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Animal Genetic Resources Information, No. 21, 1997

Planchenault et Boutonnet

Conservation de la diversité des ressources génétiquesanimales dans les pays d’Afrique francophone sub-saharienne

D. Planchenault1 & J.P. Boutonnet2

1CIRAD-EMVT, Paris, France2INRA, Montpellier, France

AGRI 1997 21: 1-22

Résumé

A la suite de la conférence des Nations Uniessur l’environnement et le développement(CNUCED, Rio 7 juin 1992) et la conventionglobale sur la biodiversité, la FAO aprogrammé neuf missions à travers le mondepour identifier des projets pouvant contribuerà la conservation des ressources génétiquesdes animaux domestiques. Le présent papierexpose le résultat de la mission concernant lespays d’Afrique francophone sub-saharienne.L’approche des races est fondée sur la priseen compte des contraintes du milieu, desobjectifs de l’élevage, des marchés desproduits et des structures sociales impliquées.L’inventaire fait ressortir la grande diversitédes races d’animaux de ferme, liée à ladiversité des modèles d’élevage et de leursobjectifs. Les races sont mal caractérisées,leurs effectifs sont mal connus. Les typesgénétiques sont adaptés à des modèlesd’élevage en pleine évolution sous l’influencedes marchés des produits et de la pressiondémographique. Les élevages intensifs(villageois ou industriels) se développent plusvite que les élevages extensifs (pastoraux oude basse-cour). Il en résulte que les caractèresgénétiques privilégiés par les éleveursévoluent profondément. Il est donc nécessairede mieux caractériser les races d’animaux deferme et de rechercher les critèresd’adaptation du cheptel à une exploitationplus intensive et mieux orientée.

Summary

Following the United Nations Conference onthe Environment and Development (UNCED,Rio de Janeiro, June 7, 1992) and the GlobalConvention on Biodiversity, FAO plannednine missions around the world to identifyprojects that could contribute to theconservation of the genetic resources ofdomesticated animals. This paper presentsthe results of the mission undertaken in theSub-Saharan francophone countries of Africa.The approach followed with regard to thebreeds took into consideration theenvironmental constraints, the breeding andproduction objectives, the markets of theproducts and the existing social structures.The inventory reflects the great diversity ofthe farm animal breeds which is the result ofthe diversity in breeding practices and modelsand of their objectives. The breeds are badlycharacterised and their numbers are not wellknown. The genetic types are adapted toproduction models which are in full evolutionunder the influence of the existing marketsand that of their population pressure. Theintensive animal farms (village or industrial)develop much faster than the extensive ones(pastoral or farm...). The result is a majorchange of the genetic characters favoured bythe breeders choices. It is thus necessary tounderstand and characterise better the farmanimal breeds and look for criteria ofadaptability of the herds to the more intensiveand more purpose oriented exploitation.

Key words: Race locale, Zébu sénégalais,Catalogue, Biodiversité, Evolution de l'élevage

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2Conservation de la diversité des ressources génétiques animales d’Afrique

Introduction

Le continent africain est détenteur d’unepartie importante de la diversité des animauxdomestiques. Il abrite les espècesdomestiques les plus représentatives (bovins,ovins, caprins, porcins, équins, asins,camelins) sans omettre les volailles (poules,pintades, canards, dindons, oies) et certainsrongeurs (lapins et aulacodes). Quelque 400espèces ou variétés d’animaux domestiquessont reconnues en Afrique. Quelques-unes deces espèces ont été remarquablementétudiées, mais une grande majorité d’entreelles n’a fait l’objet que de peud’investigations. L’étude récente, publiéedans le World Watch List, n’a pu rassemblerune information significative que sur 180 des400 races (ou variétés) connues mais parfoisuniquement décrites par leur nom et leurrépartition géographique.

Avant d’aller plus loin, il convient de faireune mise au point sur l’emploi de certainstermes. Dans ce document, le terme de racesera employé dans un sens extrêmementlarge. Il pourra s’agir de véritables racesisolées, parfaitement connues et étudiées(comme le bovin Kouri du Lac Tchad), ou depopulations, isolats, familles, sous-famillesqui ont été décrits dans certains documents,mais pour lesquels les travaux decaractérisation sont peu avancés ou nonréalisés. Deux exemples illustrentparfaitement cette situation. Les chèvresArabe, Maure, Touareg, du Sahel voltaïque,du Kanem etc. sont-elles toutes différentes?Le porc de Korhogo de Côte d’Ivoire est-ildifférent du porc de Dapaong du Togo? Danstous les cas, le terme de “race” sera employé.

Pour le terme de conservation, nousutiliserons la définition donnée dans la“Stratégie mondiale de la Conservation” qui aété préparée par l’Union internationale pourla conservation de la nature et de sesressources (UICN), en collaboration avecl’Organisation des Nations unies pourl’éducation, la science et la culture (UNESCO),l’Organisation des Nations unies pourl’alimentation et l’agriculture (FAO), leProgramme des Nations unies pourl’environnement (PNUE) et le World Wildlife

Fund (WWF). La conservation, c’est lagestion, en vue de l’utilisation par l’homme,de la biosphère, dans le but de retirer lemaximum d’avantages pour la générationactuelle, tout en maintenant son potentiel,afin de pouvoir satisfaire les besoins et lesaspirations des futures générations. Laconservation est donc un concept positif quicouvre la préservation, l’entretien, l’utilisationdurable, la restauration et l’amélioration del’environnement naturel.

La préservation proprement dite est lapartie de la conservation qui consiste à isolerun échantillon d’une population de souchesgénétiques animales pour l’entretenir dans unenvironnement exempt des forces humainesqui risquent de provoquer une modificationgénétique. Ce procédé peut être effectué insitu, les spécimens étant alors des animauxvivants, dans leur environnement naturel, ouex situ, les échantillons étant préservés parexemple par stockage cryogénique. Ceconcept est beaucoup plus statique que leprécédent puisqu’il parle d’isolement mais iln’exclut pas des actions de valorisation.Seules les actions de l’homme pouvantentraîner des modifications génétiques sontrejetées.

Le problème de l’évolution en fonction descontraintes de milieu n’est pas abordé.

A un stade intermédiaire, la conservationpar la gestion consiste à soumettre unéchantillonnage, ou l’ensemble d’unepopulation animale, à une modificationgénétique contrôlée dans le but d’entretenir,d’utiliser, de restaurer ou d’améliorer lesressources génétiques animales en vue d’uneproduction spécifique donnée. En effet, lamanière souvent la plus efficace de conserverles ressources génétiques, est d’aider lesagriculteurs à mettre en valeur leurs races et àles utiliser. Les critères d’amélioration sont leplus souvent quantitatifs, dans le cas del’Afrique où la productivité des animaux restefaible. Les critères de qualité en vigueur dansles pays développés (composition du lait,forme et état d’engraissement des carcasses)n’ont pour le moment pas d’intérêt puisqueaucun circuit commercial n’est capable de lesvaloriser. En revanche, certains critèresdoivent être conservés au cours del’amélioration génétique sous peine de faire

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perdre tout débouché au produit. Il en vaainsi de la couleur des ovins de Tabaski, despoulets destinés au sacrifice. Le format desanimaux est également important enproduction de viande car il détermine le typede préparation culinaire. Des porcs de 80 kgn’ont aucune chance d’être vendus si lapopulation a l’habitude de consommer desporcs de 20 kg!

C’est dans ce contexte du Programme deConservation et de Gestion des RessourcesGénétiques Animales dans le monde que laFAO a entrepris d’identifier et de décrire lesdifférentes races d’animaux domestiquesreconnues et de repérer les principauxproblèmes liés à la conservation de labiodiversité. Compte tenu des différencesimportantes qui peuvent exister entre lesmilieux, les conditions climatiques, lessystèmes d’élevage, les systèmes deproduction ou les conditions socioculturelles,les objectifs attendus devaient rechercher unemeilleure adéquation possible entre ledéveloppement de l’animal et son maintiendans l’écosystème qu’il valorise. Pour rendrel’ensemble compréhensible, il était essentield’uniformiser le mode de collecte del’information sur les différentes races. Danscet esprit fut créé le système d’informationsur la diversité des animaux domestiques(GIS-DAD ou Global Information System forDomestic Animal Diversity) dont la partievisible actuellement, outre les questionnaires,est représentée par le World Watch List. Cedocument essentiel doit être mis à jour defaçon permanente grâce à une base dedonnées en liaison directe avec lesmodifications du milieu ou desconnaissances.

Méthodologie de Travail

Le travail présenté ici appartient à unensemble de neuf missions planifiées àtravers le monde, par la FAO1, pour identifieret sélectionner les projets pouvant contribuerde façon significative à la conservation de ladiversité des différentes espèces d’animauxdomestiques. Il s’intéresse essentiellement àl’Afrique francophone sub-saharienne(Angola, Bénin, Burkina Faso, Burundi,

Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali,Mauritanie, Niger, République Centrafricaine,Sénégal, Tchad, Togo).

Pour chacune des espèces considérées(bovins, ovins, caprins, équins, asins, porcins,camelins, volailles), nous avons recherché lenom de la race de façon aussi précise quepossible. La précision se réfère à l’emploi localqui est fait de cette race. Ainsi le zébu WhiteFulani est enregistré sous ce terme si cettedésignation correspond à un emploi courant.Le terme Akou ou Fulani peut être réservé àla description d’une autre race dans un autreenvironnement. Si, communément, il n’estpas fait de différence dans l’emploi de cesdifférents termes, ces derniers sont placés ensynonymes. Tous les synonymesorthographiques sont notés (Azawak, Azawa,Azawal, Azaouak). Ce premier énoncé prenddéjà en compte la définition de la race qui aété donnée antérieurement. Le sens très largede cette définition permet de considérerl’emploi usuel d’un terme comme pouvantcaractériser une race particulière. Au seind’une espèce, l’action de l’homme ou d’autresfacteurs (climatiques, géographiques,géologiques, sociologiques, etc.), a créé desraces qui ont été modifiées, modelées par cesmêmes éléments. A l’évidence, le principe deposer comme différentes, deux populationsd’animaux domestiques pouvant porter lemême nom dans des sites différents, neprésage en rien sur la conclusion finale del’existence ou non d’une différence réelle. Al’inverse, deux races classiquementconsidérées comme différentes pourront trèsbien être jugées identiques à l’issue d’étudesspécifiques sur des critères de production, dephanéroptiques, de composition sanguine ouenzymatique ou de structure chromosomique.Les outils d’investigation utilisés par l’hommedéterminent, là encore, la vision qu’il estpossible d’avoir à un instant donné, sur les

1Ce document est tiré d’un travail réalisé en1995 pour le compte de la FAO. Les deuxvolumes composant ce travail peuvent êtreobtenus auprès de la FAO - Rome. Les auteursremercient la FAO d’avoir autorisé cettepublication.

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races d’animaux domestiques.La localisation est certainement un des

facteurs essentiels au processus de création etde maintien des races. Les hommes au coursde leurs migrations ont emmené avec euxleurs animaux et créé des isolats qui portent,soit le nom du lieu de migration (mouton duMacina), soit le nom de l’ethnie ayant effectuéce déplacement (mouton Mossi). Ces racesont été modifiées et adaptées au systèmed’élevage mis en place par les éleveurs. Lemode d’élevage intensif ou extensif,sédentaire, transhumant ou nomade influecertainement sur le choix primitif des races.Toutefois, il est difficile de dire si l’existenced’une race déterminée a contraint l’éleveur àun mode d’élevage spécifique ou si ce derniera été obligé de façonner sa race afin derépondre aux contraintes techniques que luiimposait le milieu. Seules, des étudesphylogénétiques nous permettraient derépondre à cette question.

La même remarque peut être faite pour ladétermination des aptitudes de certainesraces. Contrairement à ce qui peut se passeren Europe par exemple, il est certain qu’enAfrique certaines spécificités comme, pour lesraces bovines, la production de lait ou de

viande, ne sont pas aussi nettement déclarées.Mais il faut se garder de porter uneconclusion trop hâtive qui serait de considérerla majorité des races bovines africainescomme mixtes. En fait, la spécificité d’unerace est déjà le signe d’un travaild’amélioration génétique réalisé par l’homme,soit de façon empirique, soit de façon plusorganisée. Il y a alors mise en place d’unprogramme de sélection plus ou moinsdéclaré et utilisation de critères de sélectionqui, dans tous les cas, constituent le supportde l’action humaine. Cette qualité spécifiqueest celle donnée par les scientifiques. Ellecorrespond au caractère P de l’animal surlequel est basée la sélection. Dans le cas d’unobjectif d’amélioration de croissance d’unanimal, le critère et l’objectif de sélection serejoignent puisqu’il est possible, pouratteindre l’objectif, de sélectionnerdirectement sur la croissance. La définition dece critère de sélection est beaucoup pluscompliquée lorsque le plan d’amélioration est,lui-même, plus sophistiqué (utilisation desascendants, des descendants, des collatéraux,sélection multiple). L’objectif a orienté lechoix du critère et a finalisé la race.

Bien que rien ne nous autorise à le faire, il

Figure 1. Race locale équine - Transport et parade (Niger)

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est possible d’admettre que les ancêtres denos éleveurs africains actuels n’avaient pas lesméthodes suffisantes pour effectuer unesélection comme nous la concevonsaujourd’hui. Mais ce serait bien mal lesconsidérer que de ne pas leur reconnaître lacapacité d’avoir choisi judicieusement uncritère de sélection en accord avec leurobjectif. Il est alors préférable de s’interrogersur notre propre faculté à concevoir descritères qui n’entrent pas dans laproblématique de notre société d’aujourd’hui.Il ne faut pas oublier que, dans l’histoire decertaines grandes races productives actuelles,seulement une poignée d’hommes,dynamiques, décidés et sans doutevisionnaires, ont amené une race à grandespécialisation qui correspondait aux objectifsactuels. Les outils développés se rapportentbien évidemment à leurs besoins. Lagénétique africaine est entachée de cettehistoire. Il est facile, dans ces conditions, deparler de finalité lait ou viande. Mais rienn’interdit de penser à des aptitudes àl’exploitation de certains pâturages, à larésistance à certaines pathologies, à lavalorisation de certains milieux, à lathésaurisation, à la confection d’une dot ou àla célébration de rites sociaux ou religieux. Ilfaut bien avouer que nos outils d’aujourd’hui

sont bien mal adaptés pour répondre à unetelle demande ou plus simplement à unemesure de ces critères. Ces aspects sontsouvent éludés faute de référence mais il n’endemeure pas moins qu’ils ont, sans doute, étéà l’origine de la création de certaines races.

Les races sont pour nous des ensemblesd’animaux qu’un groupe humain reconnaîtcomme faisant partie de cette race. Leprincipe d’appartenance peut être fondé surdes critères phanéroptiques héritables (taille,cornage, couleur, toison,...) ou sur desperformances, ou sur l’ascendance. Ladiversité des races existantes à un momentdonné répond à la diversité des contraintes del’élevage et à celle des objectifs de l’élevage.Elle est accrue par le poids de l’histoire:chaque population animale est le résultatd’une longue évolution des systèmesd’élevage.

Homogènes sur les critères d’appartenancesur lesquels chaque race est construite, lesdifférentes races d’animaux peuvent êtrehétérogènes sur d’autres critères. C’estd’ailleurs ce qui fait qu’on peut améliorer laproduction moyenne d’une race par sélection.La préservation de la biodiversité concernealors autant la préservation des différentesraces, que celle de la diversité à l’intérieur dechaque race.

Figure 2. Race locale asin - Exhaure de l'eau (Niger)

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Dans ce contexte, le croisement ne porteatteinte à la biodiversité que si l’une des racesentrant dans sa réalisation voit sonimportance relative diminuer au cours dutemps, et si les gènes présents chez cette racesont absents dans les autres races. Aucontraire, dans certains cas, la pratique ducroisement peut préserver des gènes, soitgrâce à une nouvelle race fixée, soit grâce aumaintien obligé des races parentales à qui lestroupeaux croisés fournissent un débouchérémunérateur.

Il est possible, alors, de considérer les racesd’animaux d’élevage comme des “construitssociaux” réalisés autour d’un ensemble decontraintes d’élevage et d’un ensembled’objectifs d’utilisation des animaux. Lesraces qui ont connu une grande expansion nedoivent pas seulement leur succès à desqualités biologiques particulières(performances de production élevées etadaptation aux modes d’élevage les plusrépandus). Elles le doivent aussi audynamisme d’un groupe humain particulier(collectif d’éleveurs, ou firme privée) quiorganise la sélection des animaux, la maîtrisedu potentiel génétique, la promotion et lavente des reproducteurs, et enfin la

répartition de la rente générée entre tous lesacteurs. Cela signifie qu’il doit être possiblede trouver, dans d’autres races, d’aussibonnes qualités que dans les races dites“améliorées “ si un bloc social prend encharge le long travail d’organisation que celanécessite.

Mais les races évoluent dans leurscaractères sous la pression des changementsqui se produisent soit dans les conditionsd’élevage, soit dans les objectifs deproduction. Cette évolution peut se faire par

tri des reproducteurs à l’intérieur de la race(sélection) ou par introduction dereproducteurs extérieurs (croisement). Laplupart des races sont de fait issues decroisements. Ce raisonnement aboutit àexclure la notion de race pure. Aucune racen’est “pure”, au sens de sans mélange. Carcela signifierait, à l’extrême, qu’elle seraitissue d’un seul individu (clone!). Il noussemble difficile de nier l’existence et le grandintérêt des brassages de gènes.

Enfin, il était important de replacer cesraces dans un contexte économique. La priseen considération d’une race quelconque parun éleveur, et par là même son maintien etson développement, ne peut être effective que

Figure 3. Race locale asin - Transport de l'eau (Tchad)

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si ce dernier a un intérêt certain à s’engagerdans cette voie. Cet avantage peut êtreimmédiatement perçu lorsque l’animalintervient directement dansl’autoconsommation familiale ou plusindirectement lorsque les produits ont uneforte valeur commerciale. Dans tous les cas, ily a entre l’homme et l’animal partage del’espace et des ressources du sol. Les racesbovines adaptées à un élevage extensif sontdélaissées au profit des cultures céréalièreslorsque l’augmentation de la population lenécessite ou lorsque cette spéculation est plusrentable. Les modifications sont alorsimportantes. L’éleveur peut abandonnercertaines espèces d’animaux domestiquespour rechercher des espèces mieux adaptéesaux nouvelles donnes. Il peut aussi modifierla race utilisée antérieurement pour répondreaux contraintes que lui indiquent les circuitscommerciaux. La conservation d’une race enl’état ne peut s’entendre alors que dans unmilieu relativement fermé oùl’autoconsommation du service ou du produitpeut permettre son maintien à long terme.Dans tous les autres cas, il y a évolution ducheptel fournissant une réponse aux besoins.Il doit y avoir une véritable gestion qui

autorise le développement sachant que detout temps l’animal s’est adapté à l’homme. Ilsemble utopique aujourd’hui de penserpouvoir arrêter ce processus. Il est préférablede le gérer en tentant de minimiser les pertes.

La deuxième partie du travail réalisécherchait à décrire, pour chaque pays, quatreou cinq situations clés. La pertinence pouvaits’appliquer à une race, une localisation, unecaractéristique ou un système particuliers. Lasituation choisie se devait d’avoir un rôle àjouer ou une place bien définie dans lastructure de l’élevage du pays considéré. Ons’est attaché à décrire la situation de façonclaire et précise sachant qu’il est possible des’attacher à un animal de race donnée (cas parexemple du mouton du Macina, du porc deDapaong), à une production particulière(bœuf de travail, pintade couveuse, chamellelaitière par exemple), à une localisation biendéterminée (chèvre de Maradi, pintade deDori, porc de Korhogo) ou à un systèmed’élevage caractéristique (système sédentaireextensif en Mauritanie, potentialités d’élevagedans le delta intérieur du Niger au Mali). Desopérations de conservation ne peuvent êtreentreprises que dans un contexte économique

Figure 4. Race locale camelin - Caravane et transport (Niger)

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animaux, une espèce ou une race se formelorsqu’elle subit un isolement. Le plussouvent, il s’agit d’un isolementgéographique. Parfois, il est comportemental.Il apparaît alors comme extrêmementparadoxal que, dans de nombreux pays, unedifférence importante puisse être faite etqu’une séparation nette puisse être établieentre l’élevage et l’environnement. Cetteréalité est le fruit de l’histoire. Il n’est pluspossible d’être l’avocat d’une telle situation.L’animal domestique comme l’animalsauvage interfère sur l’environnement et surla gestion que peut en faire l’homme. C’estune nouvelle philosophie.

Inventaire

Le catalogue des races est impressionnantpuisque 44 races bovines, 28 races ovines, 19races caprines, 7 races asines, 11 raceséquines, 7 races camelines, 17 races porcineset 13 races de volailles ont été décrites. Il faut,cependant, moduler cet inventaire puisquel’étude est placée systématiquement au

défini, rentable pour l’éleveur et dans desconditions sociales acceptables. Les facteursfavorisants et limitants doivent êtrerépertoriés.

En conclusion, il apparaît que la notionprimitive d’invariabilité des espècesprésentes et des races utilisées peutfacilement être supplantée par une idéebeaucoup plus évolutive. Cette fixité initiale aprôné l’utilisation universelle, dans la plupartdes conditions de production, de quelquesraces d’animaux domestiques dites“supérieures”. Elle développait descampagnes de croisements, de vented’animaux améliorateurs ou d’inséminationartificielle. Elle générait des échecs dans desmilieux mal adaptés ou en évolution. Enprenant comme base de réflexion non plusl’animal mais le milieu qui évolue eninteraction avec l’homme, il est possible deconsidérer l’animal comme un ensemble degènes organisés pour valoriser une situationtemporaire. Le problème réside uniquement,de ce fait, dans la gestion de la durée. Lanotion même de race est liée à celle de sonmilieu. Au point de vue de l’évolution des

Figure 5. Zébu sénégalais - Attente avant l'abreuvement (Sénégal)

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niveau des pays. Il peut y avoir redondanced’information. Une même race, avec ladéfinition qui a été donnée antérieurement,peut se trouver décrite dans divers pays sansqu’il soit possible de dire s’il y a ou non devéritables différences. Par exemple, les bovinsN’Dama du Mali et de Guinée sont sansdoute identiques. Mais, au Mali, unecoloration fauve et sans tache est admise. Lesrobes tachetées y sont quasiment inexistantes.La couleur “froment ordinaire” ne représenteque 16 p.100 de la population. En Guinée,toutes les couleurs, du blanc au noir enpassant par le marron, sont admises. De lamême façon, les N’Dama de Guinée et duSénégal se différencient par une taille plusélevée chez ce dernier. Une même race peutavoir un nom différent d’un pays à l’autre etavoir été considérée plusieurs fois.

A la lecture de cette liste, qui est le strictreflet des questions posées, il apparaît quedans tous les cas (exception faite pour leBénin), il n’y a pas d’évaluation des effectifspar race. Cette situation est importante. Lesestimations du cheptel sont faites, lorsqu’ellesexistent, par espèce et/ou par région. Il estrare de pouvoir disposer d’une évaluation parrace. Lorsque celle-ci existe, elle est souventfantaisiste. Il est impératif que, dans le cadred’un programme prenant en compte laconservation du matériel génétique desanimaux domestiques, il soit possible deconnaître avec une bonne précision l’état deseffectifs d’une race. Si la mise en place d’unrecensement n’est pas du domaine de cetteétude, il est important d’y signaler quel’identification des animaux domestiques estun préalable à toute connaissance du cheptel,au moins pour les grandes espèces (bovins,camelins, équins). Elle nécessite une volontépolitique qui peut être le premier engagementmarqué d’un pays pour le respect del’Agenda 21.

Chez les bovins, l’extrême éclatement desraces donne un exemple concret de l’intérêtd’une recherche permanente d’unecorrespondance entre la position de l’homme(positions géographique, sociale, économique,religieuse) et son choix pour une race qu’iltransforme et améliore. Les bovins de racePeul sont rencontrés en Mauritanie. Au Mali,il existe un zébu Peul Toronké qui est très

proche du précédent. En Côte d’Ivoire, serencontre le zébu Peul soudanien. Ce bovinest caractéristique mais sans doute voisin desprécédents car fortement lié aux éleveurs quesont les Peul. Au Sénégal, le zébu Gobra estaussi appelé le Senegal Fulani qui est uneterminologie aussi employée pour le RedFulani et pour le White Fulani du Cameroun.Ces deux dernières races sont aussi appeléesrespectivement Red Mbororo et WhiteMbororo. Elles sont distinguées du zébuGoudali de l’Adamaoua qui est aussi un zébuPeul du Cameroun. Il apparaît donc biendifficile, en l’état actuel de nos connaissances,d’établir des frontières entre les races. Il neserait pas logique de considérer le zébu Peul,le Gobra, le Toronké, le Goudali, le Mbororoet le Peul soudanien puis de ne reconnaîtrequ’un seul type de bétail N’Dama.

A cet ensemble de races bovines sesurajoute l’ensemble des croisements qui ontpu être effectués dans les pays. Le plustraditionnel et le plus facile à reconnaître estcelui qui est pratiqué à la frontière des zones àglossines et des zones sans glossines. Cecroisement zébu/taurin est appelé Djakoré auSénégal, Bambara au Mali (on trouve aussi leterme de Djakoré, ou taurin du Kaarta). Unpeu partout, on utilise le terme de Méré. Danstous les cas, il est fait référence au N’Dama ouau Baoulé mais rarement à un type particulierde zébu. De cette relative uniformité, ilsemble difficile de vouloir y reconnaître uneseule “race” de N’Dama, tout en admettantplusieurs types de zébus. Il est plus judicieuxde vouloir respecter l’usage des éleveurs quine différencient pas le zébu intervenant dansle croisement avec le N’Dama. Cela ne signifiepas qu’il n’y a qu’une seule race de zébu oude N’Dama mais qu’il n’y a qu’une seulepopulation Méré répondant aux besoins etaux caractéristiques recherchés par l’éleveur.

A ce croisement particulier, il faut ajoutertous les croisements issus de l’utilisation deraces exotiques. Ils sont principalementlocalisés à proximité des grands centresurbains et répondent aux besoins particuliersde production (lait ou viande). Ils peuventaussi se situer près des centres de rechercheszootechniques et correspondent à un“échappement” de certains types en find’expérimentation. En Côte d’Ivoire, on note

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les croisements N’Dama x Abondance,N’Dama x Simmental, N’Dama x Jersiais. AuMali, on trouve à la périphérie de Bamako descroisements de zébus avec des Montbéliard etdes Rouge des Steppes. Il est intéressant denoter qu’au Bénin et au Togo, les Borgou sontconsidérés comme une race alors qu’ils sontissus d’un croisement N’Dama et zébu (sansdoute White Fulani). Au Sénégal, lescroisements laitiers réalisés à la périphérie deDakar avec des zébus pakistanais (Sahiwal etRed Sindhi) et des bovins Montbéliard n’ontpas été signalés. Ils intéressaient pourtant àterme les zébus Gobra et Maure.

Pour les ovins, des remarques trèssimilaires peuvent être faites. En Mauritanieet au Mali, une distinction est faite entre lesmoutons Maure à poils longs et les moutonsMaure à poils ras. Cela correspond à uneutilisation particulière de ces moutons par leséleveurs (confection de cordes, tentes etcouvertures). Il y a eu sélection d’un typeparticulier pour une production de poils. AuSénégal, où le mouton Maure à poils longsn’est pas retrouvé de façon aussicaractéristique, on parle du mouton Touabirequi est très proche du mouton Maure à poilsras. Cette différence de vocabulaire ne signifiepas une différence de race, mais bien une

autre considération de la part de l’éleveur.Comme pour les bovins, le mouton Peul seretrouve un peu partout dans les différentspays. On trouve le mouton Peul Toronké enMauritanie, le Peul-Peul sénégalais auSénégal, le Peul voltaïque au Burkina Faso, lePeul Houda au Cameroun et au Tchad . Cemême mouton Houda est appelé moutonBali-Bali au Niger et au Mali bien que dans cepays il prend plus communément le termegénérique de mouton Peul.

Pour le mouton Djallonké, la situation estaussi confuse. Le terme de Djallonké estreconnu partout. Il est remplacé au BurkinaFaso par le terme de Mossi qui correspond àl’attache d’une ethnie. De même au Tchad,pour ce même mouton, les éleveurs parlentde mouton Kirdi qui est retrouvé auCameroun. Dans ce pays, les éleveurseffectuent des croisements Kirdi x Djallonkéet différencient les races. Ils isolent aussi deuxtypes de Kirdi, le Kirdi des plaines et celui desmontagnes. Trois races sont doncdifférenciées. Il reste à savoir ce que donne lecroisement. Dans toute cette partie del’Afrique, un seul mouton à laine est signaléau Mali. Il est intéressant de noter que lemouton Vogan du Togo est considéré commeune race bien isolée. Sa fixation n’est pourtant

Figure 6. Troupeaux mixtes de bovins, ovins et caprins (Sénégal)

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pas encore assurée. Les croisements grandmouton Sahélien x Djallonké servent àproduire cet animal.

Chez les caprins, la situation est trèsproche de celles des ovins. On trouve unterme générique qui caractérise la chèvre duSahel. Elle prend le nom de chèvre Maure etchèvre Touareg au Mali, chèvre du Sahelvoltaïque au Burkina Faso et chèvre Arabe auTchad. Dans ce pays, il est intéressant denoter l’influence des travaux de rechercheeffectués actuellement sur la caractérisationdes races caprines qui tendent à montrer lagrande uniformité des races dans cette espèce.Les réponses au questionnaire ne fournissentque les deux grands types (Sahélien etDjallonké) et ne font plus référence aux racestraditionnellement décrites (chèvre duKanem, chèvre de Massakori, chèvre duBatha, chèvre du Lac, chèvre du Mayo Kebbi)qui reflétaient plus une répartitiongéographique qu’une véritable différencegénétique. En Mauritanie, il faut remarquerdeux types particuliers déclarés, la chèvre duGuéra (ou chèvre espagnole) et la chèvreDiougry ( ou chèvre naine de l’Est = Djougre)en plus de la chèvre du Sahel ou Maure. Pour

les chèvres Djallonké, les mêmes remarquesque pour les moutons peuvent être faites.Enfin, compte tenu de la non-participation duNiger à cette enquête, la chèvre de Maradin’apparaît pas dans les résultats. Cependant,elle ne peut être passée sous silencepuisqu’elle représente le schéma type d’unesélection en vue d’une production spécifique(la peau).

Chez les porcins, en général, il n’y a pas dedescription bien menée des races qui pourraitaboutir à une différenciation de certainstypes. Les porcs sont de race locale. L’intérêtpour cette espèce est limité du fait, sansdoute, de l’influence de l’islam. Seul au Mali,le porc local semble porter un nom (porcSomo). Dans les autres pays, seuls lescroisements sont nommés à partir de larégion où ils sont effectués (porc de Dapaongau Togo, porc de Korhogo en Côte d’Ivoire).

Chez les chevaux, les renseignementsobtenus sont très faibles et reflètent le peud’intérêt qui est porté à cette espècetrypanosensible. Seuls, trois pays (Mali,Mauritanie, Sénégal) décrivent les équinsprésents sur leur territoire. Ce sontessentiellement des animaux de prestige,

Figure 7. Zébu M'Bororo (Niger)

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rarement signalés pour le transport ou lelabour. Il est étonnant que certains payscomme le Cameroun, la Côte d’Ivoire, leBurkina Faso ou le Tchad n’aient pas signalécette espèce. La littérature est pourtant richedans ce domaine. On peut relever le cheval deBanamba, le poney Kirdi, le cheval de Bobo, lecheval Foutanké, le cheval Fulani (variété ducheval de Dongolaw), le cheval Gondo(variété du cheval de Bandiagara), le chevalde Barouéli, le cheval Haoussa, le cheval duHohd (Mali, Mauritanie, variété du Barbe), leponey Cotocoli (Bénin), le poney du Logone,le cheval Sonraï et le cheval Torodi (Niger).Les renseignements sont à rechercher. Il peuts’agir soit d’isolats particuliers, soit decroisements propres à une ethnie ou à unerégion.

Pour les asins et les camelins, lesrenseignements sont encore plus rares.Toutefois, l’importance des asins est notéedans tous les pays, notamment pour tous lestransports (récolte, bois, eau, lait). Les effectifssont mal connus. Seule la dénomination “racelocale” est utilisée. Il semble qu’une seule raceait été décrite ici (animal gris cendré ou bai-brun, avec raie cruciale foncée). Cependant,près du fleuve Niger, des ânes blancs ont éténotés. Les camelins sont présents dans 5 des12 pays enquêtés. Seuls, 2 pays les ont décrits.

Leur importance dans la valorisation decertaines zones n’est pas à démontrer.

Comme les ânes et les dromadaires, lesvolailles ont une place importante au sein del’agriculture africaine. Il semble qu’ellessoient touchées par ce vaste syndromed’abandon qui frappe toutes “ces chosestellement courantes” qu’elles sont oubliées.Pour les 12 pays enquêtés, il y une seulesouche locale de poule. Il est peu probableque sur plus de 150 millions d’individusdéclarés et n’ayant jamais fait l’objet d’untravail de sélection, il n’y ait qu’une seulevariété. Il y a, plus certainement, unepopulation primitive qu’il faut essayer decomprendre. Il est très significatif dans cecontexte de ne trouver que des souchesexotiques amélioratrices dans les programmesd’aviculture villageoise.

Caractérisation

Après cet inventaire, il est apparu intéressantde regarder comment les différentes racesrelevées étaient caractérisées. L’ensemble deséléments collectés a été classé en deuxrubriques capables de recevoir la plus grandepartie des critères zootechniques caractérisantla race. A l’évidence, les critèresphanéroptiques étaient trop variables pour

Figure 8. Taurin Lagunaire (Togo)

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paramètres de croissance. On doit doncadmettre une erreur. L’étude bibliographiquecomplémentaire permettra de la combler. Ilest tout de même significatif d’avoir une telledistorsion pour les bovins et de ne pas laretrouver dans les espèces ovines et caprines.Il n’est pas interdit de penser que, dans cespays à forte dominance élevage, on réfléchitet on se place avant tout en éleveur soucieuxde maintenir son troupeau grâce à unegestion plus attentive des femelles.

La description des races bovines s’appuieprincipalement sur des mensurations. Lahauteur au garrot (HG) était très utiliséeautrefois pour définir la silhouette del’animal. Cette donnée a une valeurhistorique puisqu’elle provient des premierstravaux zootechniques faits sur les chevauxdes armées qui devaient avoir une taillesupérieure strictement à 1,40 m pour servirdans la cavalerie. Cette habitude a été étendueaux autres espèces sans véritable raisonscientifique. Il n’en demeure pas moins quecette mesure reste facile à effectuer.Aujourd’hui, avec le développement de labarymétrie pour les suivis des troupeauxvillageois, il semble préférable de préconiserla prise du périmètre thoracique (PT) qui estmieux corrélé avec le poids de l’animal et quiest aussi très facile à mesurer. Cet aspect n’estpas retenu puisque cette donnée n’estretrouvée que dans moins de 30 p.100 des cas.Les données concernant la croissance pré-sevrage sont faibles. Le poids à la naissanceest bien connu. Le poids au sevrage, l’âge ausevrage et le gain moyen quotidien (GMQ)avant le sevrage ne sont pas des donnéesrecherchées (20 p.100 des cas). La mêmeremarque peut être faite pour la croissanceaprès sevrage. Certains GMQ n’étaient pasfournis dans les réponses et ont été calculés. Ilfaut donc admettre que l’animal est, enmoyenne, grossièrement connu par sa taille,son poids à la naissance et son poids adulte.Ceux-ci peuvent varier beaucoup d’un pays àl’autre. Seule la phanéroptique permet debien différencier les races.

Cependant, à ce niveau, une réflexions’impose. La couleur n’est pas toujourschoisie comme un critère racial: cas deschevaux “pur-sang” arabes ou anglais parexemple. Mais elle est fréquemment utilisée

être homogénéisés. Ils devront être reprisintégralement avec quelques modificationsprovenant de la littérature. Pour les donnéeszootechniques, il a été possible de lesregrouper après modifications afind’harmoniser les résultats et de voir quelleétait la perception première des différentesraces retenues pour les bovins, les ovins et lescaprins.

Chez les bovins, sur les 30 races citées etpouvant être considérées comme différentes àl’heure actuelle, il apparaît que dans lescritères de croissance, les données comme lepoids de naissance et le poids adulte desanimaux (25 fois sur 30, soit 83 p.100) sontbien connues. Il est étonnant de voir que lesdonnées attachées aux femelles sont plusnombreuses que celles des mâles. Cela peutse comprendre dans le cas des critères dereproduction, mais en aucun cas pour des

Figure 9. Taurin N'Dama - Elevage traditionnel(Guinée)

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par les éleveurs pour confirmerl’appartenance à une race. Une robe différentede celle des autres populations animales de lamême espèce permet de distinguer lesanimaux de deux tribus utilisant les mêmespâturages (prévention contre les vols). Desrobes bariolées ou tachetées, toutes différentesd’un animal à l’autre, peuvent permettred’identifier chacun de ses animaux sanscontestation possible, et beaucoup plusefficacement qu’avec une boucle ou untatouage. Cela peut être le cas des caprinsafricains.

Mais au niveau d’une race, une robe ou uncornage particuliers permettent d’authentifierdès le premier coup d’œil, au cours de toutetransaction, l’appartenance à une race, donc lagarantie de certaines performances. Dans tousles cas où les échanges de reproducteurs sontfréquents, et où chaque éleveur ne peut pasconnaître individuellement l’ensemble desanimaux des autres éleveurs, les caractèresphanéroptiques sont nécessaires à la clartédes transactions. Ils deviennent moinsnécessaires - mais sont toujours utilisés mêmedans les pays développés - si les transactionsse basent sur des “papiers” indiquantl’ascendance et les index génétiques des

reproducteurs.Par ailleurs, les critères phanéroptiques ont

une extrême importance pour lesconsommateurs, même s’ils n’ont rien derationnel (mais les goûts des consommateurssont-ils rationnels ?). C’est ainsi qu’on ne peutpas vendre d’oeufs blancs en France, nid’oeufs beiges en Allemagne. En Afrique, oùla plupart des animaux sont vendus vivantsaux consommateurs, la couleur de la toisonou du plumage, le cornage des béliers, fontpartie des critères d’achat, selon desmodalités propres à chaque culture. Lesproducteurs qui souhaitent fournir lesmarchés urbains doivent obligatoirementtenir compte de ces exigences desconsommateurs.

Pour les données de reproduction, il estsurprenant de constater que pour trois racesseulement (10 p.100), la fertilité est donnéecomme une caractéristique. Les éleveurs sontpourtant très demandeurs de ce typed’information. Cependant, l’âge à la premièremise bas apparaît dans plus de 50 p.100 descas. Les valeurs laitières sont bien définies enrègle générale. Malgré la relative imprécisionde l’ensemble de ces données, dans tous lescas, l’aptitude générale de la race considérée

Figure 10. Race locale x Montbéliarde - Production laitière et croisement(Mali)

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est indiquée. Tout se passe comme si la raceétait plus ou moins bien connue de la part deszootechniciens, mais que traditionnellement,par connaissance ancestrale, on attribuait àcette race une aptitude particulière, bienreconnue par les éleveurs. Nous reparleronspar la suite de cette dualité qui existe entre laconnaissance des éleveurs et celle deszootechniciens ou des généticiens.

Chez les ovins, des remarques similairespeuvent être faites avec une silhouette biendéfinie des différentes races, des poids denaissance et des poids adultes bien connus.Mais les vitesses de croissance ne sont quepeu connues avant le sevrage et pratiquementpas après le sevrage. Les paramètres dereproduction ne sont que peu signalés (30p.100 des cas). Les données sur la productionlaitière sont pratiquement inexistantes. Il fautnoter que, dans les pays considérés dans cetravail, les moutons ne sont pas à vocationlaitière. Cette caractéristique est corroboréepar l’existence d’une bonne connaissance desrendements en viande. Les aptitudes globalessont déclarées.

Chez les caprins, il y a une connaissanceplus nettement axée sur l’animal adulte. Lesparamètres de croissance ne sont que peuconsidérés. Cette constatation peut rejoindrela remarque faite antérieurement qui donnait

une vocation plus laitière aux chèvres. Cela setrouve confirmé à l’examen des critères dereproduction: la fertilité, la fécondité et lesparamètres laitiers sont mieux connus.

Il existe une dualité entre uneconnaissance des diverses races admise parles éleveurs en général et celle définie parles chercheurs. Il semble que les centresd’intérêt ne soient pas les mêmes. Leséleveurs ont utilisé et forgé, au cours dessiècles, des races adaptées à leurs besoins.Elles sont reconnues comme laitières,bouchères ou répondant aux critères dethésaurisation (viabilité, fertilité, résistance).Mais les chercheurs n’ont pas pris en compteces diverses solutions. Ils avaient des critèresde jugement prédéfinis et les ont appliquéssans discernement. Dans la description desraces bovines européennes, par exemple, lafertilité n’est pas un paramètre souventretenu puisque les éleveurs contrôlent lareproduction. Chez les éleveurs traditionnelsafricains, en élevage extensif et en l’absencede contrôle de la reproduction, ces paramètressont essentiels pour le développement dutroupeau, sa gestion et la capitalisationassurée au propriétaire. A posteriori, il vadonc falloir comprendre si l’éleveur et lechercheur (ou le développeur) ont la mêmeperception d’une race donnée. Au Tchad,

Figure 11. Mouton de Vogan (Togo)

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cette approche a été adoptée dans un travailsur le bétail Kouri. Pour l’identification desanimaux “pure race”, la comparaison duchoix des éleveurs se basant sur des critèresqui leur sont propres avec celui deschercheurs se référant à la littérature (cornageimportant, robe blanche ou isabelle, grandetaille) a montré une divergence significativedans l’évaluation des effectifs. Laconfirmation par des techniques modernesd’identification donnait raison aux éleveurs.La physionomie de cette race a changé et leséleveurs étaient, sans aucun doute, lesouvriers de cette évolution, comme entémoigne la pertinence de leur jugement.L’évaluation des effectifs globaux est peut-être à revoir. Sans parler de grands effectifs, ilest possible qu’il ne faille plus parler, dans cecas notamment, de races en voie dedisparition et faire des programmes desauvegarde mais de races en évolution et fairedes programmes de gestion-amélioration.

L’autre aspect concerne la caractérisation etle choix des races. Globalement, cette étude amontré les lacunes importantes qui existentdans l’évaluation zootechnique des races. Laprise en compte de critères purementphanéroptiques, ethniques ou géographiquesne permet pas d’affirmer ou d’infirmer aveccertitude l’existence de races différentes ausein d’une même population. C’est le cas

fréquent chez les bovins où une homogénéitéde robe a souvent été recherchée. A contrario,chez les petits ruminants ou les volailles,l’absence de sélection sur la coloration nepermet pas de conclure en l’existence d’uneseule race locale par exemple. Si nousregardons un peu plus finement certainesdonnées, nous nous apercevons qu’il y a undéséquilibre important dans les connaissancesde certaines races. Ainsi, au Mali, pays quidétient environ 6 000 000 de bovins dont 6p.100 de N’Dama et 12 p.100 de croisésN’Dama x zébu, les connaissances sur leN’Dama sont importantes, celles sur les zébussont moyennes et celles sur les croisés quasinulles. Il est certain que l’étude sur larésistance du N’Dama à la trypanosomose estfondamentale et intéresse une part importan-te de la communauté scientifiqueinternationale. Mais, il est tout aussi certainque des travaux d’identification, decaractérisation et d’amélioration des zébusintéresseraient largement un nombre toutaussi grand d’éleveurs maliens.

En résumé, il faut retenir deux pointsessentiels:a) la recherche d’une adéquation entre la

définition des races ressentie par leséleveurs et celle faite par la communautéscientifique;

Figure 12. Chèvre du Fouta Djallon (Guinée)

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b) la recherche d’une homogénéisation desmoyens permettant la caractérisation desraces en donnant aux éleveurs et auxdéveloppeurs la capacité de faire un choixjudicieux.

Evolution de l’Elevage et desRaces

La diversité des types d’animaux utilisés dansl’élevage est à mettre en rapport avec ladiversité des modalités selon lesquellesl’homme exploite l’animal. On peut rendrecompte de cette diversité en considérantd’une part la nature de la ressourcefourragère utilisée, d’ autre part la diversitédes produits attendus de l’élevage.

La plupart des produits non alimentairesde l’élevage n’ont plus aujourd’hui qu’uneplace mineure, à l’échelle mondiale, dansleurs diverses utilisations. La plupart del’énergie provient du pétrole et du charbon, laplupart des engrais proviennent de l’industriechimique, la plupart des textiles proviennentde végétaux ou de la chimie. Cependant cesproduits de l’élevage sont encore très utiliséset représentent, dans certains types d’élevage,une part importante de la productionattendue des animaux.

Les produits alimentaires (lait, viande,oeufs) n’ont pas de substitut d’originechimique. Ils tendent à devenir le principalproduit de l’élevage. Ils sont pourtantpartiellement substituables par des produitsvégétaux, si bien que les niveaux deconsommation sont très variables d’ungroupement humain à l’autre, selon lerevenu, les disponibilités du produit, et leshabitudes de consommation.Dans les paysd’Afrique subsaharienne enquêtés, la plupartdes types d’élevage sont orientés versplusieurs produits simultanément (viande etlait, viande et travail, viande et oeufs, viandeet peau).

Du point de vue de la ressource fourragèreutilisée, on peut distinguer trois grands types:a) Les pâturages non cultivés (steppe, savane,

forêt). Les animaux prélèvent eux-mêmesdes végétaux spontanés. Cette ressourcen’a nécessité aucune intervention

productive de l’homme. Elle n’a aucuncoût de production. Sa mise en valeurnécessite que les territoires où elle estprélevée ne soient pas utilisés à d’autresfins, notamment l’agriculture, la chasse oul’exploitation forestière. Cette ressource estd’autant plus abondante et facile d’accèsque la densité de population est plusfaible. Les superficies consacrées aupâturage sont partout en régression enAfrique devant la croissance des surfaceslabourées qui accompagne la croissancedémographique.

b) Les sous-produits et résidus agricoles etdomestiques. Un grand nombred’animaux sont élevés avec les résidusculinaires (peaux de fruits et de légumes)ou agricoles (pailles et sons de céréales,fanes de pois, etc.). Cette ressource est lesous-produit d’une activité orientée versd’autres produits. Elle n’a donc pas de coûtde production. Cette ressource estproportionnelle à la production agricoleelle-même. Elle est donc d’autant plusabondante que l’agriculture est plus inten-sive. Elle est en croissance en Afrique avecla croissance de l’agriculture.

c) Les fourrages cultivés. Il s’agit de produitscultivés spécialement pour l’alimentationdes animaux: céréales, tubercules,fourrages grossiers. Ils ne sont utilisés quesi l’augmentation de production animaleobtenue est supérieure au coût de cetteculture, ou au prix d’un autre produitvégétal qui pourrait être obtenu avec lesmêmes facteurs (terre, travail, intrants).Très répandue dans les pays développésoù le prix des céréales est très bas parrapport au prix des produits animaux,l’utilisation de fourrages cultivés est encoretrès marginale en Afrique subsaharienne.La combinaison des types de ressource

végétale, des logiques de fonctionnement deséleveurs, et des différents produits permet decaractériser cinq modèles d’élevage .1. Les modèles pastoraux n’utilisent que de

la végétation spontanée. Souvent mobiles,ils ont besoin d’un accès garanti auxterrains de pâturage. N’étant pasagriculteurs, ils doivent vendre une partiede leurs produits pour se procurer ce qu’ils

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ne peuvent produire. Leurs animauxdoivent avoir une bonne aptitude à lamarche, et une forte capacité de croissancedes effectifs après les fréquentescatastrophes (sanitaires, climatiques). Laproductivité individuelle des animauxn’est pas très élevée, elle est compenséepar le nombre. A l’état pur, ce modèle esten régression en Afrique, sauf dans lesrégions les moins densément peuplées.L’augmentation des effectifs de cheptel etl’expansion des terres labouréesconduisent la plupart des pasteurs àacheter de plus en plus souvent desfourrages aux agriculteurs, ou même àcommencer eux-mêmes à pratiquerl’agriculture pour mieux subvenir à leursbesoins et à ceux de leurs animaux.

2. Les modèles de basse-cour utilisent lesrésidus domestiques et agricoles. Ils sontprésents dans toutes les exploitationsagricoles, le plus souvent avec des petitsanimaux (oiseaux, rongeurs, porcins,ovins, caprins). Ils produisent plusieursproduits, principalement pour l’usage dela famille. Les effectifs sont très petits, cequi rend aisé leur remplacement, en cas demortalité, par achat dans le voisinage. Enrevanche ces animaux peuvent avoir une

productivité individuelle élevée, étantsouvent très bien nourris et attentivementsoignés.

3. Les modèles paysans utilisent unecombinaison, très variable, de pâturagesspontanés, de résidus, de fourragescultivés, et de fourrages achetés. Ils sontl’un des éléments, avec les productionsvégétales, du système de production misen oeuvre pour exploiter les ressourcesdisponibles, en terre et en travail, en vuede fournir un revenu à la famille parl’autoconsommation et la vente deproduits très divers. Les animaux doiventà la fois être productifs dans l’ensembledes produits que l’on attend d’eux, etadaptés aux conditions de leur élevage. Parla diversité des combinaisons de ressourceset de produits, ces modèles abritent unegrande diversité de types génétiquesd’animaux. Ces modèles paysans sontactuellement les plus répandus en Afrique.Ils participent en effet à l’intensificationgénérale de l’agriculture, conséquence dela hausse de la densité démographiquerurale. Leur croissance n’est freinée quepar les faibles progrès de la productionvégétale d’une part, et par l’étroitesse desmarchés des produits, d’autre part.

Figure 13. Porc de Dapaong (Togo)

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4. Les modèles ranch ”, très répandus enAmérique et Océanie, sont anecdotiques enAfrique. Ils nécessitent de très grandesétendues de terres sans autre affectation etappropriées privativement.

5. Les modèles industriels sont déconnectésde la dimension territoriale: ils n’utilisentque des aliments achetés (résidus d’indu-strie agro-alimentaire ou fourragescultivés). Orientés vers la production d’unseul produit, ils ne se développent que si leprix de ce produit permet de rémunérer,au prix du marché, l’ensemble des facteursachetés. Le rapport de prix du produitanimal (viande, lait, oeuf) à celui del’aliment principal doit être supérieur àl’indice de consommation. Ils sedéveloppent en Afrique près des grandesvilles sur la base d’une alimentationsubventionnée ou importée. Mais ilsrestent encore minoritaires dansl’approvisionnement des pays en produitsanimaux. Elevés en milieu contrôlé, avecune alimentation stockée et maîtrisée, lesanimaux peuvent avoir des performancestrès élevées. La diversité génétique estdonc réduite puisque les conditionsd’élevage sont très homogènes et que sonorientation tend vers un seul produit. Cesélevages tentent en Afrique d’utiliser unmatériel génétique exotique, le plussouvent importé des pays développés, oùil a été très sélectionné pour une seuleproduction, dans des conditions de milieuet d’alimentation bien particulières et peureproductibles en Afrique. Les échecs sontfréquents, que ce soit du point de vue desconditions d’élevage (cas des vachesMontbéliard à Bamako) ou de l’adaptationdu produit à la demande locale (cas duformat des porcs Large White à Lomé oude la couleur des poulets de chair pour lescérémonies dans plusieurs pays africains).La croissance démographique de l’Afrique

est bien connue. Dans les 19 pays de l’Afriquede l’Ouest étudiés par l’OCDE (Etude desperspectives à long terme de l’Afrique del’Ouest, Paris, 1994), la population a doubléau cours des 30 dernières années et elledoublera encore au cours des 30 prochainesannées. La croissance plus rapide de lapopulation urbaine est également bien

connue. Dans les 19 pays étudiés, il est prévuque la population urbaine qui représentait 15p. 100 de la population totale en 1960, et 40p.100 en 1990, représentera les deux tiers de lapopulation en 2020. Ce phénomèned’urbanisation, semblable à l’évolution passéedes pays développés, aura des conséquencessur les circuits d’approvisionnementalimentaires des villes. A moins d’un recoursaccru aux importations, les filières intérieuresd’approvisionnement devront s’étofferconsidérablement: croissance de la productionen volume et développement des circuitscommerciaux.

Un phénomène est cependant resté peuremarqué: contrairement à ce qui s’est produitdans les pays développés, l’urbanisation s’estfaite, et continuera à se faire, sans exode rural.La population rurale continue d’augmenter,certes moins vite que celle des villes. Enconséquence, il y aura de plus en plus depaysans. L’augmentation de la productionagricole par agriculteur (nécessaire pournourrir la population urbaine croissante)devra se faire avec un nombre de plus en plusgrand d’agriculteurs. Cela signifie à la fois lamise en valeur de terres jusqu’à présent nontravaillées, le retour plus fréquent sur lesjachères, et l’obtention d’une productionaccrue sur chaque parcelle cultivée.

Du point de vue de l’élevage, cetteévolution entraînera la diminution absoluedes modèles pastoraux, pratiqués dans leszones les moins densément peuplées et ladiminution relative des modèles de basse-cour. Ces deux modèles vont évoluer vers desmodèles paysans en incorporant desfourrages cultivés et/ou achetés dans laration des animaux. Cette intégration del’agriculture et de l’élevage est déjà largementpratiquée. Elle permet une augmentation dela production globale de chaque parcelle deterrain, par la mobilisation plus intense de lamain-d’oeuvre disponible.

Cette intégration-intensification peutprendre des formes très variées: partransformation des modèles paysansacquérant des animaux; par installation,éventuellement saisonnière, de pasteurscomme cultivateurs; par échange de fourrageset/ou d’animaux entre pasteurs etcultivateurs. Le développement des modèles

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20Conservation de la diversité des ressources génétiques animales d’Afrique

d’élevage paysans nécessitera une grandevariété de types génétiques d’animauxadaptés aux conditions particulières trèsvariées d’alimentation, de mode de conduite,et de types de produits demandés par lemarché. Le bétail actuel n’est pas forcémentadapté à ces besoins futurs et il est probablequ’il évoluera, comme il a déjà évolué, sansperdre de sa diversité à l’échelle du continent.Il est cependant possible d’accompagner cetteévolution vers une intensification de l’élevagevillageois par des actions collectivespermettant de mieux l’orienter et del’accélérer.

Il s’agit d’aider les éleveurs à définir et àmettre en valeur le type d’animal quicorrespond le mieux possible à leurscontraintes et à leurs objectifs, qui sont tousles deux en constante évolution. Il ne pourradonc s’agir que de projets très localisés,adaptés à chaque situation particulière, avecdes méthodes qui pourront être mises encommun.

Les modèles paysans peuvent fournir desproduits animaux à des prix relativementfaibles, puisque la part des pâturages et dessous-produits reste significative dansl’alimentation des animaux, que le coûtd’opportunité du travail est faible, et queplusieurs produits valorisent l’élevage. Il n’en

est pas de même des modèles industriels, quidoivent rémunérer l’ensemble des fourragesau prix du marché, ainsi que de la main-d’oeuvre salariée, et qui ne valorisent bienqu’un des produits de l’élevage. Cependant,si la demande urbaine est forte et donc lesprix des produits suffisamment élevés parrapport aux intrants, alors ces modèles, quipeuvent se localiser près des villes, peuventdevenir compétitifs par rapport aux modèlespaysans, surtout si ceux-ci voient leurs prixde vente obérés par les coûtsd’acheminement. Il semble donc qu’il y auraune certaine place, à l’avenir, pour desproductions de lait, de viande et d’oeufs, dansdes ateliers industriels à la périphérie desvilles. Ils pourront être approvisionnés enfourrages par la production paysanneintérieure (s’agissant de produits nonpérissables, l’organisation des filières decommercialisation est plus facile), par lesrésidus d’industries agricoles locales(égrenage du coton, brasseries, meuneries,etc.) ou par des aliments importés. Ils sedévelopperont d’autant plus que la demande(donc les prix) des produits animaux seraélevée, et que le prix des aliments sera bas.

Le choix du matériel génétique à utiliserdans ces ateliers pose de graves problèmes.Le matériel utilisé dans les pays développés

Figure 14. Race locale de volaille - Elevage de basse cour (Guinée)

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Animal Genetic Resources Information, No. 21, 1997

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pour ce modèle d’élevage résulte de plusieursdécennies de sélection. Les animaux ne sontpas adaptés aux conditions de milieu (climat,pathologie, alimentation), ni aux types deproduits demandés par les marchésafricains.Il est donc important de préparer cedéveloppement par des actions visant àtrouver un matériel génétique performant àpartir des populations locales, par sélectionou croisement. Par nature, ces modèles sontmoins localisés que les modèles paysans. Lematériel génétique défini et développé pourraéventuellement être transposé ailleurs. Ilfaudra alors qu’un groupe d’éleveurss’organisent pour gérer la création, ladiffusion et l’exploitation des matériels testésou sélectionnés.

Les modèles paysans et les modèlesindustriels sont appelés à se développer pourapprovisionner la demande urbainecroissante. Par leur propre diversité deconditions d’élevage, les modèles paysanssont les mieux à même de servir de supportau maintien de la diversité génétique desanimaux, alors que les modèles industrielsimpliquent la diffusion d’un matérielgénétique plus homogène. Mais les modèlespaysans ne pourront prendre une part impor-tante des marchés urbains que si, en plusd’un appui aux programmes génétiques, leséleveurs sont reliés à un réseau dense et

souple de collecte, conditionnement etexpédition de leurs produits vers les villes.

Conclusion

La conjoncture économique actuelle desdifférents pays et les situationsgéographiques particulières ne permettentpas de dégager des acteurs spécifiquementengagés dans le domaine de la conservationde la biodiversité des animaux domestiques.Dans tous les pays, soit par l’intermédiaire duquestionnaire, soit lors des diversesrencontres de la mission, des structuresnationales, s’occupant des aspects liés à labiodiversité, ont été mises en évidence. Ellesn’ont jamais une spécificité dans ce domaine.Et, en règle générale, lorsqu’il est possible deles isoler, les financements permettant lefonctionnement des équipes travaillant sur laconservation des animaux domestiquesproviennent d’organismes extérieurs. Lesinvestissements réalisés par le pays ne sontpas négligeables puisqu’ils couvrentgénéralement une grande partie des besoinsen infrastructures et en personnels.Cependant, ces derniers restent difficiles àévaluer du fait de l’attribution non spécifiquedes moyens et de la pluridisciplinarité deséquipes.

Figure 15. Race locale de volaille - Pintades et poulets "bicyclettes"(Burkina-Faso)

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22Conservation de la diversité des ressources génétiques animales d’Afrique

A l’issue de ce travail, il a été possibleprésenter 31 propositions d’actions deconservation de la biodiversité des animauxd’élevage. Ceux-ci s’organisent pourrépondre à l’un des trois objectifs principaux: - l’adéquation du matériel animal et des

objectifs des éleveurs; - la nécessité d’une intensification des

élevages villageois; - l’intégration des races locales au

développement de l’élevage périurbain.

Bibliographie

Boutonnet, J.P.& Simier, J.P. 1995. Lesviandes Economica, Paris, 120 pp.

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