différents types de « justes » dans le peuple russe

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Canadian Slavonic Papers Différents types de «justes »dans le peuple Russe Author(s): Nicolas Arseniev Source: Études Slaves et Est-Européennes / Slavic and East-European Studies, Vol. 1, No. 1 (PRINTEMPS/SPRING 1956), pp. 28-42 Published by: Canadian Association of Slavists Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41055688 . Accessed: 28/06/2014 18:11 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Canadian Association of Slavists and Canadian Slavonic Papers are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Études Slaves et Est-Européennes / Slavic and East-European Studies. http://www.jstor.org This content downloaded from 91.238.114.41 on Sat, 28 Jun 2014 18:11:18 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Canadian Slavonic Papers

Différents types de «justes »dans le peuple RusseAuthor(s): Nicolas ArsenievSource: Études Slaves et Est-Européennes / Slavic and East-European Studies, Vol. 1, No. 1(PRINTEMPS/SPRING 1956), pp. 28-42Published by: Canadian Association of SlavistsStable URL: http://www.jstor.org/stable/41055688 .

Accessed: 28/06/2014 18:11

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Différents types de « justes » clans le peuple Russe

par

Nicolas Arseniev

Nous prendrons d'abord la personnalité de la mère chrétienne. C'est dans les vieilles familles surtout, qui étaient nombreuses parmi la classe intellectuelle russe du XIXe siècle, parmi cette classe de la noblesse cultivée et ayant conservé le goût du terroir, que la mère de famille était souvent le centre rayonnant de la vie spirituelle, familiale et sociale. C'est elle qui jouait le rôle principal dans l'éducation religieuse des enfants. Le tableau de l'épilogue de « La Guerre et la Paix », où la princesse Marie, devenue femme de Nicolas Rostov, note dans son journal intime le comportement de ses enfants encore tout jeunes, est pris sur le vif.

« Nicolas (le mari) plongea son regard dans les yeux rayonnants qui le regardaient, et continua à feuilleter et à lire. Dans ce journal étaient

consignés tous les faits de la vie des enfants qui semblaient importants à la mère, et des notes révélant le caractère des enfants ou suggérant des idées générales sur les méthodes d'éducation. C'était pour la plupart de

petits riens insignifiants, mais ils ne paraissaient pas comme tels à la mère, ni au père, quand on lisait pour la première fois ce journal dédié aux enfants. Sous la date du 5 décembre était inscrit : « Mitia n'était pas sage à table. Papa ordonna de ne pas lui donner de dessert. On ne lui en donna donc pas, mais il regardait les autres d'une manière si plaintive et avide pendant qu'ils mangeaient. Je pense que punir en ne pas donnant de dessert ne fait que développer la gourmandise. Le dire à Nicolas ». Nicolas ferma le livre et regarda sa femme, dont les yeux rayonnants le

regardaient avec une interrogation muette (approuvait-il ou non son jour- nal ?). Mais il ne pouvait y avoir de doute ni sur l'approbation, ni sur l'admiration de Nicolas. « II n'est peut-être pas nécessaire de le faire

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d'une façon si pédantesque, peut-être même n'est-il pas nécessaire de le faire du tout », pensait Nicolas, mais cette inlassable tension de l'âme n'ayant d'autre but que le bien moral des enfants *- le remplissait d'admi- ration. Si Nicolas avait été capable de se rendre compte de son senti- ment, il aurait trouvé que le fondement de son amour pour sa femme était justement ce sentiment d'étonnement devant sa vie morale, devant ce monde de spiritualité élevée, qui lui était presque inaccessible et dans lequel sa femme vivait continuellement » '

L'image de sa mère *- une personnalité admirable, pleine de bonté, d une haute culture, d une douce modestie et surtout d'une grande bonté de cœur *--fut présente à l'esprit de Tolstoï tout au long de sa vie, bien qu'il ne l'ait presque pas connue car elle mourut quand il avait un an et demi.

Le grand chrétien et penseur religieux russe Alexis Khomiakov (1804-1860) écrivait à propos de sa propre mère, une femme d'une lucidité d'esprit, d'une piété fervente et d'une force de caractère peu communes : « Je sais que, si je puis être utile à quelque chose, c est grâce à ma mère, car je lui dois mon attitude spirituelle et ma fermeté inébranlable... Heureux celui qui a eu une telle mère et éducatrice dans sa jeunesse ! 2 Et quelle leçon d'humilité comporte en même temps cette conviction. La mère des célèbres frères Kiréevsky, Ivan et Pierre, Avdotia Pétrovna, en seconde noce Yélaguine (1789-1877), était un centre vivant d'une culture intense, littéraire et religieuse, et *- < ce qui était bien plus encore >-> d'un rayonnement de cœur qui s'étendait au delà des membres immédiats de sa famille et faisait de sa maison un foyer inoubliable d'hospitalité et de bonté. C'est ainsi qu'un grand savant russe, Cons- tantin Kavéline (1818-1884), écrit à son sujet : « L'image morale si lumi- neuse, noble et belle d'Avdotia Pétrovna qui montra tant de bonté, tant d'intérêt et d'attention bienveillante, était toujours présente à l'esprit de cette jeunesse qui était en train de se former » ' Ce rayonnement de

1. Tolstoï, L. : « La guerre et la paix» (en russe), Moscou, 1949, pp. 676-677. 2. Khomiakov, A. S. : Oeuvres (en russe), lettre à Mme Moukhanoff, Moscou, 1900,

vol. VIII, p. 45. 3« Kavéline, K. D. : Oeuvres choisies (en russe), vol. III, pp. 1121 et suiv.

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charité et die I>îenveiIIance de la mère chrétienne qui dépasse les bornes de la famille proprement dite, qui fait du foyer familial un centre de lumière et de bonté pour tous ceux qui y viennent, surtout pour ceux qui ont besoin d'appui, pour ceux qui sont délaissés et affligés, s'allie dans mon esprit avec certaines personnes que j'ai connues personnellement. Une flamme de charité, une douceur, une haute culture, surtout une culture de cœur #- comme cela est attrayant ! Mais c'est surtout l'ardeur spirituelle qui est caractéristique et décisive pour ses personnes, ces mères chrétiennes que j'ai connues. Toute leur vie morale était nourrie de cette flamme intérieure, de cette élévation de l'âme vers Dieu. C'était le Christ qui était le centre de leur vie. Cette mère (c'est une mère concrète qui est surtout présente à mon esprit) enseignant à ses enfants de se priver de leurs jouets favoris pour les donner à des enfants pau- vres, et surtout d'avoir pitié d'eux. Lors de la famine, dans les temps orageux et terribles de la révolution bolchevique, elle partageait le peu d'aliments qu'elle avait avec les nécessiteux qui se mouraient de faim. C'était un débordement d'amour et de pitié, un débordement « élémen- taire », pour ainsi dire, spontané, non pas une application voulue d'une théorie quelconque i-» une chose vécue, un saisissement. C'était là sa vie *- une vie d'abnégation, de compassion et de charité, mais sans grands mots, sobre et équilibré, pleine aussi d'un bon sens naturel, d'un sens d« humour » bienveillant et tolérant, une vie d'élan et de simplicité de cœur, alliée à une grande sagesse et finesse d'âme et d'esprit, à une culture profonde *- et le centre de cette vie, son inspiration incessante était le Christ Elle était tournée vers le Christ dans une intercession continuelle. Elle faisait le travail de ménage, même à un âge très avancé, bien qu'au fond cela ne fût pas nécessaire. Mais elle ne pouvait s'em- pêcher de travailler, et le travail terminé, elle s'adonnait à la prière. Elle prenait parfois un livre pour se reposer, mais quand elle restait seule, elle priait avec force. Tournée vers le Christ, elle le vivait, elle l'implantait dans les âmes. Elle aimait les grands poètes anglais et alle- mands, les historiens français (surtout Amédée Thierry), les grands

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mystiques chrétiens de l'Occident et de l'Orient, les docteurs ascétiques et mystiques de l'Eglise Orthodoxe (en premier lieu les écrits de I'évêque Théophane de Vycha), mais surtout la Bible. Elle prenait un intérêt très vif à tous les problèmes vitaux agitant le monde et surtout à la vie religieuse, et le centre vivifiant était pour elle, partout et toujours, le Christ dans Sa condescendance sans bornes. C'est surtout ces paroles de l'Evangile qui étaient présentes à son âme : « Puisque vous l'avez fait à l'un de Mes frères les plus petits, vous l'avez fait à Moi ».

Ces mères chrétiennes sont la richesse de chaque peuple, de chaque pays. Combien de trésors de la vie spirituelle sont dus à cette mère chré- tienne en Russie ! Voici, par exemple, la mère des célèbres frères Aksakov, une femme pleine d'un idéalisme moral, d'une force, d'une élévation d'âme qui avaient laissé une profonde empreinte sur les âmes de ses enfants. Je veux citer seulement quelques mots d'une lettre adressée par elle en 1844 à son fils Ivan, absent alors de la maison, le jour de son 21e anniversaire : «Eh bien, mon cher fils, maintenant commence ta vie de majeur avec la bénédiction de Dieu. Que la prière et la foi en Dieu t'accompagne toujours ! Ne te laisse pas t'enorgueillir, ne compte pas trop sur toi-même : car II existe, II existe, II existe ̂- l'Etre Suprême qui régit tout. Que je voudrais pouvoir verser dans ton âme cette foi chaleureuse » 4 ; Je voudrais terminer cette courte évoca- tion de l'image de la femme chrétienne par ces paroles dédiées par Léon Tolstoï à la mémoire de la personne qui lui avait servi de mère »- < sa tante Tatiana Alexandrovna Yergolskaïa :

« La note dominante de sa vie fut sa merveilleuse bonté qui s'éten- dait à tous et ne connaissait pas de limites. Jamais elle n'a dit du mal de quelqu'un. Elle vivait à une époque où la distance entre les maîtres et les domestiques était très accusée ; elle était née dans un milieu pétri de ces idées. Et pourtant, jamais elle n'usa de ses droits de maîtresse si ce n'est pour obliger ses domestiques. Jamais elle ne se servit des mots

4. Voir le tableau de la famille des Aksakow (fragment écrit par Ivan Aksakow) : «I. S. Aksakow dans ses lettres» (en russe), Moscou, 1888, vol. I, pp. 12 et suiv.

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pour enseigner comment il faut aimer ; jamais elle ne tint de propos mora- lisateurs. Son influence consistait en ce quelle mettait à votre portée la beauté spirituelle de l'amour. Elle accomplissait l'œuvre intérieure d'amour et de paix, attirait à elle et apportait un ckarme spécial dans ses relations. Cette atmosphère d'amour pour les présents et les absents, les vivants et les morts, voire les animaux, était pleine de joie ».

La mère chrétienne était, plus que le père, le lien vivant entre

l'Eglise et la famille, et servait souvent d'intermédiaire entre l'influence

spirituelle des grands « startzy » (directeurs de conscience) russes du XIXe siècle et la famille. Nous avons, par exemple, de nombreuses lettres adressées par le grand « staretz », I'évêque Thégophane de Vycha (1815- 1894), à des mères de famille. A une mère qui était dans une situation très difficile, il écrit : « La miséricorde de Dieu soit avec vous î Tout ce qui vient de Dieu, indépendamment de notre choix est toujours la meilleure chose pour nous. Ainsi votre situation présente, pleine d'an- sriété, votre propre maladie et celle de votre fils, de même que les af- faires difficiles auxquelles vous faites allusion *- tout cela est la chose la plus utile pour vous et les vôtres. Seulement il faut prier, et en priant remercier Dieu ». A la même personne, il donne des conseils d'ordre plus général : « Ne jugez personne et vous aurez Dieu pour défenseur. Tou-

jours il faut régler ses affaires de telle façon que les choses extérieures ne soient pas un empêchement aux choses intérieures... Le Seigneur est

partout, II est le même. Aucune place ne Le rapproche et aucune place ne L'éloigné. S'il est proche de vous là où vous vous trouvez, et que vous sentiez sa présence, alors pourquoi vouloir changer d'endroit?... Vous cherchez le Seigneur ? C'est bien, mais cherchez Le dans votre âme. II n'est pas loin de chacun de nous. Le Seigneur est près de ceux

qui L'appellent en toute sincérité. Trouvez une place dans votre cœur et entretenez-vous là avec le Seigneur. Qui rencontre le Seigneur, Le rencontre là. Et il n'a pas désigné d'autre place pour rencontrer les âmes (17 avril 1872). Que Dieu vous aide à persévérer dans la

règle de vie que vous vous êtes choisie ».

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A une autre mère il donne des conseils sur la manière de préparer les enfants durant le carême pour la confesse et la Sainte Communion. A un père de famille qui s'est récemment converti, il conseille surtout d'être miséricordieux envers les pauvres : « Aidez surtout ceux qui sont dans le besoin. Si quelqu'un vient en larmes auprès de vous, ne le lais- sez jamais partir sans avoir séché ses pleurs » *'

Je voudrais, à présent, jeter un rapide coup d'œil sur quelques autres types de justes qui ont joué un rôle important dans l'histoire religieuse du peuple russe.

Dans toute expérience chrétienne, la souffrance acceptée pour le Christ et au nom du Christ joue un rôle primordial. Nous savons quç les premiers saints russes, les jeunes frères Boris et Gleb, représentent le type de souffrance acceptée au nom du Christ. Généralement ce type du juste était très répandu en Russie, comme aussi dans d'autres pays chrétiens. Ivan Tourgueniev s'est laissé inspirer par les sources les plus profondes et les plus authentiques de la vie religieuse du peuple russe. II nous a tracé dans son petit récit « Les reliques vivantes » l'émouvante image d'une jeune paysanne, ancienne beauté du village, saine et robuste qui atteinte d'un mal soudain et mystérieux, a vu son corps se dessécher et se momifier jusqu'à emprunter les dimensions d'un corps d'enfant et seule la tête resta belle et imposante. Couchée jour et nuit, sans mouvement dans une grange, supportant sa souffrance avec une abné- gation totale, elle considéra celle-ci comme une épreuve imposée par la volonté divine.

Or, voilà une image analogue *- celle du paysan Michel Bezrouïcov, du gouvernement d'Oufa, mort à la fin du XIXe siècle. Lui aussi, dans la fleur de l'âge, a été soudainement frappé de paralysie après s'être surmené aux travaux champêtres. Son corps s est couvert d horribles plaies puantes. II souffrait terriblement, ne pouvant pas remuer ses membres et, dans les moments les plus aigus de ses souffrances, il mau-

5. « Lettres de l'Evêque Théophane », Oeuvres (en russe), fase. I, Moscou, 1898, p. 75 ; fase. Ill, Moscou, 1898, p. 96 ; Fase. V, Moscou, 1899, pp. 13, 15, 17, 19.

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dissait Dieu. Puis un changement moral s'opéra : il accepta ses souf- frances et devint par la suite un foyer de vie religieuse intense. Les gens du village et même les habitants des localités plus éloignées, ve- naient lui demander conseil et se recommandaient à ses prières. Ses grandes douleurs cessèrent peu à peu et il resta immotile, priant sans relâche avec patience et humilité.

II y avait aussi des cas de renonciation où le détenteur dune position sociale respectée abandonnait volontairement celle-ci et se mêlait aux gens les plus simples, les plus pauvres, appartenant aux classes les moins privilégiées et devenait semblable à Tun d'entre eux. Abandon- nant ses biens, sa famille, sa position, si modeste qu'elle fût, il n'était désormais qu'un simple pèlerin sans gîte ou un pauvre ouvrier parta- geant sa vie entre le travail et la prière.

Cette renonciation à l'éclat du monde, nous la retrouvons dans le personnage mystérieux de Feodor Kousmitch (mort plus qu'octogénaire en Sibérie en 1874) . II avait été un personnage très important, un homme de haute culture connaissant parfaitement la vie politique, diplomatique et militaire de son temps. II parlait plusieurs langues étrangères, avait une grande prestance, un air majestueux, une distinction innée. Etait-ce l'empereur Alexandre 1er qui aurait quitté son trône d'une façon clan- destine ? On ne le sait pas encore d'une façon incontestable, mais beau- coup de données admettent la possibilité et même plus *-> la réalité de cette version qui semble tellement fantastique et si peu croyable. En tout cas ce Fiodor Kousmitch était un grand chrétien, qui, dans sa vie pleine d'abnégation et d'humilité, était devenu un foyer rayonnant de vie spirituelle. Dans ce petit livre ravissant qui nous dépeint certains côtés des plus intimes de la vie religieuse russe i-* « Les récits d'un pèle- rin à son Père spirituel » (qui date probablement des années 40-50 du XIXe siècle) nous avons aussi l'image d'un grand seigneur faisant œuvre de contrition afin d'apaiser sa conscience meurtrie et inquiète. Cet homme abandonne tous ses biens terrestres et devient un pauvre pèlerin, parmi tant d'autres.

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C'est aussi un pèlerin tout particulier que ce héros de ce récit autobiographique : un simple jeune paysan qui lit la « Philocalia » »- < la célèbre chréstomatie ascétique et mystique et qui s'adonne à la prière d'une manière permanente. II passe un hiver entier dans une hutte fores- tière délaissée, creusée dans la terre ( « zemlianka » ) , loin de toute habi- tation humaine, en faisant continuellement la prière ou en lisant des livres saints. C'est une « confrérie » silencieuse et spontanée des adhé- rents de la vie mystique qui se présentent à nos yeux quand nous lisons les pages de ce petit livre. Voilà, par exemple, un officier qui escorte les criminels envoyés en Sibérie >- il est un homme de piété et porte continuellement, sous son uniforme, le Nouveau Testament ; malgré son dur métier c'est un homme qui compatit au sort de ses prisonniers. Ou bien ce couple hospitalier et pieux >-> le mari et la femme, qui reçoivent les pèlerins dans leur maison, laquelle devient un centre d'une bonté chrétienne active et rayonnante. L'auteur nous y dépeint sa vie inté- rieure : « Parfois je ressentais un amour ardent pour Jésus-Christ et pour toute créature de Dieu. Parfois une chaleur réconfortante venant du cœur pénétrait tout mon être et je sentais partout autour de moi la présence de Dieu ». Non seulement dans l'intérieur de mon âme le res- sentais-je, mais toutes les choses extérieures m' apparaissaient dans un aspect ravissant et tout m'invitait à aimer et à chanter des louanges à l'adresse de Dieu. Les hommes, les arbres, les plantes, les animaux *-< tout me semblait si proche, partout je trouvais l'empreinte du Christ ». Toutes les créatures lui semblent témoigner « de l'amour de Dieu pour les hommes et tout est plein d'élan vers Dieu et tout chante Sa gloire. Et j'ai compris par là ce qui est appelé dans le « Dobrotolioublié » (« Phi- localia ») : « la connaissance du sens caché de la créature », et j ai vu la manière avec laquelle on peut s'entretenir avec une créature de Dieu » 6.

L'authenticité du témoignage de ce petit livre est corroborée indi- rectement par une image analogue, dépeinte par Dostoievsky : celle du

6. « Récits d'un Pèlerin à son Père spirituel », édition russe de 1881, pp. 31, 39-40, 93 ; traduction de Jean Gauvin dans la revue «Dieu Vivant», no 6, 1946, pp. 144-149 ; édition russe, Paris, 1948, pp. 37 et suiv.

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vieillard Macaïre Ivanovitch dans son roman « L'adolescent ». Le monde commence à être transfiguré aux yeux de Macaïre Ivanovitck par la présence de Dieu qui est le grand « mystère » de la création. « Qu'est- ce que c'est le mystère ? Toute chose est mystère, mon ami, dans toute chose est le mystère de Dieu. Qu'un petit oiseau chante ou les étoiles brillent la nuit dans le ciel ^ c'est toujours le même mystère... Si je me sens mieux au printemps, je partirai de nouveau en pèlerinage. Tout est en Toi, ô Seigneur, et moi je suis en Toi. Accepte-moi ! »

Les fous, les « insensés au nom du Christ ». On a beaucoup écrit à leur sujet. Il y en a eu de vrais et de faux. Parfois un désir de choquer les gens apparaissait, mais alors ce n'était qu'un masque pieux pour des cyniques et des fainéants, quelquefois aussi c'était une défectuosité mentale, une « imbécilité » authentique, alliée ^- aussi étrange que cela

puisse paraître <- à de vraies profondeurs de la vie spirituelle. C'était un cas assez répandu : ces « pauvres d'esprit », dans le sens littéral du mot, pouvaient être de vrais serviteurs de Dieu. Et quelquefois enfin c'étaient de grands ascètes et de grands serviteurs de Dieu, mentalement

parfaitement normaux, qui, sous les allures étranges de cette folie feinte, cachaient une richesse extraordinaire de la vie religieuse, dont la folie n'était qu'un masque adopté par le besoin d'humilité i- » pour se voir

méprisés et dénigrés des hommes. Ce n'est au fond que ces derniers qui répondaient pleinement à la désignation de cette catégorie : « fou par amour du Christ ». II y en avait tout un nombre de ces fous pour l'amour du Christ qui jouissaient d'une grande vénération de la part du peuple russe dont 36 environ ont été canonisés. Si Ion feuillette dans les douze volumes des « Vies des justes russes du XVIIIe et XIXe siècle », le nombre des « yourodivyés » que Ion y trouve, est compa- rativement très grand. Ainsi par exemple, seul le volume consacré au mois de septembre, présente sur 34 biographies cinq biographies de « yourodivyés ». La littérature classique russe nous montre parfois ce

type de « fou pour l'amour de Dieu ». Quelquefois c'est un faux saint, comme nous le dépeint Dostoievsky dans une scène pleine de verve de

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ses « Démons». Ou bien voici limage émouvante du pauvre fou Gricha dans « L'Enfance » de Léon Tolstoi (1853) : dans sa prière secrète ce pauvre « fou » épanche devant Dieu la richesse cachée de son âme ardente et pure... « J'ai passé peu à peu ma tête à travers la porte entrouverte », écrit Tolstoi, « et j'avais peur de respirer. Gricha restait immotile sur ses genoux ; de profonds soupirs sortaient de sa poitrine ; dans la prunelle trouble de son œil malade, éclairée par la lune, une larme s'était arrêtée >.

« Que Ta volonté soit faite ! » s'écria-t-il subitement avec une expres- sion inimitable et appuya son front contre la terre en sanglotant comme un enfant... O grand chrétien, Gricha ! Ta foi était si grande que tu sentais la présence de Dieu ï... » (Chap. XII).

Dans les siècles passés de l'histoire russe, les « fous au nom du Christ » i- * ceux qui étaient authentiques, les vrais justes *- ont souvent dit aux grands de ce monde devant lesquels tous tremblaient (surtout aux XVe et XVIe siècle) leur manière de penser et, quelquefois, payaient de leur vie leur franc-parler.

Le professeur Smirnov, historien eminent de la vie religieuse russe, a rassemblé beaucoup de faits illustrant comment les saints et les ascètes de l'ancienne Russie ont servi leur prochain. Remarquables, par exemple, sont ces paroles extraites du testament de S. Paphnuce de Borovsk (1477) : « N'achetez pas pour moi de cercueil en bois de chêne, mais achetez avec cet argent au lieu du cercueil des pains blancs ( kalatchi » ) et partagez-les entre les pauvres. Quant à moi, enveloppez-moi dans de J'écorce d'arbre, creusez une fosse et mettez-moi dedans » 7. S. Joseph de Volokolamsk (disciple de Paphnuce) était plein de charité. Pendant une grande famine une foule immense, venue de partout, sept mille personnes, sans compter les petits enfants, se rassembla un jour devant les portes du couvent. Il ordonna de nourrir tout ce monde ; quant aux petits enfants affamés, il les accueillit dans l'hospice spécial du couvent où ils restèrent pour tout de bon. Un autre grand représentant de la vie

7. Smirnov, S. I. : « Comment les ascètes de la vieille Russie ont servi l'humanité » (en russe), Sergieva Lavra, 1903, p. 52.

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monastique, S. Cornili de Komel ( f 1537), transforma son couvent en un hospice pour les invalides. « II les accueillait dans le couvent avec joie, les nourrissait et les faisait soigner » 8. Ces exemples abondent, car la vraie vie chrétienne ne saurait être sans charité et sans compassion pour son prochain.

Un trait caractéristique de la vie religieuse russe est représenté par les « startzy », ces « directeurs de conscience », dont nous avons déjà parlé, qui attiraient des milliers et des milliers de personnes venant de tous les coins de la Russie, les voir et les consulter sur les difficultés de leur vie. Le XIXe siècle a vu la floraison de ce phénomène religieux profondément enraciné dans la tradition spirituelle de l'Eglise d'Orient, mais qui s'est développé d'une façon toute particulière en Russie. II a en même temps profondément influencé la culture générale russe i- » le mouvement philosophique et littéraire du XIXe siècle. Les noms des « startzy » d'Optina et de S. Séraphin de Sarov ont une résonance immense dans l'histoire culturelle et religieuse de la Russie. L'Eglise Russe n'était pas toujours passive et silencieuse vis-à-vis de l'injustice. Son malheur était que souvent (surtout à partir du XVIIIe siècle, mais

déjà au XVIe et au XVIIe siècle) elle dépendait trop de l'Etat et qu'un grand nombre de ses représentants perdaient par rapport à l'Etat non seulement leur liberté extérieure, mais parfois même leur indépendance spirituelle. Un esprit d'obséquiosité et de carriérisme gagnait de cette

façon le cœur d'un grand nombre de prélats russes. Le même danger réapparaît de nos jours. La différence est que du temps des tzars, le

pouvoir temporel était en principe (ou quelquefois faisait semblant de

l'être) toujours intimement lié à l'Eglise par les liens de la foi, alors

que le gouvernement soviétique est athée. Cette différence est très im-

portante et doit être retenue. Déjà au Xle siècle S. Théodore du couvent Petchersky près de

Kiev a courageusement dit la vérité aux puissants de ce monde. II adressa une sévère lettre de remontrance au prince Sviatoslav qui s'était

8. Op. cit., p. 62.

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emparé du trône de son frère aîné en le chassant de Kiev, et compara Sviatoslav au fratricide Caïn. S. Grégoire le Thaumaturge du même couvent fut noyé dans le Dniéper par le prince Rostislav, pour avoir dénoncé ses crimes. S. Jean, abbé du couvent Petchersky, blâmait le prince Sviatopolk II pour sa rapacité et sa politique d'oppression. En 1430 au nord de la Russie, dans la région de Vologda, l'abbé S. Grégoire dénonça le sauvage prince Dmitri Chémiaka pour ses crimes et ses cruautés. « Prince Dmitri », lui dit-il, « n'as-tu pas lu dans l'Ecri- ture Sainte qu'un jugement sans miséricorde attend celui qui n'a pas montré de miséricorde ? Et toi, tu as commis des actions antichré- tiennes... Au XVIe siècle, le grand saint Philippe, métropolite de Moscou, n'a pas eu peur d'influencer l'âme violente du criminel Ivan le Terrible et de lui prêcher la justice et la miséricorde en dénonçant ses crimes et ses impiétés et il l'a payé de sa vie. Nous avons des con- fesseurs et des martyrs de la foi en Russie en des temps plus récents. Des centaines d'évêques, des milliers de prêtres, des quantités innom- brables de fidèles ont souffert pour leur foi et leur fidélité au Christ et à l'Eglise. Souvent des offres leur parvenaient de la part des autorités, promettant la liberté s'ils reniaient leur foi, mais en vain.

Ceci démontre d'une façon irréfutable que c'était la foi qui était persécutée. Par où commencer pour retracer ces souffrances ? Voici le convoi de prêtres et d'ecclésiastiques déportés (parmi eux des vieillards qui se meuvent à peine), vêtus presque de haillons, la plupart sans vêtements d'hiver, qui se met en branle. La foule saisie de pitié et versant des larmes les accompagne (les femmes leur donnent des cou- vertures, des fichus de laine, des jaquettes tricotées, des pardessus). Voici ce convoi qui se dirige à pied, en plein hiver, vers les parages de la Pétchora (c'est à peu près à 1 000 km. d'Archangelsk) . Deux tiers des déportés meurent en route, gelés dans la plaine arctique. Ou bien voilà des prêtres que l'on bat à coups de crosse dans un des camps de concentration soviétiques, comme nous le raconte un témoin qui s'en est échappé 9. Ou encore voici le lent et terrible martyr du vénérable

9. Kitchin, V. :« Prisoners of the Gué-Pé-Ou », New York, 1930. 59

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archevêque cT Archangelsk, Antoine, vieillard au cœur simple et bon, qui partageait tout ce qu'il avait avec les indigents. On lui avait ar- raché du cou sa croix d'évêque. II ne pouvait y avoir aucun chef d'ac- cusation contre ce vieillard qui ne s'occupait pas de politique. Mais c'était un pasteur débonnaire, bon et simple, un vrai évêque ♦-* et cela suffisait. II gisait par terre, sans air frais et sans eau par des journées d'été d'une chaleur suffocante, dans une petite cellule d'une saleté cras- seuse surpeuplée de prisonniers, et implorait qu'on lui donne un peu d'eau. Et on ne lui en donnait pas. Et puis, il paraît qu'on battait le vieil- lard. Des personnes qui lui étaient attachées et d'autres personnes qui avaient été emprisonnées en même temps avec lui, ont conservé des détails authentiques sur sa détention et sa mort en prison. Ou voici les métropolites Arsène de Novgorod, Cyrille de Kazan, Illarion et Pierre de Kroutitzky, l'archimandrite Taube et un grand nombre d'autres prélats de l'Eglise qui restèrent courageux dans la prison et fidèles à leur foi jusqu'à la mort.

Le procès et l'exécution du métropolite Benjamin de Petrograd n'étaient qu'un simulacre de justice. L'avocat Gourévitch <- pas chrétien du reste, mais Juif -* fut profondément ébranlé, comme il le disait lui- même dans une conférence, qu'il tint peu après en France, de l'am- biance spirituelle entourant le métropolite et ses collègues, accusés en même temps que lui. C'était un souffle d'héroïsme chrétien primitif, une foi ardente qui gagnait le cœur des gens qui assistaient au procès. Mais la portée du témoignage de Gourévitch comporte bien plus que cela : il s'inclinait devant l'héroïsme du métropolite et des autres ac- cusés, devant leur grandeur d'âme ; mais ce n'est surtout pas cela qui le frappa et le bouleversa le plus : on pressentait derrière le métropolite et les autres chrétiens inculpés, et bien au dessus d'eux, quelque chose de plus grand, une réalité vivante. Que peut-on dire de plus quand on

parle des martyrs ? Ce ne sont pas simplement des héros, ce sont des témoins de la Vérité. Du reste, voilà quelques mots de la dernière lettre du métropolite Benjamin, écrite avant sa mort : « II faut déposer à

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présent notre érudition et notre suffisance et laisser le champ libre à la grâce ».

On pense presque aux paroles de l'Epître aux Hébreux (II, 32) : « Que dirai- je encore ? Je n'aurai pas le temps de parler ». Les cadres de mon article me forcent à terminer cette courte esquisse. Mais pensez encore à ces évêques détenus en prison avec des prisonniers de droit commun et convertissant les voleurs et les assassins à la foi de Dieu 10. Et voici ces « prêtres ambulants » qui vont à pied, en cachette, de vil- lage en village et prêchent le nom de Dieu et administrent les sacre- ments. Et des messes de Pâques sont célébrées clandestinement dans les forêts de la région de Vologda *' Et les faits d'héroïsme et de cou- rage chrétien qui se manifestaient dans les couches les plus larges de la population, chez les gens les plus simples, par exemple, chez de simples femmes de village tenant tête aux juges d'instruction bolché- vistes et préférant la détention et la torture à l'apostasie.

Un chapitre à part de cette épopée chrétienne c'est l'exil des évêques dans les contrées arctiques de la Sibérie septentrionale, par- fois bien au delà du cercle polaire *- dans les petites huttes recouvertes de neige, dans un climat auquel il était difficile de ne pas succomber *- jusqu'à 65 degrés de froid en hiver (où une nuit polaire dure une demi-année), et en été le fléau des moustiques innombrables péné- trant partout. C'est dans ces conditions qu'étaient exilés le « locum tenens » du patriarche de toute la Russie, le métropolite Pierre de Krou- titzky et le métropolite Cyrille de Kazan qui en moururent. Remarquables sont les lettres écrites à ses fidèles par un autre évêque exilé au delà du cercle polaire >- le jeune Damascène de Gloukhov. Quand il cé- lèbre la Sainte Eucharistie dans sa petite hutte entourée des montagnes de neige, il voit r- « vous tous, proches et chers, se tenant avec moi devant l'autel ». « Je crois », écrit-il dans une autre lettre, « que l'atti- tude la plus juste serait que les fidèles dans les sombres jours présents laissent leurs douleurs personnelles se dissoudre dans la douleur géné-

10. Roussinov, V. A. : «Auf der Suche nach Russland », Leipzig, 1939. II. SCHWRZ, V. : «In Wologdas weissen Waldern», Hans Harder Verlag, 1938.

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raie et qu'ils se fortifient en se rappelant les annonces que la Parole die Dieu fait de I'inévitabilité des terribles épreuves et douleurs devant frapper le monde». Et voilà la voix du métropolite Cyrille de Kazan qui résonne à travers cette nuit arctique : « Puisse l'Esprit Saint », écrit-il, « qui habite toujours l'Eglise, nous conduire à travers la four- naise des épreuves présentes vers la plus grande manifestation de Sa gloire »...

Voilà I'évêque Platon, enfermé dans une cave à Dorpat avec des ecclésiastiques et des professeurs de théologie protestants *-> tous des- tinés à être fusillés par les bolcheviques, le voilà qui garde, malgré l'atmosphère suffocante de la petite cave où tant de personnes sont entassées, tout son courage et sa sérénité d'âme, le voilà qui réconforte les autres détenus et se prépare avec eux en toute humilité et sérénité »à recevoir la mort.

La vague des persécutions qui avait déferlée sur l'Eglise et la foi chrétienne, semble maintenant s'être calmée en Russie. Les dangers pour l'Eglise restent quand même très grands : le danger surtout de se laisser abuser par l'Etat en tant qu'instrument politique. Mais le cou- rage et la foi des martyrs n'ont pas été vains ; ils ont fructifié et for- tifié l'Eglise. II ont témoigné de la force vivante du Christ devant le monde entier. C'est une grande œuvre de portée chrétienne oecuménique, oui, de portée mondiale, qui s'est accomplie dans l'Eglise russe pendant ces années de persécution.

N. D. L. R. : Les « startzy » exerçaient une très grande influence dans la vie spirituelle russe, surtout au XIXe siècle (Voir la réforme de l'archimandrite Velitchkovsky, 1722-1794). Le « staretz », retiré du monde, passait de longues années dans une solitude complète afin de perfectionner son amour envers Dieu et envers les hommes. Après la retraite il devenait un directeur de conscience ayant pour but de venir en aide aux personnes qui aspiraient à une perfection morale. De même il était plein de sollicitude à l'égard de tous ceux qui s'adressaient à lui. Sa force morale résultait surtout du fait qu'il avait lui-même subi de dures épreuves en luttant contre le péché et qu'il avait atteint un état d'humilité et de dévouement illimité envers son prochain. A propos des justes (pravedniki) en général, il convient de remarquer que toute personne pouvait atteindre ce degré d'élévation morale qui lui permettait d'être un exemple de la vie juste et pieuse, sans toutefois quitter ni son milieu, ni sa famille. Le « staretz » devait par ailleurs être un ascète.

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Pages 3 et 4, 7c ligne, Damaradzki, recte : Domaradzki Page 4, 6e ligne, kind in this, recte : kind on this Page 10, 16e ligne, writting, recte : writing Page 12, 21 e ligne, this, recte : his Page 13, 12e ligne, chilhood's, recte : childhood's Page 14, bas de page, 3e édition les cours, recte : 3e édition des cours Page 15, 10e ligne, actualité, jusqu'à, recte : actualité jusqu'à Page 15, 29e ligne, les peuples slaves,, recte : les peuples slaves ». Page 15, dernière ligne (bas de page), sténographiées* Paris, recte : sténogriphiées (Cours 1840-

1842, première édition), Paris Page 17, 8e ligne, V. Cousin., recte : V. Cousin. « W. Mickiewicz : Zywot Adama Mickiewicza,

Poznan 1931, vol. IL, p. 619 Page 17, 9e ligne (bas de page), Mickiewicz obtint une licence es lettres à, recte : Mickiewicz

acheva ses études littéraires à Page 17, 13e ligne (bas de page), page 2, recte : page 2. W. Mickiewicz : op. cit., p. 55 ; P.

Chmielowski : Adam Mickiewicz, Warszaw, 1901, vol. I., p. 140 ; J. Kallenbach : op. cit., vol. I., p. 98 : J. Kleiner : Mickiewicz, Lublin, 1948, vol. I.f p. 160

Page 18, avant-dernière ligne, public 19, recte : public » 19. Page 19, 23e ligne, venait tout, recte : venait « tout rage ¿U, bas de page ¿5, op. cit., recte : op. cit.. M. Kndl : Adam Mickiewicz poet of Poland

(a symposium, ed. by M. K.) New York, 1951 ; W. Weintraub : The poetry of Adam Mickiewicz, S-Gravenhage, 1954.

Page 20, bas de page 24, op. cit., recte : op. cit.. W. Lednicki : Mickiewicz at the Collège de France, 1840-1940, dans The Slavonic Yearbook, Menasha, 1941, vol. XX., p. 149- 172 ; voir aussi pour l'ensemble l'œuvre du même auteur : Russia, Poland and the West, New York, 1954.

Page 22, 14e ligne, communal...27. «Mais, recte : communal...»27. Mais Page 25, bas de page 35, 1938., recte : 1938. Z. Klarnerowna : Slowianofilstwo w literaturze

polskiej, Warszawa, 1926 Page 26, 14e ligne, de courants, recte : de deux courants Page 29, 20e ligne, sa jeunesse /recte : sa jeunesse î » Page 32, Ile ligne, Thègophane, recte : Théophane Page 37, 2e et 5e ligne, Tolstoi, recte : Tolstoï Page 39, Ile ligne, tiennes... recte : tiennes...» Page 41, bas de page, Schzorz, recte : Schwarz Page 42, 20e ligne, // ont, recte : Ils ont rage 44, bas de page 3 : Slovacim, recte : Slowacia i Page 45, 14e ligne, to their great, recte : to his great Page 45, bas de page, 5. L. I. Strakhovsky, recte : 6. L. I. Strakhovsky Page 45, bas de page, 6. Cf. J. J. Potocek, recte : 8. Cf. J.J. Potocek Page 47, bas de page, 8. Ibid, recte : 10. Ibid Page 48, bas de page, //. Cf. Karamoris, recte : 12. F. Karamoris Page 49, bas de page, 12. Cf. Sjezd, recte : 14. Cf. Sjezd Page 50, bas de page, 13. Ibid., recte : 15. Ibid. Page 51, 18e ligne, basis of one, recte : basis one Page 51, bas de page, 15. H. Bartek, recte : 17. H. Bartek Page 52, 26e ligne, schools this, recte : schools, his Page 53, bas de page, 19 a remplacer par bas de page 10, (page 47 : Handbook etc.) Page 56, 2e ligne, salk, recte : salt Page 57, avant-dernière ligne, The investment, recte : The investment Page 58, 33e et 38e ligne, Spawinski, recte : Splawinski Page 60, 24e, 31e, 36e, et 39e lignes, Spawinski, recte : Splawinski Page 61, 7e et 17e lignes, Spawinski, recte : Splawinski Page 62, 15e ligne, AASTEEL, recte : AATSEEL Page 62, Ile et 35e lignes, Jaskiewicz, recte : Jaskievicz

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