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Page 1: Rapport Cinéma, littérature et médecine   Tiffany SARRE

Tiffany SARRE

Master 2 Communication Scientifique

Année 2012-2013

Cinéma, Littérature et Médecine :

Sciences, Médecine et Société

Enseignement optionnel

Sciences Humaines et Sociales en Médecine

Enseignants :

Christian Bonah

Joël Danet

Anne Rasmussen

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Sommaire

Introduction .......................................................................................................................... 3

I. Contexte historique et évolution de la psychiatrie ............................................................. 4

1. Avant la Révolution Française ...................................................................................... 4

2. 1789, tournant de l’histoire de la psychiatrie ................................................................ 4

3. La naissance de la psychiatrie moderne ...................................................................... 5

II. A l’intérieur des murs ....................................................................................................... 7

1. « Histoire de Paul », de René Féret (1975). ............................................................... 7

2. « Quand tombent les murs de l’asile », de Youki Vattier (2005). ............................. 10

3. Conclusions ............................................................................................................. 12

III. A l’extérieur des murs ................................................................................................... 13

1. Entretien avec Williamn Gandemer, étudiant [Annexe] ............................................ 13

2. « Elle s’appelle Sabine », de Sandrine Bonnaire (2007) .......................................... 14

3. « Quant tombent les murs de l’asile », de Youki Vattier (2005) ............................... 15

Conclusion ......................................................................................................................... 17

Références : ...................................................................................................................... 18

Annexes : ........................................................................................................................... 19

I. Entretien avec Catherine Montenot, ex-patiente. ..................................................... 20

II. Entretien avec William Gandemer, étudiant… ....................................................... 219

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Introduction

Derrière les murs

Si l’hôpital général est un lieu investi de fantasmes, les représentations qui y sont

liées ne sont pas aussi déstabilisantes que celles associées aux anciens CHS, Centres

Hospitaliers Spécialisés le plus souvent en psychiatrie. Depuis la loi de juillet 1991, les

CHS n’existent plus et ont été remplacés par CH (centres hospitaliers). Je traiterai dans

mon rapport de centres hospitaliers uniquement dédiés à la psychiatrie.

Originaire de la ville de Dijon, le trajet que j’empruntais quotidiennement lorsque

j’étais enfant longeait les murs d’une telle institution : le CH de la Chartreuse. Cette haute

enceinte attirait ma curiosité et, connaissant la vocation du lieu, nourrissait mon

imaginaire… et mes craintes. L’ensemble de mon entourage semblait mal à l’aise lorsqu’il

s’agissait de parler de cette structure et des patients qu’elle renfermait. Etudiante, j’ai

pénétré dans ces murs à l’occasion d’un travail saisonnier dans les cuisines de l’hôpital.

Ce fut l’occasion de briser beaucoup de fausses représentations, de clichés, à propos de

ce type d’institution. Le lieu est constamment ouvert à tous, le parc est paisible et

fréquenté, y compris par les joggers occasionnels.

C’est pourquoi, au cours de cet enseignement de Cinéma, Littérature et Médecine,

je me suis plus particulièrement intéressée aux représentations attachées aux hôpitaux

spécialisés en psychiatrie, notamment à travers des œuvres cinématographiques et des

entretiens. Je me suis focalisée sur les ex-CHS et non les services de psychiatrie au sein

des hôpitaux généraux, même si ceux-ci pourront être abordés. Ce rapport n’a pas pour

ambition de traiter ce sujet de façon exhaustive. Il présentera les analyses et les réflexions

liées aux représentations de l’hôpital psychiatrique.

Quelles visions de ces institutions ont les patients, les personnes extérieures et le

personnel soignant ? Ces trois catégories sociales partagent-elles des images

différentes ? Ces représentations évoluent-elles ? Pourquoi sont-elles présentes de cette

façon dans notre imaginaire ?

Après un bref rappel de l’évolution historique des établissements réservés aux

personnes souffrantes de maladies, je traiterai successivement des regards de l’intérieur

des murs, puis de l’extérieur, vis-à-vis de ces institutions.

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I. Contexte historique et évolution de la psychiatrie

1. Avant la Révolution Française

Les questions liées aux troubles du comportement et aux maladies mentales se

posent dès l’Antiquité, avec la théorie des humeurs proposée par Hippocrate. Cependant,

la plupart des troubles de ce type sont le plus souvent considérés comme une

manifestation du divin.

Au moyen Moyen-âge, les croyances et les superstitions sont omniprésentes. Les

malades restent auprès de leur famille ou vont dans des institutions laïques ou religieuses.

Les plus dangereux sont emprisonnés. Les « traitements » consistent principalement à

exorciser le malade, ou parfois à le condamner au bûcher pour sorcellerie.

De la Renaissance jusqu’à la révolution, on considère que les troubles mentaux

n’ont rien de surnaturel, mais sont bien des maladies, grâce à Jean Wier (médecin qui

s’opposait à la chasse aux sorcières). De petites institutions pour accueillir les malades se

construisent, notamment sous l’action de João Cidade. Il fonde en 1537 l’Ordre Hospitalier

de Saint Jean de Dieu (ou Frères de la Charité), qui accueille les malades. Les Petites-

Maisons, un asile du 6ème arrondissement, se crée également à Paris en 1557.

2. 1789, tournant de l’histoire de la psychiatrie

Après la Révolution en 1789, les malades mentaux sortent des prisons pour les

asiles. La volonté des médecins de l’époque est d’en faire de véritables lieux de guérison.

Le médecin Philippe Pinel, exerçant à l’asile de Bicêtre, constate qu’il y a différents types

de folies et entreprend de les classer selon leurs signes cliniques. C’est le début de la

psychiatrie. Il ordonne que l’on enlève les chaînes aux malades.

Pinel est nommé médecin-chef à Salpêtrière en 1795. Son successeur, Jean

Etienne Esquirol, est à l’origine de la réglementation psychiatrique de 1838 qui restera en

vigueur jusqu’en 1990. Il impose la présence d’un hôpital psychiatrique par département.

Deux mesures d’internement existent : le placement d’office et le placement volontaire

(décidé par la volonté du peuple). L’hospitalisation selon son propre consentement est

libre.

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En 1795, le psychiatre Pinel, fait libérer les aliénés de leurs chaînes. Tableau de Tony Robert-Fleury, 1876. (Source : Wikimedia Commons).

Les guérisons sont rares et les traitements sont parfois rudes (saignée, sédatifs,

provoquer des états de choc en faisant frôler la mort au malade, flagellation…). Les

patients ainsi que le personnel vivent ensemble à l’intérieur des murs. A cette époque, la

maladie mentale est encore considérée comme découlant d’une lésion organique.

Jean-Martin Charcot, éminent neurologue et clinicien, affirme que ce n’est pas

toujours le cas. Il utilise l’hypnose pour démontrer que les paralysies hystériques ne sont

pas déterminées par une lésion organique, mais par ce qu'il appelle une « lésion

dynamique fonctionnelle ». Sigmund Freud est son élève. Il préfère à l’hypnose l’écoute

des patients atteints de pathologies mentales : c’est la naissance de la psychanalyse.

3. La naissance de la psychiatrie moderne

Au XXème siècle, le terme d’ « asile » disparait au profil du terme « hôpital

psychiatrique ». « Aliéné » restera en vigueur jusqu’à 1958, remplacé aujourd’hui par

« patient psychiatrique ». Les traitements évoluent : Egas Moniz et Almeida Lima reçoivent

un prix Nobel en 1949 pour leurs travaux sur la lobotomie. Les électrochocs (ou

sismothérapie) sont également utilisés. Ces pratiques déclinent dès les années 1960 au

profil des neuroleptiques. Les premiers antidépresseurs sont découverts et les

psychothérapies se développent.

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Au même moment, la volonté politique est de sectoriser les institutions

psychiatriques, afin de favoriser le maintien des malades au sein de leur cité. Le personnel

se spécialise de plus en plus. En 1990, une loi est votée en faveur du renforcement des

droits du malade et de son accès aux soins. Les placements sans consentement existent

toujours mais sont modifiés : on parle d’hospitalisation d’office et d’hospitalisation par la

demande d’un tiers.

De nos jours, une prise en charge adaptée des malades reste problématique. La

réforme « Plan santé mentale 2005/2008 » a pour objectif de désengorger les hôpitaux

grâce à des aides extrahospitalières. Mais les structures d’accueil alternatives (hôpitaux

de jour, centres psychologiques) manquent de moyens financiers. Certains facteurs

sociaux-économiques tels que la période de crise actuelle augmentent les troubles

associés à l’anxiété. On considère qu’une hausse de 1% du chômage entrainerait une

hausse de 0,8% des taux de suicide. L’évolution ds la prise en charge des malades diffère

d’un pays à l’autre. En 1974, l’Italie a fermé l’ensemble de ses hôpitaux psychiatriques, et

a laissé place à des Centres de Santé Mentale, où il n’y a pas de serrures.

« La santé mentale mérite mieux qu’un aménagement de pure forme », auteur inconnu, 2010. Caricature sur le manque de moyens de la psychiatrie. (Source : site de la CFDT -

Confédération Française Démocratique du Travail).

« Fous », « aliénés », « malades mentaux », « patients psychiatriques » ; ou encore

« établissements spéciaux », « asile d’aliénés », « Centre Hospitalier Spécialisé »,

« service de psychiatrie »… Les termes caractérisant les structures et les patients qu’elles

renferment ont évolué au cours du temps. Ces modifications témoignent d’une prise de

conscience et d’un changement des représentations associées à ces institutions.

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II. A l’intérieur des murs

Les murs d’un l’hôpital psychiatrique, comme celui de la Chartreuse à Dijon, ne

renferment pas seulement des patients, mais aussi des médecins, des psychologues, des

infirmiers, des aides-soignants, les agents des services hospitaliers. Il y a également

l’administration, les cuisines, la lingerie, le laboratoire d’analyse, la chapelle… comme un

village qui vivrait en autonomie.

Les patients sont répartis dans différents pavillons en fonction de leur pathologie. Il

y a des unités d’hospitalisation ouvertes, pour les personnes venues de leur plein gré. La

plupart des patients sont libres de sortir la journée. D’autres ne viennent que pour des

consultations spécifiques, en luminothérapie ou musicothérapie par exemple. Il y a aussi

les unités d’hospitalisation fermées, pour les personnes placées d’office ou après la

demande d’un tiers. Afin d’en savoir plus sur ce que pouvait ressentir les personnes

passant la majorité de leur temps dans ce lieu, je me suis aidée de 2 types de supports :

films et interviews.

1. « Histoire de Paul », de René Féret (1975).

Présentation : René Féret débute en tant qu’acteur après une formation à l’école d’art

dramatique de Strasbourg. Suite au décès de son père, il est interné quelques temps en

hôpital psychiatrique, à 22 ans. Il écrit une fiction autobiographique sur l’univers

psychiatrique, qu’il adapte en réalisant son premier long métrage : « Histoire de Paul »

(1975). Il réalise ensuite plusieurs films à valeur autobiographique et continue de jouer de

petits rôles. Il fonde sa propre société de production (JLM Productions) dans les années

1990.

« Histoire de Paul » est un film d’auteur qui évoque la propre expérience de René

Féret, et qui lui vaudra le prix Jean Vigot en 1975 (récompense attribuée à un réalisateur

qui se distingue par l’indépendance de son esprit et la qualité de sa réalisation). L’auteur

souhaite exorciser ce qu’il a vécu. Il a reconstitué chaque scène selon sa mémoire. Il se

place en tant qu’observateur, et produit un témoignage historique qui permet au public de

se faire son opinion sur ce qu’a été la réalité de l’asile des années 1960.

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Il interroge le rôle de ce type d’institution : peut-on guérir de sa souffrance dans un

tel lieu ou est-ce juste un espace de stockage de ce que rejette la société ? Est-on

condamné à y rester à vie ?

Analyse : L’auteur a choisi de tourner en noir et blanc (le film couleur était très répandu en

1975). Il insiste ainsi sur la froideur du lieu et l’austérité de l’existence qui y est menée.

Les murs et les sols sont blancs, tout comme les habits du personnels : la couleur

n’apporterait rien au propos. Les plans sont souvent fixes, ce qui donne au film de René

Féret une valeur descriptive (regard extérieur). Quelques rares mouvements de caméra

suivent parfois les personnages, permettant à ces occasions de rentrer davantage dans la

vie de chacun (regard plus intérieur).

Le film débute avec un plan d’ensemble de la salle de loisir. Les personnages

tournent en rond. Une scène (dans le même espace) est semblable vers la fin du film,

mais la caméra suit le mouvement des personnages. L’auteur souligne par cet

intermédiaire le fait qu’il semble impossible de sortir de cette institution : les patients

attendent, errent sans but, sont coupés du monde. D’autres éléments du film accentuent

cette vision. Quand le personnage principal Paul est interné, il vit l’abandon de ses parents

et lance un dernier regard vers l’extérieur. Au cours du film, aucun plan de fenêtre ou de

sortie des murs ne nous permet de revoir « le monde de dehors ». Quelques plans de

demi-ensemble caractérisent les longs couloirs sans fin, et les dortoirs (en évitant d’en

montrer les fenêtres). Un patient retourne enfin chez lui, mais est interné de nouveau

quelques jours après. Un autre, qui a fugué, revient également. Personne ne sort de

l’institution, les patients sont comme « condamnés » à être coupés de leur ancienne vie.

Scène 1 :

Plan d’ensemble de la salle de loisir. Les patients

tournent en rond sous le regard des infirmiers.

Le point de fuite de cette image montre l’extérieur de

l’institution.

Le film est particulièrement silencieux : il n’y a pas de musique d’ambiance, mais

certains bruitages sont très présents. Un son sourd, angoissant, apparaît à chaque fois

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que Paul se souvient de sa tentative de suicide. Les bruits de clefs dans la serrure, les cris

des malades, les pas qui raisonnent dans les grands couloirs, sont omniprésents. Mais

surtout, ce silence relatif met en valeur l’absence de dialogue entre patients, médecins et

infirmiers ; ce que souligne le jeu des acteurs : le médecin ne s’attarde pas sur le patient, il

le regarde seulement quelques secondes et ordonne un traitement (ou un changement de

dortoir). Les infirmiers ne parlent pas. Seuls les patients discutent entre eux et s’entraident

dans les tâches quotidiennes, même s’ils sont parfois un peu brutaux.

A son arrivée à l’hôpital, Paul passe devant les médecins qui évaluent son cas. Il n’y a aucune discussion. Seul le médecin chef prend la parole : « C’est plus grave que ce que je pensais ».

La vision de l’intérieur des murs semble dénuée d’espoir. Le lieu est très inquiétant

à l’arrivée de Paul, il faut notamment s’habituer aux autres qui ont des comportements

déstabilisants. L’institution est représentée comme un lieu d’enfermement quasi-définitif et

non de soins (presque inexistants dans le film, il n’y qu’une seule distribution de

médicaments qui est représentée). Le patient est infantilisé, tourne en rond, mais ne vit

pas de traitements violents (ni maltraitance, ni électrochocs ou bains froids…). Il subit en

revanche l’inconsidération des médecins. Concernant le monde extérieur, le message

transmit par l’auteur est paradoxal : l’institution n’aide pas à la guérison, bien au contraire.

Les malades évolueraient davantage à l’extérieur des murs, mais la liberté est risquée :

les envies de suicide restent présentes chez beaucoup de patients.

Malgré une stagnation de la situation des

autres patients, Paul évolue peu à peu. Désorienté,

il se laisse d’abord mourir, et est conduit à un dortoir

Un infirmier nourrit Paul. Les fenêtres (en haut à gauche) on été murées.

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avec une surveillance des malades accrue et où ces derniers ne peuvent sortir de la

pièce. Il recommence à manger et retourne dans son premier dortoir, où il retrouve les

patients qui s’occupent de lui. Ce dortoir contient les « bons patients », libres de circuler et

de participer aux tâches de l’établissement. Vers la fin du film, Paul n’est plus apathique et

laisse sortir ses émotions, lors d’une visite de sa mère : le film se termine sur une note

d’espoir. Pour compléter son long métrage, Féret a réalisé en 1993 des interviews de

psychiatres, qui soulignent le réalisme de ce témoignage.

« Les hôpitaux psychiatriques constituent le monde carcéral de la folie. Aujourd’hui, nous avons beaucoup de médicaments, mais l’univers asilaire n’a pas changé. L’hôpital n’était pas, et n’est toujours pas fait pour soigner. Les patients ressentent du désarroi et de la solitude. Les lieux sont inhumains ». Lina Torres, psychiatre travaillant sur la réinsertion des patients.

« Ce film représente ce qu’on vivait tout le temps : on allait faire son travail à l’usine asilaire. Le métier d’interne était d’être aux bottes du médecin chef. L’hôpital était un lieu d’enfermement, pas de soin. Dans l’asile, il n’y avait pas que la folie, mais tout ce que la société ne voulait pas. Par la suite, mon travail a consisté à dénoncer l’interdiction des droits à l’asile. En 1968, il y a eu un réveil des consciences hors des murs, mais à l’intérieur, ça a mis plus de 20 ans à changer ». Jean-Luc Roelandt, psychiatre préconisant un système de soins en santé mentale complètement intégré dans la cité, et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet.

2. « Quand tombent les murs de l’asile », de Youki Vattier (2005).

Présentation : Youki Vattier, journaliste et réalisatrice, est l’auteur de nombreux films

documentaires (sur divers sujets) et coécrit également certains ouvrages (notamment sur

l’affaire Outreau : Histoire Commune, 2008). « Quant tombent les murs de l’asile » est un

documentaire réalisé en 2005 et diffusé en 2006 sur France 2. Le film a été coproduit par

France 2 et Gédéon programmes dans le cadre de la collection « La santé en Europe ».

L’objectif est de faire évoluer les points de vue sur l’institution psychiatrique en France, qui

semble, selon la réalisatrice, très en retard sur les autres pays Européens.

A travers ce documentaire, elle enquête sur les alternatives à l’enfermement des

patients psychiatriques. L’enfermement est-il nécessaire ? L’hôpital psychiatrique est-il un

lieu de soin ? Comment traiter les patients avec plus de dignité ?

Analyse : Dans cette partie, je ne traiterai pas directement des propos de la journaliste,

mais du discours des patients et des médecins qu’elle interroge.

« On était 20, 25 personnes dans une seule pièce, toute la journée. Il n’y avait pas assez de chaises pour s’assoir et on se disputait pour en avoir une. Il y a un manque de respect à la personne… la dignité humaine est un droit fondamental. Les murs de l’hôpital psychiatrique sont remplis de cris. Il n’y a rien de plus effrayant que d’entendre un cri humain. C’est la

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première chose que j’ai écouté. Entendre les bruits de clefs, les portes claquer, les gens déambuler… ce ne sont pas des choses à entendre. C’est un véritable gâchis pour moi. On m’a volé 6 ans de ma vie. J’aurais bénéficié des services d’une autre structure, peut-être que j’aurais été moins longtemps à l’hôpital. J’aurais, à l’heure actuelle, mieux supporter… Vous savez, on vous dit que vous devez être interné car vous êtes en période de crise, mais on ne pense pas à vous dire ce que vous avez fait ». Claude, interné 6 ans en hôpital psychiatrique.

« A l’hôpital, on faisait toujours la même chose. J’ai besoin d’affection et la famille accueil m’aide quand ça ne va pas. Avant, je me mutilais le visage et j’avais deux fois plus de médicaments. Maintenant, ça va mieux, et j’aurai bientôt mon autonomie ». Nacéra, aujourd’hui prise en charge dans une famille d’accueil.

« A l’hôpital, on ne mange pas ce que l’on veut, quand on veut. J’y ai perdu beaucoup de temps, et j’ai fait beaucoup de tentatives de suicide. Maintenant, j’ai un appartement, je vis comme les autres. Ma vie recommence ». Dominique a obtenu un appartement grâce à une association de réinsertion des patients psychiatrique, après 8 ans à l’hôpital.

A travers ces différents témoignages de personnes anciennement internées dans

une unité fermée, on perçoit une crainte encore vive de l’institution psychiatrique. Les

mots employés sont chargés de ressentiments. Les patients ont l’impression d’avoir perdu

leur temps dans ces murs, de ne pas avoir évolué, d’être passés à côté de leur vie. Ils

voient l’hôpital comme un lieu d’enfermement, d’infantilisation (absence d’autonomie), de

mal-être, de détresse. Le lieu est décrit comme effrayant et inutile du point de vue du soin.

Les « cris », les « murs », les « clefs » sont omniprésents dans l’esprit de Claude,

mais son internement est le plus ancien. Dominique et Nacéra ont été à l’hôpital dans un

contexte plus récent et ces mots ne ressortent pas dans leur description. Le manque

d’autonomie et de considération du patient comme une personne à part entière, la

privation des droits de citoyen, des droits humains, sont ancrés dans les murs de l’hôpital.

L’évolution de l’institution ces dernières années est palpable. Mais elle reste insuffisante

selon la réalisatrice Youki Vattier.

Des psychiatres donnent également leur opinion dans ce documentaire.

« La psychiatrie traditionnelle ne se penche que sur 10% des problèmes d’une personne car elle ne se fonde que sur la pathologie elle-même et les médicaments, et pas sur tout ce qui fait la vie d’une personne. La personne n’est pas prise en considération. Or, c’est possible de soigner une personne sans hôpital psychiatrique, c’est possible qu’ils gardent leur statut de citoyens en dehors des murs ». Masimo Marsili, psychiatre et directeur du Centre de Santé Mentale Domio (Italie).

« Je veux être un psychiatre, et non un contrôleur social. Je refuse ce rôle là, obligatoire à l’hôpital. Je souhaite redonner de la dignité au patient ». Francesco Macri, psychiatre à l’Etablissement Public de Santé Mentale de Lille.

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Ces médecins refusent l’institution psychiatrique. Ils voient l’hôpital comme un lieu

où le patient est traité sans considération et manque de dignité. Il s’agit à leurs yeux

davantage d’un lieu de contrôle que de soins. Ces derniers sont considérés comme

incomplets mais existants.

3. Conclusions

La vision de l’hôpital psychiatrique véhiculée dans ces deux films est assez

semblable entre médecins et patients.

Les personnes internées ressentent l’enfermement et l’absence d’autonomie. Elles

vivent l’absence d’espoir de sortie, le manque de dignité et de considération de la part du

personnel. Les soins prodigués, les traitements, ne sont peu ou pas abordés, comme si le

lieu avait davantage pour objectif de les maintenir en vie que de les guérir. L’institution est

décrite comme austère, dénuée de chaleur humaine ; un endroit où résonnent les bruits

de clefs et les cris.

Les médecins parlent quant à eux de « monde carcéral de la folie », qui contient

tout ce que la société rejette. L’hôpital psychiatrique est un lieu d’enfermement et non « un

espace fait pour soigner ». L’hôpital est longtemps resté un « asile » où les liens étaient

coupés. Les traitements sont décrits comme incomplets, ils passent davantage par une

médicamentation que par une réelle prise en considération du patient. L’interdiction des

droits des patients est très ressentie, et indigne le corps médical.

Ces impressions sont à considérer dans leur contexte : bien souvent, on ne parle

pas de l’hôpital des années 2010 mais de celui des années 1990 (voir des années 1960

pour le film de René Féret). De plus, elles traitent des hospitalisations de longue durée,

souvent imposées au patient. Afin d’avoir une vision plus récente et nuancée, on peut

mettre ces représentations en relation avec les propos de Catherine Montenot,

hospitalisée de son propre gré en 2011 au service de psychiatrie du CHU de Dijon.

« Lorsqu’on entre dans ce service, on passe d’abord par le couloir des gens internés d’office, ils vous regardent, on entend parfois des cris. C’est déstabilisant […] c’est plutôt effrayant. Mais je me suis habituée, j’y ai fait ma place. Au niveau du personnel, il était très sympathique et réactif. Mais cela parait toujours étrange de voir arriver pour la visite le « Grand chef psychiatre » avec 15 gamins […] ! Par rapport aux soins, le traitement ne me paraissait pas adapté. Si je les avais écoutés, j’aurais plus été droguée qu’autre chose… Cela ne m’a pas guérie mais je sais maintenant que ce type de structure n’est pas la solution pour moi. »

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L’espace psychiatrique n’est pas décrit comme rassurant, paisible. L’enfermement

n’est pas vécu par la personne. Le dialogue patient/personnel soignant est présent et

bénéficie d’une vision positive, contrairement aux soins prodigués, considérés comme

inadaptés. Les représentations sont moins négatives que celles évoquées précédemment,

mais son hospitalisation était courte et volontaire. Le vécu est donc différent. Catherine

Montenot a cependant une vision un peu différente de l’hôpital psychiatrique La

Chartreuse, à Dijon :

« J’attendais en quelque sorte un « remède miracle » et ce lieu me paraissait la seule solution pour aller mieux. J’étais déjà allée à la Chartreuse, en tant que traductrice pour la LSF (langue des signes française), et le lieu me semblait paisible, reposant ».

Cette structure lui paraissait appropriée à sa situation, comme un lieu de repos.

Cependant, elle n’y a jamais été soignée. Cela correspond plus aux représentations

qu’elle s’y faisait, après de courts passages en tant qu’intervenante extérieure.

III. A l’extérieur des murs

Que se passe-t-il derrière ces murs ? C’est une question que beaucoup se sont

posée. Lieu d’enfermement ou de soin, de guérison ou de désespoir, de pratiques

barbares et d’expérimentation ou d’aide réelle aux patients, les institutions psychiatriques

nourrissent les représentations de l’imaginaire collectif. Les « fous » déstabilisent,

effraient. L’ « asile » n’est-il qu’une prison, où on est coupé des siens ? Quelles

projections nourrissent les personnes extérieures sur l’institution psychiatrique et ses

patients ?

1. Entretien avec Williamn Gandemer, étudiant [Annexe]

J’ai interrogé cet étudiant afin de connaître ses représentations associées à l’hôpital

psychiatrique, et, dans une seconde partie, à ses patients.

« Fous, asile, enfermement… C’est plutôt un lieu effrayant, déstabilisant. On a l’impression qu’une fois qu’on y entre, on a peu de chance d’en sortir. Il s’agit davantage pour moi d’un lieu de contenance des malades mentaux que de soins. Les « fous » font peur […]. Ce qui peut aussi effrayer c’est l’impression que certaines personnes sont internées abusivement. Je pense que la plupart ne sont pas réinsérables dans la société… Mais certaines personnes qui y sont traitées ne sont pas forcément dans un environnement adapté. Les malades seraient mieux dehors que dedans.

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Je crois que [Shutter Island]1, c’est le stéréotype que je m’en fais. Mais c’est du cinéma et c’est

probablement très exagéré. Et j’imagine que ça a beaucoup évolué ces dernières années… Je suis déjà passé devant l’hôpital psychiatrique de Brumath et je vois des gens en sortir. Et ça se passe bien ! Concernant le traitement des patients, ils ne sont plus enchaînés mais il s’agit davantage de camisole chimique. Je ne pense plus qu’il y ait de pratiques barbares, comme la lobotomie. Mais je sais que les électrochocs se pratiquent toujours. J’imagine que ce n’est plus dans les mêmes conditions. Mais finalement, peut-être que certains patients souffrent de pratiques illégales et on ne le saura jamais. »

Ce témoignage met en avant des stéréotypes présents chez beaucoup d’entre

nous : l’hôpital est vu comme un lieu d’enfermement quasi-définitif. Il inquiète car on ne

sait pas ce qu’il s’y passe, quels sont les traitements administrés aux patients. La vision

évoquée par cet étudiant est paradoxale : son premier ressenti est celui de l’ « asile »

caricatural, effrayant, sans espoir de sortie, un lieu de violence… Puis au cours de son

raisonnement, il met en avant une évolution très probable ces dernières années de

l’institution, avec des traitements non barbares et des possibilités de sortie. Cependant, il

reste suspicieux. L’imaginaire construit autour de l’hôpital psychiatrique se développe

entre les films qui lui ont servi de référence, et les données actuelles qui filtrent dans les

informations acquises durant son vécu. Les deux visions s’opposent et laisse l’étudiant

incertain.

2. « Elle s’appelle Sabine », de Sandrine Bonnaire (2007)

Sandrine Bonnaire, actrice et réalisatrice, a une sœur autiste nommée Sabine. Elle

décide en 2006 de dresser un portrait de sa sœur et de sa maladie au moyen d’un

documentaire, créé entre images d’archives (filmées par elle-même dans leur jeunesse),

et images contemporaines, filmées dans le centre spécialisé qui a accueillit Sabine à sa

sortie de l’hôpital psychiatrique, où elle a passé 5 ans. Le documentaire se veut être un

témoignage saisissant d’un « avant/après » son passage dans l’institution psychiatrique :

sa sœur est méconnaissable.

A cours de ce film, la réalisatrice fait très peu de commentaires en voix off. Elle

laisse l’image parler d’elle-même. Le public retient du film que la vie de Sabine a été

gâchée en grande partie par un traitement inadapté délivré à l’hôpital. Ce lieu ne semble

1 Shutter Island (2010) est un film réalisé par Martin Scorsese. Un hôpital psychiatrique lugubre renferme de

dangereux criminels. Le film met en avant une vision sombre, chaotique, inquiétante de l’institution. Les malades sont effrayants et tiennent des discours délirants, parfois emprunts de cohérence. Les médecins sont soupçonnés d’y pratiquer des traitements suspects (lobotomies, électrochocs…).

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en rien répondre au besoin que peut avoir une personne autiste en termes de soin. Il

provoque la régression de la personne. Sabine était autonome et discutait, ne prenait pas

de médicaments, maintenant elle ne parle presque plus, tremble, bave… Mais l’auteur

nuance les propos forts communiqués par l’image :

« Sabine a commencé à aller mal dès le décès de notre frère. Elle était violente et l’institution psychiatrique nous semblait la seule solution, compte tenu qu’aucune maison spécialisée ne pouvait l’accueillir. […] Son état c’est fortement dégradé durant ces 5 années passées à l’hôpital, mais nous ne savons pas si cela résulte de sa maladie ou du traitement qu’elle a reçu là-bas ».

Cependant, le documentaire montre que depuis que Sabine a été prise en charge

dans un foyer d’accueil en Charente, à hauteur humaine, et où le personnel est attentif

aux patients, elle progresse beaucoup et son traitement médicamenteux à été allégé de

moitié.

La réalisatrice met en avant une vision de l’institution, vue de l’extérieur comme une

« boîte noire », où on ignore ce qu’il s’y passe. On ne voit que l’avant/après. Ce film laisse

une impression de trouble : l’hôpital ne soigne pas, au contraire. Le traitement est abusif et

inapproprié et altère les capacités. Une mère d’un patient témoigne :

« J’ai pris par erreur le traitement de mon fils. J’ai dormi 24heures et je suis restée incapable de me concentrer pendant plusieurs jours. On comprend pourquoi ils sont ralentis. »

Ce film permet aussi un regard différent sur les « fous » : les patients peuvent sortir

de l’asile, et la prise en charge est plus appropriée à l’extérieur des murs. Ils ne

représentent pas un danger.

3. « Quant tombent les murs de l’asile », de Youki Vattier (2005)

Dans son documentaire, la journaliste explique qu’en Italie, les hôpitaux

psychiatriques sont fermés depuis 1974. L’institution est présentée comme un lieu où la

condition humaine est bafouée et où l’état des malades ne cesse d’empirer. Les patients

peuvent très bien être pris en charge à l’extérieur, ils peuvent être libres et autonomes.

Elle interroge le modèle français :

« Sommes-nous prêts à vivre avec des fous autour de nous ? Associer folie et violence est un préjugé, cela ne concerne qu’une minorité des cas ».

Page 16: Rapport Cinéma, littérature et médecine   Tiffany SARRE

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L’auteur montre du doigt les fausses représentations que l’on associe aux patients,

mais elle contribue à assoir les stéréotypes liés à l’institution psychiatrique (enfermement,

désespoir, inconsidération…). Aucune image n’est tournée à l’intérieur d’un tel bâtiment.

4. Conclusion

Le grand public se représente les hôpitaux psychiatriques comme un lieu

d’enfermement, où la condition du malade se détériore. C’est le lieu de la dernière chance,

quand aucune autre solution n’est envisageable :

« Je voulais y faire un séjour de plein gré, car je ne voyais pas d’autres issues. Je souffrais beaucoup et j’étais persuadée qu’en tant que professionnels, le personnel de l’hôpital allait mieux comprendre ce que je vivais. Mon intention était aussi de soulager ma famille ». Catherine Montenot, ex-patiente.

« Je me sens éloigné des gens qui sont dans ce type de structure. Mais j’y entrerais si j’avais l’impression que c’était la seule solution restante ». Williman Gandemer, étudiant.

Leurs représentations sont chargées de fantasmes car ils n’ont jamais vu ce qu’il se

passe derrière les murs. L’imaginaire se construit autour de films de fiction présentant

l’institution comme un endroit effrayant. Les personnes extérieures ont peur de cet

espace, peur d’y rester piégées, d’y devenir « fou » au lieu d’être soignées. Elles

redoutent le « complot » qui pourrait les faire enfermer contre leur gré. Elles craignent les

patients même si leur impression est plus positive que celle rattachée aux « murs ».

Le message véhiculé dans les documentaires cités précédemment est incomplète,

il nourrit ces projections, car on ne pénètre pas dans la « boîte noire » que constitue

l’hôpital psychiatrique. L’image associée aux patients se veut extrêmement rassurante et

rend inutile le rôle de l’institution. Il me parait fondamental de rappeler que certains

patients peuvent être dangereux pour eux même et ont besoin d’une prise en charge

spécifique et au long terme. Les documentaires se veulent critiques mais ils ne traitent que

d’une partie du problème, que d’un idéal alternatif. Or, si ces patients étaient libres,

nombre d’entre eux finiraient en prison, un lieu probablement moins adapté que ces

instituions.

L’hôpital psychiatrique vu par les personnes extérieures est souvent loin de la

réalité contemporaine de ces établissements. Les films qui diabolisent cette institution sont

très nombreux, et rares sont ceux qui reflètent l’actualité de cet espace.

Page 17: Rapport Cinéma, littérature et médecine   Tiffany SARRE

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Conclusion

L’hôpital psychiatrique est perçu comme une microsociété coupée du monde,

composée de personnes inadaptées à la vie « normale ». Les perceptions entre les

patients, le personnel et les personnes extérieurs restent étrangement proches, mais cela

s’explique par les supports que j’ai choisis (chacun dénonce l’institution, les médecins

interrogés sont donc contre l’hôpital). Nombreuses sont les personnes qui pensent qu’une

fois entré, on ne peut en sortir. Cela n’est pas sans rappeler la condition des lépreux,

auparavant isolés dans des ladreries, comme en témoigne le film L’ordre, de J. D. Pollet.

Les films étudiés ici n’offrent qu’une vision partielle de l’institution psychiatrique : les

unités ouvertes ne sont pas abordées, alors qu’elles concernent la majorité des patients.

Des services variés aident réellement certaines personnes. Concernant les unités

fermées, la prise en charge n’est peut être pas idéale car il ne peut y avoir un suivi correct.

Par exemple, Sabine aurait eu besoin d’un environnement stimulant, avec des personnes

présentes en permanence - ce qui est impossible dans un hôpital où le nombre de patients

à traiter est énorme. Pourtant, l’institution psychiatrique a évolué elle aussi, contrairement

aux représentations qui y sont liées.

Nombreux sont les patients qui peuvent sortir des murs. Les lieux décrits comme

austères par la plupart des films de fiction, avec tous ces « fous - dangereux », ne reflète

pas la réalité d’aujourd’hui. L’imaginaire se développe d’autant plus que les personnes

extérieures n’ont aucune idée concrète de la vie dans ces édifices. Leurs représentations

s’emmêlent, entre une vision de prison et un lieu de soin. Les traitements sont souvent

perçus comme inappropriés (y compris par les médecins).

La situation du malade préoccupe : il semble dépourvu de ses droits fondamentaux.

Le risque de devenir un patient fait peur : peur des autres malades, peur de rester piégé à

vie dans l’institution, d’y devenir fou, et d’être rejeté par la société. On a peur de ne plus

avoir la parole, de ne plus être écouté. Ne serait-ce pas l’inverse qui se produit lors d’une

psychothérapie ? Faut-il faire tomber les murs pour que les représentations évoluent ?

Aujourd’hui, l’hôpital psychiatrique est un lieu d’accueil, de soin, et de recherche comme

n’importe quel hôpital. D’ailleurs, son appellation a changé : on parle de CH et non plus de

CHS.

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Références :

Filmographie :

- Histoire de Paul de René Féret, 1975, 72 min, Les films Arquebuse - CNC

- Quand tombent les murs de l’asile de Youki Vattier, 1998, 55 min, GEDEON

programmes

- Elle s’appelle Sabine de Sandrine Bonnaire, 2007, 85 min, Mosaïque Films

Bibliographie :

Eléments pour une histoire de la psychiatrie occidentale, de Jacques Postel

Webographie : (pages consultées le 23/12/12)

Concernant le film Histoire de Paul :

- Biographie de René Féret :

http://reneferet.com/biographie.php5

http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-1553/biographie/

- Prix Jean Vigo : http://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_Jean-Vigo

Concernant Quand tombent les murs de l’asile :

- Critique : http://www.argos2001.org/spip/spip.php?article246

Histoire de la psychiatrie et des instituts qui y sont consacrés :

- http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_psychiatrie

- http://psychiatrie.histoire.free.fr/hp/hp.htm

- http://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_des_Hospitaliers_de_Saint_Jean_de_Dieu

- http://fr.wikipedia.org/wiki/Psychiatrie_de_secteur

- http://fr.wikipedia.org/wiki/Plan_sant%C3%A9_mentale_2005/2008

- http://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/content/20120618STO47109/html/

Surendettement-et-sant%C3%A9-mentale-le-co%C3%BBt-humain-de-la-crise

- CHS La Chartreuse : http://fr.wikipedia.org/wiki/Chartreuse_de_Champmol

- Tableau de Tony Robert-Fleury :

http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Charcot_blanche.jpg?uselang=fr

- Caricature de la CFDS :

http://www.fed-cfdt-sante-sociaux.org/content/la-sante-mentale-merite-mieux-qu-un-

amenagement-de-pure-forme

Rencontres et entretiens :

- Catherine Montenot, ex-patiente

- William Gandemer, étudiant

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Annexes :

I. Entretien avec Catherine Montenot, ex-patiente.

II. Entretien avec William Gandemer, étudiant.

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Annexe I : Entretien avec Catherine Montenot, hospitalisée cinq semaines pour une

dépression majeure en 2011, au service de psychiatrie générale du CHU de Dijon, selon

son propre consentement.

Pourquoi souhaitiez-vous faire un séjour en hôpital psychiatrique ?

Je voulais y faire un séjour de plein gré, car je ne voyais pas d’autres issues. Je

souffrais beaucoup et j’étais persuadée qu’en tant que professionnels, le personnel de

l’hôpital allait mieux comprendre ce que je vivais. Mon intention était aussi de soulager ma

famille.

Pensiez-vous qu’une telle structure pouvait être adaptée à votre situation ?

Oui, car j’attendais en quelque sorte un « remède miracle » et ce lieu me paraissait

la seule solution pour aller mieux. Mais je m’attendais à un endroit plus « zen ». J’étais

déjà allée à la Chartreuse, en tant que traductrice pour la LSF (langue des signes

française), et le lieu me semblait paisible, reposant.

Vos représentations ont-elles changées depuis votre séjour ?

Je n’ai pas été affectée à la Chartreuse mais dans le service psychiatrique de

l’hôpital général. Lorsqu’on entre dans ce service, on passe d’abord par le couloir des

gens internés d’office, ils vous regardent, on entend parfois des cris… C’est déstabilisant.

Puis on arrive aux chambres avec des personnes présentes de leur propre gré. Ça ne

parait donc pas accueillant, c’est plutôt effrayant. Mais je me suis habituée, j’y ai fait ma

place. J’avais le droit de sortir. Au niveau du personnel, il était très sympathique et réactif.

Mais cela parait toujours étrange de voir arriver pour la visite le « Grand chef psychiatre »

avec 15 gamins qui sont tous plus fatigués les uns que les autres !

Et par rapport aux soins que vous avez reçus ?

Ce n’était pas le remède miracle que j’espérais, mais faire cette démarche m’a aidé.

Le fait d’être sans ma famille, de changer d’environnement, a été bénéfique. Le traitement

ne me paraissait pas adapté. Si je les avais écoutés, j’aurais plus été droguée qu’autre

chose… Cela ne m’a pas guérie mais je sais maintenant que ce type de structure n’est

pas la solution pour moi.

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Annexe II : Entretien avec William Gandemer, étudiant en Relations Internationales à

l’Université de Strasbourg.

Si je vous dis « hôpital psychiatrique », qu’est-ce qui vous vient à l’esprit ?

Fous, asile, enfermement… C’est plutôt un lieu effrayant, déstabilisant. On a

l’impression qu’une fois qu’on y entre, on a peu de chance d’en sortir. Il s’agit davantage

pour moi d’un lieu de contenance des malades mentaux que de soins.

Est-ce que ce type de structure, ou les patients qui y sont traités, vous fait peur ?

Les « fous » font peur à la société, c’est peut-être pour cela qu’on les enferme. Ce

qui peut aussi effrayer les gens, c’est l’impression que certaines personnes sont internées

abusivement, notamment sous la demande d’un tiers qui aurait de l’influence…

En réalité, beaucoup de personnes font de courts séjours de leur plein gré et sont

libres de sortir. Est-ce que vous pensez qu’en cas de crise (dépression grave par

exemple) vous pourriez vous y rendre selon votre propre consentement ?

Je me sens éloigné des gens qui sont dans ce type de structure. Mais j’y entrerais

si j’avais l’impression que c’est la seule solution restante.

Pensez vous que les patients psychiatriques peuvent être réinsérés dans la

société ?

Je pense que la plupart ne sont pas réinsérables… Mais certaines personnes qui y

sont traitées ne sont pas forcément dans un environnement adapté. Par exemple, pour

l’autisme, ce type de structure n’est pas approprié. Les malades seraient mieux dehors

que dedans.

Est-ce que votre représentation des hôpitaux psychiatrique se rapproche de celle

mise en avant dans le film « Shutter Island » ?

Je crois que oui, c’est le stéréotype que je m’en fais. Mais c’est du cinéma et c’est

probablement très exagéré. Et j’imagine que ça a beaucoup évolué ces dernières

années… Je suis déjà passé devant l’hôpital psychiatrique de Brumath et je vois des gens

en sortir. Et ça se passe bien ! Concernant le traitement des patients, ils ne sont plus

enchaînés mais il s’agit davantage de camisole chimique. Je ne pense plus qu’il y ait de

pratiques barbares, comme la lobotomie. Mais je sais que les électrochocs se pratiquent

toujours. J’imagine que ce n’est plus dans les mêmes conditions. Mais finalement, peut-

être que certains patients souffrent de pratiques illégales et on ne le saura jamais. On n’a

pas vraiment conscience de la réalité de ces institutions aujourd’hui.


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