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1 Evaluation mutuelle prévue par la directive « services » - Consultation des parties Document adressé par courrier électronique le 12 septembre 2010 à MARKT-SERVICES- [email protected] Identification de la partie intéressée (nom, adresse) Association/Organisation Association de Défense des Intérêts des Vétérinaires dans l’application de la directive services (DDS) Association enregistrée à la Préfecture du Pas-de-Calais sous le numéro W621003443 Dont le siège est sis : Appartement 115, Résidence Chantilly Rue de la Croix de Grès 62223 Sainte-Catherine Représentée par : Maître Thomas Crochet Avocat au Barreau de Toulouse 7, avenue Didier Daurat, BP 30044, 31702 Blagnac Cedex Tel : 05.34.50.92.88 Fax : 05.34.50.91.90 Courriel : [email protected] Partie concernée active au niveau : Régional Oui National Oui Européen Oui Veuillez indiquer le(s) secteur(s) qui vous intéresse(nt) ou que vous représentez Exercice en France de la profession vétérinaire (profession réglementée)

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Evaluation mutuelle prévue par la directive « services » - Consultation des parties

Document adressé par courrier électronique le 12 septembre 2010 à MARKT-SERVICES-

[email protected]

Identification de la partie intéressée (nom, adresse)

Association/Organisation

Association de Défense des Intérêts des Vétérinaires dans l’application de la directive

services (DDS)

Association enregistrée à la Préfecture du Pas-de-Calais sous le numéro W621003443

Dont le siège est sis : Appartement 115, Résidence Chantilly

Rue de la Croix de Grès

62223 Sainte-Catherine

Représentée par : Maître Thomas Crochet

Avocat au Barreau de Toulouse

7, avenue Didier Daurat, BP 30044, 31702 Blagnac Cedex

Tel : 05.34.50.92.88 – Fax : 05.34.50.91.90

Courriel : [email protected]

Partie concernée active au niveau :

Régional Oui

National Oui

Européen Oui

Veuillez indiquer le(s) secteur(s) qui vous intéresse(nt) ou que vous représentez

Exercice en France de la profession vétérinaire (profession réglementée)

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Propos introductifs 1. La directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (ci-après la directive « services ») a été partiellement transposée à la profession vétérinaire par le décret n° 2010-780 du 8 juillet 2010. 2. Ce décret permet désormais aux vétérinaires d’exercer leur activité dans un nombre illimité de domiciles professionnels d’exercice ainsi que concomitamment dans plusieurs sociétés. Il est donc désormais permis à un vétérinaire de détenir la majorité du capital de plusieurs structures d’exercice. 3. Ces changements, qui découlent de l’esprit comme de la lettre de la directive « services », se heurtent aux réticences de certains vétérinaires, relayées dans des proportions variables par les instances ordinales. Ces réticences expliquent sans doute pourquoi de très nombreuses exigences prohibées par la directive ont été maintenues, voire créées par la mesure de transposition. 4. Dans les développements qui suivent sont exposés les exigences du droit interne français applicables à la profession vétérinaire qui nous paraissent contraires à la directive « services », les motifs qui fondent selon nous cette contrariété et les réformes qu’une mise en conformité appelle. 5. L’ordre d’examen des exigences ne reflète ni leur importance ni leur plus ou moins grande contrariété à la directive ; il n’est que la résultante de l’ordre des questions posées par la Commission dans le cadre de l’évaluation mutuelle. 6. Vous trouverez en fin de document un tableau de synthèse des différentes exigences abordées et des projets de réforme exposés.

TABLE DES MATIERES

Usage d’une signalétique complémentaire 3

Exercice professionnel au sein d’une enceinte commerciale 4

Choix de la structure sociétaire d’exercice 7

Détention du capital des structures d’exercice par des investisseurs extérieurs à la profession 11

Prévention des conflits d’intérêts capitalistiques 13

Vétérinaire administrateur de domicile professionnel d’exercice 15

Durée minimale d’ouverture des domiciles professionnels d’exercice 17

Nombre minimal de salariés par domicile professionnel d’exercice 18

Exercice d’activités commerciales annexes 20

Déclaration préalable à une prestation de services transfrontalière 22

Interdiction des communications commerciales 23

Tableau de synthèse des dispositions législatives et réglementaires françaises contraires aux

dispositions de la directive « services » 27

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1. Questions relatives aux mesures nationales imposant une autorisation (article 9 de la

directive « services »)

1.1. Avez-vous connaissance de régimes d’autorisation imposés aux prestataires de services que

vous considérez contraires à la directive « services » parce qu'ils sont discriminatoires,

injustifiés et disproportionnés ?

1.2. Existe-t-il des cas dans lesquels, selon vous, des régimes d’autorisation pourraient être

remplacés par des mesures moins restrictives (par exemple des déclarations ou des

inspections a posteriori) ?

Usage d’une signalétique complémentaire 7. L’article R. 242-73 du Code rural et de la pêche maritime décrit avec précision les éléments signalétiques que les vétérinaires sont autorisés à apposer pour signaler l’existence et la localisation de leurs domiciles professionnels d’exercice. 8. Peuvent ainsi être apposées, une plaque professionnelle contenant des mentions limitativement énumérées et n’excédant pas 50 centimètres de coté, une enseigne lumineuse en forme de croix, non clignotante, n’excédant pas 65 centimètres de longueur ainsi qu’une enseigne lumineuse rectangulaire comportant la mention de la catégorie de domicile professionnel d’exercice dont il s’agit. Cette enseigne lumineuse peut par ailleurs éventuellement comporter le « logo professionnel agréé par l’ordre ». 9. Le dernier alinéa de cet article dispose en outre que « le conseil régional de l’ordre peut autoriser, dans certaines circonstances, une signalétique supplémentaire ou particulière avec le souci de parfaire l’information des usagers ou la préservation du site ». 10. Il résulte globalement de cette disposition que les choix que les vétérinaires peuvent opérer en matière de signalétique extérieure de leurs établissements sont extrêmement restreints et que toute dérogation aux règles précitées impose d’obtenir préalablement l’aval du Conseil de l’Ordre, lequel dispose d’une marge d’appréciation extrêmement large puisque le texte réglementaire se contente de faire référence à l’objectif de « parfaire l’information des usagers » qui est par définition l’objet de toute signalétique complémentaire. 11. En outre, l’usage éventuel d’un logo par un vétérinaire est soumis à un agrément préalable du Conseil de l’Ordre, sans que le texte réglementaire ne précise quels motifs seraient susceptibles de justifier un refus d’agrément. 12. Ces régimes d’autorisation relatifs à l’exercice d’une activité de services au sens de l’article 9 de la directive 2006/123/CE sont justifiés par la nécessité de préserver la dignité de la profession vétérinaire. Le caractère proportionné de ce régime d’autorisation fait toutefois sérieusement défaut compte tenu d’une part, de l’excessive rigueur des règles en question et, d’autre part, de la très grande marge d’appréciation conférée aux instances ordinales, qui génère nécessairement des inégalités de traitement entre les vétérinaires relevant de différents Conseils Régionaux de l’Ordre et accroît significativement le risque de décisions arbitraires.

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13. En outre, il est peu contestable que la nécessité de préserver la dignité de la profession vétérinaire aurait pu être réalisée par une mesure moins contraignante, au sens de l’article 9, 1., c) de la directive « services ». Un contrôle a posteriori des éléments signalétiques apposés par les vétérinaires permettrait en effet d’atteindre un tel objectif. 14. Il pourrait ainsi être fait obligation aux vétérinaires d’indiquer au Conseil Régional de l’Ordre dont ils dépendent tout changement de signalétique opéré. Dans l’hypothèse où la nouvelle signalétique ne serait pas jugée conforme au principe de dignité, d’ores et déjà consacré par l’article R. 242-33 du Code rural et de la pêche maritime, le Conseil Régional de l’Ordre pourrait saisir un juge judiciaire, au besoin en référé, aux fins d’obtenir la condamnation du contrevenant à modifier sa signalétique1. 15. En outre, le coût financier non négligeable que devrait supporter un vétérinaire condamné à modifier sa signalétique, après avoir supporté le coût de sa défense devant une juridiction, ne pourra qu’inciter les praticiens à la modération et à privilégier une consultation préalable et informelle du Conseil Régional de l’Ordre dont ils relèvent sur son appréciation de la validité de leur projet. 16. L’attrait d’une procédure de contrôle a posteriori de préférence à un contrôle a priori réside, en outre, dans les délais de mise en œuvre. Ainsi dans le cadre du contrôle a priori actuellement en vigueur, les vétérinaires doivent tout d’abord soumettre leur projet de signalétique complémentaire à l’Ordre. C’est seulement en cas de refus du Conseil Régional de l’Ordre, qu’ils peuvent ensuite éventuellement saisir un juge afin de contester le refus qui leur est opposé, étant précisé que dans une telle hypothèse, la procédure de référé n’est, en règles générales, pas applicable. Au contraire, dans le cadre d’une procédure de contrôle a posteriori, la mise en œuvre d’une procédure de référé permet à l’Ordre de faire cesser un éventuel trouble dans un délai extrêmement bref2. 17. Enfin, il est peu contestable que l’usage par un vétérinaire d’une signalétique qui serait contraire au principe de dignité, durant un délai aussi bref, ne porterait pas une atteinte telle à la profession que ce type de contrôles a posteriori puisse être considéré comme intervenant « trop tardivement pour avoir une efficacité réelle » au sens de l’article 9 précité de la directive « services ». 18. On notera par ailleurs que les restrictions exposées dans les développements qui précèdent violent manifestement l’article 24 de la directive « services », qui enjoint aux Etats membres de supprimer toutes les interdictions totales visant les communications commerciales des professions réglementées (Cf. les § 131 et suivants).

Exercice professionnel au sein d’une enceinte commerciale 19. Les dispositions du premier alinéa de l’article R. 242-56 du Code rural et de la pêche maritime interdisent aux vétérinaires d’établir leurs domiciles professionnels d’exercice (ci-après DPE) au sein « d’établissements commerciaux ».

1 L’introduction d’une telle procédure en référé est d’ores et déjà possible (Cf. not. la procédure ayant opposé la SELAS Mon Véto au Conseil Régional de l’Ordre des Vétérinaires de Normandie – Ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance d’Evreux en date du 9 juin 2010 (ci-joint) – La Semaine Vétérinaire, n° 1411, 25 juin 2010, p. 12 et 13). 2 Ainsi, par exemple, dans l’affaire « SELAS Mon Véto » précitée, il s’est écoulé moins d’un mois entre la signification de l’assignation et le délibéré du Président du Tribunal de Grande Instance d’Evreux.

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20. L’installation d’un DPE vétérinaire est toutefois possible au sein d’un « centre commercial ou un magasin de grande surface », mais une telle possibilité est conditionnée, aux termes du second alinéa de l’article précité, à une autorisation du Conseil de l’Ordre qui doit s’assurer, préalablement à l’ouverture, que « les clauses du bail ou du règlement [de copropriété] ne font pas dépendre le vétérinaire, pour l’exercice de sa profession, de l’activité commerciale du centre et ne sont pas contraires aux règles de déontologie ». Un DPE établi au sein d’un centre commercial doit en outre n’avoir « d’accès que sur une voie ouverte en permanence au public ». 21. L’ouverture d’un DPE au sein d’un centre commercial, à la différence de toute autre ouverture d’un DPE, est donc soumise à une autorisation préalable du Conseil de l’Ordre, dont le pouvoir d’appréciation parait en l’espèce peu encadré, tant la marge d’évaluation d’une éventuelle contrariété entre les clauses d’un bail ou d’un règlement de copropriété et les règles déontologiques de la profession est grande et sujette à des interprétations divergentes suivant les Conseils Régionaux de l’Ordre. 22. Ce régime d’autorisation semble justifié par la nécessité de préserver l’indépendance des vétérinaires, vis-à-vis notamment de leurs bailleurs. Or, il apparaît à tout le moins surprenant que cette nécessité n’ait pas conduit le pouvoir réglementaire à imposer le contrôle par l’Ordre de tous les baux relatifs à tous locaux conclus par les vétérinaires, qui sont pareillement susceptibles de contenir des clauses attentatoires à l’indépendance des preneurs. 23. Au demeurant, la règle qui impose au DPE sis au sein d’un centre commercial de ne disposer que d’un accès sur une voie ouverte en permanence au public conduit à s’interroger sur l’effectivité de l’autorisation d’établir un DPE dans une enceinte commerciale. En effet, la très grande majorité, sinon la totalité, des centres commerciaux français sont bâtis sous la forme d’un ensemble immobilier comportant un certain nombre d’entrées, qui permettent d’accéder à une galerie marchande qui dessert les différents établissements qui y sont établis. Rares sont donc les établissements qui disposent d’un accès direct depuis l’extérieur. 24. Les galeries marchandes n’étant pas ouvertes en permanence au public, une application stricte de cette règle rend extrêmement délicate la recherche par un vétérinaire d’un local au sein d’un centre commercial, dont l’architecture standard n’a manifestement pas été conçue à la lecture de l’article R. 242-56 du Code rural et de la pêche maritime. 25. Au demeurant, on observera que la lettre de l’article précité impose au DPE installé au sein d’un centre commercial de ne disposer d’accès que sur une voie ouverte au public en permanence. Dans l’hypothèse où un vétérinaire parviendrait donc à trouver un local dans un centre commercial disposant d’une ouverture sur l’extérieur, il devrait en outre s’assurer que ledit local n’ouvre pas sur la galerie marchande, ce qui ôte une grande partie de l’intérêt de l’ouverture d’un DPE au sein d’un établissement commercial, lequel réside dans l’attractivité générée par le rassemblement en un même lieu géographique de nombreux commerces divers et/ou en la présence d’une enseigne reconnue susceptibles d’induire un achalandage important, qui se concentre naturellement dans la galerie marchande et non dans les abords souvent peu attractifs du centre commercial. 26. Il apparaît donc que le régime d’autorisation institué par l’article R. 242-56 du Code rural et de la pêche maritime masque en réalité une interdiction pour les vétérinaires d’établir leur domicile professionnel d’exercice au sein d’un centre commercial. 27. Cette réglementation est extrêmement préjudiciable aux professionnels établis dans un autre Etat membre qui seraient désireux de s’établir en France et qui, dans le cadre d’une entrée sur un

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marché nouveau, ne disposent guère pour promouvoir leurs services que de la possibilité de choisir un emplacement fortement achalandé, la publicité à des fins personnelles leur étant interdite (Cf. les § 131 et suivants). 28. Tant ce régime d’autorisation que cette interdiction « de fait » sont théoriquement justifiés par la nécessité de préserver l’indépendance des vétérinaires. La proportionnalité de cette règle souffre toutefois de nombreuses critiques. 29. On constatera tout d’abord que le fait pour un DPE de disposer d’une ouverture sur la galerie marchande est en aucune manière susceptible de porter atteinte à l’indépendance du vétérinaire, dès lors qu’il dispose d’un accès sur une voie ouverte en permanence au public. 30. Par ailleurs, l’obligation même de disposer d’un accès sur une voie ouverte en permanence au public parait en pratique peu proportionnée à l’objectif poursuivi. Rares sont en effet les établissements vétérinaires qui affichent des horaires d’ouverture plus importants que ceux affichés par les centres commerciaux, lesquels excèdent en toutes hypothèses la durée minimale d’ouverture imposée aux DPE (Cf. les § 100 et suivants). Au demeurant, on perçoit mal quel serait l’intérêt pour un établissement vétérinaire de demeurer ouvert au delà des horaires d’ouverture du centre commercial au sein duquel il est établi, les centres commerciaux étant extrêmement peu voire pas achalandés en dehors de leurs ouvertures d’ouverture, compte tenu du peu d’attractivité de leur environnement extérieur et de leur situation géographique en règles générales éloignée des centres villes. 31. Le caractère disproportionné des règles instituées par l’article R. 242-56 du Code rural et de la pêche maritime est d’autant plus manifeste qu’elles sont ignorées des autres professions de santé. Ainsi par exemple des pharmaciens, dont l’indépendance professionnelle est expressément consacrée par l’article R. 4235-3 du Code de la santé publique, mais qui sont pourtant parfaitement autorisés à exercer leur activité professionnelle au sein de centres commerciaux, sans que la nécessité d’assurer un service de gardes ne constitue un obstacle dirimant. 32. La réglementation applicable à la profession de pharmacien fournit un exemple de réglementation moins restrictive. Ainsi l’article R. 4235-18 du Code de la santé publique interdit au pharmacien de se soumettre à une « contrainte financière, commerciale, technique ou morale, de quelque nature que ce soit, qui serait susceptible de porter atteinte à son indépendance, notamment à l’occasion de la conclusion de contrats, conventions ou avenants à objet professionnel ». De telles dispositions permettent aux Conseils de l’Ordre de retoquer a posteriori les stipulations contractuelles qui porteraient une atteinte excessive à l’indépendance des professionnels sans qu’il n’ait pour autant été jugé nécessaire d’instituer un régime d’autorisation a priori, alors même que les pharmaciens exercent une profession dont l’indépendance est incontestablement une des vertus cardinales, consacrée d’ailleurs par la Cour de justice3. 33. Compte tenu des observations qui précèdent, il devrait être enjoint au Gouvernement français d’autoriser l’établissement de DPE au sein des centres commerciaux, sans exigence particulière concernant les voies d’accès. Les vétérinaires seraient toutefois dans l’obligation de soumettre les conventions conclues dans ce cadre au contrôle a posteriori de l’Ordre, en application de l’article R. 242-41 du Code rural et de la pêche maritime4, qui serait par ailleurs invité à édicter un code de bonne conduite en la matière.

3 Arrêts de la CJCE en date du 19 mai 2009, affaires C-531/06, Commission c/ Italie et C-171/07 et C-171/07, Apothekerkammer des Saarlandes e.a 4 L’article R. 242-41 du Code rural et de la pêche maritime impose par ailleurs aux vétérinaires d’insérer dans les contrats qu’ils concluent avec des tiers une « clause leur garantissant le respect du code de déontologie ».

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2. Questions relatives aux mesures nationales imposant certains types d'exigences (article

15 de la directive « services »)

2.1. Avez-vous connaissance de certaines exigences telles que celles mentionnées à l'article 15

de la directive « services » que vous considérez contraires à la directive « services » parce

qu'elles sont discriminatoires, injustifiées et disproportionnées ?

2.2. Existe-t-il des cas dans lesquels, selon vous, ces exigences pourraient être rendues moins

contraignantes ?

Choix de la structure sociétaire d’exercice 34. Les vétérinaires désireux d’exercer en France leur activité professionnelle par l’intermédiaire d’une société ne peuvent opter que pour l’une des deux formes sociétaires autorisées par le Code rural et de la pêche maritime : la société civile professionnelle ou la société d’exercice libéral. 35. En effet, la section 4 relative à « l’exercice en commun de la profession vétérinaire en France » du chapitre 1er du titre IV relatif à « l’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux », ne traite que de deux formes sociétaires distinctes : la société civile professionnelle (ou SCP), régie par les articles R. 241-29 à R. 241-93 du Code rural et de la pêche maritime et la société d’exercice libéral (ou SEL), régie par les articles R. 241-94 à R. 241-102 dudit code.

36. Cette limitation du choix de la structure d’exercice est confirmée par l’article R. 242-32 du Code rural et de la pêche maritime qui, dressant une liste des personnes physiques ou morales auxquelles le code de déontologie vétérinaire trouve à s’appliquer, n’énumère que les vétérinaires exerçant à titre individuel, les vétérinaires exerçant en qualité de ressortissant communautaire se livrant à une prestation de services transfrontalière, les sociétés civiles professionnelles, les sociétés d’exercice libéral et les vétérinaires enseignants des écoles vétérinaires française exerçant dans les cliniques faisant partie des écoles.

37. Cette règle a pour première conséquence d’interdire aux sociétés dont le siège social est sis dans un autre pays de l’Union Européenne de s’établir en France pour y exercer une activité vétérinaire, puisqu’il leur est alors fait obligation de s’inscrire au tableau de l’Ordre des vétérinaires5. Or, les SCP et SEL qui peuvent seules y être inscrites, n’existent pas dans les autres pays de l’Union Européenne.

38. Cette règle constitue donc un obstacle absolu à l’exercice de leur liberté d’établissement en France par les sociétés étrangères quand bien même celles-ci seraient légalement habilitées à exercer une activité vétérinaire dans leur pays d’origine. Il est dès lors peu contestable que les règles actuelles régissant le choix des structures sociétaires autorisant l’exercice d’une activité vétérinaire instituent un traitement manifestement discriminatoire, qui ferme le marché français aux entités des autres pays de l’Union Européenne.

39. En réservant en pratique l’exercice de la liberté d’établissement en France aux seuls vétérinaires exerçant à titre individuel, le Législateur français a manifestement entendu limiter

5 Art. R. 241-20 du Code rural et de la pêche maritime

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l’entrée des vétérinaires étrangers en France, conscient que le développement significatif d’un exercice professionnel hors des frontières du pays d’origine ne peut être le fait que de groupements suffisamment structurés et disposant de capitaux importants qui ne sont pas à la portée des vétérinaires exerçant en nom propre.

40. La réglementation française actuelle régissant le choix des structures d’exercice en commun de la profession de vétérinaire apparaît donc en contradiction manifeste avec les objectifs de la directive « services », et relève, selon nous, de la liste des exigences interdites de l’article 14 de ladite directive, qui prohibe les « exigences discriminatoires fondées directement ou indirectement sur la nationalité ». Il résulte en effet de cette disposition, éclairée du considérant n° 65 de la directive, du paragraphe 6.2.1 du manuel relatif à la mise en œuvre de la directive « services » et de la jurisprudence constante de la Cour de justice6, qu’une discrimination fondée sur la nationalité peut non seulement résulter d’une disposition explicite – hypothèse désormais rare, mais également, indirectement, d’une exigence qui en pratique ne peut être qu’exclusivement ou essentiellement remplie par des entreprises de l’Etat membre qui l’impose. 41. En l’espèce, l’exigence d’un exercice collectif de la profession par l’intermédiaire d’une SCP ou d’une SEL, que ne peuvent à l’évidence satisfaire que des sociétés ayant leur siège social en France, constitue une discrimination indirecte, expressément prohibée par l’article 14 de la directive « services ». Ces exigences interdites sont insusceptibles de justification et doivent être purement et simplement supprimées ; suppression à laquelle le Législateur français n’a pourtant pas procédé, alors que la directive « services » est désormais considérée comme ayant été transposée à la profession vétérinaire.

42. Au-delà de cette discrimination à l’égard des sociétés ayant leur siège dans un autre pays de l’Union Européenne, l’exigence de constituer une SCP ou une SEL pour exercer en commun la profession de vétérinaire, nous parait également constituer une exigence à évaluer sur le fondement de l’article 15 de la directive « services » qui vise notamment « les exigences qui imposent au prestataire d’être constitué sous une forme juridique particulière ». En limitant ainsi le choix des structures sociétaires qui s’offre aux vétérinaires, la législation française les prive de la possibilité de constituer des sociétés commerciales de droit commun, davantage usitées que les SCP et SEL.

43. La société civile professionnelle constitue la plus ancienne forme sociale permettant l’exercice d’une profession libérale, ce qui explique qu’aujourd’hui, elle représente, chez les vétérinaires, la forme sociale majoritaire. L’exercice d’une activité libérale par l’intermédiaire d’une SCP présente toutefois des inconvénients majeurs qui expliquent le recul très net de cette forme sociétaire : responsabilité illimitée des associés, réglementation des pouvoirs des dirigeants et entre associés extrêmement rigide, limitation de la qualité d’associé aux seuls professionnels en exercice au sein de la société, régime fiscal des sociétés de personnes peu adapté au développement d’une entreprise…

44. Ces faiblesses expliquent le succès de l’exercice via une société d’exercice libéral, autorisé pour les vétérinaires depuis 1992. La loi n° 90-1258 en date du 31 décembre 1990 qui régit les sociétés d’exercice libéral, définit un certain nombre de règles dérogatoires au droit commun ; pour le surplus, les SEL sont régies par les règles applicables aux sociétés commerciales, codifiées au sein du livre II du Code de commerce.

45. Bien que régies principalement par les règles applicables aux sociétés commerciales, les SEL s’en distinguent sur de nombreux points qui rendent le recours à ces sociétés moins attractif. En

6 Cf. not. l’arrêt de la Cour du 29 oct. 1980 dans l’affaire 22/80, Boussac Saint-Frères SA c/ Brigitte Gerstenmeir ainsi que l’arrêt de la Cour du 5 déc. 1989 dans l’affaire C-3/88, Commission c/ Italie.

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effet, la multiplication des règles dérogatoires tend à complexifier excessivement la gestion juridique de ces sociétés, pour lesquelles il est nécessaire de se référer au Code de commerce pour déterminer les règles de droit commun applicables, puis de rechercher dans la loi du 31 décembre 1990 précitée s’il n’existe pas en la matière de règle dérogatoire, avant d’examiner les textes réglementaires spécifiques à la profession qui peuvent, eux aussi, prévoir l’application de règles différentes. Il résulte de cette multiplication des sources, un renchérissement du coût de gestion juridique des structures, un risque naturellement accru d’erreurs pour les professionnels, sans oublier la multiplication des hypothèses de contradictions entre les normes et d’incertitudes juridiques.

46. L’impossibilité de constituer des sociétés commerciales de droit commun pour l’exercice de nombreuses professions libérales a également pour conséquence de retarder fréquemment l’application à leur profit des nouvelles règles issues du droit commun des sociétés mais qui nécessitent une transposition dans le cadre de la loi de 1990 précitée ou de ses mesures réglementaires d’application. Tel a notamment été le cas de la société par actions simplifiée (SAS) introduite en droit français en 1994 mais transposée dans la sphère des sociétés d’exercice libéral en 2001, soit près de sept ans après, ou bien encore de la possibilité de constituer des sociétés à responsabilité limitée unipersonnelles, introduite en droit français en 1985, mais définitivement admise, en ce qui concerne les sociétés d’exercice libéral, qu’en 1999, soit quinze ans après. Tel est enfin le cas des sociétés holdings, admises de longue date dans la sphère des sociétés des capitaux de droit commun, mais dont la constitution n’est théoriquement possible dans le cadre des SEL que depuis 2001, encore que le décret d’application concernant la profession vétérinaire n’est toujours par paru à ce jour… 47. Cette interdiction de recourir aux sociétés de droit commun constitue donc bien une exigence contraignante, dont la suppression a été appelée de ses vœux par Brigitte Longuet, auteur d’un rapport remis à Hervé Novelli le 21 janvier 2010, intitulé « 33 propositions pour une nouvelle dynamique de l’activité libérale », dans lequel il est proposé7 de « permettre à tous les membres des professions libérales réglementées de recourir aux formes sociales de droit commun en vue de leur exercice professionnel ».

48. L’interdiction opposée aux vétérinaires de constituer des sociétés commerciales de droit commun est justifiée, dans l’esprit du Législateur, par la nécessité de préserver l’indépendance de ces professionnels en instaurant notamment des règles restrictives en matière de détention du capital et d’exercice des fonctions de direction. S’il n’est pas contestable qu’assurer l’indépendance des professionnels libéraux peut constituer un motif d’intérêt général susceptible de justifier une telle exigence, force est toutefois de constater qu’en l’espèce, elle souffre d’importantes critiques. 49. Il résulte en effet de l’article 15 de la directive « services » qu’une exigence justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général ne peut être maintenue que pour autant qu’elle soit « propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi », n’aille pas « au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif » et à condition que « d’autres mesures moins contraignantes » ne puissent pas permettre d’atteindre le même résultat. 50. En l’espèce, l’interdiction d’exercer une activité vétérinaire par le truchement d’une société commerciale de droit commun est donc justifiée par la nécessité de préserver l’indépendance de ces professionnels libéraux, motif d’intérêt général effectivement consacré par le passé par la Cour de justice à propos d’autres professionnels.

7 Mesure n° 15, p. 147

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51. En instaurant des règles dérogatoires au droit commun, notamment en matière de détention du capital et d’exercice de fonctions de direction, la réglementation française applicable en la matière est en outre effectivement propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi. 52. En revanche, une analyse approfondie de la législation française applicable à d’autres professions libérales, tend à démontrer de manière irréfutable qu’il existe des mesures moins contraignantes que l’interdiction opposée aux vétérinaires de constituer des sociétés commerciales de droit commun pour préserver leur indépendance. 53. En effet, l’exercice d’une activité libérale par l’intermédiaire de sociétés commerciales de droit commun est d’ores et déjà autorisé pour un certain nombre de professions, dans ou hors du champ d’application de la directive « services ». 54. S’agissant des professions hors du champ d’application de la directive, on accordera une attention toute particulière au sort des pharmaciens, qui sont autorisés par l’article L. 5125-17 du Code de la santé publique à constituer, outre des sociétés d’exercice libéral, des sociétés à responsabilité limitée de droit commun, qui doivent toutefois naturellement respecter des règles dérogatoires en matière de détention du capital et d’exercice des fonctions de direction. Les pharmaciens exercent pourtant une profession dont l’indépendance a été expressément sanctuarisée par la Cour de justice dans le cadre des affaires C-531/06, Commission c/ Italie8 et C-171/07 et C-172/07, Apothekerkammer des Saarlandes e.a9, qui a jugé que ce motif d’intérêt général, qui procédait plus globalement de l’objectif visant à garantir à la population un approvisionnement en médicaments sûr et de qualité, et plus globalement encore de l’intérêt général attaché à la santé publique, autorisait les Etats membres à réserver aux seuls pharmaciens le droit de détenir des parts ou actions de sociétés exploitant une officine. 55. La nécessité de préserver l’indépendance des pharmaciens, consacrée par la Cour de justice, ne fait portant pas obstacle à l’exercice de leur activité par l’intermédiaire de sociétés commerciales de droit commun dès lors que, comme en l’espèce, les règles relatives à la détention du capital et à l’exercice d’une fonction de direction font l’objet d’une adaptation spécifique aux contraintes inhérentes à l’exercice d’une activité libérale dont l’indépendance doit être préservée. 56. L’interdiction opposée aux vétérinaires d’exercer leur activité par l’intermédiaire de sociétés de droit commun permet certes de protéger leur indépendance, mais va donc largement au delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif d’intérêt général, ainsi qu’en atteste, en droit français, l’exemple des pharmaciens. 57. Le Législateur français est d’ailleurs parfaitement conscient du manque de proportionnalité d’une telle mesure, ainsi que le démontre l’examen de la réforme opérée dans le cadre de la transposition de la directive « services » des règles régissant l’exercice professionnel des experts-comptables. 58. La loi n° 2010-853 en date du 23 juillet 2010, relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, a en effet modifié l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 qui réglemente la profession d’expert-comptable. Ladite loi a notamment libéralisé les règles relatives aux structures d’exercice de la profession, jugées « disproportionnées par rapport à l’objectif affiché »10, qui autorisaient pourtant d’ores et déjà l’exercice de la profession d’expert-comptable via les

8 Arrêt en date du 19 mai 2009 9 Arrêt en date du 19 mai 2009 10 Rapport fait au nom de la Commission de l’économie du Sénat sur le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, document n° 507, p. 16.

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sociétés commerciales de droit commun. Afin de transposer la directive « services » dans le domaine de l’expertise comptable, ce texte autorise désormais les experts-comptables à exercer leur activité par l’intermédiaire de toutes les sociétés, à l’exception de celles qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant (sociétés en nom collectif, notamment). 59. Le Législateur français ayant admis très explicitement que la législation alors applicable aux experts-comptables en matière de structures d’exercice, pourtant plus libérale que celle applicable aux vétérinaires, constituait une restriction excessive au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi, il apparaît peu concevable que la réglementation actuellement applicable aux vétérinaires en la matière puisse être défendue. On rappelle en effet, que la nécessité de préserver l’indépendance des professionnels libéraux est au moins aussi grande s’agissant des experts-comptables, habilités à établir et certifier les comptes des entreprises, que s’agissant des vétérinaires. 60. La réglementation régissant actuellement les structures d’exercice de la profession vétérinaire étant manifestement disproportionnée par rapport à l’objectif d’intérêt général poursuivi, il devrait être demandé au Gouvernement de la République Française d’autoriser les vétérinaires à exercer leur activité professionnelle par l’intermédiaire de la structure sociétaire de leur choix, à l’exception de celles qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant, et sous réserve éventuellement du respect de règles dérogatoires en matière de détention du capital et d’exercice des fonctions de direction.

Détention du capital des structures d’exercice par des investisseurs extérieurs à la profession 61. Le capital des sociétés civiles professionnelles exerçant une activité vétérinaire doit être exclusivement détenu par des personnes physiques exerçant la profession au sein de la société et régulièrement inscrites au tableau de l’Ordre des vétérinaires. 62. S’agissant des sociétés d’exercice libéral, les règles applicables imposent la détention de la majorité du capital et des droits de vote par des professionnels exerçant leur activité au sein de la société11 ; le solde du capital et des droits de vote peut être détenu par des personnes physiques ou morales exerçant par ailleurs la profession de vétérinaire, par d’anciens associés ayant cessé leur activité depuis moins de dix ans ainsi que, pendant cinq années au maximum, par les ayants-droits d’associés. Au sein des sociétés permettant de dissocier les droits de vote des droits aux dividendes (société d’exercice libéral par actions simplifiée – SELAS), les associés professionnels doivent obligatoirement détenir la majorité des droits de vote mais peuvent être minoritaires en capital12. 63. Aux termes de l’article R. 241-96 du Code rural et de la pêche maritime, « un quart au plus du capital d’une société d’exercice libéral constituée pour l’exercice de la profession de vétérinaire peut être détenu par des personnes physiques ou morales autres que celles mentionnées à l’article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ». Un quart du capital des SEL de vétérinaires peut donc être détenu par des investisseurs extérieurs à la profession. 64. L’article 15 de la directive « services » enjoint quant à lui aux Etats membres d’examiner la conformité aux critères communautaires des « exigences relatives à la détention du capital d’une société ».

11 Art. 5 de la loi n° 90-1258 du 31 déc. 1990 12 Art. 5-1 de la loi n° 90-1258 du 31 déc. 1990

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65. Les règles de droit interne qui viennent limiter l’ouverture du capital des sociétés d’exercice des professionnels libéraux sont la résultante normative du souhait exprimé par les pouvoirs publics de préserver l’indépendance de ces professionnels. Ces exigences sont donc bien justifiées par un objectif d’intérêt général qui résulte, s’agissant des professionnels de santé, de l’objectif général de maintien d’un haut niveau de protection de la santé publique. 66. En restreignant drastiquement l’accès au capital des SEL de vétérinaires aux investisseurs extérieurs à la profession, la réglementation française entend donc préserver leur indépendance, et assurer ainsi une protection optimale de la santé publique. 67. Le caractère proportionné de telles limitations à l’ouverture du capital fait toutefois l’objet d’importants débats contentieux au niveau communautaire, dont l’issue est variable selon les professions. Ainsi, s’agissant des opticiens, la Cour de justice a estimé qu’une telle limitation n’était pas proportionnée par rapport à l’objectif d’intérêt général poursuivi13. Au contraire, la Cour de justice a estimé que de telles limitations n’étaient pas disproportionnées lorsqu’elles trouvent à s’appliquer aux sociétés exploitant des officines de pharmacie14. En ce qui concerne enfin les laboratoires d’analyses médicales, et dans l’attente de la décision de la Cour, on notera que l’avocat général Paolo Mengozzi15 conclut au rejet du recours en manquement intenté par la Commission à l’encontre de la République Française, estimant justifiées par l’intérêt général, et proportionnées, les règles restrictives applicables en matière d’entrée des capitaux extérieurs au capital de sociétés exploitant un laboratoire. 68. Sans nier le rôle des vétérinaires en matière de santé publique, y compris, indirectement, humaine, il n’est pas contestable que la nécessité de préserver leur indépendance professionnelle est moins impérieuse que dans le domaine de la pharmacie ou bien encore des analyses médicales, deux domaines susceptibles d’impacter plus directement la santé humaine. Aussi, si la limitation à 25 % de la fraction du capital susceptible d’être détenue par des investisseurs n’exerçant pas une activité vétérinaire nous parait justifiée par un motif d’intérêt général, il est toutefois permis de s’interroger sur le caractère proportionné d’une telle limitation. 69. Il nous semble en effet, qu’une ouverture plus importante du capital des sociétés exerçant une activité vétérinaire ne serait pas susceptible de porter une atteinte significative à l’indépendance des professionnels en exercice en son sein, à condition toutefois que ceux-ci soient assurés de rester majoritaires. En d’autres termes, une ouverture du capital à des investisseurs extérieurs, qui devraient toutefois demeurer minoritaires, nous semble constituer une exigence moins contraignante permettant toutefois de préserver l’indépendance des praticiens et assurer par conséquent le haut niveau de protection de la santé publique en vigueur en France. 70. Dans le cadre de la transposition de la directive « services » à la profession d’expert-comptable, la République Française a d’ailleurs libéralisé les règles relatives à l’ouverture du capital aux investisseurs extérieurs à la profession. En effet, aux termes de l’article 7 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 dans sa version en vigueur jusqu’au 25 juillet 2010, les experts-comptables en exercice au sein d’une société à responsabilité limitée devaient détenir au moins les trois quarts du capital et des droits de vote. A compter du 25 juillet 2010, suite à la transposition de la directive « services », ce seuil a été abaissé à la majorité absolue du capital et au moins les deux tiers des droits de vote. L’accroissement de la part du capital que des

13 Arrêt du 21 avril 2005 dans l’affaire C-140/03, Commission c/ Grèce 14 Arrêts du 19 mai 2009 dans les affaires C-531/06, Commission c/ Italie et C-171/07 et C-172/07, Apothekerkammer des Saarlandes e.a 15 Conclusions de l’Avocat Général du 2 juin 2010 dans l’affaire C-89/09, Commission c/ France

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investisseurs extérieurs à la profession peuvent détenir n’a pas été jugé attentatoire à l’indépendance des experts-comptables, dont il est inutile de rappeler l’importance s’agissant de professionnels chargés de certifier les comptes des entreprises et, en qualité de commissaires aux comptes, d’attester de leur sincérité ou bien encore de signaler aux autorités de poursuites les éventuels manquements comptables relevés. 71. Par ailleurs, on notera que le capital des SEL d’architectes, autre profession réglementée entrant dans le champ d’application de la directive « services », est pareillement ouvert aux investisseurs extérieurs, qui doivent naturellement toutefois demeurer minoritaires16. 72. Il devrait donc être recommandé à la République Française d’amender l’article R. 241-96 du Code rural et de la pêche maritime pour porter à hauteur de la moitié des parts ou actions moins une, le quantum du capital que des investisseurs extérieurs à la profession vétérinaire pourraient détenir17.

Prévention des conflits d’intérêts capitalistiques 73. L’article R. 241-97 du Code rural et de la pêche maritime interdit la détention directe ou indirecte de parts ou d’actions composant le capital de SEL de vétérinaires aux « personnes physiques ou morales qui (…) fournissent des services, produits ou matériels utilisés à l’occasion d’actes vétérinaires » ainsi qu’aux « personnes physiques ou morales exerçant, à titre professionnel, une activité d’élevage ou de transformation des produits animaux ». 74. Il ne fait guère de doutes que ces dispositions visent elles aussi à préserver les vétérinaires de toute influence extérieure jugée potentiellement attentatoire à leur indépendance. Ces règles de prévention des conflits d’intérêts capitalistiques se retrouvent notamment au sein des réglementations applicables aux pharmaciens et aux laboratoires d’analyses médicales, qui interdisent aux professionnels de santé de détenir des participations au sein de sociétés exerçant l’une ou l’autre de ces activités. 75. La légitimité de ces réglementations souffre peu la critique lorsqu’il s’agit d’interdire à des prescripteurs de médicaments ou d’analyses médicales de détenir des participations au sein de structures sociétaires qui tirent un profit économique direct desdites prescriptions, dont le coût économique final repose en grande partie sur la collectivité par le biais du système de sécurité sociale. 76. Ce type de restrictions, appliquées aux sociétés exploitant un laboratoire d’analyses médicales, a fait l’objet d’un examen par l’Autorité de la concurrence, dans le cadre de l’élaboration du projet d’ordonnance portant organisation de la biologie médicale18. L’autorité de la concurrence a estimé que de telles restrictions étaient justifiées s’agissant des professionnels de santé prescripteurs d’analyses médicales ; elle a en revanche estimé, au visa des libertés fondamentales garanties par le Traité, que « l’extension de la restriction à l’ensemble des professionnels de santé, et non aux seuls prescripteurs, va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, par ailleurs légitime »19.

16 Art. 3 du décret n° 92-619 en date du 6 juillet 1992 17 Outre la modification de la disposition réglementaire précitée, une telle réforme impliquerait nécessairement la modification de l’article 6 de la loi n° 90-1258 du 31 déc. 1990 qui limite actuellement au quart la part du capital des SEL ayant pour objet l’exercice d’une profession de santé pouvant être détenue par des investisseurs extérieurs (au regard de ladite loi, la profession de vétérinaire est en effet classifiée dans la catégorie des professions de santé). 18 Autorité de la concurrence, Avis n° 10-A-01 du 5 janvier 2010 19 § 66 de l’avis précité

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77. Par ailleurs, la Cour de justice a estimé dans l’affaire C-531/06, Commission c/ Italie, précitée, qu’est conforme aux articles 43 et 56 du Traité instituant la Communauté Européenne, la législation d’un Etat membre qui interdit aux entreprises de distribution de produits pharmaceutiques, de prendre des participations au sein de sociétés exploitant des officines de pharmacie, et ce au regard de la nécessité d’assurer à la population un approvisionnement varié en médicaments.

78. Compte tenu de ces positions jurisprudentielles, l’interdiction opposée aux fournisseurs de produits, services ou matériels utilisés à l’occasion d’actes vétérinaires de prendre des participations au sein du capital de sociétés vétérinaires nous parait constituer une entrave disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. 79. On notera tout d’abord l’extrême imprécision de l’article R. 241-97 du Code rural et de la pêche maritime, qui ne permet ainsi par exemple pas de déterminer avec certitude si l’interdiction en question vise ou non les fabricants d’alimentation pour animaux, qui fabriquent bien des produits potentiellement vendus par les vétérinaires (Cf. les § 112 et suivants) mais qui ne sont pas à proprement parler utilisés à l’occasion d’actes vétérinaires. L’imprécision de cette disposition ouvre nécessairement la porte à des appréciations arbitraires et potentiellement divergentes par les différents conseils régionaux de l’Ordre des vétérinaires. 80. On constatera par ailleurs que la jurisprudence de la Cour de justice concernant les pharmaciens ne peut trouver à s’appliquer mutatis mutandis aux vétérinaires. En effet, là où les pharmaciens ont pour activité la commercialisation de biens, activité qui confère aux rapports qu’ils entretiennent avec leurs fournisseurs une importance tout à fait prépondérante, les vétérinaires exercent quant à eux une activité de services, reposant essentiellement sur les compétences des praticiens qui l’exercent, et qui confère aux relations qu’ils peuvent entretenir avec leurs fournisseurs une dimension accessoire, sans impact sur la santé publique. 81. Enfin, l’éventuelle influence que pourrait exercer un fournisseur sur les décisions d’une société vétérinaire ne manque pas d’apparaître bien théorique, les investisseurs extérieurs à la profession n’étant pas autorisés à détenir une participation majoritaire au sein du capital ou à exercer une fonction de direction. C’est d’ailleurs le sens de l’avis émis par l’Autorité de la concurrence, à propos de l’interdiction opposée aux fournisseurs des laboratoires d’analyses médicales de détenir des participations au sein de sociétés exploitant un laboratoire20. 82. En ce qui concerne en revanche l’interdiction des prises de participations au sein de sociétés vétérinaires par des éleveurs ou des professionnels de la transformation de produits animaux, il nous semble qu’une telle disposition est justifiée par l’intérêt général attaché à la santé publique. Il parait en effet nécessaire d’assurer la pleine indépendance des vétérinaires à l’égard, notamment, des éleveurs, auprès desquels ils exercent des missions sanitaires sur délégation de l’Etat, au titre du mandat sanitaire institué par les articles R. 221-4 et suivants du Code rural et de la pêche maritime. 83. Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, il devrait être recommandé à la République Française de prévoir des modalités de lutte contre les conflits d’intérêt capitalistiques moins restrictives, en abrogeant le 1° de l’article R. 241-97 du Code rural et de la pêche maritime qui interdit aux fournisseurs de produits, matériels ou services utilisés à l’occasion d’actes vétérinaires de détenir des participations au sein du capital de sociétés ayant pour objet l’exercice d’une activité vétérinaire.

20 § 73 et s. de l’avis précité

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Vétérinaire administrateur de domicile professionnel d’exercice 84. Le décret n° 2010-780 en date du 8 juillet 2010, qui opère la transposition de la directive « services » à la profession vétérinaire, a introduit dans le Code rural et de la pêche maritime une nouvelle exigence tenant à l’obligation de désigner au sein de chaque domicile professionnel d’exercice un « vétérinaire administrateur de domicile professionnel d’exercice ». 85. L’article R. 242-53 dudit Code dispose en effet : « Chaque domicile professionnel d’exercice doit comporter un vétérinaire ayant la fonction de vétérinaire administrateur de domicile professionnel d’exercice ». Cette nouvelle fonction est définie par l’article R. 242-55 qui dispose : « Le vétérinaire administrateur de domicile professionnel d'exercice est un vétérinaire qui exerce de manière principale au sein de ce domicile professionnel. Il a pour mission de coordonner la mise en œuvre des dispositions prévues par le présent code au sein du domicile professionnel, notamment des dispositions prévues par le code de déontologie ». Aux termes de cet article, le vétérinaire administrateur de DPE peut être un salarié ou un associé de la structure. Cette fonction ne peut en outre être exercée simultanément au sein de plusieurs DPE. Enfin, l’identité du vétérinaire administrateur de DPE doit être déclarée auprès du Conseil Régional de l’Ordre compétent par lettre recommandée avec accusé de réception. 86. On notera tout d’abord que cette nouvelle exigence ne résulte directement ou indirectement d’aucune des dispositions de la directive « services ». 87. On constatera par ailleurs que, sauf erreur de notre part, cette nouvelle exigence n’a pas fait l’objet d’une notification à la Commission, en violation des dispositions de l’article 15, 7. qui astreignent les Etats membres à notifier à la Commission les dispositions législatives ou réglementaires nouvelles qui prévoient des exigences du type de celles que l’article 15 de la directive prohibe. 88. Cette nouvelle exigence résultant d’un décret, il n’est pas possible de connaître précisément les circonstances et objectifs qui ont conduit le Gouvernement a adopté cette disposition. Aux dires du Conseil de l’Ordre21, la création de cette fonction constitue le « pilier préalable » à l’ouverture de l’exercice professionnel au sein d’un nombre illimité de DPE et de sociétés d’exercice. 89. A cet égard, Jacques Guérin, chargé de mission auprès du Conseil Supérieur de l’Ordre des Vétérinaires (CSOV), a déclaré22 : « nous ne savons pas comment évoluera l’organisation capitalistique des structures vétérinaires ; imaginez des structures à multiples DPE, largement ouvertes à des capitaux extérieurs sous forme de sociétés commerciales ; l’Ordre aura besoin d’un interlocuteur, d’un vétérinaire responsable ». 90. Il résulte de ces écrits et déclarations que la création de la fonction de vétérinaire administrateur de DPE répond au souhait de l’Ordre d’assurer le respect par les vétérinaires de leurs règles déontologiques, y compris dans un contexte juridique et économique qui tendra inéluctablement à la constitution de structures importantes, qui éloigneront mécaniquement les détenteurs du capital, vétérinaires ou non, de l’exercice quotidien de la profession. 91. Cette nouvelle exigence sert donc bien un objectif d’intérêt général, tenant au respect par les vétérinaires des règles déontologiques qui leur sont applicables, composante nécessaire à la sauvegarde d’un haut niveau de protection de la santé publique. Le caractère proportionné de la mesure fait en revanche très sérieusement défaut.

21 Cf. not. la Revue de l’Ordre National des Vétérinaires, n° 41, Dossier n° 6 (août 2010) 22 Dans La Semaine Vétérinaire, n° 1414 du 27 août 2010, p. 12 et 13

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92. On observera en premier lieu qu’en l’état actuel de la législation – et les pouvoirs publics ne font pas état de projet de réforme de ces règles – le capital des sociétés vétérinaires n’est que marginalement ouvert à des investisseurs extérieurs qui ne peuvent détenir plus du quart du capital23 (Cf. les § 61 et suivants). Par ailleurs, il résulte de l’article 12 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative aux SEL, que seuls les associés professionnels en exercice au sein de la société peuvent en être gérant (SELARL), président (SELAS) ou président du conseil d’administration, membre du directoire ou président du conseil de surveillance (SELAFA). 93. Autant dire que dans ces conditions, l’Ordre dispose d’ores et déjà d’interlocuteurs vétérinaires responsables au sein des sociétés vétérinaires, sans qu’il ne soit nécessaire de créer en outre une fonction de vétérinaire administrateur de DPE ; et ce d’autant plus que les dirigeants de droit de ces sociétés, à la différence des vétérinaires administrateurs de DPE, sont identifiables par quiconque, du fait de la publicité légale attachée à l’exercice d’un mandat social, mise en œuvre en France par l’intermédiaire des greffes des tribunaux de commerce, regroupés au sein du service Infogreffe. 94. L’identité des associés investis d’un mandat social au sein des sociétés vétérinaires ne peut donc être ignorée de l’Ordre, qui est en outre obligatoirement tenu informé de l’identité des associés exerçant leur activité professionnelle au sein de chaque société inscrite au tableau. La recherche d’interlocuteurs exerçants ne peut donc justifier la création de la fonction de vétérinaire administrateur de DPE. 95. L’Ordre indique par ailleurs que le vétérinaire administrateur de DPE « sera en charge de coordonner les dispositions qui permettent d’affirmer, en fonction du choix d’appellation (cabinet, clinique ou centre hospitalier vétérinaire) que le DPE respecte les normes minimales de ladite catégorie ». Il lui incombera également, en matière de communication, « de vérifier qu’elle est conforme, honnête et loyale par tout moyen (…) sous peine d’engager sa responsabilité déontologique ». L’Ordre précise enfin, qu’à « défaut de respecter ces règles et ces obligations, il devra assumer devant les chambres de discipline, seul, au titre de sa fonction de vétérinaire administrateur et pour le compte de la société vétérinaire ou conjointement avec les autres vétérinaires impliqués, les conséquences des manquements ». 96. Ce faisant, le pouvoir réglementaire dont l’Ordre se fait l’interprète, a semble t-il superbement ignoré la règle posée par l’article 16 de la loi n° 90-1258 précitée, au terme duquel, « chaque associé répond sur l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit », ainsi que la règle de la responsabilité disciplinaire individuelle de chaque vétérinaire, que celui-ci exerce en nom propre ou par l’intermédiaire d’une société24. 97. En outre, on observera que les missions dévolues au vétérinaire administrateur de DPE n’entrent manifestement pas dans le cadre des pouvoirs généralement conférés à un salarié. Ainsi, s’agissant du respect des normes minimales propres à chaque catégorie de DPE, il est peu contestable qu’il dépend très étroitement sinon exclusivement des décisions d’investissements qui sont prises par les associés de la société et non par un salarié, quelle que soit l’importance des responsabilités qui lui sont conférées. En ce qui concerne le respect des règles déontologiques en matière de communication, il est là encore peu envisageable que chaque vétérinaire administrateur de DPE dispose d’un pouvoir de décision autonome au sein d’une société qui disposerait de plusieurs DPE, dont les associés et dirigeants seront naturellement amenés à définir une politique de communication globale pour l’ensemble des DPE. Il en va de même de la gestion de la communication par l’intermédiaire d’un site Internet, qui ne dépend à l’évidence pas

23 Art. R. 241-96 du Code rural et de la pêche maritime 24 Cf. not. s’agissant des SEL, les articles R. 241-99 et R. 241-100 du Code rural et de la pêche maritime

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de chaque DPE mais résulte au contraire de décisions prises par les dirigeants de la société pour l’ensemble des DPE qui, sauf exceptions, ne disposeront pas d’un site Internet dédié mais tout au plus d’une page de présentation sur le site global de la société. 98. En conférant au vétérinaire administrateur de DPE des fonctions qu’il ne pourra pas remplir faute de disposer d’une autonomie décisionnelle suffisante, et en lui faisant supporter la responsabilité disciplinaire de décisions qu’il se sera au mieux contenté d’appliquer, le Gouvernement a introduit une nouvelle exigence particulièrement contraignante, qui génèrera un surcoût de fonctionnement important compte tenu de la création d’un nouvel échelon de rémunération dans la convention collective et des difficultés inhérentes au recrutement d’un salarié qui pourrait être disciplinairement responsable de décisions qu’il n’aura pas prises. 99. Enfin, en faisant porter la responsabilité disciplinaire sur les vétérinaires administrateurs de DPE, le Gouvernement a pris le risque de déresponsabiliser les dirigeants de structures comportant de multiples DPE, qui pourraient ainsi habillement s’exonérer de leur responsabilité déontologique. Cette nouvelle exigence, loin de servir l’objectif d’intérêt général attaché au respect de la déontologie vétérinaire, pourrait au contraire conduire à un résultat exactement inverse.

Durée minimale d’ouverture des domiciles professionnels d’exercice 100. Outre la création de la fonction de vétérinaire administrateur de DPE, le décret n° 2010-780 a introduit une nouvelle exigence tenant à la durée minimale d’ouverture de chaque DPE. L’article R. 242-48 du Code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction issue du décret précité dispose en effet : « Chaque domicile professionnel d’exercice déclaré auprès de l’ordre des vétérinaires est ouvert au moins pendant le temps de travail hebdomadaire prévu par la convention collective des vétérinaires salariés », soit en l’espèce trente cinq heures par semaine25. 101. Cette nouvelle exigence est justifiée, selon l’Ordre des vétérinaires, par « les obligations en matière de continuité de soins »26. 102. Une telle justification démontre le caractère parfaitement superfétatoire de cette nouvelle exigence, l’obligation d’assurer la continuité des soins pesant d’ores et déjà sur les vétérinaires, aux termes de ce même article R. 242-48 du Code rural et de la pêche maritime. Cette continuité des soins, qui fait partie des « devoirs fondamentaux » des vétérinaires, était jusqu’à présent mise en œuvre par le biais de systèmes de gardes réparties entre les professionnels ou de visites à domicile. La continuité des soins telle qu’elle était jusqu'à présent pratiquée donnait pleinement satisfaction sans qu’aucune étude n’ait jamais démontré l’existence d’éventuelles insuffisances du système jusqu’alors en vigueur. 103. Au contraire, l’instauration d’une durée minimale d’ouverture de tous les DPE est de nature à porter atteinte au maillage territorial qui constitue pourtant l’une des composantes essentielles de la continuité des soins. 104. En effet, en astreignant les vétérinaires à ouvrir chacun de leurs domiciles professionnels pendant une durée hebdomadaire minimale de trente cinq heures, le Gouvernement a rendu économiquement impossible l’ouverture ou le maintien de DPE localisés dans des zones difficiles d’accès ou à faible densité de population, qui ne génèrent pas un chiffre d’affaires suffisant pour

25 Art. 20 de la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006, étendue par arrêté du 31 mai 2006 26 Revue de l’Ordre National des Vétérinaires, n° 41, Dossier n° 6 (août 2010), p. 13

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justifier leur ouverture trente cinq heures par semaine, qui s’ajoute en outre à l’obligation d’y affecter à titre exclusif un vétérinaire administrateur de DPE. 105. En privant de viabilité économique ces DPE ouverts jusqu’à présent à temps partiel, le décret n° 2020-780 aura pour conséquence inévitable un recul du maillage territorial dont la profession vétérinaire pouvait s’enorgueillir. Ce faisant, la mesure portera indéniablement atteinte à la continuité des soins, qui ne résulte pas seulement de la durée d’ouverture des cabinets mais également de la distance que doivent parcourir les propriétaires d’animaux avant de pouvoir leur faire prodiguer des soins. Cette nouvelle exigence aura donc des effets inverses à ceux officiellement recherchés. 106. En outre, une telle exigence, compte tenu du coût économique qu’elle induit, constitue un frein sérieux à l’ouverture de nouveaux DPE par les vétérinaires d’ores et déjà établis, qui ne peuvent ouvrir un DPE secondaire à temps partiel et ainsi mesurer à moindre coût la réceptivité du marché local à cette nouvelle offre de services. 107. Dans le même esprit, cette exigence constitue un obstacle majeur à la liberté d’établissement reconnu aux vétérinaires ressortissants des autres Etats membres qui devront supporter le coût d’une ouverture à temps complet d’un domicile professionnel dès son ouverture alors qu’un vétérinaire étranger qui s’établirait en France pour la première fois ne disposerait à l’évidence pas de la clientèle suffisante pour supporter un tel coût. Cette exigence supplémentaire, cumulée à l’obligation de désigner un vétérinaire administrateur de DPE et à l’interdiction de toute communication commerciale rend en pratique l’établissement d’un vétérinaire ressortissant d’un autre Etat membre tellement coûteux, qu’il en devient très hypothétique.

Nombre minimal de salariés par domicile professionnel d’exercice 108. L’article R. 242-54 du Code rural et de la pêche maritime définit les différentes catégories de domiciles professionnels et renvoie à un arrêté le soin de préciser les « conditions applicables aux locaux, matériels et au personnel en fonction de l'espèce ou des espèces d'animaux ». L’article 4 de l’arrêté du 4 décembre 2003, relatif aux catégories de domiciles professionnels vétérinaires précise que s’agissant des « centres hospitaliers vétérinaires », ceux-ci ont l’obligation de comporter au moins six vétérinaires équivalents temps plein ; en outre, le nombre d’auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV) équivalents temps plein ne peut être inférieur au nombre de vétérinaires. 109. Ainsi, un centre hospitalier vétérinaire qui comporterait, par exemple, six vétérinaires et six ASV, et qui serait désireux d’embaucher une personne supplémentaire serait dans l’obligation d’embaucher un ASV plutôt qu’un vétérinaire ; en effet, l’embauche d’un vétérinaire l’aurait contraint à embaucher simultanément un ASV supplémentaire pour se mettre en conformité avec les dispositions de l’article 4 de l’arrêté du 4 décembre 2003. Or, il est peu contestable que la qualité du service rendu au public serait d’avantage accrue par l’embauche d’un vétérinaire que par l’embauche d’un ASV. 110. Cette exigence n’a fait l’objet d’aucun assouplissement dans le cadre de la transposition de la directive « services » ; l’article 15 de la dite directive impose pourtant aux Etats membres d’évaluer la proportionnalité des « exigences qui imposent un nombre minimum de salariés ». 111. En l’espèce, il a été démontré que les dispositions de l’article 4 de l’arrêté du 4 décembre 2003 imposent aux vétérinaires des choix en matière d’embauche de personnel qui ont des effets contraires à l’objectif recherché. Partant, il devrait être demandé au Gouvernement français de modifier l’article 4 de l’arrêté précité, qui ne devrait plus astreindre les centres hospitaliers

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vétérinaires à l’embauche d’auxiliaires assistants vétérinaires supplémentaires de préférence à l’embauche de vétérinaires.

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3. Questions relatives aux mesures nationales restreignant les activités multidisciplinaires

(article 25 de la directive « services »)

3.1. Avez-vous connaissance de restrictions aux activités multidisciplinaires imposées à des

services autres que les professions et services réglementés, les services de certification,

d’accréditation, de contrôle technique et les services de test ou d’essais ?

3.2. De votre point de vue, existe-t-il des cas dans lesquels certaines restrictions aux activités

multidisciplinaires imposées aux professions réglementés ou aux services de certification,

d’accréditation, de contrôle technique et aux services de tests ou d’essais ne sont pas

nécessaires pour assurer l’indépendance et/ou l’impartialité des prestataires ou pourraient

être remplacés par des exigences moins contraignantes ?

Exercice d’activités commerciales annexes 112. Aux termes de l’article R. 242-62 du Code rural et de la pêche maritime, il est fait interdiction aux vétérinaires d’exercer « toute activité commerciale » au sein d’un domicile professionnel d’exercice. Ne sont toutefois pas considérées comme des activités commerciales « la délivrance d’aliments physiologiques ou diététiques et, d’une façon générale, celle des produits, matériels et services en rapport avec l’exercice de la médecine vétérinaire ».

113. On notera tout d’abord que la vente d’aliments constitue bien une activité commerciale, contrairement à ce que postule l’article R. 242-62 précité. Il s’agit en effet d’une activité d’achat pour revendre, expressément qualifiée de commerciale par l’article L. 110-1 du Code de commerce. L’exercice d’activités commerciales annexes n’est donc absent de la sphère vétérinaire. 114. L’autorisation de délivrer des « produits, matériels et services en rapport avec l’exercice de la médecine vétérinaire » est toutefois trop restrictive pour permettre aux vétérinaires d’offrir à leur clientèle des services tels que par exemple le toilettage des animaux, dont le lien avec l’exercice de la médecin vétérinaire est effectivement ténu, mais qui présentent en revanche d’indéniables synergies qui profiteraient aux consommateurs, qui pourraient ainsi bénéficier dans un même lieu géographique d’un service global intéressant leur animal de compagnie.

115. Il résulte en effet du considérant n° 101 de la directive « services » qu’il est « dans l’intérêt des destinataires, en particulier des consommateurs, de veiller à ce qu’il soit possible aux prestataires d’offrir des services pluridisciplinaires ». En outre, le Gouvernement français n’a pas indiqué en quoi interdire aux vétérinaires d’exercer de telles activités serait « nécessaire pour garantir l’indépendance et l’impartialité de ces professions » au sens de l’article 25, 1., a) de la directive « services ». 116. A défaut d’autoriser les vétérinaires à exercer eux-mêmes une telle activité, il devrait être à tout le moins permis aux entreprises de toilettage et aux entreprises vétérinaires de conclure des partenariats et d’exercer leurs activités dans des locaux communs.

117. Le second alinéa de l’article R. 242-62 du Code rural et la pêche maritime interdit en outre aux vétérinaires de pratiquer « la collecte ou la gestion de tous contrats d’assurance en général, y compris ceux qui couvrent les risques maladie, chirurgie ou mortalité des animaux ».

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118. En édictant une telle interdiction, il est probable que le Gouvernement ait entendu préserver l’indépendance professionnelle des vétérinaires, vis-à-vis notamment des compagnies d’assurance, indépendance qui constitue l’une des composantes de l’objectif d’intérêt général plus global tenant au maintien d’un haut niveau de protection de la santé publique et de la santé des animaux27.

119. A l’aune de ces objectifs, l’interdiction opposée aux vétérinaires de collecter des contrats d’assurance couvrant les risques maladie des animaux parait pour le moins étonnante. En effet, seulement 2 % des animaux de compagnie bénéficient en France d’une couverture assurantielle contre un taux de couverture de 20 % au Royaume-Uni et 80 % en Suède. Or, l’accroissement du nombre des animaux de compagnie couverts permettrait de rendre accessibles au plus grand nombre des soins de qualité susceptibles de générer une amélioration de la santé des animaux. Un tel accroissement pourrait être aisément obtenu en permettant aux vétérinaires de distribuer des contrats d’assurance, compte tenu des liens de proximité qu’entretiennent régulièrement ces professionnels avec les propriétaires d’animaux de compagnie. 120. Permettre aux vétérinaires de collecter des contrats d’assurance couvrant les risques maladie des animaux porterait en outre une atteinte des plus limitée à leur indépendance. On notera tout d’abord que l’article R. 242-49 du Code rural et de la pêche maritime dispose que « la rémunération du vétérinaire ne peut dépendre de critères qui auraient pour conséquence de porter atteinte à son indépendance ou à la qualité de ses actes de médecine vétérinaire ». Cette réglementation pourrait ainsi justifier que le Conseil de l’Ordre interdise les conventions susceptibles d’être conclues entre les compagnies d’assurance et les vétérinaires qui porteraient atteinte à l’indépendance de ces derniers, en limitant notamment leur liberté en matière de fixation du montant de leurs honoraires.

121. Il résulte par ailleurs de l’article 25 de la directive « services », que les Etats membres sont autorisés à « prévenir les conflits d’intérêts », « assurer l’indépendance et l’impartialité qu’exigent certaines activités » ou bien encore à « assurer que les règles déontologiques des différentes activités sont compatibles entre elles, en particulier en matière de secret professionnel ». Sur le fondement de ces dispositions, le Gouvernement français pourrait ainsi par exemple édicter une interdiction pour les compagnies d’assurance d’imposer à leurs assurés le choix d’un vétérinaire en particulier ou d’orienter ce choix par la garantie d’une meilleure couverture.

122. Enfin, on notera que l’exercice de telles activités annexes par les vétérinaires ne leur confèrerait pas pour autant la qualité de commerçant, par application de la théorie dite de l’accessoire. 123. Compte tenu de l’impact positif sur la santé des animaux que génèrerait l’autorisation de la collecte de contrats d’assurance par les vétérinaires, il devrait être recommandé à la République Française d’abroger l’alinéa 2 de l’article R. 242-62 du Code rural et la pêche maritime. Au besoin, seraient parallèlement édictées les règlementations nécessaires pour préserver l’indépendance des vétérinaires vis-à-vis des compagnies d’assurance, auxquelles il devrait notamment être interdit d’imposer le choix d’un vétérinaire.

27 Cf. not. la définition des « raisons impérieuses d’intérêt général » de l’article 4 de la directive « services »

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Questions relatives aux exigences applicables à la prestation de services transfrontalière

4. Avez-vous connaissance d’exigences spécifiques (mentionnées ou non à l’article 16

paragraphe 2 de la directive « services ») imposées dans le cas de prestations de services

transfrontalières qui, selon vous, sont discriminatoires, non justifiées par des raisons

d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique, ou de protection de

l’environnement ou qui sont disproportionnées ?

5. Existe-t-il des cas dans lesquels, selon vous, certaines de ces exigences imposées dans le

cas des prestations de services transfrontalières pourraient être remplacées par des mesures

moins contraignantes ?

Déclaration préalable à une prestation de services transfrontalière 124. Les vétérinaires établis dans un autre Etat membre que la France mais désireux d’y réaliser des prestations de services sont astreints, en application des dispositions de l’article L. 241-3 du Code rural et de la pêche maritime, à adresser au Conseil Régional de l’Ordre une déclaration préalable. L’article précité dispose en effet : « L’exécution de ces actes est toutefois subordonnée à une déclaration préalable. Si l’urgence ne permet pas de faire cette déclaration préalablement à l’acte, elle doit être faite postérieurement dans un délai maximum de quinze jours. » Il résulte de cette disposition que préalablement à chaque prestation de services transfrontalière, les vétérinaires établis dans d’autres Etats membres doivent déposer une déclaration.

125. Les modalités de cette déclaration préalable sont définies par l’article R. 241-21 du Code rural et de la pêche maritime. Doivent notamment y être précisés la « nature et durée des actes professionnels, et départements où ils seront exécutés ». Doivent en outre être joints « une attestation délivrée depuis moins de douze mois par l’autorité compétente de l’Etat » où est établi le vétérinaire « certifiant qu’il y exerce légalement les activités de vétérinaire » et « une copie de son diplôme, certificat ou titre vétérinaire (…) ainsi que, le cas échéant, une traduction de ces documents établis par un traducteur assermenté ». 126. En imposant aux prestataires une déclaration préalable à chaque prestation de services, et en exigeant pour chaque déclaration une série de renseignements et de pièces justificatives particulièrement importante, il est peu contestable que la législation française constitue un frein au développement des prestations transfrontalières. Ces exigences, qui violent en outre les dispositions de l’article 7 de la directive 2005/36/CE, non encore transposée bien que le délai de transposition ait expiré, paraissent par ailleurs manifestement disproportionnées, notamment au regard des dispositifs de coopération administrative mis en place par la directive « services ».

127. Ainsi, l’article 29 de la directive « services » prévoit la mise en place d’un système d’assistance mutuelle qui impose à l’Etat membre dans lequel est établi un prestataire de fournir les informations le concernant à l’Etat membre au sein duquel ledit prestataire souhaite fournir des services. Ce système d’assistance mutuelle rend superfétatoires les exigences de pièces justificatives qui résultent de l’article R. 241-21 du Code rural et de la pêche maritime. 128. S’agissant de la fréquence des déclarations, il est manifestement extrêmement contraignant d’imposer qu’elles interviennent préalablement à chaque prestation de services. L’objet de ces déclarations de prestations de services transfrontalières est principalement d’en mesurer la

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fréquence, afin que l’Ordre puisse déterminer si le prestataire n’exercerait en fait sa liberté d’établissement, imposant son inscription au tableau de l’Ordre.

129. Or, il nous semble que pour mesurer la fréquence des prestations de services transfrontalières, il serait amplement suffisant de demander aux prestataires de déclarer la première prestation qu’ils réaliseraient en France28, puis de leur demander de produire annuellement un relevé des prestations réalisées. Une telle exigence, nettement moins contraignante, permettrait d’atteindre l’objectif qui avait justifié l’édiction de la législation actuelle tout en simplifiant considérablement les modalités concrètes de mise en œuvre de la libre prestation de services, qui constitue l’un des objectifs fondamentaux, sinon l’objet principal de la directive « services ». 130. Au regard des considérations qui précèdent, il devrait donc être demandé à la République Française de simplifier les formalités administratives inhérentes aux prestations de services transfrontalières.

Interdiction des communications commerciales 131. Aux termes de l’article 24 de la directive « services », il est enjoint aux Etats membres de supprimer « toutes les interdictions totales visant les communications commerciales des professions réglementées ». Les règles qui régissent les communications commerciales, qui visent notamment à préserver « l’indépendance, la dignité et l’intégrité de la profession » doivent être « non discriminatoires, justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général et proportionnées ». 132. Or, bien que la directive « services » soit supposée avoir été transposée en France à la profession vétérinaire par le décret n° 2010-780 en date du 8 juillet 2010, les dispositions régissant la communication des vétérinaires29 sont demeurées inchangées, malgré leur contrariété manifeste aux dispositions de l’article 24 précité. 133. Il est en effet incontestable que les règles applicables aux vétérinaires en matière de communication leur font interdiction de communiquer à des fins commerciales. Le premier alinéa du premier article (R. 242-70) régissant ces questions dispose en effet : « La communication auprès du public en matière d’exercice de la médecine et de la chirurgie animaux ne doit en aucun cas être mise directement ou indirectement au service d’intérêts personnels. » 134. Un examen détaillé des autres dispositions du Code rural et de la pêche maritime qui régissent la matière confirme qu’il est bien interdit aux vétérinaires de communiquer à des fins commerciales. L’article R. 242-71 dudit code règlemente très strictement l’insertion d’informations professionnelles dans les annuaires. L’article R. 242-72 réserve quant à lui aux seuls clients du vétérinaire l’accès à un éventuel site Internet, qui ne peut se faire que par le biais d’un code d’accès personnalisé. Ainsi que nous vous l’avons exposé précédemment (§ 7 et suivants), les éléments de signalétique extérieure font également l’objet d’un encadrement strict. L’article R. 242-74 interdit en outre aux domiciles professionnels d’exercice de comporter une vitrine.

28 On notera qu’une telle solution a été retenue par le Législateur français s’agissant des professions nécessitant un certificat de capacité (les dresseurs, par exemple), qui ne sont astreints à effectuer une déclaration qu’à l’occasion de leur première prestation de services transfrontalière (Art. L. 204-1 du Code rural et de la pêche maritime). 29 La communication des vétérinaires auprès du public est régie par les articles R. 242-70 et suivants du Code rural et la pêche maritime.

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135. En ce qui concerne les communications à destination de la clientèle, les vétérinaires peuvent faire connaître leur installation ou leur changement d’adresse au public par le biais de trois insertions dans quatre publications au maximum, à condition que ces communications ne comportent que des renseignements sommaires, semblables à ceux dont l’insertion est autorisée dans les annuaires. Enfin, les vétérinaires sont autorisés par l’article R. 242-76 du Code rural et de la pêche maritime à informer les clients ayant fait appel à leurs services depuis moins d’un an, « de l’utilité d’une intervention de médecine préventive ou d’un traitement systématique ». 136. Il ne saurait être tiré argument de l’existence de ces quelques modes de communication autorisés pour conclure à l’absence « d’interdiction totale visant les communications commerciales » au sens de l’article 24 de la directive « services ». En effet, il résulte de la définition des termes « communication commerciale », exposée à l’article 4, 12) de ladite directive, que « ne constituent pas en tant que telles des communications commerciales : a) les informations permettant l’accès direct à l’activité de l’entreprise, de l’organisation ou de la personne, notamment un nom de domaine ou une adresse électronique ». 137. En d’autres termes, ne constituent pas selon nous des communications commerciales les informations telles que celles insérées dans les annuaires ou les éléments de signalétiques extérieurs, qui n’ont pour seule fonction que de permettre l’accès direct à l’activité de l’entreprise en fournissant au public les informations indispensables pour qu’il soit possible de rentrer en contact et localiser un professionnel. 138. Dans un article paru dans la Revue de l’Ordre National des Vétérinaires30, Michel Baussier, Vice-président du Conseil Supérieur de l’Ordre des Vétérinaires, et à ce titre associé au processus de transposition de la directive par les pouvoirs publics, justifie ainsi l’absence de « libéralisation des règles de communication » : « Le gouvernement a tout simplement considéré que le Code de déontologie vétérinaire en vigueur n’était pas incompatible avec ladite directive, laquelle s’oppose simplement aux interdictions totales de publicité. Effectivement, on y chercherait en vain une interdiction totale de toute publicité… » 139. Cette affirmation, contredite tant par la lettre et l’esprit de l’article R. 242-70 qui interdit toute communication au service d’intérêts personnels, que par l’analyse détaillée des autres dispositions régissant la matière, marque un changement radical d’appréciation de la part de l’Ordre. Celui-ci constatait en effet dans ses fiches techniques relatives à la transposition de la directive « services »31, que « le dispositif actuel n’est plus adapté aux nouveaux moyens de communication », et que « l’information loyale et transparente de l’usager est un axe fort de la Directive Services ». Par conséquence, l’Ordre indiquait : « Un vétérinaire aura le droit de communiquer des informations sur son activité par tout moyen de communication si celles-ci sont honnêtes et conformes aux règles professionnelles en vigueur ». 140. Le second alinéa de l’article 24 de la directive « services » autorise certes les Etats membres à encadrer les communications commerciales des professions réglementées afin de préserver « l’indépendance, la dignité et l’intégrité de la profession ainsi que le secret professionnel ». Les règles en la matière « doivent être non discriminatoires, justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général et proportionnées ». 141. Saisie d’une question préjudicielle relative à l’article 24 de la directive « services »32, la Cour de justice sera appelée dans les prochaines semaines à indiquer si cette disposition doit conduire

30 Revue de l’Ordre National des Vétérinaires, n° 41, août 2010, p. 8 31 Ces fiches techniques sont disponibles en ligne sur le site Internet de l’Ordre dédié à la transposition de la directive « services » ; les règles en matière de communication font l’objet de la fiche technique n° 4 (http://www.directive-services.veterinaire.fr/iso_album/fiche_n_4.pdf). 32 Affaires C-119/09

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les Etats membres à supprimer toute interdiction totale d’une forme de communication ou, au contraire, seulement à supprimer les éventuelles interdictions totales de toute communication commerciale. 142. Dans ses conclusions relatives à cette affaire, présentés le 18 mai 2010, l’Avocat Général Jan Mazak a indiqué que « le législateur communautaire a plutôt entendu supprimer toute interdiction totale d’une forme de communication commerciale et non uniquement l’interdiction totale de toute communication commerciale pour les professions réglementées »33. 143. Cette interprétation, si elle venait à être confirmée par la Cour, fragiliserait encore davantage la position du Gouvernement français. 144. Quoi qu’il en soit, au-delà de l’interdiction de toute communication à des fins personnelles, qui viole de manière indiscutable les dispositions de l’article 24 de la directive « services », on ne pourra que constater qu’en interdisant aux vétérinaires d’informer librement le public et leurs clients de la nature des prestations qu’ils offrent et de leur coût, la réglementation française viole également l’article 22 de ladite directive (transposé en droit interne français par l’article 35 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010), qui a pour objet de renforcer l’information des consommateurs sur les services proposés par les prestataires, condition nécessaire d’un choix éclairé. 145. L’interdiction de toute communication commerciale pèse en outre tout particulièrement sur les vétérinaires établis dans d’autres Etats membres et qui seraient désireux de prester des services en France. La Commission a ainsi rappelé que les interdictions de communication commerciale « frappent tout particulièrement les prestataires de services en provenance d’autres Etats membres puisque, contrairement aux opérateurs nationaux, ils ne disposent guère d’autres moyens pour faire connaître leurs produits et services »34. 146. On notera par ailleurs que la réglementation française applicable en la matière souffre d’un déficit certain de proportionnalité. En effet, il est difficile de percevoir dans quelle mesure le fait par exemple pour un vétérinaire de présenter via un site Internet l’étendue de ses compétences, la composition de son équipe, les services qu’il se propose d’offrir à sa clientèle et le coût de ces services porterait atteinte à l’indépendance, à la dignité ou à l’intégrité de la profession vétérinaire. Au contraire, de telles actions de communication permettraient une bien meilleure information de la clientèle qui pourrait ainsi opérer en toute connaissance de cause son choix parmi les praticiens. 147. Il en va de même d’insertions publicitaires dans les journaux et revues, de l’usage d’une signalétique extérieure personnalisée ou bien encore d’actions de sponsoring en lien avec l’activité vétérinaire, qui, à condition d’être réalisés avec tact et mesure, sous le contrôle a posteriori de l’Ordre, ne porteraient pas atteinte à l’indépendance, à la dignité ou à l’intégrité de la profession vétérinaire. 148. Ainsi à titre de comparaison, on notera que la quasi-totalité des professions réglementées françaises autorisent leurs membres à communiquer par le biais d’un site Internet, qu’il s’agisse

33 Considérant n° 39 34 Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement Européen sur l’état du Marché intérieur et des services, rapport présenté dans le cadre de la première phase de la stratégie pour le Marché intérieur des services, 30 juill. 2002, p. 29

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des experts-comptables35, des avocats36 ou même des notaires, pourtant investis de l’autorité publique. 149. S’agissant ainsi par exemple de la profession d’expert-comptable, qui entre dans le champ d’application de la directive « services », on notera qu’à l’exception du démarchage non sollicité, toutes les actions de promotion sont autorisées, « dans la mesure où elles procurent au public une information utile » et à condition que les moyens mis en œuvre le soient avec « discrétion, de façon à ne pas porter atteinte à l’indépendance, à la dignité et à l’honneur de la profession, pas plus qu’aux règles du secret professionnel et à le loyauté envers les clients et les autres membres de la profession ». Enfin le contenu des communications ne doit naturellement comporter « aucune inexactitude », ni être susceptible « d’induire le public en erreur », ou comporter des éléments comparatifs. 150. Les règles applicables en matière de communication des avocats sont peu ou prou identiques. 151. Dès lors, compte tenu de l’obstacle majeur à la libre prestation de services transfrontalière que constitue l’interdiction de toute communication à des fins commerciales, et au regard de l’absence d’impact sur l’indépendance, l’intégrité et la dignité des assouplissements que les autres professions réglementées ont admis, il devrait être enjoint au Gouvernement français d’abroger les articles R. 242-70 à R. 242-77 du Code rural et de la pêche maritime et d’édicter en lieu et place des dispositions précitées une réglementation conforme aux dispositions de la directive « services », éventuellement inspirée de celles applicables aux experts-comptables et avocats.

35 Art. 12 du Code de déontologie des professionnels de l’expertise-comptable – Décret n° 2007-1387 du 27 sept. 2007 36 Art. 10 du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat

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Tableau de synthèse des dispositions législatives et réglementaires françaises contraires aux dispositions de la directive « services »

Disposition de la directive

"services"

Disposition du droit interne français jugée contraire à la directive "services"

Commentaires

Art. 9 Art. R. 242-73 du Code rural et de la pêche maritime Absence de proportionnalité - Substituer un régime d'autorisation a posteriori des éléments de signalétique extérieure

Art. 9 Art. R. 242-56 du Code rural et de la pêche maritime Absence de proportionnalité - Autoriser la création de DPE dans les enceintes commerciales avec contrôle a posteriori des conventions conclues et rédaction d'un code de bonne conduite

Art. 14 Art. 15

Art. R. 242-32 et R. 241-29 à R. 241-102 du Code rural et de la pêche maritime

Exigence discriminatoire / Absence de proportionnalité - Autoriser les vétérinaires à exercer leur activité professionnelle par l'intermédiaire de toutes les formes de sociétés

Art. 15 Art. R. 242-96 et Art. 6 de la loi n° 90-1258 du 31 déc. 1990

Absence de proportionnalité - Autoriser les investisseurs extérieurs à détenir moins de la moitié du capital des structures d'exercice vétérinaires

Art. 15 Art. R. 241-97 du Code rural et de la pêche maritime Absence de proportionnalité - Autoriser les fournisseurs à entrer au capital des structures d'exercice vétérinaires

Art. 15 Art. R. 242-53 et R. 242-55 du Code rural et de la pêche maritime

Exigence ne servant pas un objectif d'intérêt général - Supprimer la fonction de vétérinaire administrateur de DPE

Art. 15 Art. R. 242-48 du Code rural et de la pêche maritime Exigence ne servant pas un objectif d'intérêt général - Supprimer l'obligation d'ouverture des DPE au moins 35h par semaine

Art. 15 Art. 4 de l’arrêté du 4 décembre 2003 relatif aux catégories de domiciles professionnels vétérinaires

Exigence ne servant pas un objectif d’intérêt général – Réformer les obligations pesant sur les vétérinaires en matière d’embauche d’auxiliaires spécialisés vétérinaires

Art. 25 Art. R. 242-62 du Code rural et de la pêche maritime Absence de proportionnalité - Autoriser les vétérinaires à exercer des activités commerciales annexes à leur activité professionnelle Exigence ne servant un objectif d'intérêt général - Autoriser les vétérinaires à collecter des contrats d'assurance

Art. 16 Art. L. 241-3 et R. 241-21 du Code rural et de la pêche maritime

Absence de proportionnalité - Simplifier les procédures administratives relatives à la libre prestation de services

Art. 24 Art. R. 242-70 à R. 242-77 du Code rural et de la pêche maritime

Violation d'une disposition de la directive / Absence de proportionnalité - Autoriser la communication commerciale des vétérinaires