compression du rameau superficiel du nerf radial par un kyste synovial du coude (À propos d’un...

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Cas clinique Compression du rameau superficiel du nerf radial par un kyste synovial du coude propos d’un cas et revue de littérature) Compression of the superficial branch of the radial nerve by a synovial ganglion of the elbow (About one case and literature review) M. Sirrajelhak * , S. Fnini, M. Arssi, A. Garch Service de traumatologie-orthopédie pavillon, CHU Ibn Rochd, 32, quartier des hôpitaux, Casablanca, Maroc Reçu le 18 janvier 2013 ; reçu sous la forme révisée le 27 mars 2013 ; accepté le 17 avril 2013 Disponible sur Internet le 14 mai 2013 Résumé La compression du nerf radial au coude est peu fréquente, l’atteinte du rameau superficiel de ce nerf est exceptionnelle. La compression extrinsèque est l’étiologie la plus fréquente, notamment par des lipomes. Le rôle de l’imagerie par résonance magnétique est incontournable au diagnostic, et l’exérèse chirurgicale précoce ou la ponction échoguidée, lorsqu’il s’agit d’un kyste synovial, permet une récupération totale dans un bref délai. Les auteurs rapportent le cas d’une compression du rameau superficiel du nerf radial par un kyste arthrosynovial du coude traité par résection chirurgicale. # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Nerf radial ; Branche superficielle ; Trouble sensitif ; Kyste synovial ; Coude Abstract Compression of the radial nerve at the elbow is quite rare; entrapment of its superficial branch is exceptional. Extrinsic compression is the most frequent etiology. Magnetic resonance imaging plays a major role in the diagnosis, and early surgical excision or echoguided drainage in case of synovial ganglion allows a total recovery. The authors report the case of a compression of the superficial branch of radial nerve by an elbow synovial cyst treated by surgical resection. # 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Radial nerve; Superficial branch; Sensory disorder; Synovial cyst; Elbow 1. Introduction La compression du nerf radial au coude est moins fréquente que celle du nerf ulnaire, l’atteinte du rameau superficiel est exceptionnelle. La compression extrinsèque est l’étiologie la plus fréquente et, en particulier, celle due à un lipome. Nous rapportons le cas d’une compression de la branche superficielle du nerf radial par un kyste arthrosynovial de l’articulation huméroradiale, traité par résection chirurgicale. 2. Observation Nous rapportons le cas d’une patiente âgée de 48 ans, femme de ménage, droitière, sans antécédents pathologiques particu- liers. La symptomatologie remontait à plus d’une année avec l’apparition de douleurs nocturnes à type de fourmillement, avec hypoesthésie dans le territoire du rameau superficiel du nerf radial, sans diminution de la force musculaire. La patiente avait consulté plusieurs fois des médecins généralistes, qui avaient prescrit un traitement médical à base d’anti-inflammatoires, d’antalgiques et de vitamines, sans amélioration notable. Trois mois plus tard, la patiente consultait chez un neurologue, qui demandait un électromyogramme, qui s’avérait normal. À l’examen clinique, la patiente présentait une hypoesthésie dans le Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Chirurgie de la main 32 (2013) 255257 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Sirrajelhak). 1297-3203/$ see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.main.2013.04.006

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Page 1: Compression du rameau superficiel du nerf radial par un kyste synovial du coude (À propos d’un cas et revue de littérature)

Cas clinique

Compression du rameau superficiel du nerf radial par un kyste synovialdu coude (À propos d’un cas et revue de littérature)

Compression of the superficial branch of the radial nerve by a synovial ganglion of the elbow(About one case and literature review)

M. Sirrajelhak *, S. Fnini, M. Arssi, A. GarchService de traumatologie-orthopédie pavillon, CHU Ibn Rochd, 32, quartier des hôpitaux, Casablanca, Maroc

Reçu le 18 janvier 2013 ; reçu sous la forme révisée le 27 mars 2013 ; accepté le 17 avril 2013Disponible sur Internet le 14 mai 2013

Résumé

La compression du nerf radial au coude est peu fréquente, l’atteinte du rameau superficiel de ce nerf est exceptionnelle. La compressionextrinsèque est l’étiologie la plus fréquente, notamment par des lipomes. Le rôle de l’imagerie par résonance magnétique est incontournable audiagnostic, et l’exérèse chirurgicale précoce ou la ponction échoguidée, lorsqu’il s’agit d’un kyste synovial, permet une récupération totale dans unbref délai. Les auteurs rapportent le cas d’une compression du rameau superficiel du nerf radial par un kyste arthrosynovial du coude traité parrésection chirurgicale.# 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Nerf radial ; Branche superficielle ; Trouble sensitif ; Kyste synovial ; Coude

Abstract

Compression of the radial nerve at the elbow is quite rare; entrapment of its superficial branch is exceptional. Extrinsic compression is the mostfrequent etiology. Magnetic resonance imaging plays a major role in the diagnosis, and early surgical excision or echoguided drainage – in case ofsynovial ganglion – allows a total recovery. The authors report the case of a compression of the superficial branch of radial nerve by an elbowsynovial cyst treated by surgical resection.# 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Radial nerve; Superficial branch; Sensory disorder; Synovial cyst; Elbow

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Chirurgie de la main 32 (2013) 255–257

1. Introduction

La compression du nerf radial au coude est moins fréquenteque celle du nerf ulnaire, l’atteinte du rameau superficiel estexceptionnelle. La compression extrinsèque est l’étiologie laplus fréquente et, en particulier, celle due à un lipome. Nousrapportons le cas d’une compression de la branche superficielledu nerf radial par un kyste arthrosynovial de l’articulationhuméroradiale, traité par résection chirurgicale.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M. Sirrajelhak).

1297-3203/$ – see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservhttp://dx.doi.org/10.1016/j.main.2013.04.006

2. Observation

Nous rapportons le cas d’une patiente âgée de 48 ans, femmede ménage, droitière, sans antécédents pathologiques particu-liers. La symptomatologie remontait à plus d’une année avecl’apparition de douleurs nocturnes à type de fourmillement, avechypoesthésie dans le territoire du rameau superficiel du nerfradial, sans diminution de la force musculaire. La patiente avaitconsulté plusieurs fois des médecins généralistes, qui avaientprescrit un traitement médical à base d’anti-inflammatoires,d’antalgiques et de vitamines, sans amélioration notable. Troismois plus tard, la patiente consultait chez un neurologue, quidemandait un électromyogramme, qui s’avérait normal. Àl’examen clinique, la patiente présentait une hypoesthésie dans le

és.

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Fig. 1. Aspect peropératoire du kyste synovial qui comprime la branchesuperficielle du nerf radial.

Fig. 2. Aspect peropératoire aprés resection du kyste synovial.

Fig. 3. Aspect histologique du kyste synovial : lumière kystique sinueusebordée par un revêtement synovial.

M. Sirrajelhak et al. / Chirurgie de la main 32 (2013) 255–257256

territoire de la branche superficielle du nerf radial, sans déficitmoteur, ni troubles vasculaires, ni troubles trophiques associés ;aucune masse n’était palpable, notamment sur le trajet du rameausuperficiel du nerf radial droit. La patiente était restée sousvitaminothérapie sans amélioration clinique.

Neuf mois plus tard, la patiente consultait chez unorthopédiste qui demandait une échographie à la recherched’une masse potentielle, laquelle s’avérait normale, et laréitération de l’électromyogramme, qui montrait un ralentisse-ment des vitesses de conduction sensitives du rameausuperficiel du nerf radial au niveau du coude droit. Devant lapersistance de la symptomatologie clinique, une échographieétait refaite, qui montrait cette fois-ci une masse hypoéchogénede 1 cm � 1 cm, en contact avec la branche superficielle dunerf radial. Par une voie d’abord antérolatérale, l’explorationchirurgicale du trajet du rameau superficiel du nerf radial droiten regard du siège de la compression trouvait un kyste synovialde 1 cm � 1,5 cm, comprimant ce rameau (Fig. 1). Le kysteétait enlevé par une dissection progressive et soigneuse avecfermeture du collet (Fig. 2) et adressé pour une étudeanatomopathologique (Fig. 3). Les suites opératoires étaientsimples. Vingt jours plus tard, la patiente était totalementasymptomatique.

3. Discussion

En cas de trouble sensitif du nerf radial, la compressionextrinsèque est l’étiologie la plus fréquente et, en particulier,celle liée au développement d’un lipome. La premièredescription date de 1953 par Richmond [1–3]. Jou et al., en2009 [3], Macfarlane en 2008 [4] ont rapporté trois cas decompression de la branche superficielle du nerf radial au niveau

du coude par des kystes, la masse compressive était indolore,non palpable. L’imagerie par résonance magnétique permet,depuis plusieurs années, de bien visualiser le siège, l’étendue etles rapports de la masse. La compression peut être causée par ledéveloppement des bursites de la tubérosité radiale, qui peuventse développer au niveau de l’une des deux bourses séreuses dela région : la bourse bicipito-radiale entre le tendon distal dubiceps brachial et la partie antérieure de la tubérosité du radius,et la bourse cubitale interosseuse, entre le tendon distal dubiceps brachial et l’ulna ou la corde oblique de Weitbrecht[5,8]. Là encore, l’imagerie moderne a permis de faciliter lediagnostic par une étude plus précise des différentes structuresanatomiques. Malgré la fréquence des arthrites rhumatoïdes, ledéveloppement d’une synovite venant comprimer le nerf radialest relativement rare. En 2013, Kohyama et al. ont rapporté le

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cas d’une compression du nerf interosseux postérieur par unesynovite villonodulaire pigmentée du coude [6]. Oz et al., en2010, ont rapporté le cas d’un ostéochondrome au niveau ducoude comprimant le nerf radial [7]. En 2011, Dhuria et al. [9]ont décrit un cas rare de compression du nerf radial par unevariation anatomique du muscle brachioradial. Yongwei et al.ont rapporté huit cas de rétrécissements étagés du nerf radial oudu nerf interosseux postérieur [2].

Les troubles sensitifs sont souvent accompagnés de douleursvariables, parfois traçantes vers la partie dorsale du premierespace interosseux, et d’une hypoesthésie également de degrévariable. Tout syndrome sensitif de la face latérale du coudeavec ou sans irradiation distale doit faire discuter les différentsdiagnostics neurologiques d’origine centrale ou périphérique,comme les a décrits Raimbeau en 1996 [10].

L’examen éléctrophysiologique permet de fixer le niveau del’atteinte, il est très controversé, car il est souvent normal ;parfois il peut montrer un ralentissement des vitesses deconduction sensitives en regard du site de compression, mais sapositivité apparaît inconstante. C’est un examen long etdifficile, pouvant durer une heure, nécessitant un opérateurentraîné et ayant fréquenté le laboratoire d’anatomie. Il fautsavoir le répéter quatre à six mois après, si le tableau cliniquepersiste ou s’il existe un doute lors du premier examen [10,11].

L’imagerie par résonance magnétique est indispensable dansl’atteinte de la branche superficielle du nerf radial, à larecherche d’une compression extrinsèque (lipome, kystesynovial, bursite, muscle brachioradial bifide, tumeur del’extrémité proximale du radius, etc.) [10–14].

Le traitement est chirurgical pour tous les processusexpansifs, sauf les kystes synoviaux, dont la ponctionéchoguidée peut remplacer l’exérèse chirurgicale. En l’absencede masse visualisée, la chirurgie est différée de deux ou troismois, avec l’espoir d’une récupération spontanée ; toutefois, ilne faut pas trop tarder, car c’est la libération précoce qui permetla récupération. En général, elle est complète en quelques mois,parfois en quelques jours, comme dans le cas de notre patiente.La voie d’abord dépend de la topographie de la compression, engénéral en regard de la masse [4,8,11].

4. Conclusion

Des troubles dans le territoire de la branche superficielle dunerf radial, dus à la compression extrinsèque par un kyste

synovial, est très rare ; l’imagerie par résonance magnétique estincontournable au diagnostic, l’exérèse chirurgicale ou laponction échoguidée précoce a permis une récupération totaledans un bref délai.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

Références

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