Édito sommaire - fondation littéraire fleur de lys...l’individu moderne vit avec son groupe....

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http://www.societesdelinformation.net 1 Se tenir chaud ! Tel est le sentiment que donne une promenade virtuelle sur les réseaux sociaux. Face à l’adversité, aux inquiétudes, aux absences de perspective, de petits arrangements entre amis (de bon aloi) se passent sur ces plateformes d’un nouveau genre. On s’y amuse, mais pas (trop) aux dépens des autres, plutôt dans l’autodérision. On s’entraide, en étant à l’affût de ficelles et de combines. On se montre des vidéos (un peu toujours les mêmes, c’est vrai). On se rappelle des événements heureux en déroulant les albums. Y trouve-t-on du travail, des contacts professionnels, des contrats ? Les success stories se font connaître, via les services de communication essentiellement. Ce qui est certain, c’est que le monde réel fait encore recette, même en ligne, tandis que certaines deuxièmes vies trop virtuelles se dissolvent dans le néant, médiatique certes, mais aussi concret. Le linden dollar – la monnaie de second life – ne semble plus faire recette si l’on regarde son cours sur les sites d’enchères. Alors que les réseaux d’amitié et d’entraide, en provenance directe du monde élargi, se portent bien ! De quoi faire chaud au cœur à ceux qui préfèrent l’humain à la technique… Odile Ambry Édito Sommaire Dossier Réseaux sociaux : les parrains du web ...................... Page 2 à 7 Le reportage de l’Isoc monde En Inde, le FGI s’engage pour réduire la facture numérique ............................. Pages 8 et 9 Émergences Les jeux du sexe et du hasard .......................................... Page 10 Dossier Réseaux sociaux : les parrains du web Que n’a-t-on dit qu’Internet marquait le triomphe définitif de l’individu ! À l’heure du réseau mondial, toutes les communautés traditionnelles devenaient immédiatement caduques, prétendaient quelques augures. L’Humanité allait se fondre en un Tout au-delà de toutes les différences. Évidemment, la réalité est plus complexe. Très vite, les groupes dissous se sont reconstitués sur le web ; d’autres sont apparus. Les plus jeunes se sont emparés des messageries instantanées pour vivre en permanence avec leur famille et leurs amis. Les réseaux sociaux se sont développés dans cette continuité. Comme tout Narcisse, le cyber-individu a besoin d’un miroir : son groupe. Le miroir s’est rempli de facettes. Car, loin d’être l’apanage de l’ado en soif de reconnaissance, les réseaux sociaux ont pris place dans le monde des adultes, à commencer par la vie professionnelle. C’est ce nouvel univers que nous vous proposons d’explorer. Benoît Thieulin y analyse le rôle joué par les réseaux sociaux dans la campagne électorale nord-américaine. Vous verrez aussi comment les entreprises tentent d’intégrer ces outils pour améliorer leur productivité ou fédérer des clients. La question des données personnelles est explorée par notre chroniqueur juridique : comment vivre dans un monde où votre meilleur ami peut diffuser des images dont la diffusion vous gênera un jour ou l’autre ? Sans parler de Twiter, la nouvelle coqueluche des adolescents. Notre avenir s’écrira-t-il en cinq mots ? Lire page 2 à 7 #54 décembre 2008

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Se tenir chaud ! Tel est le sentiment que donne une promenade virtuelle sur les réseaux sociaux. Face à l’adversité, aux inquiétudes, aux absences de perspective, de petits arrangements entre amis (de bon aloi) se passent sur ces plateformes d’un nouveau genre. On s’y amuse, mais pas (trop) aux dépens des autres, plutôt dans l’autodérision. On s’entraide, en étant à l’affût de ficelles et de combines. On se montre des vidéos (un peu toujours les mêmes, c’est vrai). On se rappelle des événements heureux en déroulant les albums.Y trouve-t-on du travail, des contacts professionnels, des contrats ? Les success stories se font connaître, via les services de communication essentiellement. Ce qui est certain, c’est que le monde réel fait encore recette, même en ligne, tandis que certaines deuxièmes vies trop virtuelles se dissolvent dans le néant, médiatique certes, mais aussi concret. Le linden dollar – la monnaie de second life – ne semble plus faire recette si l’on regarde son cours sur les sites d’enchères. Alors que les réseaux d’amitié et d’entraide, en provenance directe du monde élargi, se portent bien ! De quoi faire chaud au cœur à ceux qui préfèrent l’humain à la technique…

Odile Ambry

Édito SommaireDossier

Réseaux sociaux : les parrains du web ...................... Page 2 à 7

Le reportage de l’Isoc mondeEn Inde, le FGI s’engage pour réduire la facture numérique ............................. Pages 8 et 9

ÉmergencesLes jeux du sexe et du hasard .......................................... Page 10

Dossier

Réseaux sociaux : les parrains du webQue n’a-t-on dit qu’Internet marquait le triomphe définitif de l’individu ! À l’heure du réseau mondial, toutes les communautés traditionnelles devenaient immédiatement caduques, prétendaient quelques augures. L’Humanité allait se fondre en un Tout au-delà de toutes les différences.Évidemment, la réalité est plus complexe. Très vite, les groupes dissous se sont reconstitués sur le web ; d’autres sont apparus. Les plus jeunes se sont emparés des messageries instantanées pour vivre en permanence avec leur famille et leurs amis.Les réseaux sociaux se sont développés dans cette continuité. Comme tout Narcisse, le cyber-individu a besoin d’un miroir : son groupe. Le miroir s’est rempli de facettes. Car, loin d’être l’apanage de l’ado en soif de reconnaissance, les réseaux sociaux ont pris place dans le monde des adultes, à commencer par la vie professionnelle.

C’est ce nouvel univers que nous vous proposons d’explorer. Benoît Thieulin y analyse le rôle joué par les réseaux sociaux dans la campagne électorale nord-américaine. Vous verrez aussi comment les entreprises tentent d’intégrer ces outils pour améliorer leur productivité ou fédérer des clients. La question des données personnelles est explorée par notre chroniqueur juridique : comment vivre dans un monde où votre meilleur ami peut diffuser des images dont la diffusion vous gênera un jour ou l’autre ? Sans parler de Twiter, la nouvelle coqueluche des adolescents. Notre avenir s’écrira-t-il en cinq mots ?

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plateformes. Les chiffres sont éloquents. Aux États-Unis, le champion toutes catégories reste le précurseur Myspace, qui revendique une part de marché de 73 %, en dépit de la percée remarquée de Facebook. De ce côté-ci de l’Atlantique, le mouvement est tout aussi remarquable. 38 % des internautes français se rendent régulièrement sur un réseau social, plus d’un cinquième des internautes déclarant y avoir une démarche active. La valeur n’attendant pas le nombre d’années : 13 % des internautes possèdent d’ores et déjà un profil sur Facebook.Son fondateur est un des personnages de « Guerre à Harvard » de Nick Mc Donnell (éditions Flammarion) : « chaque fois que je venais, je le trouvais en train de taper des lignes de code. Il portait un kit mains libres. Au début, on ne savait pas trop avec qui il parlait au téléphone. De gros capitalistes, disait la rumeur, des nababs de la Silicon Valley, dont certains étaient passés par Harvard ». L’inventeur du réseau social partageait son temps entre téléphone et clavier plutôt que de parler avec ces camarades de promotion. Tout est dit, ou presque !

Le réseau social, un lieu fédérateurLe prodige du réseau social est de réussir à faire cohabiter sur le même site des groupes d’amis très différents les uns des autres. L’amateur de musique classique y côtoie celui de rap, qui cohabite avec le fan de football qui voisine avec celui de golf. Et tous ces gens peuvent se « parler » car ils partagent la passion de la cuisine nippone !Des sites plus spécialisés se sont constitués, notamment pour le monde professionnel, comme Viadeo ou Linkedin. Là, on croise des fournisseurs, on prospecte des clients, les groupes réunissant les salariés d’une entreprise, ceux qui partagent une même problématique.Pour faire face à cette multiplication des réseaux sociaux, Yoono, une jeune pousse créée par Pascal Josselin propose de fédérer les contacts, créant de fait un réseau de réseaux sociaux… En quelques mois, cette application a été téléchargée 1,4 million de fois… Agréger les grégaires, un métier d’avenir ?

Christophe Bys

Société individualiste ou pas, l’instinct grégaire montre chaque jour sa force. Les réseaux sociaux sont une traduction numérique de ce phénomène connu des anthropologues. Si les outils – téléphone mobile, assistant personnel… – participent au mouvement d’individualisation de la consommation, très vite les usages de ces outils laissent libre cours au besoin communautaire. Individualisme et solitude ne se confondent pas. L’individu moderne vit avec son groupe. Bienvenue dans le monde des réseaux sociaux ou comment rester connecté avec sa tribu en permanence, sept jours sur sept, 24 heures sur 24.

Le réseau social : le couteau suisse du net ?Sur un réseau social, chacun peut entrer en relation et agir avec d’autres personnes. Une fois qu’une personne fait partie du réseau, elle sera informée des faits et gestes des membres de sa communauté. Pour attirer et surtout retenir les individus, les réseaux développent toute une série d’applications, unifiant des usages jusque-là éparpillés. Rien que sur Facebook – le plus médiatique d’entre eux – on peut chatter, envoyer et recevoir des messages, partager des fichiers ou des photos, publier des liens, rejoindre des groupes plus ou moins loufoques ou faire des tests… Les usages se multiplient à l’infini.Le public a d’ores et déjà plébiscité ces nouvelles

Focus

La raison des réseaux est toujours la plus forte

Professionnels ou non, les réseaux sociaux tissent leur toile sur la Toile. Leur incontestable succès d’audience nécessite de faire un grand écart : que chacun s’y sente chez soi, en accueillant le plus grand nombre.

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capitaliser au passage sur l’image positive du rugby pour renforcer son image de proximité… en douceur.

e-marketing 2.0 et influenceurs du NetDe fait, l’entreprise n’en est pas à son coup d’essai en matière de média social. Depuis deux ans, le constructeur se veut même aux avant-postes du marketing Web 2.0. Une équipe dédiée a été créée au sein de la direction marketing monde. Son dernier bébé : un fil de discussion Twitter ouvert lors du Mondial de l’Auto, en octobre dernier. Twitter, cet outil de « microblogging » encore réservé en France aux blogueurs les plus avertis, a donné satisfaction : « pour un coût marginal, à l’instar des autres outils web 2.0, le fil de discussion Twitter « Renault Live » nous a permis d’être vus par une cible potentielle de 63 000 internautes » rapporte un porte-parole de Renault.En réalité, ces opérations menées sur le web 2.0 ont des visées stratégiques. Dans la ligne de mire : les influenceurs du Net. « Avant d’acheter une voiture, nos clients utilisent de plus en plus Internet pour se faire une opinion. Nous faisons en sorte qu’une recherche dans un moteur retourne des commentaires positifs de la part des internautes. Le plus souvent, ces commentaires émanent de blogueurs car leurs sites génèrent un important trafic. Pour cette raison, nous les appelons les influenceurs du Net… » explique le porte-parole de Renault. Le groupe Publicis, partenaire historique de la marque au losange, a même un nouveau mot pour décrire cette exploitation du web 2.0 : le « brandstreaming » qui consiste à « faciliter la mise en relation des marques et internautes en dehors des sites officiels ».Sur le site dédié au rugby, la présence de la marque peut être discrète. Si elle a réussi à influencer, la mission est accomplie.

Sylvain Chanourdie

Vous êtes fan de rugby ? Sans doute avez-vous ou allez-vous entendre parler d’un nouveau site Internet dédié à tous les passionnés du ballon ovale : www.lafamilleRRRugby.com. À l’écran, rien ou presque ne distingue ce site « communautaire » de ses semblables créés dans le sillage du Web 2.0 : un fil d’actualités rugbystiques, le profil des joueurs et des clubs français, les infos des supporters… Le tout complété par ce qu’il faut d’interactivité pour déposer et échanger articles, photos, vidéos, notes, commentaires… et ainsi bâtir son réseau social de « rugbeux ». Une particularité distingue cependant lafamilleRRRugby.com : les deux R ajoutés au mot rugby, qui signifient « Réseau Renault Rugby ».

Supporter plus que marketeurEn effet, malgré une présence discrète – tout juste un logo apposé sur la bannière du site -, le constructeur automobile est bel et bien le créateur et gestionnaire de ce site web. Renault, supporter de rugby ? Oui, et même plus que cela. Depuis le mois de janvier, la firme est devenue pour 5 ans « partenaire automobile exclusif » de la Fédération française de rugby (FFR) et du XV de France. Jean Benel, responsable de ce partenariat à la direction commerciale France de Renault, analyse cette stratégie : « au fil des années, Renault a noué 114 partenariats locaux avec des clubs de rugby par le biais de ses concessionnaires. Partenaire de longue date et premier réseau commercial de France avec 5 500 points de vente, Renault a souhaité aller plus loin à l’issue de la dernière coupe du monde de rugby qui a suscité un engouement très fort pour ce sport ».Engagé pour 5 ans comme partenaire national, Renault s’est aussitôt lancé dans la création du site communautaire : « nous voulons que notre site devienne LE rendez-vous sur le web de tous les passionnés de rugby. Nous nous inscrivons en tant que supporter, pour aider les autres supporters du XV de France et du rugby en France. Ce site n’a aucune vocation commerciale » souligne Jean Benel. Sur le web 2.0, il ne peut être question d’imprimer des maillots aux couleurs de la marque ou de prêter des véhicules. Alors, le constructeur troque le marketing pour la corne de brume du supporter, comptant bien

Focus

Rassembler et convaincre les influenceurs

Le succès des réseaux sociaux ne pouvait pas laisser les entreprises indifférentes. À l’heure du pouvoir de l’internaute, elles revoient leur stratégie. Ainsi en est-il de Renault.

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son propre site pour gazouiller en liberté, son téléphone à la main : m. slandr.net. Pourquoi ? Pour bénéficier de certaines fonctionnalités de Twitter qui n’étaient pas disponibles sur la version officielle pour mobile et puis pour en ajouter d’autres, par exemple intégrer TwitterLocal qui permet d’isoler les gazouillements par lieu d’émission. Pratique pour savoir ce qui se passe à deux pas de soi quand on est de sortie ! Et il n’est pas le seul à avoir développé son site ou son programme informatique parallèle. En tout cas pour RoelandP, la force de Twitter c’est qu’il est aussi bien adapté à l’usage sur ordinateur que sur téléphone portable.

Mais en gazouillant comme cela, ne va-t-on pas tuer la poule aux œufs d’or SMS ? Non, selon un professionnel du secteur qui souhaite rester anonyme. Pour lui, Internet est encore difficile d’accès à partir d’un téléphone portable, notamment en France où les offres sont en cours de construction, alors que le SMS bénéficie désormais d’un public très large. Le petit oiseau n’est donc pas encore tout à fait sorti de l’ordinateur…

Charles Simon

Qu’est-ce que tu fais ? C’est la question à laquelle les utilisateurs de Twitter essaient de répondre presque à chaque instant, le tout en 140 signes… c’est-à-dire en moins de caractères que cette phrase. Le nom est bien trouvé : « twitter », c’est le gazouillis en anglais. Quant au service, il est sans fioritures : un site web réduit à sa plus simple expression sur lequel on peut s’inscrire pour envoyer ses états d’âme au monde entier et suivre ceux des autres. Il suffit de s’abonner à leurs piaillements. Une pratique qui n’est pas sans rappeler les blogs et leurs fils RSS. Mais le blog n’est pas la seule source d’inspiration de Twitter. 140 signes, c’est aussi la longueur d’un SMS. On flaire donc tout de suite la filiation entre cette pratique de « micro-blogging » et la gymnastique des pouces à laquelle se livrent tous les jours les accros du mobile. La suite était inévitable : Twitter fait maintenant gazouiller les téléphones portables. Il est ainsi possible d’ajouter son numéro mobile à la liste des appareils à partir desquels envoyer et recevoir des gazouillis, le tout par SMS. Mais si le nombre de messages en envoi est illimité partout dans le monde, le nombre de message en réception est limité : c’est Twitter qui régale et la générosité a ses limites.

Le fossoyeur du SMS ?Cela n’a pourtant pas freiné Twitter dans sa course à l’omniprésence. Pour contourner la barrière du coût des SMS, un site a été lancé, m.twitter.com (m pour mobile), accessible depuis n’importe quel téléphone portable pouvant se connecter à l’internet mobile. Ainsi, envoyer un gazouillis depuis son portable revient moins cher qu’un SMS, grâce à un abonnement « données ». RoelandP (un nom de code) est une de ces personnes qui utilisent Twitter « dès qu’il s’ennuie ou juste pour partager tout ce qu’il a envie de partager, ici et maintenant ». Mais pouvoir utiliser Twitter sur son portable ne lui suffisait pas. Se définissant comme un hacker professionnel d’API (les interfaces permettant d’ajouter des éléments à un logiciel qui existe déjà) et un développeur de gadgets, il a créé

Tendances

Le réseau social qui fait cui cui

Raconter la vie en 140 signes pourrait être le slogan de Twitter, un réseau social à l’image de la génération SMS. Jusqu’à sauter le pas - de l’ordinateur au téléphone portable.

Twitter sous les ballesQuand Bombay est sous le feu des terroristes, que font certains habitants de la ville ? Ils rapportent ce qu’ils voient ou entendent sur Twitter ou enco-re prennent des photos pour les mettre sur le site web Flickr, une communauté de partage d’images. Et les journalistes professionnels ? Le site web de la BBC a couvert les événements « en direct », à partir de ce qui se disait sur Twitter. Cela a suscité bon nombre de critiques et obligé le responsable du site à reconnaître que la « Beep » aurait dû être plus prudente et vérifier certains faits avant de les rapporter. Ne serait-ce que pour dire qu’ils n’avaient pas encore pu être confirmés… Mais les utilisateurs de Twitter eux n’en ont cure. Que l’in-formation soit vraie ou fausse, recoupée ou non, ils ont vécu une vraie « expérience sociale », en direct.

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du candidat démocrate pouvait ainsi donner un coup de main à son rythme : une demie journée à tuer ? Une connexion sur le site Web, un coup d’œil sur ce que font les militants du coin et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, le militant se connecte et part distribuer des tracts dans les deux ou trois rues de son voisinage ou plus loin.Pas envie de distribuer des tracts ? Qu’importe, notre sympathisant pouvait trouver en ligne des listes de personnes à appeler pour les inviter à une réunion publique ou pour récolter des fonds… Sans parler des mini tableaux de bord qui donnait à chaque militant des indications sur les résultats de ses actions – ou celles de son voisin…C’est une forme de militantisme soft, à la carte, qui a été inventée. « Les démocrates ont montré que chacun pouvait militer en fonction de sa disponibilité. Obama a renouvelé le profil des militants. Avec les Tic, le ticket d’entrée a été fortement abaissé », commente B. Thieulin.

La sortie aussi facile que l’adhésionLe modèle n’est pas forcément duplicable et Internet n’est pas un faiseur de président. Comme le dit le fondateur de la Netscouade : « je ne crois pas au web seul. C’est un formidable outil pour organiser le monde physique ». La réussite sur Internet n’est possible que s’il y a un message solide et si les internautes ont envie de le relayer dans la durée.En outre, « l’organisation de la société américaine en communautés rend les outils du web plus efficaces », note-t-il.Si les Tic ont aidé à l’élection – rappelons qu’en France Nicolas Sarkozy a gagné avec une présence très top down sur Internet.L’adhésion ainsi créée sera-t-elle durable ? « Sur le web rentes et statuts sont remis en cause en permanence », analyse B. Thieulin. Autrement dit, les nouveaux militants peuvent partir aussi vite qu’ils sont arrivés. Consciente de l’enjeu, l’équipe d’Obama a d’ores et déjà créé un site Internet pour la période de transition et compte bien utiliser les courriels accumulés durant la campagne. Reste à savoir si le nouveau président continuera de mobiliser les foules, quand l’heure de la réalité de la politique sonnera…

Christophe Bys

Cela devait bien finir par arriver. Le réseau, en développant les relations horizontales de pair à pair, a ébranlé les bases du pouvoir pyramidal. Si la politique n’est pas encore directement touchée, la communication politique ne sera plus la même après l’élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis. Celui-ci n’est sûrement pas le premier candidat à utiliser les nouvelles technologies pour son élection : en 2003, la campagne de Howard Dean a ouvert la voie… mais Dean n’a pas gagné !

De nouvelles formes de militantismeDans un pays où la communication politique consistait avant tout à acheter des spots de publicité télévisée, les stratèges d’Obama ont innové en mobilisant leurs troupes sur Internet.Benoît Thieulin, fondateur de la Netscouade et organisateur de la campagne de Ségolène Royal lors des primaires du Parti Socialiste, commentant la campagne d’Obama, se réjouit : « au-delà des innovations techniques, ce qui est génial c’est d’avoir su tirer profit de dix ans d’innovation politique, de les reprendre et de les organiser ». En d’autres mots, à la campagne classique, l’équipe Obama a rajouté une couche réseau social. Sa force ? La capacité d’organiser de façon décentralisée. « C’est sûrement une des premières fois où on réussit à faire travailler ensemble des millions de personnes, sans avoir un système de commandement comme celui de l’armée rouge », explique-t-il.À l’heure des widgets et autres formes de personnalisation, l’équipe Obama a développé des outils de campagne pour que chacun puisse faire « sa » campagne, loin de tout caporalisme militant – ce n’est pas un hasard si le site mybarackobama.com a été développé. Le citoyen des États-Unis soutien

Vues d’ailleurs

Obama, le président des réseaux sociaux ?

Sans le web, Barack Obama serait-il devenu président des États-Unis ? Analyse d’une victoire bien réelle par Benoît Thieulin, qui a travaillé aux côtés de Ségolène Royal, candidate socialiste à l’élection présidentielle de 2007.

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Vous proposez un logiciel qui met du réseau social dans l’entreprise. C’est-à-dire ?Carlos Diaz : Désormais les entreprises ont besoin de manager leurs relations. Or, elles n’ont aucun outil pour cela. L’Intranet ou l’extranet sont inadaptés. L’intranet est un outil de communication

hiérarchique du haut vers le bas, qui crée des liens entre des pages, des documents, pas entre les personnes. Créer des réseaux sociaux, c’est créer des liens entre les individus. Tout y est centré sur les personnes, on sait qui contribue à quoi.

Comment convaincre les gens d’abandonner le pouvoir de détenir l’information pour créer ensemble de la valeur ?Elle reste une source de pouvoir, mais de plus en plus la relation l’est aussi. Les jeunes travaillent d’ores et déjà de cette façon : pour eux, l’information est un bien banal, sans grande valeur. Ce qui compte c’est de la comprendre ou d’avoir dans son réseau quelqu’un capable de l’analyser.

Mais comment inciter les gens à partager ?Il faut jouer sur ce que nous appelons « l’égo altruisme ». Celui qui partage est plus visible dans l’entreprise. Il montre à quel point il est important, il se distingue. Ne rêvons pas : tout le monde ne collaborera pas. Par exemple, nous avons des retours d’expérience : dans une entreprise 30 % des salariés vont rédiger des notes sur le réseau social, les autres se contentant de les lire. Il n’empêche : ceux qui participent activement sont ceux que les entreprises doivent retenir.

Qui est concerné ? Les managers des très grandes entreprises ?Trois fonctions sont particulièrement intéressées par l’introduction de réseaux sociaux. Les départements vente/marketing, les services d’innovation et les directions des ressources humaines. Parmi nos clients, nous comptons aussi des entreprises de taille moyenne.

Propos recueillis par Christophe Bys

Vous vous présentez comme conseil en management collaboratif. De quoi s’agît-il ?Olivier Réaud : Jusqu’à peu, nous vivions dans un monde de process, où toutes les tâches étaient découpées d’en haut. C’est la logique de chaîne de valeur qu’on retrouve

partout, même dans le management. Pour résumer, c’est une approche où on décide de qui a le droit de poser des questions. Quand le monde se complexifie, ce découpage en tâches ultra-simples est de moins en moins efficace. Il faut entrer dans un monde où ce qui compte est la capacité de gérer de l’informel.

Quel rôle jouent les réseaux sociaux ?Ils créent des communautés sur lesquelles nous pouvons nous appuyer. Un site comme Facebook se propage tout seul. Les personnes qui sont abonnées ont envie de partager avec d’autres. C’est cette dynamique, cet esprit dont il faut s’inspirer pour l’entreprise. Dans une équipe projets, il faut créer les conditions pour que les gens imaginent ensemble, co-élaborent un même projet, même s’ils n’appartiennent pas à la même division de l’entreprise. Mais l’outil informatique seul fera peu de choses. Nous conseillons aux entreprises de commencer par impliquer de petites communautés à qui nous confions des outils. Peu à peu, d’autres personnes vont les rejoindre. L’important, c’est de créer la dynamique des comportements. Si vous installez un sublime logiciel directement à tout le monde, le risque est grand que personne ne l’utilise.

Quels sont les principaux blocages ?Pour réussir, il faut que les personnes s’approprient le projet et l’usage des outils. C’est la base. En outre, une entreprise qui passe à ce mode doit être convaincue que c’est essentiel pour être plus agile, plus compétitive. Il ne faut pas non plus confondre co-élaborer des propositions ensemble et décider ensemble. Quand on quitte une approche par process, tout le monde ne devient pas décideur, mais celui qui décide le fait en ayant des options débattues par tout le monde.

Face à face

Quand les entreprises se soucient des liens sociaux

Olivier Réaud est consultant chez Inprincipo, un cabinet de conseil en management collaboratif. Carlos Diaz a fondé et dirige BlueKiwi Software. Tous deux aident les entreprises à implanter des réseaux sociaux en leur sein. Pourquoi ? Comment ?

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de la vie privée d’autrui est, le plus souvent, commise en toute conscience

et de bonne foi.Utilisé pour nuire, ces mêmes

moyens produisent des résultats à la hauteur des espérances ! La nageuse Laure Manaudou le sait trop bien, elle qui a dû faire face à la diffusion d’images intimes avec un

ancien petit ami italien sur toute la toile. La responsabilité des réseaux sociaux est ici d’alerter leurs membres sur ces manquements, de faire valoir

des bonnes pratiques, d’élever le niveau de culture de tous pour que ce type de comportements ne prenne pas place. La Loi

quant à elle, devra réfléchir à lutter contre ces agissements. La

promulgation d’un droit à l’anonymat par défaut contribuerait à marquer les

esprits.

La valeur de l’identitéEnfin, troisième grain, ce sont les traces laissées sur le Net partout et par tous. Données techniques – adresses IP en tête – que la Loi demande aux fournisseurs d’accès et hébergeurs, tant techniques que fonctionnels (cette dernière catégorie étant actuellement discutée en jurisprudence), de conserver pendant un an à compter de leur enregistrement. Les réseaux sociaux doivent être particulièrement clairs sur le devenir de ces traces. Seules, ces traces sont de simples données statistiques sans danger. Couplées avec un registre d’identité, associées à des individus, elles ont une grande valeur (profiling) et peuvent représenter un danger pour les libertés individuelles et collectives.Les réseaux sociaux, parce qu’ils sont au centre d’un système qui place l’identité de l’individu au cœur de leurs affaires, doivent cependant être étroitement surveillés dans leurs propres pratiques avant… qu’il n’y ait problème.

Olivier ItéanuAvocat et chargé d’enseignement à Paris XI

Quand la loi Informatique et liberté a été votée à la fin des années 70, le problème à résoudre était assez simple : d’un côté des ficheurs, qui le plus souvent collectaient les données des fichés. Le législateur voulait que la Loi s’interpose entre ficheur et fiché pour créer des obligations aux uns et des droits aux autres. Ce schéma est toujours valable aujourd’hui, même si l’échelle est sans commune mesure. Si, à l’époque, on craignait beaucoup l’interconnexion des fichiers publics, aujourd’hui c’est la multiplication des fichiers privés qui pourrait menacer. Comme tous « ficheurs », les réseaux sociaux doivent se conformer à la Loi, déclarer leurs traitements, annoncer clairement un droit d’accès et de rectification, une finalité au traitement, déclarer à leurs membres ce qu’ils entendent faire de leurs données.

Un changement d’échelleMais à ces fichiers « traditionnels », sont venus s’ajouter trois nouveaux types de données, ce que la Fing (Fondation Internet Nouvelle Génération) appelle : trois nouveaux grains d’information. En premier lieu, les individus eux-mêmes sont désormais capables de mettre à disposition d’un large public leurs propres données à caractère personnel. Dans certains cas, cette révélation est bénéfique, lorsqu’il s’agit de trouver un travail ou de reprendre contact avec des amis d’enfance. Mais parfois, on se dévoile sans avoir pleinement conscience des conséquences futures. La Loi n’y peut pas grand-chose : chacun est propriétaire de sa vie et de ses données. Seule, la pédagogie, consistant à pleinement informer les utilisateurs, pourra éviter les abus.Le second grain d’information est beaucoup plus problématique. Désormais, le tiers, le voisin et parfois l’ami produit des données personnelles. Si, hier soir, j’ai fêté abondamment un succès, demain, tout Facebook le saura, photos à l’appui, sans que j’ai donné mon consentement. Cette atteinte à l’intimité

À la barre

Des amis un peu trop voyants

Les réseaux sociaux multiplient les sources de données personnelles. Il faut trouver pour chacune un moyen adapté pour éviter les abus. Plus que jamais, il faut éduquer les utilisateurs pour éviter les mauvaises surprises.

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au débat en plénière, je suis attendu dans le village des exposants…).Près de 1 300 participants sont annoncés, un chiffre classique pour ce genre d’événement, où plus de la moitié des inscrits viennent du pays hôte. Les couloirs bruissent des annulations de personnalités des institutions européennes et d’autres organisations, pour des raisons de sécurité. Pour faire face, les panélistes sont souvent contraints de se couper en deux, voire en trois ! Assurer l’introduction dans un atelier, courir pour atteindre une autre salle et une autre thématique, et faire la conclusion dans un troisième…

Le talk shop ?Pour cette session intermédiaire, les discours inauguraux sont particulièrement attendus. Tous les orateurs célèbrent d’une même voix ce Forum unique, et l’absence de pression sur les délégations car aucune décision, donc aucune négociation n’auront lieu. D’un côté, les éternels sceptiques maintiennent que ce FGI est inutile, qu’il mobilise du temps et des budgets pour rien. De l’autre, ceux que le processus passionne, qui ont la foi chevillée au corps. Au milieu, les observateurs qui déposent quelques pièces sur le tapis, comme au poker – pour voir !Pour ce forum dédié à la gouvernance, les deux organisations reconnues de la régulation du

Quand on pense à l’Inde, Hyderabad n’est pas la première ville qui vienne à l’esprit. Pourtant, c’est la quatrième ville du pays par la taille, la capitale de l’état d’Andhra Pradesh. Elle se présente comme le cœur de l’Inde high tech à tel point qu’elle est parfois surnommée Cyberabad… L’industrie cinématographique y a construit le deuxième plus grand studio du pays, de nombreuses entreprises de biotechnologie s’y sont installées, et les grandes entreprises informatiques internationales y ont ouvert leurs bureaux. Enfin, Hyderabad accueille de très nombreuses conférences tout au long de l’année. La ville a été choisie pour le Forum pour la gouvernance de l’Internet qui y organisait sa troisième réunion. La précédente session de cette organisation issue du Sommet mondial pour la Société de l’information s’étaient tenue à Rio de Janeiro (en 2007).

Des intervenants doués d’ubiquitéLe centre de conférence est vaste. Grande salle pouvant contenir plusieurs centaines de délégués, plus petites salles pour les ateliers. Café et thé en permanence, immenses buffets pour les déjeuners, la qualité de l’accueil est reconnue par tous. Comme souvent, les connexions laissent à désirer, éternelle frustration pour les geeks et autres participants qui voudraient être là et ailleurs, qui aimeraient rester en contact avec leur réseau… L’ambiance est bon enfant, faite de retrouvailles et de confrontation de programmes (je vais à l’atelier 45, je préfère assister

Le reportage de l’Isoc monde

En Inde, le FGI s’engage pour réduire la facture numérique

C’est toujours un peu pareil, mais jamais vraiment. De sessions en sessions, le Forum pour la gouvernance de l’Internet prend de l’ampleur. Malgré leur aridité, les questions de régulation ont, cette fois encore, mobilisé les énergies de personnes venues du monde entier. Trois jours de débats que notre envoyée spéciale vous fait partager.

Le spam, pire que les criquets ?Le consensus est la règle et il est rare d’entendre une intervention s’élever au dessus du taux de décibels habituel. Pourtant, les pays en développement ont parfois besoin de faire entendre leur voix ! Ainsi, lors de la plénière sur la sécurité « Parlons des coûts : on propose à un paysan africain d’utiliser Internet pour suivre la météo et les cours des produits maraichers. Lorsqu’il se connecte pour lire ces informations cru-ciales dans sa boite aux lettres électroniques, pour quelques francs CFA de l’heure, il passe l’essentiel de cette heure à nettoyer les spams arrivés dans la nuit. Il ne sait pas ce que c’est qu’un spam, il sait sim-plement qu’ils lui font perdre du temps et de l’argent et il risque de renoncer très vite et de revenir à sa situation antérieure, déçu. Avons-nous des solutions fiables et surtout rapides à lui offrir ? »

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réseau (Icann et UIT) sont présentes. L’UIT par la voix de son secrétaire général, Hamadoun Touré (son intervention musclée au Caire lors de la réunion de l’Icann continue à susciter remarques et commentaires dans ce monde feutré) revient à la tribune sur la « nécessité de veiller à ce que le cyberespace soit un endroit sûr et paisible ». L’Icann et son président, Paul Twomey, fidèles depuis la première édition du FGI, se dit convaincu que le célèbre « dialogue entre les parties prenantes » (multi stakeholder dialogue) doit se poursuivre, une garantie « pour notre responsabilité envers les générations futures ». L’Internet Society, par la voix de sa présidente Lynn St. Amour, rappelle son soutien indéfectible à un « modèle Internet » de distribution des pouvoirs, à la recherche de formes de consensus suite à des débats ouverts. « Ce modèle est flexible, robuste, et adaptable » insiste-t-elle « et sa valeur est supérieure à la somme des parties qui le compose. »Chaque journée est thématique, et se décline en divers sujets, sous forme d’atelier ou de sessions plénières. Mercredi 3 : comment atteindre le prochain milliard d’utilisateurs ? L’accessibilité pour les pays en développement, pour les personnes handicapées, la notion de service universel, la montée en compétence des techniciens… Jeudi 4 : promotion de la sécurité et de la confiance dans le réseau. Inquiétudes et recherches de solution fiables. Une question centrale : sommes-nous en train de perdre la bataille contre le cybercrime ? Vendredi 5 : les ressources critiques d’Internet. La transition vers IPV6… Samedi 6 : thématiques émergentes. En d’autres termes, bilan et perspectives à proposer pour la prochaine édition.

Des experts invités de l’Internet SocietyLe Forum sur la gouvernance de l’Internet, est le règne de la société civile – mieux coordonné au fur et à mesure des éditions. La présence des entreprises est l’éternel serpent de mer (est-ce une priorité financière en ces temps troublés ?) autant que celle des représentants gouvernementaux. Enfin, les grandes organisations internationales envoient leurs spécialistes ou chargés de programme (Unesco, UIT, Icann, Isoc, et leurs satellites). Sans oublier les grandes ONG du secteur, comme la Diplo Foundation ou l’APC (Association pour le progrès des communications). À noter que, pour cette édition 2008, l’Isoc a mobilisé ses troupes et facilité la venue de nombreux experts du monde entier (voir encadré) prouvant ainsi très concrètement son attachement à ce modèle de gouvernance. Reste à œuvrer au cours de 2009 pour convaincre encore et encore d’autres cercles à venir au Caire où se tiendra la prochaine réunion…

Odile Ambry (envoyée spéciale)

Une ambassadrice très impliquéeL’Internet Society invite des experts chaque année à participer au FGI. Pour l’édition 2008, 14 personnes ont été choisies parmi 40 candidatures. Portrait d’une jeune avocate turque – très heureuse d’avoir été sé-lectionnée !

Ceren Ünal a tout juste 30 ans. Avocate, elle a opté pour l’enseignement à l’université Bilkent d’Ankara. Des études à Londres, des travaux de recherche à Lausanne, une thèse en préparation sur la question des tiers de confiance chez les FAI - nul doute que Ceren avait toute sa place à Hyderabad ! « Au cours de mes recherches d’informations sur Internet, sur les questions de gouvernance et de régulation, j’ai trouvé le lien vers le site de l’Isoc. En poursuivant, j’ai trouvé l’appel à candidature pour les ambassadeurs, j’ai en-voyé ma demande et… j’ai été acceptée ! » Elle n’est pas avare en éloges de toutes sortes, notamment sur « l’absence de hiérarchie au sein de l’organisation. C’est très confortable de pouvoir débattre avec tout le monde. » C’est son premier Forum et elle en retient qu’il peut « être une vraie passerelle entre les ques-tions techniques et de gouvernance. » En Turquie, existe une communauté très au fait des questions In-ternet, « et les questions débattues au sein de l’Isoc peuvent vraiment les intéresser ». Conclusion ? Le chapitre turc de l’Isoc était en sommeil, Ceren est prê-te à le réactiver et à motiver des experts locaux pour le faire vivre !

Odile Ambry

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Dans le prochain numéro de Sociétés de l’information :

Crise financière : les réseaux d’espérer

Avec le soutien de l’Internet Society

Sociétés de l’information est une lettre professionnelle mensuelle éditée par Tocsin, SARL au capital de 380 euros, immatriculée au RCS de Paris B 432 735 264.Siège social : 82, boulevard de Ménilmontant 75020 PARIS - Tél. 01 43 66 77 07 - Fax 01 43 66 74 33.

Directrice de la publication Odile Ambry Rédacteur en chef Christophe Bys.Journalistes Christophe Bys, Sylvain Chanourdie, Olivier Itéanu, Charles Simon Conseillers de la rédaction Sébastien Bachollet, Éric Brousseau, Didier Kasolé Conception graphique Régis Bodinier.

La rédaction n’est pas responsable des textes, illustrations et photos qui lui sont communiqués par leurs auteurs. La reproduction partielle ou totale des articles publiés est interdite sans accord écrit de la société Tocsin.

C’est là que réside l’intérêt majeur du livre, dans cette capacité de l’auteur à raconter à la fois ces mésaventures avec distance – il y a vraiment chez cette femme qui pourtant occupe une position sociale importante quelque chose des oies blanches des comédies de Molière – et d’analyser les rapports hommes femmes à l’heure du réseau. Et le résultat n’est pas brillant.

Un net inhumain ou humain, terriblement humain ?« C’est un monde où le lien est sans cesse mis à mal, et où tout est permis », écrit Dominique Baqué. Elle y analyse très bien et en peu de mots comment peu à peu la compulsion prend naissance, comment les déceptions rencontrées, loin de conduire à renoncer, incitent à toujours recommencer.Les plus critiques diront qu’il ne s’agit que d’une expérience et qu’elle généralise trop vite. De même, l’état d’esprit de l’auteur visiblement dépressive ou angoissée (sa consommation de Lexomil en témoigne) rejaillit peut-être sur ces analyses.Il n’empêche. Elle livre quelques-uns des courriels qu’elle a reçus. Terribles ! Les mensonges médiocres, la peur de vieillir, la réification de l’autre dans un rapport où il n’incarne que le fantasme, sans qu’aucune relation ne s’établisse sont le signe patent qu’une technologie, aussi géniale soit-elle, ne peut pas grand chose pour panser les plaies d’individus perdus.

Christophe Bys

C’était fatal : la multiplication des sites de rencontres ne pouvait pas laisser la littérature indifférente. Souvent médiocre, quelques récits ont déjà paru, tenant le plus souvent du journal intime de serial dragueur. Machiste et vulgaire, leurs auteurs tenaient avant tout à étaler leurs conquêtes. La chair est triste, rien de nouveau.Le cas de Dominique Baqué est tout différent. L’auteur n’est pas un de ces Tartarin de Tarascon – le vantard chasseur imaginé par Alphonse Daudet – au pays de la drague. Au contraire. Critique d’art et universitaire, Internet n’est pas le quotidien de cette quinquagénaire (car il s’agit d’une femme) qui, à la suite d’une rupture amoureuse, va découvrir les règles et les codes de la séduction à l’heure du réseau.En une centaine de pages, elle narre son initiation au nouveau jeu de la séduction. Avec humour souvent, comme lorsqu’elle raconte comment elle rédige son annonce et choisit la photo. Peut-on être honnête – car elle cherche l’amour – quand il s’agit de séduire ? Les affres de l’intellectuel qui s’interrogent sur le métier qu’elle va indiquer (enseignante ? écrivain ?) sont émouvants quand on sait dans quel monde elle se jette. Pourtant, comme dans les « tragédies », dès ce moment, les éléments du « drame » à venir s’installent. Alea jacta est.Pour plaire sur le web, il faut être accrocheur et s’afficher sous son meilleur jour. Autrement dit, faire sa publicité en utilisant les mêmes outils que n’importe agence de communication. Et on ne met pas les doigts dans cette mécanique sans en sortir indemne. L’individu à la recherche d’amour devient une marchandise, c’est-à-dire incapable d’aimer ou d’être aimé, analyse-t-elle.

Émergences

Les jeux du sexe et du hasard

Dans un vif récit, « E-Love » aux éditions Anabet, Dominique Baqué narre et analyse son expérience des sites de rencontres. Une sorte de fragments du discours non amoureux.

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