfaire aux besoins de ce public cible. Un plan de distribution doit être prévu par les autorités provinciales. Les pharmaciens sont tenus de disposer de réserves d’iodure de potassium permettant de préparer des doses individuelles.

• Population belge dans son ensemble : des stocks plus ou moins décentralisés sont prévus, et la vente libre est autorisée.