contraception orale et thrombose veineuse profonde

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formation | hémostase OptionBio | Lundi 21 avril 2008 | n° 399 12 Contraception orale et thrombose veineuse profonde © Fotolia.com/AL Boveron Le risque de maladie thromboembolique veineuse est influencé par la dose d’éthinylestradiol, le type de progestatif, l’âge et la durée d’utilisation. Quelle que soit la voie d’administration (orale, patch, anneau vaginal), le risque vasculaire des contraceptifs estroprogestatifs est similaire. L a maladie thromboembolique veineuse (MTEV) est le pre- mier événement indésirable de la contraception orale (CO), le plus fréquent et le plus rapide. Augmentation du risque de MTEV Le risque de MTEV est influencé par la dose d’éthinylestradiol (EE), le type de progestatif, l’âge (augmentation après 40 ans) et la durée d’utilisation de la CO (risque plus important la première année d’utilisation). Concernant la dose d’EE, les premières pilules qui en contenaient 100 à 150 μg étaient très à risque. Ce risque a été considérablement diminué lorsque les doses d’EE ont été abaissées à 30 μg. Actuellement, la plupart des pilules contraceptives sont dosées à 15, 20 ou 30 μg. Il n’y a pas à ce jour d’étude démontrant que celles dosées à 15 ou 20 μg sont moins à risque que celles dosées à 30 μg. En ce qui concerne le type de progestatif, les molécules de 3 e génération (désogestrel, gestodène ou norgestimate) sont plus à risque que celles de 2 e génération (norgestrel, lévonor- gestrel, dans Adépal ® , Minidril ® , Trinordiol ® ). Les contraceptifs oraux de 1 re génération ne sont plus utilisés. Modifications de l’hémostase Sous CO estroprogestative, il existe un état d’hypercoagula- bilité, caractérisé par une augmentation des taux de fibrino- gène, facteur VII et facteur X, et une diminution des inhibiteurs physiologiques de la coagulation, antithrombine et protéine S dans le plasma. Parallèlement, on observe une hyperfibrinolyse avec augmentation du taux de plasminogène et diminution du PAI-1 (inhibiteur de l’activateur du plasminogène). Enfin, une résistance à la protéine C activée acquise peut se voir au cours des états d’hyperestrogénie comme chez la femme enceinte ou lors de la prise d’une CO estroprogestative. Au total, ces modi- fications se traduisent par une augmentation des événements thromboemboliques veineux. Habituellement, les thromboses veineuses profondes sont des maladies rares, survenant chez 1 à 3 femmes pour 1 000/an dans les pays occidentaux (cette incidence augmente avec l’âge). Le risque thromboembolique de la CO a été évalué de 3 à 6 chez les premières utilisatrices (dose élevée de EE) ; récemment, il a été estimé de 1,5 à 4 chez les femmes utilisant une CO de 3 e génération par rapport à celles prenant une CO de 2 e génération. Les nouvelles voies d’administration Les nouvelles voies d’administration des contraceptifs sont le patch (Evra ® , délivrant 15 μg/j d’EE et 150 μg/j de norel- gestromine, métabolite actif du norgestimate, progestatif de 3 e génération) et l’anneau vaginal contraceptif (Nuvaring ® , qui délivre 15 μg/j d’EE et 120 μg/j d’étonorgestrel, métabolite actif du désogestrel, 3 e génération). Concernant le patch, deux études pharmaco-épidémiologiques ont été publiées montrant un risque de thrombose veineuse identique 1 ou multiplié par 2 comparé à la voie orale 2 . Le risque conféré par l’association estroprogestative par voie transdermi- que est donc au moins équivalent à celui de la voie orale. Concernant l’anneau vaginal, trois équipes ont étudié des mar- queurs intermédiaires du risque thromboembolique. La pre- mière 3 n’a pas montré de différence avec la voie orale, hormis une augmentation du facteur VII chez les patientes porteuses d’un anneau vaginal ; les deux autres 4,5 ont montré une activa- tion de la coagulation équivalente par voie orale ou vaginale. Conclusion Quelle que soit la voie d’administration (orale, patch, anneau vaginal), le risque vasculaire des contraceptifs estroprogestatifs est similaire. Après un événement thromboembolique veineux, ils restent contre-indiqués. Le dispositif intra-utérin doit être conseillé ; la contraception progestative seule est en cours d’évaluation. | CAROLE ÉMILE Biologiste, CH de Montfermeil (93) [email protected] Source Communication de G. Plu-Bureau (service Médecine de la reproduction, hôpital Necker, Paris, INSERM U292), lors des Entretiens de Bichat, Paris, septembre 2007. Bibliographie 1. Jick SS, Kaye JA, Russmann S, Jick H. Contraception. 2006 ; 73 (3) : 223-8. 2. Cole JA, Norman H, Doherty M, Walker AM. Obstet Gynecol. 2007 ; 109 : 339-46. 3. Magnusdóttir EM, Bjarnadóttir RI, Onundarson PT et al. Contraception. 2004 ; 69 (6) : 461-7. 4. Rad M, Kluft C, Ménard J et al. Am J Obstet Gynecol. 2006 ; 195 (1) : 72-7. 5. Sitruk-Ware RL, Menard J, Rad M et al. Contraception. 2007 ; 75 (6) : 430-7. st similaire. e in © Fotolia.com/AL Boveron d’éthin l yles est tradiol, le type nistration (orale, patch, Les contraceptions progestatives pures Les progestatifs seuls peuvent être utilisés à très faible dose (contraception microprogestative) ou à dose antigonadotrope (macroprogestatif : acétate de chlormadinone, Lutéran ® ). Les microprogestatifs ne modifient pas les paramètres de la coagulation et aucune augmentation du risque de MTEV n’a été notée dans la littérature avec ces produits, mais les études sont encore rares avec des effectifs faibles.

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formation | hémostase

OptionBio | Lundi 21 avril 2008 | n° 39912

Contraception orale et thrombose veineuse profonde

© Fotolia.com/AL Boveron

Le risque de maladie thromboembolique veineuse est influencé par la dose d’éthinylestradiol, le type de progestatif, l’âge et la durée d’utilisation. Quelle que soit la voie d’administration (orale, patch, anneau vaginal), le risque vasculaire des contraceptifs estroprogestatifs est similaire.

La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) est le pre-mier événement indésirable de la contraception orale (CO), le plus fréquent et le plus rapide.

Augmentation du risque de MTEVLe risque de MTEV est influencé par la dose d’éthinylestradiol (EE), le type de progestatif, l’âge (augmentation après 40 ans) et la durée d’utilisation de la CO (risque plus important la première année d’utilisation). Concernant la dose d’EE, les premières pilules qui en contenaient 100 à 150 μg étaient très à risque. Ce risque a été considérablement diminué lorsque les doses d’EE ont été abaissées à 30 μg. Actuellement, la plupart des pilules contraceptives sont dosées à 15, 20 ou 30 μg. Il n’y a pas à ce jour d’étude démontrant que celles dosées à 15 ou 20 μg sont moins à risque que celles dosées à 30 μg.En ce qui concerne le type de progestatif, les molécules de 3e génération (désogestrel, gestodène ou norgestimate) sont plus à risque que celles de 2e génération (norgestrel, lévonor-gestrel, dans Adépal®, Minidril®, Trinordiol®). Les contraceptifs oraux de 1re génération ne sont plus utilisés.

Modifications de l’hémostaseSous CO estroprogestative, il existe un état d’hypercoagula-bilité, caractérisé par une augmentation des taux de fibrino-gène, facteur VII et facteur X, et une diminution des inhibiteurs physiologiques de la coagulation, antithrombine et protéine S dans le plasma. Parallèlement, on observe une hyperfibrinolyse avec augmentation du taux de plasminogène et diminution du PAI-1 (inhibiteur de l’activateur du plasminogène). Enfin, une résistance à la protéine C activée acquise peut se voir au cours des états d’hyperestrogénie comme chez la femme enceinte ou lors de la prise d’une CO estroprogestative. Au total, ces modi-fications se traduisent par une augmentation des événements thromboemboliques veineux.Habituellement, les thromboses veineuses profondes sont des maladies rares, survenant chez 1 à 3 femmes pour 1 000/an

dans les pays occidentaux (cette incidence augmente avec l’âge). Le risque thromboembolique de la CO a été évalué de 3 à 6 chez les premières utilisatrices (dose élevée de EE) ; récemment, il a été estimé de 1,5 à 4 chez les femmes utilisant une CO de 3e génération par rapport à celles prenant une CO de 2e génération.

Les nouvelles voies d’administrationLes nouvelles voies d’administration des contraceptifs sont le patch (Evra®, délivrant 15 μg/j d’EE et 150 μg/j de norel-gestromine, métabolite actif du norgestimate, progestatif de 3e génération) et l’anneau vaginal contraceptif (Nuvaring®, qui délivre 15 μg/j d’EE et 120 μg/j d’étonorgestrel, métabolite actif du désogestrel, 3e génération).Concernant le patch, deux études pharmaco-épidémiologiques ont été publiées montrant un risque de thrombose veineuse identique1 ou multiplié par 2 comparé à la voie orale2. Le risque conféré par l’association estroprogestative par voie transdermi-que est donc au moins équivalent à celui de la voie orale.Concernant l’anneau vaginal, trois équipes ont étudié des mar-queurs intermédiaires du risque thromboembolique. La pre-mière3 n’a pas montré de différence avec la voie orale, hormis une augmentation du facteur VII chez les patientes porteuses d’un anneau vaginal ; les deux autres4,5 ont montré une activa-tion de la coagulation équivalente par voie orale ou vaginale.

ConclusionQuelle que soit la voie d’administration (orale, patch, anneau vaginal), le risque vasculaire des contraceptifs estroprogestatifs est similaire. Après un événement thromboembolique veineux, ils restent contre-indiqués. Le dispositif intra-utérin doit être conseillé ; la contraception progestative seule est en cours d’évaluation. |

CAROLE ÉMILE

Biologiste, CH de Montfermeil (93)

[email protected]

SourceCommunication de G. Plu-Bureau (service Médecine de la reproduction, hôpital Necker,

Paris, INSERM U292), lors des Entretiens de Bichat, Paris, septembre 2007.

Bibliographie1. Jick SS, Kaye JA, Russmann S, Jick H. Contraception. 2006 ; 73 (3) : 223-8.

2. Cole JA, Norman H, Doherty M, Walker AM. Obstet Gynecol. 2007 ; 109 : 339-46.

3. Magnusdóttir EM, Bjarnadóttir RI, Onundarson PT et al. Contraception. 2004 ; 69

(6) : 461-7.

4. Rad M, Kluft C, Ménard J et al. Am J Obstet Gynecol. 2006 ; 195 (1) : 72-7.

5. Sitruk-Ware RL, Menard J, Rad M et al. Contraception. 2007 ; 75 (6) : 430-7.

st at o (o a e, patc ,st similaire.

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d’éthin lylesesttradiol, le type nistration (orale, patch,

Les contraceptions progestatives puresLes progestatifs seuls peuvent être utilisés à très faible dose

(contraception microprogestative) ou à dose antigonadotrope

(macroprogestatif : acétate de chlormadinone, Lutéran®).

Les microprogestatifs ne modifient pas les paramètres de

la coagulation et aucune augmentation du risque de MTEV

n’a été notée dans la littérature avec ces produits, mais les

études sont encore rares avec des effectifs faibles.