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Page 1: Rapport sur la Transition Energetique ETHIRES

MASTER 2 PRO ETHIRES – ETHIQUE APPLIQUÉE

RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET SOCIALE

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Dorine Montout, Elodie Perrin, Mélanie Lémunier.

Janvier 2013

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Sommaire

I. Remerciements.

II. Introduction de notre mission et de l'étude menée.

III. Développement de l'étude menée.

A. L’ambiguïté à l’œuvre dans le terme de transition énergétique.

B. L'impact des scénarios sur notre représentation de l'énergie.

C. Un projet de société : le cycle de l'énergie.

IV. Conclusion de notre étude et recommandations.

V. Bibliographie.

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Remerciements

Nous souhaitons vivement remercier Monsieur Xavier Guchet, à l'initiative du Master

Ethires, ainsi que Sébastien Descours, tous deux animés par la conviction que la philosophie a sa

place en dehors de ses lieux d’exercice traditionnels. Nous leur devons l'occasion qui nous a été

donnée de nous exprimer devant nombre de professionnels le 12 décembre dernier.

Nous remercions notre porteur de mission, Monsieur Jean-Baptiste Brochier, pour la

confiance qu'il nous a accordée lors de cette mission passionnante, brûlante d'actualité et ô combien

sensible ; ainsi que notre tutrice Madame Isabelle D'Istria, qui nous a accompagnées tout au long de

cette mission, et dont les recommandations ont été d'une grande valeur ; sans oublier, les précieux

conseils de Monsieur Alain Weiller, qui nous a beaucoup aidé à la préparation de notre oral.

Nous remercions tous les professionnels qui se sont déplacés, et qui ont pris le temps de

nous écouter et de nous faire part de leurs questions et objections. Grâce à leurs interventions, ils

nous ont permis d'enrichir ce rapport, d'en améliorer la cohérence.

Nous souhaitons, également, remercier nos camarades pour leur écoute et leurs

encouragements, ainsi que nos familles pour leur soutien sans faille.

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Introduction

En quoi notre démarche philosophique peut-elle aider Monsieur Jean-Baptiste Brochier

à intervenir dans le débat sur la transition énergétique ?

Monsieur Jean-Baptiste Brochier, consultant auprès des acteurs de l'énergie solaire, s'est

présenté à nous avec la volonté de peser dans le débat public sur la transition énergétique qui

conduira à une proposition de loi en septembre 2013. Durant deux mois, notre travail a consisté à

nous familiariser avec les éléments qui constituaient l'avant-débat, à construire des pistes de

réflexion en vue de proposer des recommandations pertinentes et concrètes à Monsieur Jean-

Baptiste Brochier, soutenues par une démarche philosophique.

Dans cette optique, il est alors impératif de prendre en compte son positionnement, c'est-à-

dire ce qu'il souhaite défendre lors du débat. Au cours de nos entretiens, Monsieur Jean-Baptiste

Brochier, a tout particulièrement insisté sur le fait que grâce au photovoltaïque nous produirons

nous-mêmes notre propre énergie. Pour ce faire, il s'agirait de passer d'une centralisation de

l'énergie à une décentralisation, c'est-à-dire à une production individuelle de l'énergie à partir d'un

dispositif à taille humaine. Qu'est-ce que cela implique pour nous de produire notre énergie, dans

quelle mesure le rapport que nous avons à celle-ci s’en trouverait transformé, et dans quel sens ?

Pour répondre à ces questions, ne faut-il pas clarifier au préalable le type de rapport que nous avons

actuellement à l’énergie ? Plus précisément, quelles sont les représentations qui sous-tendent ce

rapport que nous avons aux énergies que nous consommons ? Dans quelle mesure ces

représentations engagent-elles des philosophies de la nature, des attitudes à son égard ? À travers la

décentralisation de la production énergétique, idée défendue par Monsieur Jean-Baptiste Brochier,

c'est en fait le lien que nous avons avec la nature qui est en jeu ; en jeu aussi, le lien que nous avons

à nos sociétés, à nos modes d'organisation. Cela correspond à l'idée selon laquelle nos sociétés

doivent se repenser. Dans ce cadre notre posture a été celle de fournir des outils réflexifs permettant

à Monsieur Jean-Baptiste Brochier d'aborder des questions sociétales et environnementales sans

omettre une nécessaire pensée de la technique. Être auteurs et producteurs de notre propre énergie,

cela peut-il contribuer à faire de nous autre chose que de simples consommateurs ? Le débat sur la

transition énergétique n’est-il pas ainsi l’occasion de clarifier le rapport entre nature, technique et

société, sur la base duquel nous nous sommes organisés ?

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Notre démarche a consisté à souligner que l'emploi du terme de transition énergétique était

ambigu ne facilitant pas ainsi notre compréhension de l'enjeu énergétique (I). De plus, nous

constatons que le débat se présente comme une confrontation entre divers acteurs s'appuyant sur des

scénarios d'experts qu'il convient d'interroger. Il ne s’agit pas pour nous de prendre parti pour l’un

de ces scénarios en particulier, en disqualifiant les autres, mais de questionner cette façon de

littéralement fabriquer le futur par le biais de mises en récit, de narrations concurrentes. Ce procédé

ne se rapproche-t-il pas du storytelling, cette méthode de management et de marketing devenue en

quelques années la panacée en matière de politique publique ? Le storytelling fonctionne

essentiellement aux valeurs, la méthode cherche avant tout à susciter l’adhésion de tous à ces

valeurs. Les scénarios du futur se présentent souvent comme des projections techniques, mais ils

sont aussi sous-tendus par des valeurs qui restent souvent implicites. Proposer un scénario du futur,

c’est vouloir rendre désirable un certain monde futur, c’est par conséquent vouloir organiser le

monde de demain sur la base de certaines valeurs supposées partagées. Nous voulons attirer

l’attention de Monsieur Jean-Baptiste Brochier sur ce phénomène, lui faire toucher du doigt que

prendre part au débat sur la transition énergétique, c’est entrer dans une arène où s’opposent des

scénarios du futur saturés de valeurs. La discussion sur les aspects proprement techniques des

scénarios ne doit pas occulter le débat de fond sur les valeurs en jeu. Quel projet de société

Monsieur Jean-Baptiste Brochier veut-il porter dans ce débat, à savoir un projet environnemental et

une organisation sociétale ? Comment articule-t-il la transition énergétique avec une vision du

monde de demain, dont on peut penser qu’elle devra articuler d’une manière nouvelle la société et

la nature – la vie des hommes et la pérennité de la nature ? (II). Si Monsieur Jean-Baptiste Brochier

souhaite être entendu et écouté lors de ce débat, il lui faut clarifier les valeurs qu’il souhaite porter.

Notre mission a consisté à lui proposer une piste qui lui permette d'être porteur d'une voix singulière

qui valorise la construction du projet de société. Lorsque le choix s'est opéré à la fin XIX ème entre

lignes à haute tension ou lignes à basse tension, ce n'était pas seulement un défi technique à

surmonter qui était en jeu ; mais c'était surtout le choix entre deux types de société qui s'opérait, par

exemple. La question est alors : dans quel type de société souhaitons-nous vivre ? Mener ce débat

de fond sur l'organisation sociétale et les valeurs qu'elle soutient nous conduira nécessairement à ré-

interroger la représentation que nous avons de l'énergie, à ne pas la réduire à l'énergie consommée,

mais de la considérer comme un moyen pour l'homme de se rapprocher de la nature par la

technique. C'est la thèse que nous soutenons. (Le photovoltaïque en est un exemple) (III).

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A. L’ambiguïté à l’œuvre dans le terme de transition énergétique.

« Le Prométhée1 définitivement déchaîné, auquel la science confère des forces jamais encore

connues et l'économie son impulsion effrénée réclame une éthique qui, par des entraves librement

consenties, empêche le pouvoir de l'homme d'être une malédiction pour lui » (Hans Jonas, Le

principe responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique)

Dans les années 2000, l'usage du terme transition énergétique devient récurrent en Europe,

eu égard aux « négociations climat qui sont devenues une affaire importante »2. Savons-nous pour

autant ce que ce terme désigne ? En effet, nous constatons que cette expression est largement

utilisée et manipulée dans des contextes divers et variés. Il n’y a pas de consensus sur ce qu’est la

transition énergétique, encore moins sur ce qu’elle doit être. Comme l’écrit l’auteur, « un nombre

grandissant de personnes l’ont employé pour désigner – la baisse à venir de l’approvisionnement en

pétrole puis en gaz, – le remplacement souhaité d’une partie du nucléaire par « autre chose »

(objectif qui est soit neutre, soit antagoniste avec la lutte contre le changement climatique) ». Or,

son emploi est-il pour autant juste, voire légitime ?

En effet, le terme de transition nous est bien plus familier, par exemple, quand il caractérise

une situation démographique. Définie comme un « modèle spatio-temporel permettant de décrire le

passage d’une population ayant des taux de natalité et de mortalité élevés à une population ayant

des taux de natalité et de mortalité faibles 3», la transition démographique est appréhendée par les

démographes comme un phénomène naturel, un processus auto-régulé. Il est observé en tant qu’il

succède et précède des phases d’équilibre. La transition caractérise donc ce moment où l’équilibre

se fragilise, se perd ou se rompt. On parle alors de « décélération du rythme d’accroissement ». En

tant que telle, on entrevoit mal en quoi faire de la transition énergétique une affaire de valeurs sur

lesquelles reposent des dispositifs forçant le passage d’un modèle à un autre est une évidence. En

effet, c’est bien plus l’idée d’un programme énergétique qui fait émerger la nécessité d’interroger

des valeurs. Le passage à l’œuvre est donc celui d’un modèle naturaliste à un modèle volontariste,

pro-actif : vers quelle société se dirige-t-on ? Et toute l’ambiguïté est là : se jouer d’un processus

naturel présumé pour appeler à la conscience et l’action de tous. Celle-ci doit être encouragée et

garantie par les Etats - qui en font plus qu’une somme d’individualités en mouvements : le projet de

société comme un tout unifié.

1 Dans la mythologie grecque, Prométhée est un titan dont le nom signifie « Le Prévoyant ».2 Par Jean-Marc Jancovici, La transition énergétique, certes, mais quelle transition ? 3 http://fr.wikipedia.org/wiki/Transition_d%C3%A9mographique

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A ce titre, nous nous sommes intéressées à la manière dont l’Etat français s’investissait de

cette transition énergétique ; nous permettant ainsi de pointer les différentes significations qu’a

revêtu ce terme – et par là mettre en évidence les valeurs implicites qui y sont à chaque fois

engagées. (Rappelons ici que le souci de Monsieur Brochier est de s’inscrire dans le débat national

à venir.) Donner une définition à la transition énergétique, c’est en effet prendre position

aujourd’hui sur ce que devra être notre futur ; c’est par conséquent assumer au moins implicitement

un choix de société pour demain.

Avec le souci d’être au plus près du débat, nous avons fait le choix de nous limiter à une

échelle de temps de cinq années environ, sans préjuger du fait que la notion de transition

énergétique soit en circulation depuis plus longtemps que cela. Nous considèrerons deux périodes

marquées par les discours de deux Présidents de la République : de mai 2007 à mai 2012 –

présidence de Nicolas Sarkozy – avec le lancement du Grenelle Environnement pour repère ; de mai

2012 à aujourd’hui – présidence de François Hollande – avec la proposition de loi de septembre

2013 pour objectif.

En mai 2007, Nicolas Sarkozy lance le Grenelle Environnement en France. Il parle alors

« d’efficacité énergétique », au nom d’une « crise climatique de grande ampleur »4. Comment

comprendre ? « L’efficacité » évoque l’idée d’une production, dans de bonnes conditions, d’un effet

attendu. Est ici marquée une volonté de maîtriser l’imprévu. Dans le terme de « crise »,

originellement médical, l’accent est mis sur l’idée d’une manifestation brusque et intense de

certains phénomènes, marquant une rupture. C’est donc faire tomber la société dans le pathologique

et dans l’urgence. Forçant l’impératif de décision, la crise ne relève donc aucunement d’une

transition en tant que processus naturel à l’œuvre, qui retrouverait son équilibre de lui-même.

Dans le Troisième rapport annuel au Parlement sur la mise en œuvre des engagements du Grenelle

Environnement d’octobre 2011, cette « efficacité énergétique » est envisagée en termes

« d’accélération d’une mutation ». Il s’agit alors de conduire un effort vers un changement radical et

profond. On ne demande pas à cette « efficacité énergétique » de véhiculer des valeurs, de s'inscrire

dans un projet de société, mais de répondre à une feuille de route focalisée sur les aspects

techniques de la production énergétique, dans les plus brefs délais. Or, est-il permis de penser

l’efficacité énergétique sur une échelle de temps courte ? En effet, par le choix du mot « crise »,

l’idée de soudaineté est véhiculée. Le souci environnemental ne date pourtant pas d’hier ; il en était

4 Portail du Gouvernement en 2007

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déjà question en 1972 au Sommet de la Terre. L’urgence est ici réactualisée.

En mai 2012, le changement de présidence, avec François Hollande, conduit à un

changement de terme. Il s’agit désormais « d’engager la transition énergétique »5.

Dans le Rapport pour la conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012, le

Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie manifeste le souci de déterminer

une « trajectoire pour la France ». François Hollande veut « proposer un nouveau modèle de

développement ». Par « engager », il y a l’idée que la transition énergétique n’a pas encore

commencé et qu’il faut donc la lancer. Il ne s’agit pas « d’accélérer une mutation » c’est-à-dire de

pousser un phénomène déjà commencé, mais d’amorcer un processus. La notion de crise n’est pas

mise en avant, néanmoins l’idée de rupture d’avec un passé est bien présente dans la proposition

d’un « nouveau modèle de développement », dans l’idée aussi qu’il faut rompre avec l’ère Sarkozy.

L’échelle de temps pertinente reste courte, celle du quinquennat.

De plus, pour le président de la République, les décisions auxquelles la conférence annuelle

permettra d’aboutir devront « faire de la France LA nation de l’excellence environnementale ». La

volonté est ici celle de faire adhérer au « LA », à ce qu’elle sous-tend de patriotique. Le citoyen est

invité à apprécier la force de celle-ci, sa valeur, et possiblement à la renforcer. Par extension, c’est

questionner le rôle qu’il a à jouer dans le dispositif environnemental. Ce que le président de la

République propose, en outre, c’est une « nouvelle conception du monde ». Mais quelle est cette

conception ?

En effet, on identifie mal dans ces discours officiels sur la transition énergétique, quelle est

l‘évolution souhaitable, quel programme énergétique doit s’imposer. Le politique semble donc

peiner à inscrire la question énergétique dans l’horizon d’un projet de société porteur de valeurs,

comme par exemple la justice environnementale.

Comment faire émerger ces valeurs ? Le scénario semble être l’outil privilégié.

5 Portail du Gouvernement en 2012

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B. L'impact des scénarios sur notre représentation de l'énergie

Le débat sur la transition énergétique s'appuiera sur des scénarios comme en témoignent ces

citations de certaines ONG6 ou ce qui est dit à propos de la fonction du comité d'experts7. Il

convient dès lors d’interroger ces scénarios. Nous avons choisi de nous intéresser prioritairement

aux représentations de l'énergie qu’ils véhiculent, car ce sont ces représentations qui engagent des

valeurs concurrentes. Dans cette optique, nous avons choisi d'étudier les huit scénarios indiqués

dans le Rapport Énergie 20508 du Ministère de L'Économie et des Finances de février 20129.

Produits par des institutions, des experts, ils sont examinés par le Ministère qui veut sur cette base

arrêter une décision éclairée quant à notre avenir10.

Que disent ces scénarios ? D’abord que nous devons engager une transition énergétique

parce que les limites naturelles nous l'imposent (« fin des fossiles faciles »11) ou parce que la planète

est en danger (« Sauvons le climat »12). Nous pouvons dès lors penser a priori que les scénarios sur

la transition énergétique mettent en avant notre rapport à la nature, la nécessité pour nous de le faire

évoluer. Or il n’en est rien et curieusement, la question du rapport à la nature n’est pour ainsi dire

pas traitée dans les scénarios. En effet, rien que le fait d'utiliser l'expression « fin des fossiles

faciles » montrent bien l'inexistence d'une philosophie, d'une pensée de la nature. Que dire des

infrastructures d'extraction ou de transport ? Et nous avons beau scruter les huit scénarios, il en est

de même. Le terme - nature - lui-même n'apparaît jamais. Les éléments trouvés se rapportent à notre

consommation d'électricité, à la puissance utilisée selon les mois, les saisons donc ; l'essentiel étant

de mieux comprendre la variation de notre consommation d'énergie, comme en témoignent les

tableaux ci-dessous :

6 « Nous souhaitons que soit rendu possible l'étude de scénarii » Source Internet : Lettre envoyée par plusieurs ONG à la Ministre Delphine Batho (Ministre du développement durable et de l'énergie) le 28 novembre 2012. http://www.fondation-nicolas-hulot.org/sites/default/files/pdf/presse2012/courrier_Delphine_Batho.pdf . Nous espérons pouvoir disposer, durant ce débat de véritables scénarios » Source Internet : Lettre envoyée par Stéphen Kerckhove, Délégué général d'Agir pour l'Environnement à la Ministre Delphine Batho. http://www.agirpourlenvironnement.org/communiques-presse/debat-national-sur-la-transition-energetique-declaration-de-stephen-kerckh-35247 « Le comité d’expert : Piloté par Alain Grandjean, économiste et membre de la Fondation Nicolas Hulot, sa mission sera d’examiner les nombreux scénarios existants de transition énergétique. Son défi : le comité devra donner les clés pour interpréter des propositions qui ne sont pas vraiment comparables et pas forcément compréhensibles pour le grand public… » Publié le 30/11/2012 par Béatrice Héraud http://www.novethic.fr/novethic/ecologie,energies,le_debat_transition_energetique_est_lance,138820.jsp8 NégaWatt, Global Chance, Négatep, Enerdata, Réseau de Transport d'électricité Union Française de l'Électricité, AREVA et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives. À noter que nous n'avons pas étudié le rapport lui-même. 9 À noter qu'il ne s'agit pas du Ministère du développement durable. 10 « Cette analyse devra éclairer les investissements souhaitables dans le secteur de l’énergie » Jacques Percebois et Claude Mandil, Rapport Énergie 2050, février 2012 p.17 http://www.strategie.gouv.fr/system/files/rapport-energies_0.pdf11 C'est-à-dire le pétrole et le gaz. Scénario négaWatt, p.2http://www.negawatt.org/telechargement/SnW11//Scenario_negaWatt_2011-Dossier_de_synthese-v20111017.pdf12 Titre du scénario Négatep. http://www.sauvonsleclimat.org/images/articles/pdf_files/best_of/negatep%202012.pdf

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Scénario Rte p.46 Scénario Négatep p.41

La nature semble aussi émerger à travers la diminution des gaz à effet de serre ou à travers l'arrêt

d'une technologie, celle du nucléaire qu'il faudra compenser.

Scénario Négatep p.9 Scénario négaWatt p.15

Malgré tout, ceci n'est que sous-entendu. La nature est alors en arrière-plan. Premier point donc :

tandis que la question énergétique soulève le problème de notre rapport à la nature, les scénarios

concurrents du Rapport Energie 2050 traitent l'énergie en ne la connectant que très faiblement à la

nature dont nous dépendons indéniablement. C'est ainsi que nous pouvons lire (Négatep p.31) que :

10

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Bien que nous entendions les arguments avancés dans ce passage, une question brulante n'est

pourtant pas abordée. Que faire des tonnes de déchets radioactifs engendrés ? Dans le cas du

nucléaire comme dans tous les autres cas, une pensée du dispositif technique est aussi

indispensable. Nous pourrions comme nous le propose le philosophe Pierre-Damien Huyghe, dans

Plaidoyer pour une technique hospitalisable (article disponible sur internet), concevoir une

technique hospitalisable. Dans cette optique, « il doit être admis dès le début que ce que l'on

entreprend de faire peut tomber en panne » non pas « risque » mais « peut .» « Une centrale

nucléaire, par exemple, est conçue pour exclure la panne. » Mais « une centrale même réparable, ne

saurait par définition être réparée par tous ceux qu'elle sert en temps normal.» Une autre idée est

aussi contenue dans ce concept : celle du partage de la connaissance technique.

Autre point important : l'énergie apparaît avant tout comme une donnée chiffrée, elle est

ressaisie d’un point de vue essentiellement quantitatif13. Elle est assimilée à quelque chose que nous

consommons. Nous sommes des prédateurs d'énergie. AREVA nous parle d'« un monde

énergivore »14.

Scénario Négatep p.10

Or cela a un impact considérable sur notre manière de concevoir l'énergie. En effet, une fois

le lien établi entre énergie, chiffre et consommation, nous ne pouvons que parler d'augmentation ou

de diminution de cette consommation, de gain ou de perte d'énergie15. Les paramètres décisifs sont

alors une « efficacité énergétique »16 et une restriction de notre train de vie (« sobriété ») comme en

témoignent les tableaux suivants.

13 Excepté le Scénario négaWatt : « Question cruciale, au sujet de laquelle on voit circuler les chiffres les plus fantaisistes […] Mais aussi question lourdement trompeuse ! D’abord parce que, avant de parler de coût de la transition, sachons définir par rapport à quoi nous allons l’évaluer. » p.25 http://www.negawatt.org/telechargement/SnW11//Scenario_negaWatt_2011-Dossier_de_synthese-v20111017.pdf14 Expression mentionnée sur le site internet d'AREVA : http://www.areva.com/FR/groupe-721/les-besoins-croissants-d-un-monde-energivore.html15 Perte qu'il faut compenser à cause de l'arrêt des centrales ou à cause de l'intermittence des énergies renouvelables. Intermittence : c'est le fait de ne pas pouvoir produire de l'électricité à tout moment à cause de l'imprévisibilité, la variabilité du vent et du soleil. 16 Objectif mentionné dans les scénarios négaWatt, Négatep, Global Chance. Terme qui apparaît aussi 1 fois dans le rapport AREVA et dans l'étude réalisée par le Réseau de Transport d'électricité, Union Française de l'Électricité. Quant à l'objectif efficacité, il est mentionné dans Enerdata, Négatep, Réseau de Transport d'électricité, Union Française de l'Électricité, négaWatt.

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Page 12: Rapport sur la Transition Energetique ETHIRES

Scénario négaWatt p.20 Scénario Négatep p.36

Peut-on cependant réduire la question à des masses de chiffres, à des quantifications établies

par des experts ? Ou encore à l'investissement nécessaire et aux factures que nous allons payer ?

CEA p.1 Scénario Global Chance p.9

Si le débat sur la transition énergétique doit être l’occasion de discuter du monde de demain,

du type de société dans laquelle nous vivrons, c’est-à-dire des valeurs que nous voulons faire

triompher, il ne peut pas être uniquement question de chiffres et de querelles d’experts sur la

pertinence de ces chiffres. C'est une question qui nous concerne tous.

Pourtant le citoyen se retrouve confronté à des unités qu'il n'a pas l'habitude de manipuler :

TWh, kW, kWh, GWh...17 Lorsque le scénario Global Chance mentionne par exemple que par « une

politique d’éradication progressive des chauffages électriques domestiques » nous pourrions obtenir

« une économie d’électricité de 45 TWh supplémentaires »18 : un déficit de représentation apparaît.

Il en est de même avec certains graphiques dont la lecture n'est pas si évidente.

17 TWh : terawatt-heure, kW : kilowatt, kWh : kilowatt-heure, GWh : gigawatt-heure.18 Scénario Global Chance, Sortir du nucléaire en 20 ans, 21 juin 2011, p.3 http://www.global-chance.org/IMG/pdf/SortirDuNucleaireEn20ans.pdf

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Page 13: Rapport sur la Transition Energetique ETHIRES

Scénario négaWatt p.18

Les scénarios contribuent par conséquent à affaiblir le lien entre l'énergie et nous. Comment

adhérer à l’un des scénarios si nous n’en comprenons pas l'enjeu ? Comment articuler le débat sur la

transition énergétique à la discussion touchant la société de demain, et les valeurs qu’elle portera, si

nous sommes privés de toute capacité de nous représenter ce dont on discute réellement ?

Il n’est dès lors pas étonnant de constater que les valeurs sont bien présentes dans les

différents scénarios, mais qu’elles sont souvent implicites et non matière à débat. Tout se passe

comme si le scénario visait à susciter une adhésion à des valeurs en dissimulant ces valeurs derrière

la pseudo-évidence des données chiffrées, plutôt que de stimuler une véritable controverse sur les

valeurs engagées.

L’une des valeurs mise en avant dans les scénarios est celle de l'indépendance nationale.

AREVA est pour le coup très clair. « Il convient d’imaginer dès aujourd’hui la société ''après

pétrole'' pour assurer l’indépendance énergétique des États et ne pas subir la hausse inéluctable et la

volatilité des prix des hydrocarbures en cas de trop forte tension sur la demande »19. Valeur

d'indépendance (relative, voir tableau ci-dessous) accompagnée bien évidemment de l'argument

financier. Par ailleurs, n'est-elle pas une force pour conquérir le monde20? Le nucléaire démontre

aussi notre puissance technique, notre intelligence. C'est une technologie que nous vendons à

d'autres21.

19 AREVA, Document de référence 2011 p.51 http://www.areva.com/finance/liblocal/docs/doc-ref-2011/DDR%202011%20AREVA_fr.pdf20 À ce sujet consulter le site internet d'AREVA : http://www.areva.com/FR/groupe-717/areva-propose-des-solutions-completes-et-innovantes.html?xtmc=leader&xtcr=121 Source Internet : http://www.areva.com/FR/groupe-1476/l-inde-une-demande-en-croissance-permanente.html

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Page 14: Rapport sur la Transition Energetique ETHIRES

AREVA p.77

En continuant sur le chemin des valeurs nous trouvons également le courage. Il en faudra

pour accepter « une action vigoureuse d'économie d'électricité », un « effort de sobriété »22 qui

concerne souvent le citoyen. Il devra se battre contre lui-même afin de maîtriser sa consommation

devenue outrancière.

Scénario Global Chance p.3 négaWatt p.16

Pour finir, nous constatons que malgré l'idée du mix énergétique (voir les tableaux ci-

dessous), l'énergie est mise en concurrence.

22 Scénario Global Chance p.1 et p.5 http://www.global-chance.org/IMG/pdf/SortirDuNucleaireEn20ans.pdf

14

Page 15: Rapport sur la Transition Energetique ETHIRES

Enerdata p.53 CEA p.15

Nous sommes alors dans une vision manichéenne : le bien contre le mal. C'est la dernière

valeur invoquée, valeur qui ne fait guère avancer le débat. « L’énergie nucléaire ne constitue pas

une alternative acceptable, d’autant plus qu’elle reste cantonnée à un rôle marginal en fournissant

moins de 3% de la consommation finale d’énergie dans le monde. À l’inverse, l’ensemble des

énergies renouvelables […] fournissent d’ores et déjà plus de 13 % de la consommation mondiale,

constituent de loin la ressource la plus abondante à notre disposition, et de toute façon la seule qui

le sera sur la durée23. » Cependant, en France, 78% de l'électricité est d'origine nucléaire selon le

CEA. Tout dépend alors de l'échelle choisie. Mais le plus important ici est que le nucléaire

n'appartient à aucune des catégories précédentes.

En effet, en ayant comme point d'ancrage la diminution des gaz à effet de serre, la

production d'électricité via les centrales nucléaires possède entre ses mains un argument phare :

celui de ne rejeter que de la vapeur d'eau. « AREVA est un des leaders mondiaux des solutions pour

la production d’énergie avec moins de CO2 »24. Bien évidemment, nous savons que le problème du

nucléaire est ailleurs, et que celui-ci tente d'être enfoui sous terre. En réponse à cette attaque, les

énergies renouvelables sont assignées à l'intermittence25, à une impossibilité d'exister sans le

nucléaire26 aujourd'hui. Cependant en étant plus attentifs ce débat n'a pas lieu d'être puisque

23 Scénario négaWatt p.3 http://www.negawatt.org/telechargement/SnW11//Scenario_negaWatt_2011-Dossier_de_synthese-v20111017.pdf24 AREVA, Document de référence 2011 p.131 http://www.areva.com/finance/liblocal/docs/doc-ref-2011/DDR%202011%20AREVA_fr.pdf25 C'est le fait de ne pas pouvoir produire de l'électricité à tout moment à cause de l'imprévisibilité et de la variabilité du vent et du soleil. 26 Source Internet : Dominique Pialot, Nucléaire ou renouvelables, est-ce vraiment la question ?, le 10/03/2012 http://www.latribune.fr/green-business/l-actualite/20120309trib000687399/nucleaire-ou-renouvelables-est-ce-vraiment-la-question.html N'oublions pas toutefois que les acteurs du nucléaire achètent de l'électricité. Dominique Pialot, L'Allemagne exporte de l'électricité vers la France, le 06/02/2012 http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/20120206trib000682061/-l-allemagne-exporte-de-l-electricite-vers-la-france.html

15

Page 16: Rapport sur la Transition Energetique ETHIRES

AREVA27 (tout comme Total)28 investit dans les dispositifs techniques dits29 renouvelables tels que

l'éolien et le photovoltaïque

AREVA p.114

Nous risquons ainsi de passer à côté du projet de décentralisation, cher à Monsieur Jean-Baptiste

Brochier, possible grâce à ces dispositifs. Projet qui constitue, un changement de société, une

modification des infrastructures et de pouvoir.

De plus, nous pouvons nous demander si le discours sur les énergies renouvelables ne

contredit pas l'idée de « sobriété » portée par de nombreux scénarios. En effet comment pouvons-

nous être sobres si nous promettons une énergie infinie et non polluante à vie ? « Les énergies de

flux se renouvelleront en permanence à l’échelle du passage de l’humanité sur Terre »30. La sobriété

semble être active uniquement pendant la transition. S'arrête-t-elle après ? Si la réponse est oui, il

s'agit bien d'une transition dans laquelle nous remplaçons le pétrole par l'électricité, mais dans le

fond rien n’a changé. Notre mode de vie, notre société serait alors celle de la supra-consommation

d'énergie sans limite puisque non polluante et la centralisation serait toujours le mode

d’organisation dominant.

En conclusion, à travers les scénarios l'énergie est déconnectée de la nature. Représentée par

la diminution des gaz à effet de serre ou l'arrêt du nucléaire, les scénarios semblent ignorer la

27 « GDF SUEZ, VINCI et AREVA ont signé un accord de partenariat pour créer une filière industrielle de l’éolien en mer compétitive, durable et créatrice d’emplois. Cette alliance vise à répondre conjointement à l’appel d’offres annoncé par le Président de la République française en janvier 2011 pour la mise en place de cinq parcs éoliens au large des côtes françaises, dans le cadre d’un programme de développement de 6 000 MW off shore prévu à l’horizon 2020 ». Avera, Document de référence 2011 p.136 http://www.areva.com/finance/liblocal/docs/doc-ref-2011/DDR%202011%20AREVA_fr.pdf28 Source Internet : Frédéric De Monicault Total concrétise ses ambitions dans l'énergie solaire : http://www.lefigaro.fr/societes/2010/06/09/04015-20100609ARTFIG00716-total-concretise-ses-ambitions-dans-l-energie-solaire.php29 Il existe des controverses sur ce point. Notamment les terres rares pour l'éolien. Quant aux panneaux photovoltaïques ils ne durent que 30 ans. Ses déchets sont-ils réellement sans toxicité et entièrement recyclable ? 30 Scénario négaWatt p.4 http://www.negawatt.org/telechargement/SnW11//Scenario_negaWatt_2011-Dossier_de_synthese-v20111017.pdf

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Page 17: Rapport sur la Transition Energetique ETHIRES

provenance de l'énergie. De plus, obnubilés par les chiffres aux unités inconnues du grand public,

ils accentuent la distance entre nous et l'énergie. C'est une fabrique du futur qui se focalise

largement sur le fait de résoudre un problème : celui de réduire les gaz à effet de serre. Ce défaut de

représentation est alors compensé par la réaffirmation de valeurs traditionnelles (l’indépendance

nationale) et par les partis pris d’experts en faveur de telle ou telle énergie, sur la base d’une bataille

de chiffres qui ne permet pas du tout de discuter de choix de sociétés alternatifs.

Pour dépasser cette situation, il serait nécessaire de prendre conscience qu’en optant pour un

certain type d’énergie, sur la base des scénarios proposés, nous optons aussi pour un mode défini

d’approvisionnement en énergie, donc pour une organisation socio-économique déterminée. La

révision des représentations que nous avons de l'énergie est condition de cette prise de conscience.

Il s’agit d'une part, de reconsidérer le rapport d'opposition entre les diverses énergies ; et d'autre

part, de comprendre que l'énergie ne relève pas seulement de la catégorie du consommable.

C. Un projet de société : le cycle de l'énergie.

Suite au développement des scénarios pourquoi avons-nous besoin d'en arriver sur une

réflexion concernant l'énergie ? Aujourd'hui, nous n'avons pas conscience du dispositif technique

dans lequel s'insère l'énergie quotidienne, nous ne cherchons, d'ailleurs, pas à percer le sens de

celle-ci dans nos sociétés. Cette réflexion est rendue nécessaire car, en réalité l'énergie permet

d'articuler les rapports entre société et nature. Pour arriver à penser ces rapports entre société et

nature, il s'agit donc de développer une pensée de la technique qui est à la source du projet de

société. Il importe de partir du constat selon lequel nous ne pouvons pas détacher l'énergie de tout le

reste et que l'énergie est à la source de la création d'un fait social total. Elle se définit « comme la

« force en action », c'est-à-dire ce qui permet le déplacement ou la transformation des objets

inanimés ou vivants. Ce n'est pas un élément que l'on peut isoler, comme de l'or ou du minerai de

fer. C'est une présence multiforme sans laquelle aucun travail, aucune forme de vie n'est

possible »31.

Ainsi, nos usages quotidiens trahissent ce manque de conscience, ce manque de savoir : par

exemple, nous nous contentons d'appuyer sur l'interrupteur pour obtenir de la lumière. Comment

avoir une pensée du cycle de production de l'énergie dans nos représentations, comment penser la

technique comme un des éléments essentiels de notre rapport à l'énergie ?

31 Battiau Michel, L'energie un enjeu pour les sociétés et les territoires. p 3.

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Page 18: Rapport sur la Transition Energetique ETHIRES

Jusqu'alors, la fabrication du futur énergétique a été pensée par les institutions en des termes

chiffrables. Cette production chiffrable met en exergue une réduction et un déficit de représentation

au niveau de l'énergie, c'est pourquoi nous avons fait le choix de prendre de la distance par rapport à

ce chiffrable et de nous intéresser à la représentation de l'énergie que nous avons au quotidien.

Pour surmonter notre situation d’ignorance face au dispositif technique énergétique, nous

devons dépasser la représentation de l'énergie comme bien de consommation finale. En effet,

l'énergie peut être catégorisée par différents états : primaire : « l'ensemble des produits énergétiques

non transformés, exploités directement ou importés. Ce sont principalement le pétrole brut, les

schistes bitumineux, le gaz naturel, les combustibles minéraux solides, la biomasse, le rayonnement

solaire, l'énergie hydraulique, l'énergie du vent, la géothermie et l'énergie tirée de la fission de

l'uranium »32; secondaire : « l'énergie obtenue par la transformation d'une énergie primaire (en

particulier l'électricité d'origine thermique) »33; et finale : « mise à disposition des consommateurs

sous une forme directement utilisable. Elle se mesure, lors de l'achat, en litres de fioul, en mètres

cubes de gaz, en kilowattheures électriques... La consommation d'énergie "finale" correspond à la

quantité d'énergie mesurée au compteur du consommateur (compteur électrique, gaz...) », à savoir

celle « qui sert effectivement à l'usage voulu par l'utilisateur (travail d'une machine, lumière,

chaleur, froid...), dépend du rendement des appareils utilisés »34.

Ainsi, l'énergie finale est une énergie du besoin, de l'utilité et de l'usage au quotidien ; un

service rendu simple d'accès et direct par le dispositif technique. Ce « matériel clé de la vie

familiale »35 induit un rapport minimal à l'énergie. En réalité, le consommateur / utilisateur se

rapporte uniquement à l'énergie consommée cela « tient au nombre de plus en plus important

d'objets qui nécessitent de l'électricité pour fonctionner, -depuis la télévision, le réfrigérateur

jusqu'aux jeux vidéos-, pour se recharger – les batteries pour le téléphone mobile, le micro-

ordinateur et autres I-Pod, mais aussi pour les brosses à dents et les tournevis électriques-, pour

surveiller, contrôler ou automatiser – avec tout ce qui relève de la domotique dans le logement

depuis les régulateurs de chauffage jusqu'aux alertes contre le vol, l'incendie et les fuites d'eau »36,

cette liste n'est pas exhaustive.

32 http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/energie-primaire.htm 33 http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/energie-secondaire.htm : A savoir prendre à la fois en compte l'origine des ressources et les processus de transformation.34 Lenoir Didier, Energie, changeons de cap ! Scénario pour une France durable, Terre vivante, Mens, 2007, p 18.35 Desjeux Dominique, Les usages et les representations de l’energie electrique dans la France de la fin du XX eme siecle, anthropologue social et culturel, Professeur a la Sorbonne (Universite Paris 5), 2006.36 Desjeux Dominique, Les usages et les représentations de l'énergie électrique dans la France de la fin du 20 eme siècle.

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Page 19: Rapport sur la Transition Energetique ETHIRES

De plus, notre rapport à l’énergie affleure à la conscience lorsque nous recevons nos

factures. Or, le montant de nos factures traduit notre rapport d'usage indirect à l'énergie, à savoir, un

rapport uniquement quantitatif qui correspond d'une part, à une méconnaissance de l'énergie dans sa

totalité : son extraction, sa production, et sa distribution ; et d'autre part, une méconnaissance des

outils techniques.

Reconsidérer le cycle de l'énergie à taille humaine, à travers la technique du photovoltaïque

par exemple, c'est, d'une part, se faire acteurs de sa propre consommation, c'est-à-dire prendre à la

fois en compte l'origine des ressources et les processus de transformation : installer un panneau

photovoltaïque et maîtriser sa structure technique ; d'autre part, se faire auteurs, c'est-à-dire

considérer la façon dont l'énergie nous parvient et est produite. Ainsi, nous ne serions plus de

simples récepteurs d'énergie. Cette polyvalence permettrait de réformer notre consommation et nos

usages.

Jusqu'à présent, la technique occulte notre rapport à la nature entraînant, ainsi, un manque de

représentation, un manque de définition de nos valeurs et de nos comportements face à l'énergie.

Pourquoi ne voulons-nous rien savoir de la technique ? Parce que nous ne pensons pas la technique

au premier abord. Pourtant, l'objet technique a de nombreux rapports à la matière, et la manière dont

nous percevons cette matière n'est pas interrogée pour faire face aux défis énergétiques

contemporains. C'est ainsi, qu'à l'intérieur de la réappropriation de notre rapport à la technique en

tant que médiation entre l'homme et la nature, il s'agit de rénover notre vision de l'homme et du

monde.

Dès lors, repenser le lien nature/technique/homme, c'est sensibiliser les citoyens – experts et

profanes – à l'enjeu énergétique ; « il est important d'introduire les citoyens ordinaires dans le débat

et de les faire participer à l'élaboration des mesures qui seront prises »37. Ce qui se joue, c'est la

prise de conscience qu'un nouveau rapport à l'énergie est nécessaire et possible. Ce qu'il faudrait,

c'est repenser l'énergie en tant que développement mélioratif de la connaissance technique qui

rapprocherait les citoyens de la nature. Le photovoltaïque, par exemple, peut correspondre à cette

démarche. C'est une technique plurielle au sens où elle est au service d'une production recouvrant

de multiples utilisations, telles que la production électrique, le chauffage ou encore la climatisation.

Ainsi, repenser la technique consacrerait un nouveau rapport à l'énergie, en tant qu'elle deviendrait

37 Callon Michel, Lascoumes Pierre et Yannick Barthe [dir.], Agir dans un monde incertain : essai sur la démocratie technique, Editions du Seuil, Paris, 2001, p 15.

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Page 20: Rapport sur la Transition Energetique ETHIRES

partenaire de la nature. A ce titre, la représentation de l'énergie engage une représentation de la

technique et une représentation de la nature dans le but de se détacher de la relation purement

utilitariste que nous entretenons avec celle-ci, et nous amène à développer nos connaissances

techniques, et à nourrir un manque de représentation à l'aide d'ouvrages tels que : L'énergie solaire

et photovoltaïque pour le particulier de Emmanuel Riolet, L'Energie solaire de Guy Loison,

Adopter le solaire thermique et photovoltaïque de Mohamed Amjahdi et Jean Lemale.

A travers ce nouveau rapport à l'énergie c'est, également, la question de notre responsabilité,

vis-à-vis de la nature et des générations futures, qui se joue ; c'est, d'une part, le développement de

nos connaissances de la nature : la prise en compte, par exemple, de l'ensoleillement des régions ; et

d'autre part, le développement de nos connaissances techniques38. Cette responsabilité est à la base

du projet de société. C'est donc en dépassant notre rapport d'évidence à l'énergie qu'il est rendu

possible. Il doit consacrer de nouveaux modes de vie, de nouveaux usages au quotidien.

Ainsi, pour créer une nouvelle vision de nos modes de vie et de nos usages au quotidien, il

s'agit de développer le projet de société en faisant appel à la citoyenneté et, par conséquent, de

développer un travail de sensibilisation qui doit s'attacher à créer dans les esprits présents et à venir

un nouveau futur souhaitable. Pour ce faire, il semblerait nécessaire de dépasser nos préconceptions,

pour créer une vision de l'énergie renouvelée et, ainsi, permettre de satisfaire nos besoins futurs sans

se situer dans un catastrophisme non éclairé. L'énergie est un problème de société qui est loin d'être

novateur, mais il s'agit de l'inscrire dans une visée réflexive globale en prenant en compte la

multiplicité des critères que celle-ci recouvre. Par conséquent, l'énergie n'est pas une question

simple, elle regroupe un ensemble de valeurs, elle articule des inégalités sociales, et correspond à

des registres hétérogènes, à des discours de positionnement, à des divergences de point de vue entre

les experts et les profanes. Il ne suffit donc pas de convaincre sur des indicateurs préconçus. C'est

pourquoi, nous sommes bien dans la sensibilisation (entreprises, élus, nouvelles générations) et non

pas dans l'éducation, car nous sommes dans la recherche d'une ouverture et non pas d'une

hiérarchisation des rapports, tout en prenant en compte les moyens humains et économiques mis à

disposition. Ainsi, c'est en posant la sensibilisation comme ouverture et non pas comme une

contrainte et une hiérarchie que celle-ci pourra avoir un impact. Dès lors, il faut mettre en

discussion la technique et non pas discuter des caractéristiques de la nature mais la questionner afin

de mieux comprendre, et d'appréhender notre rapport à l'énergie pour ne pas la gaspiller et la

préserver.

38 Confère « installer un panneau photovoltaïque et maîtriser sa structure technique », p.10.

20

Page 21: Rapport sur la Transition Energetique ETHIRES

Conclusion

Il a ainsi été question d’interroger les termes convoqués pour parler de la transition

énergétique. Penser une orientation pour la transition énergétique nécessite de se projeter au-delà de

l’échelle quinquennale, de se placer dans une échelle de temps longue – alors même que les

scénarios fixent l'horizon énergétique à 2050. Le projet de société qu’elle requiert ne peut se

contenter d’être un moyen de marquer les clivages politiques et entrepreneuriaux. Nous

recommandons à Monsieur Jean-Baptiste Brochier d'interroger la pertinence de l'élaboration

d'une clause, qui obligerait les Gouvernements successifs à poursuivre l'action

environnementale – nécessairement ratifiée par les différents acteurs en jeu – sur laquelle les

experts et les profanes devraient avoir la possibilité de s'appuyer. Cette clause n’aurait

cependant pas vocation à pérenniser une action environnementale vaine, mais à faire de celle-ci un

héritage générationnel qu'il faut préserver. Elle s’attacherait à fixer un cap, à l’instar de protocoles

tel que celui de Kyoto, dont les ambitions et les objectifs, pourraient être révisés selon la nécessité

environnementale du temps présent.

De plus, comme nous l'avons vu, le débat sur la transition énergétique reposera sur une

confrontation de scénarios. Ne serait-il pas alors « osé » d'arriver sans scénario du même type lors

du débat ? C'est-à-dire abordant des chiffres, des calculs tentant de résoudre le problème des gaz à

effet de serre ? Le scénario, sous son aspect scientifique et rationnel aborde en réalité souvent des

valeurs implicites. Sont-elles celles que nous souhaitons défendre ? Sous cet angle, il apparaît

comme une stratégie qui cherche à imposer son point de vue et qui défend certains intérêts. Une

stratégie d'acteurs en somme. De ce fait, le projet de société ne transparaît guère et le débat risque

alors de passer à côté de l'enjeu ; celui de trouver un mode d'existence qui coïncide avec la

pérennité de la nature dont nous dépendons. Pour alors prendre une décision « éclairée » quant à

notre avenir nous soutenons qu'il est nécessaire de mieux s'interroger sur notre représentation de

l'énergie. Lorsque nous étudions les scénarios, l'énergie est réduite à un type d'énergie (souvent

l'énergie électrique), malgré l'idée de mix énergétique mais aussi à l'énergie consommée. Le

dispositif énergétique dans son ensemble (toutes les infrastructures nécessaires à l'acheminement de

l'énergie), son rapport avec la nature (son impact sur celle-ci) et ce qu'il implique (centralisation ?

décentralisation ?) n'est guère questionné. Et pourtant il doit l'être car le choix des dispositifs

énergétiques n'est pas ce qui est annexe à une société mais ce qui détermine une société. C'est pour

ces raisons que nous recommandons à Monsieur Jean-Baptiste Brochier de sortir du rapport

d'opposition entre les diverses énergies et de s'interroger sur les dispositifs énergétiques sur

21

Page 22: Rapport sur la Transition Energetique ETHIRES

lesquels reposera son projet de société.

Enfin, nous avons constaté que notre conscience de l'énergie se fait par défaut. Contre le

manque de représentation qu'elle induit, nous recommandons à Monsieur Jean-Baptiste

Brochier, dans le cadre de ses propositions lors du débat sur la transition énergétique, de

présenter le photovoltaïque comme une technique de médiation entre l'homme et la nature,

celle-ci pouvant être à l'origine du projet de société. Dans cette idée, il pourrait également, à

l'occasion de conférences auprès des entreprises, ou d'organisations de réunions auprès des

particuliers, sensibiliser les citoyens aux moyens de se faire auteur de leur propre

consommation, et les responsabiliser vis-à-vis de la nature et des générations futures, c'est-à-

dire réformer leurs usages.

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Page 23: Rapport sur la Transition Energetique ETHIRES

Bibliographie

Ouvrages :

AMJAHDI, Mohamed et Jean LEMALE [dir.] , Adopter le solaire thermique et photovoltaïque,

Dunod, Paris, 2011.

CALLON, Michel, LASCOUMES Pierre et Yannick BARTHE [dir.], Agir dans un monde

incertain : essai sur la démocratie technique, Editions du Seuil, Paris, 2001.

De La Souchère Marie-Christine, Histoire de l'Electricité : Lumières d'hier et d'aujourd'hui,

Ellipses, Paris, 2011.

Dubois Michel J.-F, La transition énergétique, Desclée de Brouwer, Paris, 2009.

Jonas Hans, Le principe responsabilité, France, Flammarion, 2009.

Lenoir Didier, Energie, changeons de cap ! Scénario pour une France durable, Terre vivante,

Mens, 2007.

Loison Guy, L'Energie solaire : produire son énergie au quotidien, Editions rustica, Paris, 2011.

Meunier Francis, Les Energies renouvelables, Le Cavalier Bleu, Paris, 2010.

Riolet Emmanuel, L'énergie solaire et photovoltaïque pour le particulier, Editions Eyrolles, Paris,

2011.

Salmon Christian, Storytelling : La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits , La

Découverte, Paris, 2008.

Références internet :

Articles

Desjeux Dominique, les usages et les representations de l’energie electrique dans la France de la fin

du 20eme siecle, anthropologue social et culturel, Professeur a la Sorbonne (Universite Paris 5),

2006, http ://www.observatoire-energies-entreprises.fr

Dominique Pialot, « L'Allemagne exporte de l'électricité vers la France », le 06/02/2012

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-

environnement/20120206trib000682061/-l-allemagne-exporte-de-l-electricite-vers-la-france.html

Jancovici Jean-Marc, La transition énergétique, certes, mais quelle transition ? :

http://www.manicore.com/fichiers/transition_energetique_reflexions.pdf

Frédéric De Monicault, « Total concrétise ses ambitions dans l'énergie solaire ».

http://www.lefigaro.fr/societes/2010/06/09/04015-20100609ARTFIG00716-total-concretise-ses-

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Page 24: Rapport sur la Transition Energetique ETHIRES

ambitions-dans-l-energie-solaire.php

Lettres

Lettre envoyée par plusieurs ONG à la Ministre Delphine Batho, le 28 novembre 2012.

http://www.fondation-nicolas

hulot.org/sites/default/files/pdf/presse2012/courrier_Delphine_Batho.pdf

Lettre envoyée par Stéphen Kerckhove, Délégué général d'Agir pour l'Environnement à la Ministre

Delphine Batho. http://www.agirpourlenvironnement.org/communiques-presse/debat-national-sur-

la-transition-energetique-declaration-de-stephen-kerckh-3524

Rapports

AREVA

http://www.areva.com/finance/liblocal/docs/doc-ref-2011/DDR%202011%20AREVA_fr.pdf

Enerdata

http://webu2.upmf-grenoble.fr/iepe/textes/EPE_Enerdata-etude-facteur-quatre.pdf

Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives http://ddata.over-

blog.com/1/23/41/67/NoteEvaluationDuCoutDeSortieDuNucleaireEnFrance-1-.pdf

Rapport Energies 2050

http://www.strategie.gouv.fr/system/files/rapport-energies_0.pdf

Réseau de Transport d'électricité Union Française de l'Électricité http://www.rte-

france.com/uploads/Mediatheque_docs/vie_systeme/annuelles/bilan_previsionnel/bilan_complet_2

011.pdf

Union Française de l'Électricité http://www.ufe-electricite.fr/IMG/pdf/ufe_etude_1_.pdf

Scénarios

Scénario Négatep

http://www.sauvonsleclimat.org/images/articles/pdf_files/best_of/negatep%202012.pdf

Scénario négaWatt http://www.negawatt.org/telechargement/SnW11//Scenario_negaWatt_2011-

Dossier_de_synthese-v20111017.pdf

Scénario Global Chance http://www.global-chance.org/IMG/pdf/SortirDuNucleaireEn20ans.pdf

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Page 25: Rapport sur la Transition Energetique ETHIRES

Sites

Actu environnement : http://www.actu-environnement.com

Areva : http://www.areva.com

INSEE : www.insee.fr

Grenelle Environnement : http://www.legrenelle-environnement.fr

Portail du Gouvernement : http://www.gouvernement.fr/gouvernement

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