dermatomyosite-polymyosite et syndrome paranéoplasique

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Dermatomyosite-polymyosite et syndrome paran6oplasique S. HERSON* Dermatomyositis-polymyositis and paraneoplastic syndrome. Rev Mdd interne 1987 ; 8 : 245-246. La reconnaissance de la dermatomyosite comme syndrome paran6oplasique reste, malgr6 les convic- tions de beaucoup, contrevers~e (7, 8). Dans une d6finition id6ale, le syndrome paran6o- plasique, ne connaitrait pas d'autre 6tiologie que le cancer ; il accompagnerait 6troitement son 6volution favorable ou d~favorable; il aurait un m6canisme pathog~nique clair et une pr6dilection pour un type histologique particulier. Ces conditions id6ales ne sont habituellement pas remplies, notamment pour la dermatomyosite. Cependant, l'association avec un cancer est retrouv6e dans 15 ~ 25 p. 100 des s6ries de dermato- myosites et polymyosites, publi6es dans la litt6rature (2, 5, 6, 7, 8). I1 existe des observations oh le traite- merit du cancer a entrain6, ~ lui seul, la disparition de la myosite. Le syndrome paran6oplasique ne se d6finit alors plus, par la liaison syst6matique du sympt6me et du cancer, mais par rassociation fr~quente entre eux. On doit parler ~ d'exc~s de cancer >> dans une s~rie de malades, ou de <~ risques accrus >>pour le patient atteint du sympt6me. La s6rie publi6e dans ce num~ro, conforte la vali- dit6 de la notion de dermatomyosite paran~oplasi- que : par la fr6quence de l'association (15 p. 100) et la gu6rison de la maladie musculaire parall~lement au traitement du cancer (dans 2 cas). Elle souligne le caract~re tr~s p~joratif de cette association (7 d6c~s rapides sur 9) et la pr6dominance de la dermatomyo- site (7 fois sur 9). Comme les auteurs, nous pensons que cette asso- ciation n'est pas fortuite, que sa fr6quence n'est pas artificiellement accrue par la recherche syst6matique * Service de mddecine interne, groupe hospitalier Pitid-Sal- pdtridre, 47 boulevard de l'H6pital, 75634 Paris Cedex 13. Tirds il part : S. Herson, adresse ci-dessus. d'un cancer infra-clinique et qu'il ne s'agit pas de cancers induits par le traitement de la maladie mus- culaire. I1 nous parait n6cessaire d'engager des explorations ~ la recherche d'un cancer asymptoma- tique. I1 ne faut cependant pas nEgliger les argument des auteurs d6niants ~t la dermatomyosite son caract~re paran6oplasique. Le report d'observations isol6es, reprises dans les s6ries collig6es de la litt6rature, a artificiellement accentu6 la fr6quence apparente du cancer au cours de la dermatomyosite. Quelle est la fr6quence du cancer dans une popu- lation de m~me ftge et de m6me origine ? Deux 6tudes dont les r6sultats sont oppos6s, pr6- tendent r6pondre ~ cette question par la m6thode des cas-t6moins (mesure et comparaison du nombre de cas de cancers chez des sujets atteints d'une myo- site: <<les cas~ et des sujets non atteints: <<les t6moins~. Cette m6thode est-elle judicieusement employ6e ? I1 semble peu pertinent par exemple de prendre en compte, chez les malades et chez les cas- t6moins, indiff6remment les cancers survenus dans les deux ans qui encadrent la dermatomyosite, et ceux apparus 20 ans avant la myosite (7). La limite inf6rieure de l'~ge d'inclusion dans l'une des 6tudes est de 16 ans, ceci repr6sente un biais important (8). La fr6quence mod6r6e de l'association dermato- myosite-cancer, tient certainement ~ l'h6t6rog6n6it6 de l'ensemble des myosites. I1 faudrait progressive- ment d6finir un groupe fi tr6s haut risque, qui serait alors ~ l'6vidence paran6oplasique. Certains sous- groupes sont d6jA reconnus pour ne pas 6tre en rap- port avec un cancer. Les dermatomyosites de l'enfant sont depuis longtemps individualis6es ; les polymyosites associ6es ~ d'autres collag6noses sont progressivement exclues. Faut-il individualiser les polymyosites chroniques ~t d6but insidieux ? Faut-il 61ever l'fige traditionnel de la dermatomyosite de l'adulte ? Faut-il confondre, dans les s6ries, derma- tomyosites et polymyosites ? Les 6tudes par la m6thode des cas-t6moins sont toujours de r6alisation et d'interpr6tation difficile. Les travaux ult6rieurs devront rechercher la d6fini- tion de sous-groupe ~t haut risque ou de sous-groupe sans risque accru. Le caract~re paran6oplasique des dermatomyosites ainsi d6fini, sera alors reconnu sans ambiguit6.

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Page 1: Dermatomyosite-polymyosite et syndrome paranéoplasique

Dermatomyosite-polymyosite et syndrome paran6oplasique

S. HERSON*

Dermatomyositis-polymyositis and paraneoplastic syndrome.

Rev Mdd interne 1987 ; 8 : 245-246.

La reconnaissance de la dermatomyosite comme syndrome paran6oplasique reste, malgr6 les convic- tions de beaucoup, contrevers~e (7, 8).

Dans une d6finition id6ale, le syndrome paran6o- plasique, ne connaitrait pas d 'autre 6tiologie que le cancer ; il accompagnerait 6troitement son 6volution favorable ou d~favorable; il aurait un m6canisme pathog~nique clair et une pr6dilection pour un type histologique particulier.

Ces conditions id6ales ne sont habituellement pas remplies, notamment pour la dermatomyosite.

Cependant , l 'association avec un cancer est retrouv6e dans 15 ~ 25 p. 100 des s6ries de dermato- myosites et polymyosites, publi6es dans la litt6rature (2, 5, 6, 7, 8). I1 existe des observations oh le traite- merit du cancer a entrain6, ~ lui seul, la disparition de la myosite.

Le syndrome paran6oplasique ne se d6finit alors plus, par la liaison syst6matique du sympt6me et du cancer, mais par rassociation fr~quente entre eux. On doit parler ~ d'exc~s de cancer >> dans une s~rie de malades, ou de <~ risques accrus >> pour le patient atteint du sympt6me.

La s6rie publi6e dans ce num~ro, conforte la vali- dit6 de la notion de dermatomyosite paran~oplasi- que : par la fr6quence de l 'association (15 p. 100) et la gu6rison de la maladie musculaire parall~lement au traitement du cancer (dans 2 cas). Elle souligne le caract~re tr~s p~joratif de cette association (7 d6c~s rapides sur 9) et la pr6dominance de la dermatomyo- site (7 fois sur 9).

Comme les auteurs, nous pensons que cette asso- ciation n'est pas fortuite, que sa fr6quence n'est pas artificiellement accrue par la recherche syst6matique

* Service de mddecine interne, groupe hospitalier Pitid-Sal- pdtridre, 47 boulevard de l'H6pital, 75634 Paris Cedex 13.

Tirds il part : S. Herson, adresse ci-dessus.

d 'un cancer infra-clinique et qu'il ne s'agit pas de cancers induits par le traitement de la maladie mus- culaire. I1 nous parait n6cessaire d 'engager des explorations ~ la recherche d 'un cancer asymptoma- tique.

I1 ne faut cependant pas nEgliger les argument des auteurs d6niants ~t la dermatomyosite son caract~re paran6oplasique. Le report d 'observations isol6es, reprises dans les s6ries collig6es de la litt6rature, a artificiellement accentu6 la fr6quence apparente du cancer au cours de la dermatomyosite.

Quelle est la fr6quence du cancer dans une popu- lation de m~me ftge et de m6me origine ?

Deux 6tudes dont les r6sultats sont oppos6s, pr6- tendent r6pondre ~ cette question par la m6thode des cas-t6moins (mesure et comparaison du nombre de cas de cancers chez des sujets atteints d 'une myo- site: <<les cas~ et des sujets non atteints: <<les t6moins~. Cette m6thode est-elle judicieusement employ6e ? I1 semble peu pertinent par exemple de prendre en compte, chez les malades et chez les cas- t6moins, indiff6remment les cancers survenus dans les deux ans qui encadrent la dermatomyosite, et ceux apparus 20 ans avant la myosite (7). La limite inf6rieure de l'~ge d' inclusion dans l 'une des 6tudes est de 16 ans, ceci repr6sente un biais important (8).

La fr6quence mod6r6e de l 'association dermato- myosite-cancer, tient certainement ~ l'h6t6rog6n6it6 de l 'ensemble des myosites. I1 faudrait progressive- ment d6finir un groupe fi tr6s haut risque, qui serait alors ~ l'6vidence paran6oplasique. Certains sous- groupes sont d6jA reconnus pour ne pas 6tre en rap- port avec un cancer. Les dermatomyosites de l 'enfant sont depuis longtemps individualis6es ; les polymyosites associ6es ~ d'autres collag6noses sont progressivement exclues. Faut-il individualiser les polymyosites chroniques ~t d6but insidieux ? Faut-il 61ever l'fige traditionnel de la dermatomyosite de l 'adulte ? Faut-il confondre, dans les s6ries, derma- tomyosites et polymyosites ?

Les 6tudes par la m6thode des cas-t6moins sont toujours de r6alisation et d'interpr6tation difficile. Les travaux ult6rieurs devront rechercher la d6fini- tion de sous-groupe ~t haut risque ou de sous-groupe sans risque accru. Le caract~re paran6oplasique des dermatomyosites ainsi d6fini, sera alors reconnu sans ambiguit6.

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246 S. Herson La Revue de Mddecine interne Mai-Juin 1987

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