citoyens capteurs

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Les Citoyens Capteurs Appropriation du développement durable par micro-actions de mesure Jean-Paul de Vooght Certificate of Advanced Studies in Sustainable Development 2010-2011, University of Geneva “Design a way to monitor the natural and industrial systems around you and make them knowable to you and your colleagues. Don’t try to do it alone. We are all designers now.” John Thackara In The Bubble

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Page 1: Citoyens capteurs

Les Citoyens Capteurs

Appropriation du développement durable par micro-actions de mesure

Jean-Paul de Vooght

Certificate of Advanced Studies in Sustainable Development 2010-2011, University of Geneva

“Design a way to monitor the natural and industrialsystems around you and make them knowable to you

and your colleagues. Don’t try to do it alone.We are all designers now.”

John ThackaraIn The Bubble

Page 2: Citoyens capteurs

Table des MatièresDéveloppement durable : une affaire d'appropriation..........................................................................2

La perspective ascendante des micro-actions..................................................................................4Approche et méthodologie...............................................................................................................5

Modèles d'organisation basés sur l'appropriation.................................................................................7Approches dérivées de la culture du logiciel libre...........................................................................7La science citoyenne........................................................................................................................9Synthèse et nouvelles formes de micro-actions.............................................................................12

Approche « Citoyens Capteurs »........................................................................................................14Définition et hypothèses................................................................................................................16

Étude de cas : la qualité de l'air..........................................................................................................18Projets de mesure de qualité de l'air...............................................................................................20Étude comparative des projets représentatifs.................................................................................22

Perspectives et verrous.......................................................................................................................23Modèles d'application....................................................................................................................23Organisation des projets et gouvernance.......................................................................................24Considérations Scientifiques et Juridiques....................................................................................25Conclusion.....................................................................................................................................26

Annexe................................................................................................................................................27Répertoire général de projets.........................................................................................................27Projets de mesure de la qualité de l'air...........................................................................................29Bibliographie.................................................................................................................................30

Page 3: Citoyens capteurs

1

Résumé

Le développement durable pose des questions trop importantes pour être la seule affaire des institutions internationales ou celle de la « main invisible » du marché. Le sommet de la Terre « Rio+20 » fera sans doute le constat que le progrès n'est pas assez significatif. Quelle forme de participation peut-on proposer pour une appropriation des problématiques de développement durable par les citoyens ?A l'ère des réseaux sociaux et de l'Internet mobile, il est possible d'envisager une autre application que le partage de photos ou d'opinions. L'approche dénommée « Citoyens Capteurs » propose une participation au travers de micro-actions de mesure de l'environnement. On voit apparaître des projets dérivées de la science citoyenne qui invitent les individus à faire usage de leur téléphone, mais aussi d'autres instruments, pour partager des mesures : nids de poule, qualité de l'air, bruit, etc. L'approche proposée va un pas plus loin en introduisant la notion de modèle de connaissances partagées qui mets les mesures dans un contexte. Il s'agit de promouvoir la pensée systémique pour permettre aux citoyens de mettre en perspective le coût du nid de poule et l'impact sur d'autres éléments du système. Cette approche holistique vise à l'appropriation des problèmes et permettre le déclenchement de mécanismes d'apprentissage au niveau local.Une étude comparative des projets dans le domaine de la qualité de l'air montre l'état actuel des initiatives impliquant directement des citoyens. Elles sont évaluées selon 6 critères qui visent à assurer la cohérence entre les initiatives ascendantes et descendantes en toute synergie. Aucun de ces projets ne satisfait pleinement les hypothèses de l'approche qui en est encore à ses débuts. L'opportunité de les développer doit prendre en compte certains verrous afin d'arriver à un concept déployable à travers le monde et faire émerger des solutions locales où chacun prend ses responsabilités face aux problèmes importants de développement durable.

Page 4: Citoyens capteurs

Développement durable : une affaire d'appropriation 2

Développement durable : une affaire d'appropriationLe Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) a participé en Décembre 2011 à l'organisation du sommet « Eye On Earth » au cours duquel 750 délégués ont débattu de l'importance et des modalités de l'accès aux données environnementales et sociétales1. L'agence européenne pour l'environnement, ESRI2 et Microsoft y ont présenté une plate-forme d'observation ouverte qui permet aux agences de solliciter la collecte de données par les citoyens. On va plus loin que les éco-gestes en sollicitant les individus à relever des données environnementales locales.

Les anglo-saxons parlent de « crowdsourcing » [1] ou de la possibilité d'externaliser certaines tâches à un groupe n'appartenant pas à l'organisation. A l'instar de la science citoyenne, le crowdsourcing se repose sur un large groupe de volontaires qui sacrifient du temps à une problématique donnée. La solution présentée à Abu Dhabi lors du sommet « Eye On Earth » et inscrite dans une déclaration, marque une nouvelle direction de la participation citoyenne. Il s'agit de mettre à profit les technologies de l'information et de la communication (TIC) pour complémenter les efforts d'observation déjà en place dans de nombreux pays.

Le PNUE est la plus haute instance en matière d'environnement au sein des Nations Unies. Mais d'autres organisations font appel à des bénévoles telles que :

• Beecitiz permet depuis peu aux citoyens français de soumettre des requêtes à leur mairie en signalant, par exemple, un nid de poule dans la rue à partir du téléphone.

• La communauté des ornithologues amateurs a une longue tradition de contribution aux dénombrements d'oiseaux : eBird du laboratoire Cornell d'ornithologie met en œuvre les technologies Web 2.0 pour saisir les observations en ligne et les partager avec d'autre enthousiastes en temps réel.

• Au Japon, des amateurs d'électronique implémentent en quelques semaines un réseau de plus de 200 capteurs Geiger pour suivre la progression de la radioactivité suite à la catastrophe de Fukushima

• La fondation Inherity répertorie les sites de patrimoine culturel via collecte citoyenne

• En Argentine, Agrotestigo permet aux ingénieurs agricoles de la société AGD et aux exploitants de la région (soja, maïs, arachides, sorgho, tournesol) de soumettre par le web des rapports relatifs à l'état des cultures, incidences du climat,

1 En ligne avec la Convention d'Aarhus qui engage les signataires à publier les données sur l'observation environnementale ainsi que d'inclure les citoyens dans les décisions en matière d'environnement.

2 Environmental Systems Research Institute

Réunir un groupe d'individus venant

d'horizons différents pour résoudre un

problème important s'appelle faire du

« crowdsourcing » et s'applique déjà à de

nombreux projets. Le PNUE, les villes, les

projets de science citoyenne, les

communautés de citoyens distribuent

des tâches trop complexes pour leur

structure interne.

Les sources de mesure de radiation nucléaire

faites par des amateurs émergent suite à la

catastrophe de Fukushima.

Page 5: Citoyens capteurs

Développement durable : une affaire d'appropriation 3

rendements, mais aussi recevoir des alertes maladies, insectes, ainsi que des rapports sur l'emploi de nouvelles techniques (p. ex. agriculture de précision)

• A New York, un projet baptisé « Don't Flush Me » permet aux citoyens de se faire notifier quand ne pas tirer la chasse d'eau lors de risques de débordement des égouts. La détection se fait par une série de capteurs fabriqués à base de micro-contrôleurs à bas prix et reliés à Internet.

Ces initiatives sont révélatrices de la participation d'individus au travers de petites actions dans divers thèmes de développement comme l'urbanisme, la biodiversité, l'énergie ou la politique. Le concept de développement durable3 peut être articulé sous la forme d'une pyramide dont les sommets sont les trois piliers classiques du développement durable – économie, environnement mais aussi social – auxquels on ajoute les dimensions gouvernance et participation.

Un développement durable pose de vrais problèmes. L'empreinte écologique4, toutes nations confondues, est de 1.5 [2] et va de pair avec des systèmes humains de plus en plus puissants qui viennent bousculer les systèmes biogéochimiques mis en place au cours de l'évolution de notre planète.

Comment prendre nos responsabilités par rapport à notre puissance ?

L'approche institutionnelle descendante visant à adapter le système

3 Lorsque l'on parle du seul terme « développement » on se réfère traditionnellement au modèle par défaut de croissance sous contrainte d'une balance comptable nationale entre demande d'une part et production d'autre part. La production est une fonction de deux paramètres : le capital et le travail. Le côté demande, plus connu sous le nom de produit intérieur brut (PIB), est soutenu par la croissance du nombre d'individus et justifie les investissements pour soutenir la production. Ce modèle de développement linéaire avait été mis en question par le Club de Rome en 1972 à travers l’étude « Halte à la Croissance » qui met en garde garde contre une accélération du mode de développement industriel et du taux d'exploitation des ressources nécessaire pour l'alimenter. En 1987, la commission Brundtland, mandatée par la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, réitère le message du Club de Rome et propose une révision du modèle de développement. L'adjectif « durable » lui est apposé et le défini comme « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. » Une définition populaire mais difficile à transposer en termes opérationnels.

4 Mesure en hectares de terre des surfaces biologiquement productives en terre et eau nécessaires pour produire les ressources sollicitées par la demande des populations y compris les déchets qui en découle.

Un problème de taille: le modèle de société

linéaire, ouvert, qui exploite les services

écosystémiques pour alimenter des

systèmes humains régis par un ensemble

de pays souverains.Les deux opèrent

dans des échelles de temps radicalement

différentes.

La vision européenne contemporaine du

développement durable étend la définition

traditionnelle de deux dimensions: la

participation et la gouvernance.

Page 6: Citoyens capteurs

Développement durable : une affaire d'appropriation 4

linéaire de développement ci-dessus marquent un anniversaire important cette année avec le sommet Rio+20. Vingt ans après le premier sommet de la Terre à Rio de Janeiro au Brésil, force est de constater que le mode de développement convenu et qualifié de « durable » n'a pas encore produit les corrections escomptées.Les parts par millions de particules de dioxyde de carbone sont passées de 356 à 390 [3] dans cette période. La convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui a vu le jour à Rio et qui mena au Protocole de Kyoto en 1997, vient de voir le Canada se retirer en échappant ainsi au seul outil juridique contraignant en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Le prix du baril de pétrole a quadruplé depuis 2003. Par ailleurs, nous faisons face à une crise du système financier international initiée aux États-Unis avec la crise des prêts hypothécaires qui s'est propagée à toutes les grandes places financières. Elle fait encore rage sous la forme d'une crise des dettes publiques qui rend difficile l'implémentation des programmes politiques. Finalement, rappelons que nous serons 9.1 milliards d'ici 2050 et que cette croissance seule pose des défis à toutes les villes du monde qui accueilleront deux tiers de cette population.

Le développement durable n'est pas uniquement du ressort des institutions et du marché5 mais aussi des citoyens qui doivent se l'approprier. Cela revient à poser une perspective ascendante du développement durable.

La perspective ascendante des micro-actions

L'idée de ne pas déléguer les problèmes du développement durable mais de se les approprier au travers de micro-actions n'est pas nouvelle. Le philosophe français Michel Puech parle d'une éthique du soutenable [4]. L'éthique6 complémente les règles issues des efforts descendants. Les deux sont des moteurs de changements du contexte dans lesquels nous évoluons. Puech développe un nombre d'exemples basés sur des micro-actions à travers lesquelles les individus s'approprient des problématiques de manière simple, locale et concrète.

Minati et Pessa qui étudient les modèles d' « entités collectives » et les phénomènes d'émergence voient dans l'éthique une façon d'étudier les phénomènes d'émergence dans les systèmes sociaux [5]. Ils introduisent le concept encore nouveau d'entité collective. Il s'applique à des systèmes d'agents faisant usage de différents modèles

5 A côté du cadre institutionnel, le marché est l'autre mécanisme fondamental qui nous impose certaines règles. Les entreprises s'y affrontent à travers l'offre et la demande de biens et de services. La responsabilité sociale des entreprises (RSE) regroupe les mesures volontaires qu'elles peuvent entreprendre pour adresser des problématiques de développement durable.

6 Le terme éthique du grec ethos introduit par Aristote, signifie comportement et s'utilise pour faire référence à la partie de le philosophie qui étudie le comportement humain, les critères pour l'évaluer et la question du choix. Il est utilisé ici dans une perspective téléologique qui soutient une conception variable du développement durable propre à chaque individu en lieu et en temps.

Le modèle ouvert résiste au

changement et demande une prise de

responsabilité à tous les niveaux. Les

approches descendantes

semblent se heurter à une complexité

croissante de systèmes

enchevêtrés. Quelles sont les perspectives

pour une approche ascendante où les

individus s'approprient les problématiques ?

Ensemble d'éthiques auxquelles nous nous

identifions simultanément. Elles

interagissent de manière dynamique et

donnent lieu à l'émergence de

nouveaux modèles de compréhension.

Page 7: Citoyens capteurs

Développement durable : une affaire d'appropriation 5

cognitifs selon la situation dans laquelle ils se trouvent. Ces modèles peuvent entrer en compétition et transformer un ensemble d'entités collectives (p. ex. des étudiants) dans un système (p. ex. école) avec une identité propre qui se maintient à travers le temps. L'éthique qui émerge au niveau du système sera différente de celle de l'ensemble de départ.

Les projets évoqués plus haut font également appel aux individus à travers de petites actions bénévoles d'observation qu'on retrouve dans certains types d'organisation comme celles des projets de logiciels libres [6]. Les valeurs jouent un rôle important dans l'émergence de projets de logiciel libre. Ils incitent les individus à s'approprier de problèmes qu'ils soient utilisateurs ou développeurs. Il s'agit moins d'angélisme que de satisfaire un propre besoin par un engagement concret. Mais le succès planétaire de ce mouvement ne s'explique pas seulement par le fondement éthique. Une logique économique intervient : la rareté des créateurs de code face à l'abondance des utilisateurs. Les programmeurs produisent des artefacts porteurs de signification et de valeur. Ces artefacts sont des biens non-exclusifs (comme l'air que nous respirons) qui en plus s'améliorent avec le nombre croissant d'utilisateurs même si ces derniers ne contribuent pas à l'acte de création.

L'instrumentation de notre environnement au sens large peut être traité comme la création de biens informationnels non-exclusifs et ante-rivaux7. Permettre des micro-actions de mesure de l'environnement à travers la programmation ou l'assemblage des capteurs revient à tirer profit d'une logique de logiciel libre qui continue encore à se développer à travers la société.

Approche et méthodologie

Dans une perspective ascendante du soutenable, je m'intéresse à une approche individuelle qui permette une appropriation des problématiques de développement durable. L'approche dite de « Citoyens Capteurs » permet la mise en œuvre de micro-actions selon les critères suivants :

• Relevés simples, locaux et concrets d'information ;• Pas limités aux aspects environnementaux du soutenable ;• Capable de faire évoluer les modèles cognitifs ;• Coordonnés avec les efforts descendants ;• Qui débouche sur un dialogue et de nouvelles micro-actions.

L'approche par micro-actions demande la mise en place d'une organisation capable de gérer un grand nombre de participants. Il s'agira dans un premier temps d'identifier les formes d'organisation qui permettent à des individus de s'approprier de problèmes à travers

7 Plus d'usagers ne déteriore pas le service mais l'améliore.

La prise de responsabilité de

problématiques de développement durable

passe par des micro-actions de mesure

simples et locales. Les informations accumulées

s'apparentent à l'élaboration d'un

logiciel open source : libre d'accès et de

qualité croissante avec le nombre d'utilisateurs.

Page 8: Citoyens capteurs

Développement durable : une affaire d'appropriation 6

de micro-actions. On trouve ici des modèles de collectif qui nous guident sur les aspects de gouvernance.

L'approche encore nouvelle de « Citoyens Capteurs » sera alors définie par rapport à la littérature existante et des hypothèses nouvelles sont introduites dans le cadre des problématiques de développement durable.

Une sélection de cas présentera un ensemble de projets (dont certains sont en cours) dans le domaine de la mesure de la qualité de l'air. Ils sont représentatifs de l'état de l'art en matière de production ascendante de données. Il existe d'autres domaines tels que la biodiversité, l'énergie, les déchets, l'eau, la culture, ou encore la mobilité qui ne seront pas abordés ici en détail. J'établirai une évaluation comparative des projets par rapport aux hypothèses de l'approche proposée.

Je conclurai par une synthèse et pistes de mise en place de projets de « Citoyens Capteurs » permettant à plus de citoyens de s’approprier des problématiques importantes et affiner leur compréhension du développement durable.

Page 9: Citoyens capteurs

Modèles d'organisation basés sur l'appropriation 7

Modèles d'organisation basés sur l'appropriationIl existe un certain nombre de situations dans lesquelles des individus sont régulièrement mis à contribution pour trouver une solution à un problème, créer quelque-chose de nouveau, ou résoudre un problème ardu sur une base volontaire. Ces situations se retrouvent dans les nouvelles formes de collectif lancées par le mouvement du logiciel libre. On les retrouve aussi dans la science citoyenne qui travaille depuis longtemps avec des bénévoles pour réaliser ses recherches.

Approches dérivées de la culture du logiciel libre

Logiciel libre et services de partage en ligne

En 2005, durant la deuxième guerre du Golf, le service de publication d'images Flickr a permis que l'unique photographie d'un soldat stationné en Iraq fasse la une d'une publication a grand tirage. Une organisation de photographes ne pourrait jamais se permettre d'employer des individus qui produisent une seule photo. Les technologies dites « Web 2.0 » telles que Flickr réduisent fortement les coûts de coordination qui motivaient jadis la création d'une organisation. Il devient ainsi possible d'accéder à la distribution8 complète de photos prises par des centaines de milliers d'individus même si certains n'en produisent qu'une seule.

Lorsqu'il s'agit de couvrir un événement majeur, Flickr (cela vaut aussi pour WordPress9, Twitter10, ou WikiPedia11) amène des possibilités de coordination sans précédent tout en réduisant l'effort de planification qui aurait autrement été nécessaire dans un modèle institutionnel. Le modèle collaboratif est capable d'exploiter la tranche de 80% restants de la distribution de Pareto. Une organisation traditionnelle en revanche, doit se concentrer sur la première tranche en raison des coûts de structure.

Le mouvement du logiciel libre, qui précède le Web 2.0, reflète ce phénomène qui a permis à des développeurs de se coordonner pour développer de logiciels libres de valeur tels que R qui a supplanté beaucoup d'outils statistiques commerciaux. La notion d'appropriation est ancrée dans cette culture qui invite l'utilisateur d'un logiciel à créer lui-même les fonctionnalités qu'il estime insuffisantes ou manquantes. Cela se fait dans des conditions de partage claires (licences) qui sont acceptées par les contributeurs et les utilisateurs.

Ces exemples partagent la capacité de gérer de grands groupes

8 On utilise parfois l'expression « longue traîne » introduite par Chris Anderson du magazine WIRED qui décrit comment des sociétés comme Amazon ou Netflix tirent profit d'articles vendus et petites quantités parce qu'elles n'ont pas d'étalages physiques pour limiter leur inventaire. Elles peuvent satisfaire un public très restreint avec des ouvrages très spécialisés.

9 Solution d'hébergement de blogs.10 Réseau social de « micro-blogging » utilisé par les médias classiques pour diffuser et collecter des informations.11 Encyclopédie basée sur le principe « wiki » qui rend chaque page éditable par tous.

Artefact porteur de signification et de valeur. La photo par Psycho Milt

se trouve sur Flickr, service de partage en ligne. Le soldat Milt

n'aurais jamais pu faire carrière en tant que

photographe mais Flickr collecte toutes les contributions sans

considérations professionnelles.

Page 10: Citoyens capteurs

Modèles d'organisation basés sur l'appropriation 8

d'individus engagés dans des micro-actions de création et consommation de données, qu'il s'agisse d'une photographie, d'une définition dans un Wiki, d'un billet sur un Blog, ou encore d'une portion de code. Ce paradigme collaboratif s'est aussi étendu à d'autres domaines, en particulier ceux de la géographie et de la cartographie de crise avec applications civiques.

Applications civiques de téléphonie mobile

Un billet posté en 2007 par Ory Okkoloh sur son Blog « Kenyan Pundit » sollicite de l'aide à gérer les signalements d'irrégularité au cours des élections présidentielles au Kenya et suscite l'intérêt de deux jeunes développeurs. Ils mettent rapidement en place Ushahidi dont le nom signifie « témoignage » en Swahili. La solution permet aux gens de rapporter des observations du terrain par téléphone portable, e-mail ou Web et de les placer sur une carte. Ushahidi a reçu l'attention des médias internationaux lors du tremblement de terre de magnitude 7 en 2010 à Haiti. Les victimes soumettaient la présence d'un proche sous les décombres par SMS. L'équipe d'étudiants de l'université de Tufts (MA) réalisait le triage des messages et leur vérification avant de poster l'information sur une carte Web. Les ONG se servaient de cette information « crowdsourcée » pour dépêcher les hélicoptères et l'aide nécessaire. Les services d'intelligence américains ont déclaré que l'information ainsi collectée dépasse les techniques traditionnelles. [7] Ushahidi est toujours en constante évolution et s'améliore au fil des déploiements. Les membres du projet explorent actuellement les outils de triage assistés par ordinateur ainsi que les formes d'organisation nécessaires pour le crowdsourcing sous contrainte de temps12.

Ushahidi signale l'arrivée d'outils collaboratifs de néo-géographie. Andrew Turner la définit comme un ensemble d'outils et de techniques qui permettent à chacun d'exploiter des informations et visualisations jusque là réservées aux géographes professionnels. A côté d'Ushahidi, on relève aussi des librairies de visualisation comme OpenStreetMaps ou Open311 qui sont accessibles gratuitement sur le Web. Open311 est une extension aux services vocaux 31113 nord-américains.

Aujourd'hui, avec plus de 6 milliards de téléphones mobiles au standard GSM, nombreuses sont les villes et les ONG qui font usage d'applications mobiles permettant aux citoyens de soumettre des informations relatives à leurs services. Ces applications sont capables

12 En 2010, l'agence américaine pour les projets avancés de défense DARPA a lancé un concours pour localiser 14 ballons météorologiques distribués à travers le pays dans des endroits inconnus le plus rapidement possible. Le concours fur remporté par l'équipe du MIT a l'aide d'un réseau social d'individus recrutés en 36 heures sur base d'un modèle de récompense récursif. Le réseau de 4.400 localisa les 14 ballons en 8 heures 52 minutes.

13 Dans les années 80, la ville de Baltimore dans le Maryland décide d'introduire le service 311 pour décharger les standards du 911 et ainsi séparer les appels urgents des demandes comme : comment voter, où se faire vacciner contre la grippe, signaler un arbre qui devrait être coupé ou encore un problème de voirie.

Témoignages collectés par SMS et validés par un

réseau d'individus suite au tremblement de terre à Haïti en 2010. Les micro-

actions ont permis le déploiement rapide des

ONG suivant la carte actualisée en temps réel.

Signalement par mobile équipé de GPS d'un problème de voirie

Page 11: Citoyens capteurs

Modèles d'organisation basés sur l'appropriation 9

d'exploiter les informations GPS14 ou encore les photographies que peuvent gérer les portables récents. La néo-géographie assure la contextualisation des informations soumises.

Ces services ne sont pas sans limites. Signaler un problème de voirie ne se traduit pas par une appropriation d'une problématique. Elle pourrait mener à une déresponsabilisation. Comment mettre la micro-action en perspective dans un contexte plus large ? Ces services ouvrent par ailleurs la voie à un déluge de données qui doit être géré en permanence. La salle des opérations improvisée à la Fletscher School de Tufts gérait le triage. L'équipe y avait mis en place des procédures pour faire appel à 10.000 traducteurs anglais-créole pour interpréter les témoignages entrants. Ces défis de gestion et de traitement d'une grande quantité de données se retrouvent dans le domaine de la science citoyenne qui apporte quelques pistes de résolution.

La science citoyenne

Le concept de science citoyenne est né aux États-Unis [8] au début des années 70 sous le terme « Citizen Science » proposé par les physiciens Joël Primack et Frank von Hippel. La science citoyenne demande à ses adhérents des micro-actions qui peuvent aller de l'évaluation de la qualité de l'eau ou de l'air au comptage d'espèces naturelles en habitat naturel en passant par l'identification de Galaxies dans les photographies du télescope spatial Hubble.

Crowston et Wiggins identifient 5 types de projets de science citoyenne [9] :

1. Action : la science vient appuyer une action locale d'intérêt civique. Exemple : Oil Spill Crisis Map lors de la catastrophe BP Deep Horizon

2. Conservation : objectif de protection des écosystèmes, populations d'espèces animales ou végétales. Exemple : Observatoire de la Biodiversité des Jardins en France

3. Investigation : la question scientifique nécessite la collecte de données obtenues sur le terrain. Exemple : effets climatiques sur les populations aviaires.

4. Éducation : l'objectif est l'éducation et la prise de conscience. Exemple : La Chasse Au Muscardin, un projet européen qui invite les enfants à localiser les populations de souris dans nos forêts

5. Virtuels : les activités du projet se font dans un cadre virtuel (Web, Internet) sans contact direct avec le monde physique. Ce type est moins intéressant pour un objectif d'appropriation de problématiques réels.

Les micro-actions peuvent aller graduellement depuis une seule

14 Global Positioning System

Application mobile de science citoyenne en

biodiversité. La technologie simplifie le

protocole d'observation et permet à un grand

nombre d'individus de contribuer des micro-actions de mesure.

Page 12: Citoyens capteurs

Modèles d'organisation basés sur l'appropriation 10

observation par année (sans engagement) jusqu'à une centaine d'heures par année réparties en blocs d'une demi-journée approximativement. Les motivations pour les participants varient et peuvent être intrinsèques (p. ex. intérêt de la chose étudiée) ou extrinsèques (p. ex. argent). Cela demande un effort d'alignement avec les objectifs scientifiques de la part des concepteurs du projet. Suivant les cas, la science sera privilégiée à travers un protocole de saisie rigoureux. D'autres fois, l'aspect participatif prendra le dessus avec une attention plus grande à l'expérience utilisateur. Avec l’accroissement du nombre de participants lié à l'usage des TICs la gestion des masses de données devient un thème en soi.

Les projets permettent d'adresser des questions qui s'étendent parfois sur des écosystèmes très vastes. Cela ne va pas sans difficultés. Les données peuvent être biaisées suivant la répartition géographique des participants. Il peut être difficile de réutiliser les données pour d'autres études pour des raisons de protocole d'observation ou d'erreur de relevé de la part du participant.

A l'instar de la néo-géographie, la science citoyenne bénéficie des avancées en matière de TIC et services collaboratifs en ligne. On trouvera un site Internet depuis lequel on peut télécharger des instructions, la publication des observations sur une carte dynamique ainsi que leur téléchargement pour analyses plus poussées. Parfois aussi l'utilisation ou la fabrication d'appareils de mesure reliés à Internet pour faire des relevés15. Certains projets mettent des applications mobiles à disposition qui simplifient la saisie des données sur le terrain.

L'intérêt des projets de science citoyenne pour une approche au développement durable à travers les micro-actions est multiple. D'une part, le suivi d'un processus rigoureux qui passe par la définition d'une question de recherche, collecte préliminaire d'informations, poser des hypothèses, concevoir l'étude, collecter les observations, analyser les échantillons, analyser les données, tirer des conclusions, disséminer les résultats et finalement une discussion qui mènera à une nouvelle question. D'autre part une expertise dans le traitement de mesures réparties sur de grandes superficies qui nécessite des outils statistiques. Finalement la pratique de la conception de protocoles d'observation qui alignent les attentes des participants avec les objectifs scientifiques du projet.

On a vu plus haut que la mouvance du logiciel libre bénéficie d'un grand nombre de participants par le biais d'utilisateurs et pas uniquement à travers la seule contribution des programmeurs. Comment cela se traduit-il dans la science citoyenne ? Prenons d'abord l'aspect des données. La collecte d'une quantité importante de données sur le terrain demande un effort important pour les exploiter.

15 Ainsi par exemple, une société française commercialise l'ECOsens - un petit capteur mobile qui mesure le rayonnement ultra-violet, l'ozone, le dioxydes d'azote, la température et l'humidité. Il est représenté sur la couverture de ce document.

Protocole d'observation dans l'application

CreekWatch: saisie d'une photo et des états du

cours d'eau. La dernière version permet de

partager la mesure par Facebook et Twitter.

Page 13: Citoyens capteurs

Modèles d'organisation basés sur l'appropriation 11

Le produit du citoyen engagé en tant que « capteur » dans un projet de science sont des données. Celles-ci seront mises à disposition d'un autre groupe pour être transformées en information. Il en est de même pour les instruments eux-mêmes. Ils peuvent certes être acquis mais aussi depuis peu assemblés dans un acte créatif tout comme les développeurs créent un logiciel.

Les « Hackatons » et la mouvance « DIY »

Aux Pays-Bas, le « Guide du Fonctionnaire 2.0 » invite les administrations à l'ouverture et la transparence à travers les infrastructures existantes de cyber-administration et l'usage de standards ouverts d'information. Ces standards sont par exemple les fils RSS qu'on retrouve sur le blogs ou encore les standards spécialisés XML. Une des conséquences est la mise à disposition de données par le gouvernement de ce pays (et d'autres) et va dans le même sens que la mise à disposition de données collectées dans le cadre d'un projet de science citoyenne.

Pour exploiter ces données, la culture collaborative Internet a rapidement imaginé des marathons de programmation au cours desquels les participants s’appuient sur les standards ainsi que les outils de leur choix pour visualiser les données. Ces marathons encore appellés « hackatons » durent de un à deux jours. Ainsi, l'application « Où sont passés mes impôts ? » a vu le jour lors de l'atelier MakeOpenData.ch en 2011 dans l'espace d'un week-end. La ville de Zurich a mis les données à disposition. Les participants ont su visualiser comment se répartit le versement d'un impôt en Francs à travers les services et le temps couvert par le montant. Le hackaton « Open Data » 2012 aura lieu autour du thème de la mobilité.

Certains instruments de mesure tels que l'ECOsens évoqué plus haut font partie de l'IdO ou Internet des Objets. Il s'agit d'un développement récent qui annonce l'ère des objets connectés à Internet jusque là réservé aux seuls ordinateurs et téléphones. Les applications sont nombreuses : traçabilité de matières premières à travers les chaînes de production, mesures en tout genre à travers les équipements d'une usine, etc. Les micro-contrôleurs de capteurs utilisés dans les architectures IdO issus du domaine universitaire sont peu accessibles car dédiés à la recherche. En 2005, en Italie, naît l'idée de produire un micro-contrôleur pour permettre la création d'objets interactifs sans avoir recours aux solutions universitaires plus coûteuses. Depuis, Arduino a vendu plus de 300.000 unités qui servent de base à de nombreux projets « DIY » pour « Do It Yourself » à réaliser soi-même. Cette technologie a permis le déploiement de plusieurs dizaines de capteurs à travers le Japon lors de la catastrophe nucléaire de Fukushima.

Arduino se limite à fabriquer l'élement de base. D'autres fabricants proposent des modules complémentaires pour réaliser les capteurs proprement dits ainsi que les éléments de télécommunication.

Autre forme de micro-action: hackaton open

data qui réunit des individus aux profils

variés (pas seulement des programmeurs) pour visualiser des données mises à disposition par le

gouvernement. Cette année, le thème de

l’événement est est la mobilité.

Le micro-volontariat ne se limite pas au plan des

données. Le développement des

micro-contrôleurs permet la réalisation de capteurs comme ce détecteur de radiation avec son tube

Geiger.

Page 14: Citoyens capteurs

Modèles d'organisation basés sur l'appropriation 12

Synthèse et nouvelles formes de micro-actions

Les sections précédentes sont révélatrices d'organisations où l'approche volontaire par micro-actions est la norme. Les individus s'approprient une problématique donnée et contribuent à ce qu'elle soit adressée. Les domaines sont aussi divers que la couverture d'évènements par photographie (Flickr), le journalisme (blogs), le génie logiciel (GitHub), la gestion de crise (Ushahidi), les services urbains (Open311) ou la science citoyenne (eBird).Ces approches sont applicables à tous les domaines où l'on trouve l'information comme bien non-exclusif et ante-rival. Internet permet d'orchestrer un très grand nombre d'individus dans des micro-actions de mesure et de collecte d'information. Cela s'étend à la fabrication d'instruments de mesure qui viennent amplifier nos sens ainsi qu'à l'exploitation des données collectées. La technologie mobile joue ici un rôle essentiel de contextualisation d'abord et de transmission ensuite.

Le nombre important de participants pose des défis organisationnels. La science citoyenne nous inspire déjà à travers la mise en place de processus pour gérer la participation et le traitement des informations. Les projets cités s’accommodent de deux types de participants : les créateurs et les utilisateurs. Pour reprendre l'analogie avec le logiciel libre, l'information produite (code, donnée mesurée, mais aussi instrument « DIY ») s'apparente à la création d'un bien commun qu'il faut savoir gérer. Est-il possible de gérer ces données communes sans intervention d'un tiers – institution ou société privée ?

Un exemple de collectif où des individus participent à la gestion de biens collectifs sans intervention du gouvernement ou d'une société privée est celui des pêcheurs d'Alanya en Turquie [10]. Ils ont mis en place un système ingénieux d'allotissement de sites de pêche dans les années 70, en réponse à des conflits entre utilisateurs de la ressource qui firent grimper les coûts de production. Le système mis en place résiste à la théorie institutionnelle classique.

Elinor Ostrom, prix Nobel d'économie en 2009, étudie précisément ces communautés locales qui gèrent des ressources locales. On trouve d'autres exemples où les choix stratégiques d'un seul individu sont indissociables de celui des autres: dans les bassins d'eau en Californie et en Espagne ou encore dans les forêts au Japon et en Suisse. Les communautés y ont crée des institutions locales qui se sont coordonnées et parfois de façon remontante avec les institutions existantes.

Ostrom identifie 8 caractéristiques dans les systèmes de gouvernance mis en place : des limites clairement définies, la concordance entre les règles d'appropriation et de fourniture et les conditions locales, des dispositifs de choix collectifs, la surveillance, des sanctions

La technologie de capture et partage

d'information de notre environnement se perfectionne. Elle

permet des micro-actions de mesure, y compris l'élaboration

des instruments et l'analyse des données.

Cela crée une accumulation de

données hautement contextuelles.

Le rôle de l'observation dans la gouvernance

soutenable de ressources communes est identifié par Elinor

Ostrom. Son étude suggère des règles de

gouvernance qui ne s'appuient pas

particulièrement sur les technologies de

l'information. Elle identifie 8 conditions

pour une approche purement ascendante

sans intervention institutionnelle. La

gouvernance joue un rôle complémentaire à

l'usage d'outils pour une appropriation

efficace de problématiques.

Page 15: Citoyens capteurs

Modèles d'organisation basés sur l'appropriation 13

graduelles, des mécanismes de résolution de conflit, et une reconnaissance minimale des droits d'organisation. Le huitième principe s'applique dans les cas de ressources plus vastes : imbrication des unités institutionnelles mises en place [10]. Ces principes donnent naissance à des engagements crédibles ainsi qu'à la surveillance mutuelle de ces engagements. La surveillance et les stratégies conditionnelles des individus se renforcent mutuellement. La surveillance est un moyen d'obtenir des informations sur le taux de conformité aux règles de leurs semblables.

Ainsi, si la technologie joue un rôle important pour gérer une saisie massivement distribuée de mesures sur l'environnement, elle ne suffit pas et doit s'accompagner de formes de gouvernance appropriées pour la gestion soutenable des données communes récoltées. Ces notions vont servir de base à poser l'approche par « Citoyens Capteurs » qui existe depuis quelques années et qui promeut une participation citoyenne d'un nouveau type. Les hypothèses qui en découlent serviront à réaliser l'étude comparative de projets dans le cas concret de la qualité de l'air.

Page 16: Citoyens capteurs

Approche « Citoyens Capteurs » 14

Approche « Citoyens Capteurs »Les institutions internationales travaillent depuis longtemps à la formulation de problématiques de développement durable en termes d'information. Un modèle relativement trivial à comprendre qui analyse les interactions avec notre environnement en vue d'établir des indicateurs est celui de l'OCDE appelé « Pression-État-Réponse » qui est basé sur la notion de causalité [11]. La société exerce des pressions sur l'environnement qui répond en changeant ses variables d'état. La société répond à ces changements par une série de mesures au niveau environnemental, sectoriel ou économique.

Une version plus avancée du modèle P-E-R se trouve derrière MONET, le système d'indicateurs Suisses de développement durable.Cette approche sert à reformuler la question de l'appropriation de problématiques de développement durable en une invitation au questionnement pour une meilleure compréhension des phénomènes. Cela peut se faire sur la base de micro-actions de mesure. Elles demandent la mise en place d'une organisation de « crowdsourcing » à l'instar de celles trouvées en science citoyenne. Permettre de poser des hypothèses, obtenir ou fabriquer les instruments, collecte de données proprement dite et en faire l'interprétation. Si l'on formule les problématiques de développement durable en termes d'information locale et concrète, il devient possible de bénéficier des formes d'organisation identifiées dans la section précédente. Cette information est remise dans un contexte de manière transparente et sert de base à la discussion de solutions. Il ne s'agit pas de provoquer un changement mais des questionnements qui ouvrent de nouvelles opportunités au discours publique sur le développement durable.

L'approche dite de « Citoyens Capteurs » n'est pas nouvelle mais sa définition n'est pas encore établie de manière univoque.

Le modèle Pression-État-Réponse est un moyen d'identifier les

informations liées aux problématiques de

développement durable. Il peut servir de point de départ à

l'identification de mesures pertinentes.

Page 17: Citoyens capteurs

Approche « Citoyens Capteurs » 15

On relève dès 2008 une transition fondamentale dans le domaine de l'informatique omniprésente16 avec le déploiement de capteurs dans les milieux urbains et plus seulement dans les grands espaces naturels inhabités [12]. Cette transition pose les bases des grands programmes de « villes intelligentes » des intégrateurs tels que IBM, Cisco et Siemens. Elle amène les architectes de ces solutions à se poser des questions sur l'usage des téléphones mobiles comme capteurs et sur le déplacement de la logique17 de traitement vers l'instrument de saisie.

Les développements autour des services de partage en ligne vont de pair avec la notion de réseau connecté d'individus qui observent, collectent, analysent et disséminent des informations au travers de capteurs [13]. La capture in situ de mesures de notre environnement est perçue dans le cadre plus général de celui de la science citoyenne [14] et promet de renforcer les infrastructures de données spatiales existantes. Le « Citoyens Capteurs » devient une approche participative et annonce la création « d'interfaces écosystémiques » pour visualiser l'état des systèmes qui nous entourent [15].

Les bases sont réunies pour permettre à un grand nombre d'individus d'offrir du temps à travers des micro-actions pour générer de l'information, participer à l'élaboration de l'instrument et dialoguer avec d'autres autour du modèle cognitif supposé expliquer le phénomène étudié. Il est utile de distinguer la relève d'information par instrument (« Hard Sensing ») de celle qui repose sur nos seuls sens (« Soft Sensing ») - indépendamment de leur transmission.

16 L'informatique jusque-là « personnelle » se dissipe dans notre quotidien où l'ordinateur n'est plus l'instrument de médiation par excellence.

17 Les capteurs déployés sur un lac pour mesurer la concentration en chlorophylle sont rudimentaires et envoient leur données à une unité centrale. Un téléphone mobile est plus puissant et permet un pré-traitement avant envoi.

Diagramme produit par l'OFEV qui injecte des

données de ses capteurs de température dans le service de partage de

données environnementales

Pachube – ici la température de la rivière Aare dans le canton de

Berne

L'approche Citizen Sensing repose sur une double boucle de rétro-action. La première active la mesure d'états de l'environnement (hard sensing ou soft sensing). La seconde confronte ces mesures à un modèle partagé de connaissances que les participants vérifient (ou pas) et sur base duquel de nouvelles micro-actions sont définies.

Page 18: Citoyens capteurs

Approche « Citoyens Capteurs » 16

Même si les capteurs électroniques deviennent de plus en plus performants et s'emportent dans nos déplacements, ils ne sont pas les seuls types d'instruments utilisés. L'instrument peut parfois être simplement un logiciel sur un téléphone comme on l'a vu avec Ushahidi.Le modèle cognitif de compréhension partagée indiqué dans le diagramme précédent est un composant essentiel de l'approche « Citoyens Capteurs » qui permet de donner un sens aux instruments utilisés et aux données collectées. Les modèles s’appuient sur les méthodologies établies depuis les simples diagrammes de causes et effets jusqu'aux modèles de systèmes dynamiques ou aux modèles d'agents qui permettent de simuler des scénarios. Ils sont assortis d'un forum de discussion qui permet aux participants de questionner les observations, le modèle et poser de nouvelles questions. Le modèle est l'alpha et l'oméga du questionnement et constitue le point de coordination avec les efforts descendants entrepris par ailleurs.

Définition et hypothèses

Les problématiques du développement durable varient pour nous tous dans le temps et selon l'endroit que nous habitons. L'approche « Citoyens Capteurs » a pour but de s'approprier ces problématiques à travers une démarche inspirée de la science citoyenne. Elle vise à collaborer autour d'un projet de collecte et interprétation des données. Il n'est pas question rivaliser avec les données institutionnelles déjà collectées avec « haute fidélité, basse fréquence » mais de susciter un questionnement et une meilleure compréhension des systèmes qui nous entourent par des mesures « basse fidélité, haute fréquence. » Les participants offrent leur temps sous forme de micro-actions : fabrication d'instruments, mesures ou interprétation de données.

L'approche réunit 4 acteurs : les participants (contributeurs de mesures et d'explications), les fabricants d'instruments (amateurs et professionnels), les services de partage d'information, et les institutions. Les services techniques permettent la mise en place des outils de collaboration et de partage en ligne : gestion d'un nombre important d'utilisateurs, représentation des données sous formes de cartes, réception et restitution d'une très grande quantité de données soumises sans interruption par les participants, ainsi que la modélisation et simulation de phénomènes complexes. Les institutions (conventions internationales, ministères et offices de l'environnement, villes, université, etc.) valident les conditions d'exécution et apportent, le cas échéant, un appui concret sur la modélisation du problème. Les fabricants d'instruments permettent l'accès aux instruments de mesure, en particulier aux capteurs, lorsqu'il n'est pas possible ou souhaitable de concevoir et fabriquer des capteurs. Cela peut être dû au large nombre de participants par exemple.

La modélisation participative est une

pratique qui consiste à présenter un domaine de

décision complexe sous la forme d'un tableau de

bord. Il permet de tester des politiques différentes

et d'en simuler les résultats.Cette approche rend le modèle abordable

et assure une mise en contexte des mesures.

Page 19: Citoyens capteurs

Approche « Citoyens Capteurs » 17

Les hypothèses associées à l’exécution de l'approche par « Citoyens Capteurs » sont élaborées dans le tableau suivant dans 5 axes « COOPÉ » Coopération, Organisation, Ouverture, Participation et Éducation.

Axe Hypothèse Description

Coopération Support institutionnel

Les institutions disposent du savoir-faire scientifique pour assister un groupe dans la formulation du modèle explicatif.Axe de coordination entre les initiatives descendantes et les micro-actions ascendantes.

Support politique Capacité d'implémentation de solutions discutées au sein du groupe de participants.

Organisation Recrutement des participants

Il peut s'agir d'un grand nombre d'individus suivant l'étendue de l'écosystème. La contrainte de temps peut également intervenir si le phénomène étudié est limité dans le temps.Site de partage en ligne intégré avec les réseaux sociaux pour un partage des données ou d'autres éléments du projet.

Coordination des participants

Le protocole d'observation mais aussi les informations disponibles sur le site Internet de collaboration permettent aux individus se coordonner.Suivant le nombre des participants et l'étendue de l'écosystème, un modèle de gouvernance imbriqué sera mis en place.

Ouverture Visualisation Communication envers les non-participants. Explication claire des objectifs et du modèle. Utilisation de visualisations pour représenter les données dans leur contexte.

Données Les données brutes sont accessibles à tout le monde. Il est possible de proposer sur cette base des modèles des visualisations alternatifs.

Participation Contribution des données

Lié au problème et au modèle explicatif sous-jacent. Il doit être possible de soumettre des données depuis le terrain en accord avec le protocole de mesure établi. Un filtrage (automatique ou manuel) assure un premier niveau de qualité des données.

Élaboration des instruments

Dans le cas où des instruments commerciaux ne sont pas adaptés ou que la création de l'instrument fait partie intégrante de l'effort de compréhension du phénomène étudié.

Éducation Modèle explicatif Un modèle explicatif des phénomènes observés et adapté à l'écosystème étudié. Le modèle va influencer le protocole d'observation.

Forum de discussion

Les parties prenantes discutent en permanence le modèle, les instruments, les mesures et les solutions.

Un répertoire de projets de science citoyenne et de participation qui satisfont en partie les hypothèses de « Citoyens Capteurs » sont listés en annexe. On retrouve différents domaines tels que les déchets, l'énergie, la mobilité, la biodiversité, l'agriculture, la santé ou l'eau. Pour l'étude comparative, le domaine de la qualité de l'air est sélectionné. 15 projets concrets qui impliquent des citoyens sont évalués par rapport aux hypothèses « COOPÉ » de l'approche « Citoyens Capteurs. »

5 hypothèses de l'approche « Citizen

Sensing »

Page 20: Citoyens capteurs

Étude de cas : la qualité de l'air 18

Étude de cas : la qualité de l'airL'agence nationale pour l'environnement aux États-Unis vient de lancer un appel à projet [16] et s'apprête à financer des efforts de science citoyenne autour de la problématique de la qualité de l'air et de l'eau sur la ville de New York et des îles Vierges. Le budget prévu d'approximativement USD 125.000,- a pour but de promouvoir des pratiques de science citoyenne pour inciter les citoyens à surveiller leur environnement et à adresser la résolution des problèmes éventuels. Cette initiative va dans la direction de l'appropriation d'une problématique concrète de développement durable.L'intérêt de ces micro-actions de mesure pour une appropriation forte est visible sur le diagramme ci-dessous. Il est issu du projet blackcloud.org et indique un niveau bas d'émissions en CO2 sur la période à samedi à lundi.

Ce creux correspond à la fermeture du pont de San Francisco suite à un incident de trafic important. L'effet « a-ha » provient de la mise en relation entre l'incident et sa mesure sur les courbes. Il ne demande pas une précision dans les valeurs absolues et échappe aux réseaux nationaux dont la résolution est trop grande par rapport aux incidents hyper-locaux.Les réseaux nationaux de mesure de qualité de l'air existent dans la plupart des pays. En Suisse par exemple, un réseau de 16 stations à travers le pays (NABEL) collecte des informations18 sur les polluants atmosphériques. La notion de « qualité de l'air » en milieu urbain se mesure par la teneur en polluants dans l'air. Les plus importants sont l'ozone (O3), le dioxyde d'azote (NO2), le monoxyde de carbone, particules fines respirables (PM10 et PM2.5), le dioxyde de soufre (SO2) et parfois le plomb (Pb). La station de Lausanne collecte des informations sur les oxydes d'azote, ozone, monoxyde de carbone, et PM10 (particules fines inférieures à 10μm en diamètre) toutes les 10 minutes depuis un emplacement sur la Rue Dr. César-Roux.Les seuils limites diffèrent parfois selon qu'il s'agisse d'assurer la qualité de l'air respiré par les humains ou de protéger les services écosystémiques. Si l'on reprend le modèle PER, on peut identifier les

18 La Suisse a ratifié la convention d'Aarhus et mis en place une série de services tels que NABEL, ecoGIS et envirocat pour concrétiser ses engagements.

Réseau NABEL de 16 stations d'observation de qualité de l'air à travers la

Suisse

La double boucle en action : la mesure de la qualité de l'air révèle un

creux le jour de la fermeture d'un grand

axe route. Les participants perçoivent

le niveau d'impact dans le contexte de leur ville. La valeur

absolue des mesures ne joue qu'un rôle

secondaire – ce sont des données qui restent « basse

fidélité. »

Page 21: Citoyens capteurs

Étude de cas : la qualité de l'air 19

pressions venant des activités liées à l'énergie, l'agriculture, l'industrie et des transports. Les impacts se traduisent en acidification des eaux, eutrophisation des écosystèmes, baisses de croissance et de rendement des cultures et atteintes à la santé humaine. Les états à mesurer sont les niveaux de polluants dans l'air.

Comprendre comment ces états sont liés à nos activités est une tâche complexe qui revient à explorer des relations de cause à effet. Le département des études environnementales de l'Université du Nevada à Las Vegas est familier avec la modélisation de systèmes dynamiques. Ces techniques sont mises en œuvre avec les collectivités locales pour explorer ces relations causales. Le Conté de Clark au Nevada a ordonné en 2006 une étude systémique sur la qualité de l'air dans la vallée de Las Vegas (LVV) [17]. L'objectif de l'étude est de modéliser en particulier les dépassements en concentration de particules fines PM10 par rapport à la norme de 150μg/m3 fixée par l'agence de protection pour l'environnement américaine. Un modèle dynamique a été conçu qui identifie 4 grands groupes de variables : particules fines, affectations du territoire, population et transport. Le modèle ne tient pas compte de spécificités spatiales et se base sur les données de la station d'observation du réseau officiel.

L'intérêt de l'approche est de mettre en relation un état environnemental particulier (ici PM10) avec d'autres phénomènes dans le but de comprendre le système dans son ensemble. Elle a permis d'améliorer le modèle en place basé sur les séries temporelles des mesures de polluants. L'approche de systèmes dynamiques introduit des facteurs externes et permet des études d'impact. Il a par exemple permis de clarifier l'interdépendance entre les zones non-affectées et les émissions. Cet exemple est spécifique à un polluant précis de l'air dans une région des États-Unis mais il démontre l'intérêt de mettre en perspective les mesures environnementales sous la forme d'un modèle. On peut se demander comment cette approche pourrait bénéficier de projets participatifs de mesure de la qualité de l'air. Cela demanderait la mise en place d'une source alternative de

Exemple de modèle de connaissance partagé. 4 secteurs du modèle

de gestion des particules fines dans la

vallée de Las Vegas dans l'état du Nevada. Ce modèle permet de

comprendre les interactions entre la

qualité de l'air, la population, l'affectation

du territoire et le transport.

Page 22: Citoyens capteurs

Étude de cas : la qualité de l'air 20

données qui pourrait impliquer des mesures par capteurs mobiles. On introduit par-là même une série de micro-actions de mesure, de comparaison avec le modèle et finalement de dialogue en ligne avec l'approche « Citoyens Capteurs. » La section suivante présente un série de projets qui impliquent des citoyens dans des activités de mesure et parfois d'interprétation. Ils serviront de base à une étude comparative sommaire.

Projets de mesure de qualité de l'air

Cette section présente 15 projets de mesure de qualité d'air qui impliquent des citoyens de manière directe. Les projets de recherche visant à installer des capteurs sur des moyens de transport publics ont été omis dans le but de rester cohérent avec une démarche participative. Sont représentés ici des projets de science citoyenne, de fabrication « DIY » ainsi que des projets de recherche. Les projets sont décrits en trois groupes. Un tableau détaillé se trouve en annexe.

Projets communautaires

On trouve ici des projets initiés par une communauté soucieuse des conditions de qualité de l'air et intéressée dans la l'obtention de données environnementales.

Projet Description

Gravestones (2009) Projet de science citoyenne classique. Mesure de l'érosion de pierres tombales qui prennent une forme trapézoïdale résultant de l'action de l'eau de pluie. La saisie d'observations n'est pas assisté par une application mobile. Les participants prennent des mesures au vernier sur le terrain et rapportent leurs observations sur le site Web. Un premier rapport a été produit pour la première année (519 cimeterres, 937 pierres mesurées)

West Oakland Truck Survey (2010)

Utilisation de capteurs d'air mobiles (DUSTTRACK) par la communauté d'Oakland sensible au trafic routier de marchandises. Le but était d'identifier les zones critiques de pollution. La mesure concerna les particules fines (PM2.5) qui furent visualisées sur un site Web.

Clean Air Network (2011)

Hong-Kong est une ville où la qualité de l'air devient critique pour ses habitants. CAN est une des campagnes mises en place faire participer ses habitants dans la mesure de qualité. Un projet est en cours pour évaluer les mesures au moyen d'un capteur mobile et visualiser les données sur le site Web. CAN utilise Ushahidi pour permettre la remontée par « soft sensing » de simples photos attestant d'une pollution de l'air.

Air Quality Egg (2012) Projet d'open hardware lancé par un service de partage de données environnementales. Vise la construction d’œufs contenant des capteurs de CO, NO2, humidité et température. Ils sont conçus et fabriqués à l'aide d'imprimantes 3D et sur un principe de transparence complète. Les projet est en cours et présente beaucoup d'intérêt autour des discussions de conception, déploiement, validation discutées sur le forum.

Projets de recherche

Les institutions universitaires explorent activement le domaine de la participation citoyenne au moyens d'instruments connectés. Les projets suivants sont dédiés à la mesure de la qualité de l'air.

Page 23: Citoyens capteurs

Étude de cas : la qualité de l'air 21

Projet Description

NOxDROID (2011) Projet universitaire basé sur l'open hardware qui démontra l'exécution d'un simple capteur monté dans une lampe de vélo. Il permis la capture de mesures de NOx par un cycliste sur le chemin. Les coordonnées et valeurs de polluant furent transmises par téléphone cellulaire vers un site Web pour être visualisées. Les plans de montage sont encore disponibles et peuvent être répliqués.

Common Sense (2008) Mesure de la qualité de l'air par les citoyens munis d'un capteur mobile spécialement conçu pour accommoder différents modes. Un portail de visualisation sur le Web avait également été mis en place.

GO3 (2011) Capteur de qualité de l'air sophistiqué avec station météo destiné aux écoles. Le capteur est stationnaire et un site web mets les données à disposition sous format KML pour permettre aux écoliers une représentation alternative avec Google Earth.

Air Casting (2012) Le projet a démarré avec la capture de valeurs de bruit ambiant et s'est étendu à quelques paramètres de qualité de l'air.

WearAIR (2009) Projet de fabrication d'un capteur de composés organiques volatiles cousu sur une chemise de sport avec des indicateurs. Le protocole consistait à le porter et collecter les perceptions des passants qui remarquaient les indicateurs.

Ceci N'est Pas Une Bombe (2011)

Conception de capteurs mono-mode (COV, particules fines, ou CO – un seul capteur par boîtier) et distribués à 22 individus répartis en 4 groupes : étudiants, parents, sans abris et activistes. Les capteurs pouvaient être déposés n'importe où par les participants. Un capteur GPS indiqua la position des boîtiers. Les participants furent compensés financièrement pour participer.

MobGeoSen (2006) Projet destiné aux écoles. Les écoliers furent invités à se servir d'un capteur sophistiqué (ScienceScope) pour partager des mesures de l'environnement sur le chemin entre la maison et l'école.

Copenhagen Wheel La ville de Copenhagen mets à disposition des vélos équipés de roues capables de capturer l'énergie dissipée par le cycliste ainsi que de mesurer les valeurs de qualité de l'air sur son parcours. Un premier test a eu lieu avec 10 courriers sur base du même capteur utilisé par la communauté CAN à Hong-Kong.

Projets commerciaux

Les premières offres commerciales axés sur une mesure personnelle de la qualité de l'air commencent à voir le jour.

Projet Description

Aclima Labs(blackcloud.org)

Basé sur le projet de recherche blackcloud.org et le capteur Pufftron qui mesure 5 modes : lumière, température, bruit, CO2, COV. Le projet fut élaboré autour d'un hypothétique nuage noir et comporta une forte dimension ludique. 37 participants furent impliqués dans divers défis sur une période de 35 jours pour découvrir la nature du mystérieux nuage. Le concept des capteurs et les jeux associés seront commercialisés par Aclima Labs. La date de lancement n'as pas encore été annoncée.

MIMAQ MIMAQ met à disposition des capteurs clé-en-main pour être utilisés avec une application de réalité augmentée. Les citoyens visualisent les conditions de qualité d'air en immersion grâce à la représentation graphique des données.

AirBase Fabricant de capteurs personnels stationnaires de qualité de l'air. Ils peuvent déployés chez soi et transmettent leur données sur un site Internet.

Page 24: Citoyens capteurs

Étude de cas : la qualité de l'air 22

Étude comparative des projets représentatifs

Dans quelle mesure peut-on considérer ces projets comme représentatifs de l'approche « Citoyens Capteurs » et en mesure de permettre une appropriation de la problématique environnementale de la qualité de l'air ? Les schéma ci-dessous représente 3 projets représentatifs dans chacune des 3 catégories – communauté, recherche et commercial.

Aucun projet ne satisfait pleinement les hypothèses « COOPÉ » nécessaires pour une appropriation de la problématique.Le projet actuellement en cours « Air Quality Egg » est prometteur mais opère de manière trop autonome par rapport aux institutions en vigueur dans les pays où les participants sont actifs. Il n'est pas encore clair s'il va incorporer une dimension « soft sensing » comme sur « CAN » à Hong-Kong. Le projet « Gravestones » est issu de la science citoyenne traditionnelle et ne nécessite pas de matériel sophistiqué pour participer. Un forum et des résultats ont été publiés même s'ils ne sont pas très actuels. Il ne fait pas usage d'applications mobiles pour la saisie des données alors qu'il demande d'accompagner les informations d'une latitude et d'une longitude. Le troisième projet « blackcloud.org » est un projet de recherche qui devrait servir de base à une nouvelle offre commerciale. Si l'aspect ludique et visualisation devraient être prometteurs, aucune information n'est disponible sur l'instrument qui sera proposé aux participants. A ce stade, les approches « DIY » et capteurs commerciaux opèrent de manière indépendante.

Page 25: Citoyens capteurs

Perspectives et verrous 23

Perspectives et verrousL'approche dite de « Citoyens Capteurs » qui vise à s'approprier de problématiques de développement durable au travers de micro-actions de mesure est encore au stade d'expérimentation. Cette dernière section identifie les modèles d’exécution possibles ainsi que les considérations supplémentaires qui doivent faire l'objet d'une étude plus détaillée dans un cadre pratique.

Modèles d'application

La mise en œuvre de projets « Citoyens Capteurs » implique les acteurs suivants : citoyens, fabricants d'instruments, services de partage de données, services de visualisation et les institutions. Suivant la problématique abordée, l'instrument de saisie ne pourra pas être fabriqué en grandes quantités sans l'intervention d'une société expérimentée. Par ailleurs, la mise en place d'un modèle initial cognitif de connaissances partagées nécessite l'implication de chercheurs et de spécialistes. Ces intervenants entraînent des coûts qui demandent une réflexion sur les modèles d'affaire possible pour espérer un déploiement d'envergure de ce type de projet. Deux pistes sont envisagées ici : l'observation civique et la responsabilité sociale des entreprises. La première s'adresse aux collectivités qui désirent impliquer les citoyens sur certaines problématiques. L'autre s'adresse aux entreprises à travers la mise en place de programmes de participation pour les communautés proches de ses sites de production.

Observation Civique

L'enjeu pour l'observation civique est double. Le premier est lié à l'argument de responsabilisation et a déjà été évoqué. Signaler un nid de poule à travers une application mobile ne suffit pas. Il faut comprendre son coût de réparation et inciter un débat local sur la pertinence de sa réparation. L'idée du modèle partagé de connaissances est d'apporter cette compréhension systémique des frais d'entretien de voirie. La problématique ne doit ainsi pas être remontée sans un filtrage au niveau local.Un second aspect est celui de nouveaux types d'indicateurs basés sur les données « basse fidélité, haute fréquence » qui sont collectées par les citoyens. Certaines villes ont mis en place un système d'indicateurs qui peut provenir, par exemple, d'initiatives d'Agenda 21 locales19 ou de programmes d'intégration de villes intelligentes20. Les données générées par « Citoyens Capteurs » complémentent ces indicateurs descendants.

19 La ville d'Onex a identifié 39 indicateurs en fin 2004 et publiés une première fois de manière chiffrée en 2006. Une mise à jour a eu lieu en 2008 afin de mesurer leur évolution.

20 IBM a mis au point un outil intitulé « Actionable Business Architecture for Smarter Cities » qui permet d'identifier les indicateurs pertinents aux services d'une ville donnée dans le cadre de sa stratégie de « Smarter City. »

Page 26: Citoyens capteurs

Perspectives et verrous 24

Modèle de Responsabilité Sociale

Les entreprises engagées dans des activités de transformation sont plus exposées aux risques de désastres écologiques. Elles sont les premières à mettre en place des mécanismes de gouvernance pour anticiper et minimiser les risques. Ainsi, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) s'est développée comme une extension de la responsabilité longtemps limitée aux seuls actionnaires. À travers la RSE, les entreprises se responsabilisent pour leurs impacts sociaux et environnementaux. Entre volonté stratégique et réelle responsabilisation des divisions, le champ reste large [18].Elles reconnaissent néanmoins l'importance d'impliquer les parties prenantes dans leur activité – régulateurs, fournisseurs, ONG et groupes citoyens. On retrouve cette volonté par exemple dans le guide de la communication et de l'implication des parties prenantes des producteurs de ciment. Il y est par exemple suggéré, lors de changements majeurs du processus de production sur un site, de mettre en place un programme de mesure citoyenne de la qualité de l'air dans la communauté impactée par le changement.

Organisation des projets et gouvernance

La problématique traitée par un projet de « Citoyens Capteurs » peut couvrir de larges espaces d'un écosystème. Cela pose des défis organisationnels de recrutement des participants et de la coordination de leurs activités. Ce dernier aspect s'accentue si l'on introduit une contrainte de temps dans la nature du phénomène à mesurer, p. ex. effets d'une éruption volcanique. La technologie des services de partage en ligne permet d'adresser en partie ces défis mais elle ne suffit pas. Il est nécessaire de développer des méthodes de gouvernance de projets où les participants contribuent des micro-actions dans le cadre d'une problématique aux dépendances souvent complexes. Certains modèles organisationnels prennent en compte les concepts d'autonomie et de récursivité21 d'un schéma de base à travers de multiples niveaux [19].Un collectif comporte plusieurs niveaux de récursion pour un écosystème hypothétique. Comme dans toutes les cas de gestion d'organisations, des mécanismes sont mis en place pour gérer la variété des états du système – tant sur les inter-dépendances internes qu'externes. La coordination assure la cohérence des activités des participants à plusieurs niveaux. À chaque niveau d'imbrication, des liens précis sont établis avec le niveau sans compromettre l'autonomie à chaque niveau. Une veille permanente à chaque niveau sur le milieu assure une perception de changements qui auraient un impact sur les activités des participants. Ces principes doivent être formalisés pour permettre un déploiement sur des écosystèmes étendus tout en assurant des résultats utilisables.

21 Ce principe fait écho à la notion de structures imbriquées identifiée par Elinor Ostrom pour les plus grandes communautés impliquées dans la gestion des ressources communes.

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Perspectives et verrous 25

Considérations Scientifiques et Juridiques

Les données « basse fidélité, haute fréquence » collectées en grand nombre et de manière distribuée soulèvent quelques points qui demandent considération. Elles doivent être accompagnées de méta-données22 qui renseignent l'utilisateur sur le contexte dans lequel elles ont été saisies. La représentation de ces méta-données jouera un rôle important dans la contextualisation. La combinaison de données issues de micro-actions de « hard sensing » et « soft sensing » sur un tableau de bord demandent une réflexion supplémentaire. Pour terminer sur la visualisation des signalements de « hard sensing » mobiles passe actuellement par l'affichage de traces sur une carte enregistrées par les capteurs mobiles. Cette représentation se prête à un nombre réduit de participants mais est-il adéquat lorsque ceux-ci sont plus nombreux ? Quels filtres vont pouvoir réduire la quantité importante de données accumulées ?Lors qu'un instrument de mesure est impliqué dans une micro-action de mesure, un standard de description pourrait être introduit qui permet son identification23 et l'obtention de détails techniques sur les composants utilisés. La nature des composants aura un impact sur la résolution et la latence de mesure en concentration de polluant.Finalement, au niveau scientifique, le choix du modèle de connaissances partagé intégré à l'approche pour une problématique donnée devra tenir compte du protocole de micro-actions mis en place et des valeurs mesurées. Le modèle est un élément central de l'apprentissage et devrait bénéficier des mesures prises in-situ.Au niveau juridique, l'approche par « Citoyens Capteurs » soulève des questions de propriété, confidentialité, et responsabilité des données. L'existence d'un cadre légal contraignant autour des droits de propriété des données constituerait un frein à l'approche. Il constituerait un obstacle à la participation et ultimement à l'innovation sur base de ce type de données. La confidentialité, en particulier dans le cas de capteurs mobiles embarqués par les participants, pose de nouvelles questions. On retrouve cela dans les cas d'exhibitionnisme sur YouTube qui permet un contrôle du contenu et une possibilité de retrait du contenu. La question de la responsabilité des données touche les intermédiaires (par exemple le service Pachube) et leur responsabilité en cas de litige lié à des données injectées dans leur base de données. Ici encore, une analyse détaillée de la situation sera nécessaire. Pour terminer, la collecte de données environnementales touche aux lois spécifiques sur la géoinformation24 en vigueur. La nature ascendante de prise de mesures communes par « Citoyens Capteurs » suivant des modèles d'organisation imbriqués à différentes échelles du territoire devra être étudié spécifiquement dans le cadre d'un projet concret.

22 Données décrivant les données.23 Chaque téléphone mobile s'identifie auprès d'un serveur qui peut ainsi obtenir des précisions sur la taille de l'écran,

le nombre de couleurs, etc. afin d'optimiser l'information retournée.24 En Suisse, la LGeo entrée en vigueur en 2008 assure que les données et cartes soient comparables à l'échelle

nationale.

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Perspectives et verrous 26

Conclusion

Il a fallu des décades pour déceler l'augmentation de concentration en gaz à effet de serre. La croissance de la population à travers le monde et les besoins qui en découlent promettent une accentuation des problèmes. Les systèmes dont nous dépendons tant risquent d'atteindre des points de basculement irréversibles. Disposons-nous de décennies pour juger ces transitions ? Nous devons prendre nos responsabilités face à ces risques.Certaines avancées technologiques, en particulier celles liées aux téléphones mobiles et à Internet, permettent d'accumuler des données immédiates et hyper-locales sur l'état de nos écosystèmes. Ces micro-actions de mesure ouvrent la voie à de nouvelles formes d'appropriation de problématiques de développement durable. La charte de la Terre formulée à Rio en 1992 contenait 15 principes parmi lesquels le Principe 10 souligne que « la meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. »L'approche par « Citoyens Capteurs » complémente la mouvance des « Villes Intelligentes » en apportant le bon sens nécessaire à s'approprier des problèmes à travers une meilleure compréhension et un dialogue local. La collecte d'informations simples, locales et concrètes est la première étape. Elles ne proviennent pas seulement du plan environnemental mais doivent inclure le plan social et économique sur base de « soft sensing » et « hard sensing » conjoints. Les informations sont ancrées par rapport à un modèle, même simple, et idéalement coproduit, de connaissances partagées. Il s'agit là d'un point d'entrée pour la prise en compte des efforts institutionnels existants. Le résultat est un dialogue sur les apprentissages et la définition de nouvelles micro-actions d'appropriation.Le temps est venu de développer les pistes présentées ici et d'établir cette nouvelle forme de participation, basée sur l'intelligence collective, dans laquelle nous sommes tous contributeurs de mesures porteuses de signification et de valeur.

« Any revolution is not just about new tools and

social practices. It is about developing new

ways of understanding the world. »

David Bollier

Page 29: Citoyens capteurs

Annexe 27

Annexe

Répertoire général de projets

Liste de projets classés suivants la typologie de Crowston-Wiggins. Les 4 dernières colonnes indiquent si le projet comporte un site Web, si les données peuvent être soumises par application mobile ou SMS, s'il fait usage d'un capteur électronique et finalement s'il présente un API pour la soumission et lecture de données de manière programmatique. Ce répertoire sert de guide à la réflexion sur l'approche « Citoyens Capteurs » à travers différents domaines du développement durable.

Type Project Description Country Type Online Mobile Sensor API

Biodiversity ReClam the Bay US Action no no no no

Biodiversity Missouri Stream Team Program River conservation US Conservation yes no no noBiodiversity Spotting the Weedy Invasives Locating invasive plants US Conservation yes no no no

Biodiversity Invasive Plant Atlas of New England US Conservation yes no no no

Biodiversity Northeast Phenology Monitoring Monitoring phenology US Conservation yes no no noBiodiversity What's Invasive Locating invasive plants US Conservation yes yes no no

Biodiversity Monarch Larvae Monitoring Project US Investigation yes no no no

Biodiversity Who's Whoo-ing Mapping suburban owl habitats US Investigation yes no no no

Biodiversity Firefly Watch US Investigation yes no no no

Biodiversity eBird Collecting bird observation WW Investigation yes no no no

Biodiversity The Lost Ladybug Project US Investigation yes no no no

Biodiversity Bay Area Ant Survey Collecting data on local ants US Investigation yes no no no

Biodiversity What on Earth UK Education yes no no no

Biodiversity Project BudBurst Monitoring phenology US Investigation yes yes no noBiodiversity CreekWatch Monitoring watersheds WW Conservation yes yes no noBiodiversity StreamWatch Monitoring the Rivanna watershed AU Investigation yes no no noBiodiversity Celebrate Urban Birds Gather data on 16 focal bird species US Investigation yes no no noBiodiversity Appalachian Mountain Watch Monitoring phenology US Investigation yes no no no

Biodiversity FR Conservation yes no no no

Biodiversity Christmas Bird Count Bird census over Christmas US,CA Conservation yes no no no

Biodiversity UK Butterfly Monitoring Scheme UK Investigation yes no no no

Biodiversity Nest Watch US Investigation yes no no no

Biodiversity Pigeon Watch US Education yes no no no

Biodiversity Big Garden Birdwatch UK Conservation yes no no no

Biodiversity Observatoire des Saisons Monitoring phenology FR Conservation yes no no no

Biodiversity WSU Beach Watchers US Conservation yes no no no

Biodiversity Migrant Watch India Monitor migratory birds IN Investigation yes no no no

Biodiversity RoadKill Project US Education no no no no

Biodiversity Golden-winged Warbler Atlas Project US,CA Conservation yes no no no

Biodiversity Vigie Nature FR Investigation yes no no no

Biodiversity Pan European Bird Monitoring EU Investigation yes no no no

Biodiversity Frog Watch Tracking health of wetlands CA Investigation yes no no no

Biodiversity Ontario Turtle Tally CA Conservation yes no no no

Biodiversity Tagfalter-Monitoring DE Conservation yes no no no

Biodiversity Angler Monitoring Initiative UK Investigation no no no no

Biodiversity Garden Moths Count Record moths UK Conservation no no no no

Biodiversity Great Lake Worm Watch US Investigation yes no no no

Biodiversity Plant Watch CA Investigation yes no no no

Biodiversity Journey North MX,US,CA Investigation yes no no no

Restoring local bay's clam and oysters

Creating regional invasive plant database

Collecting monarch butterfly distribution data

Collecting firefly distribution and activity data

Collecting data about ladybug distribution

Collecting images of organisms for identification

Observatoire de la Biodiversité des Jardins

Monitor butterflies, bumble bees, snails and beetles

Butterflies as indicators of the state of biodiversityNest-monitoring scheme to track reproductive successCounting different color morphs; recording colors of courting pigeonsRecord highest number of each bird species

Collect data over time on inverterbrates, seaweeds, and beach condition

Learn about animals in the neighborhoodSurvey and conduct point counts of Golden-winged WarblersTrack evolution of biodiversity (birds, butterflies, bats)Use birds´ numbers as bio-indicators of wider environment

Record and store location and species information on Ontario turtlesCounting of various species of butterfliesProtect the water quality of watercourses

Track invasive earthworms in the Great Lakes regionTrack effects of global warming through bloomingExplore interrelated aspects of seasonal change

Page 30: Citoyens capteurs

Annexe 28

Type Project Description Country Type Online Mobile Sensor API

Biodiversity Breeding Bird Survey UK Investigation yes no no no

Biodiversity Coral Reef Monitoring Data Portal US Investigation yes no no no

Biodiversity A La Chasse Aux Noisettes CH Investigation yes no no no

Biodiversity Nussjagd DE,AT Investigation yes no no no

Biodiversity Project Squirrel US Investigation yes no no no

Biodiversity Reefcheck Conservation of the coral reefs US Conservation yes no no noBiodiversity Worm Watch Topsoil quality tracking CA Investigation yes no no noBiodiversity Seafood Watch Locate ocean-friendly seafood places US Investigation yes yes no no

Biodiversity Project Noah WW Investigation yes yes no no

Biodiversity Fresno Birds Map US Action yes no no no

Biodiversity Mundraub Track fruit trees DE Conservation yes no no no

Biodiversity PhillyTreeMap US Conservation yes no no no

Biodiversity Evolution MegaLab EU Investigation yes no no no

Climate IceWatch Collecting data on freeze-thaw cycles CA Investigation yes no no noClimate Flood Response Disaster relief related to flooding PL Action yes yes no noClimate Pakistan Flood Incidents Disaster relief related to flooding PK Action yes yes no no

Energy Tidy Street Project UK Action yes no yes no

Food Arizona Food Bank Finder Food finder in association with AAFB US Action yes no no no

Food Agrotestigo AR Investigation yes yes no no

Food Observatorio Rural CO Investigation yes yes no no

Health MiRa Report migraines DE Investigation yes yes no noMobility Truck Stop Idle trucks in your neighborhood US Investigation no yes no no

Mobility Where's George US Investigation yes no no no

Mobility Road Frustration Index Frustration, weather, traffic, incidents US Investigation yes no yes noNoise Brooklyn Park Quiet Skies Airline pollution detection US Action yes no yes yes

Pollution Gravestones Project WLD Investigation yes no no no

Pollution Common Sense US Investigation no yes yes no

Pollution NoiseTube Monitoring noise pollution WLD Investigation no yes no yes

Pollution Black Cloud WW Investigation yes no yes no

Pollution Oil Spill Crisis Map Effects of the BP oil spill US Action yes yes no noPollution Radiation Network Tracks environmental radiation levels US,JP Action yes no yes no

Pollution Japan Geiger Map JP Action yes no yes yes

Pollution Love Clean Streets UK Action yes yes no no

Pollution Copenhagen Wheel Project DK Investigation yes no yes no

Pollution SensorMap Air quality monitoring US Investigation yes no yes noPollution OpenSense Air quality monitoring CH Investigation no no yes no

Pollution IDEA BE Investigation no no yes no

Pollution MIMAQ NL Investigation yes yes yes no

Water We Tap Nearby drinking water sources US Investigation no yes no no

Water World Water Monitoring Day WW Investigation yes no yes no

Water NextDrop IN Action yes yes no no

Water WaterWise@SG SG Investigation yes no yes no

Water CreekWatch Monitor health of local watershed WW Investigation yes yes no no

Track changes in breeding populations of birdsCompile data and monitor resource conditionDormouse tracking through nut shell trailsDormouse tracking through nut shell trailsSquirrel population fluctuations and habitat state

Discovering and documenting local wildlifeLocation of all bird viewing locations in the Fresno Bird Count

Build and inventory of Philadelphia's urban forestBanded snail colors, climate change and migration

Tracking and public display of electricity consumption

Information detection around crops (poll., biodiversity)Information detection around crops (poll., biodiversity)

Mobility through the way money travels

Use marble gravestones in graveyards to measure the weathering rate of marble at that locationLearn more about carbon monoxide, ozone, and NOx pollutants

Collect CO2, VOC’s, city lights, noise, heat, damp

Real-time tracking of radioactivity around nuclear plantsGraffiti and rubbish detection in LondonAir pollution using wheel mounted on bicycles

Air quality and noise pollution monitoringAir quality monitoring through mobile sensors

Sample water quality parameters using sensor kitsUtility employees report state of valves which is verified by citizensThe goals of this project are to develop generic wireless sensor network capabilities to enable real time monitoring of a water distribution network

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Annexe 29

Projets de mesure de la qualité de l'air

Répertoire de projets identifiés pour une évaluation des hypothèses de « Citoyens Capteurs. »

Page 32: Citoyens capteurs

Annexe 30

Bibliographie

1: Jeff Howe, The rise of crowdsourcing, 2006,pp. 1-42: Global Footprint Network, World Footprint: Do We Fit On The Planet?, 2012, http://www.footprintnetwork.org/en/index.php/GFN/page/world_footprint/3: CO2Now.org, CO2NOW, 2011, http://co2now.org/4: Michel Puech, Développement durable : un avenir à faire soi-même, 20105: G. Minati, E. Pessa, Collective Beings, 20076: Steven Weber, The Success Of Open Source, 20047: United States Institute Of Peace, Crowdsourcing CrisisInformation in Disaster-Affected Haiti, 20108: WikiPedia, Sciences Citoyennes, , http://fr.wikipedia.org/wiki/Sciences_citoyennes9: Andrea Wiggins, Kevin Crowston, From Conservation to Crowdsourcing:A Typology of Citizen Science, ,10: Elinor Ostrom, La gouvernance des biens communs, 201011: OECD Environment Directorate, USING THE PRESSURE-STATE-RESPONSE MODEL TODEVELOP INDICATORS OF SUSTAINABILITY, 199912: Dana Cuff, Mark Hansen, Jerry Kang, Urban Sensing: Out of the Woods, 2008,pp. 24-3313: A. Shteh, Citizen Sensing, Social Signals, andEnriching Human Experience, 2009,pp. 80-8514: Eric Paulos, Designing for Doubt: Citizen Science and the Challenge of Change, 200915: Bratton, B. and Jeremijenko, N., Notes on the Political Image: Pervasive Computing, ModelingAssemblages, and Ecological Governance, 200816: U.S.ENVIRONMENTAL PROTECTION AGENCY (EPA) REGION 2, Citizen Science – Community Involvement Today and in the Future, 2012, http://www.epa.gov/region2/grants/CITIZEN-SCIENCE-RFA-2012-v6a.pdf17: S. Fincher, K. Stave, A Proactive Approach for Particulate Matter Air Pollution Management, 200718: MIT BCG, Special Report: Sustainability Nears A Tipping Point, 201219: Patrick Hoverstadt, The Fractal Organization, 2008