catalogue de l'exposition modernes livre anciens - enjeux du livre du xvie siècle

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Ce catalogue a été publié à l’occasion de l’exposition Modernes livres anciens : enjeux du livre du XVIe siècle présentée du 8 avril au 30 juin 2016 à la bibliothèque de l’université Rennes 2. Tous les ouvrages présentés font partie des collections du fonds ancien de cette bibliothèque. L’exposition bénéficie du soutien de l’université Rennes 2. Elle est organisée par le master 2 « Gestion et mise en valeur des œuvres d’art, objets ethnographiques et techniques » (MAGEMI) du département d’histoire de l’art et archéologie, avec le conseil scientifique de Malcolm Walsby en collaboration avec le service commun de la documentation dirigé par Ottilia Henriet.

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Page 1: Catalogue de l'exposition Modernes Livre Anciens - Enjeux du livre du XVIe siècle
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Ce catalogue est publié à l’occasion de l’exposition Modernes livres anciens : enjeux du livre du XVIe siècle présentée du 8 avril au 30 juin 2016 à la bibliothèque de l’université Rennes 2. Tous les ouvrages présentés font partie des collections du fonds ancien de cette bibliothèque.

L’exposition bénéficie du soutien de l’université Rennes 2. Elle est organisée par le master 2 « Gestion et mise en valeur des œuvres d’art, objets ethnographiques et techniques » (MAGEMI) du département d’histoire de l’art et archéologie, avec le conseil scientifique de Malcolm Walsby en collaboration avec le service commun de la documentation dirigé par Ottilia Henriet.

Le bon déroulement d’une exposition dépend de la collaboration de nombreux alliés qui soutiennent le projet à ses différentes étapes en faisant preuve de compétence et d’enthousiasme. Que toutes et tous soient ici sincèrement remercié-e-s.

Page de gauche : Benito ARIAS MONTANO, Antiquitatum Judaicarum libri IX, Leiden, F. Raphelengius, 1593

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DES ÉTUDIANTS ET DES LIVRES,UN DIALOGUE ENTRE 2016 ET XVIe SIÈCLE ............................................................ Louis André et Nathalie Boulouch

LE FONDS ANCIEN DE LA BIBLIOTHÈQUEDE L’UNIVERSITÉ RENNES 2 ................................................................................ Dominique Bougé-Grandon

FAIRE SORTIR DE L’OMBRE LES LIVRES DE LA RENAISSANCE ............................... Malcolm Walsby

INTRODUCTION........................................................................................................

SECRETS D’ATELIER .................................................................................................. Cronique de Flandres .................................................................................................................. Manuale Sacerdotum ................................................................................................................. In priorem divi Pauli apostoli ad Timotheum epistolam, commentarii et disgressiones ............................................................................................................................. Summa ..........................................................................................................................................

NOUVELLES IDÉES, NOUVELLES FORMES................................................................ L’histoire de Bretaigne ................................................................................................................. Les Adages ................................................................................................................................... Histoire des hommes illustres de la maison de Medici ............................................................. Novum Testamentum .................................................................................................................. Les vrais pourtraits et vies des hommes illustres ........................................................................ Margarita philosophica ............................................................................................................... Il pastor fido tragicomedia pastorale ........................................................................................

L’HOMME ET SON COMPAGNON DE PAPIER....................................................... De gratia et libero arbitrio, cum Joanne Calvino disputatio .................................................. Expositio commentaria prima [...] in primam secundae angelici doctoris sancti Thomae Aquinatis .............................................................................................. Excitationes animi in Deum. Praeparatio animi ad orandum. Commentarius in orationem Dominicam. Preces et meditationes quotidianae. Preces et meditationes generales .....................................................................

CONCLUSION...........................................................................................................

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE.....................................................................................

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DES LIVRES ET DES ÉTUDIANTSUN DIALOGUE ENTRE 2016 ET XVIe SIÈCLE

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Proposer à des étudiants de 2016 de préparer une exposition de livres du XVIe siècle !Voilà qui ressemble bien à un défi à l’heure où la primauté du livre dans notre monde est définitivement derrière nous, amenant - non sa disparition - mais son évolution et son dialogue avec les autres formes de communication, du savoir à la rêverie.Que peuvent évoquer ces ouvrages anciens pour une génération plus adepte des tablettes électroniques, des réseaux sociaux instantanés et des messages éphémères que de la lecture solitaire et annotée, même à la bibliothèque universitaire ? Ces livres des siècles passés paraissent si lointains, inaccessibles dans leurs réserves et indéchiffrables, en tout sens.

Pourtant, c’est bien ce à quoi se sont attelé-e-s les quatorze étudiant-e-s de la nouvelle promotion du master 2 MAGEMI, face à la proposition de valori-ser les richesses du fonds ancien de la bibliothèque universitaire de l’université Rennes 2. Depuis près de dix années désormais, chaque groupe d’étudiants se confronte à une idée, un projet, essaie de répondre à une commande. Il s’agit, s’appuyant sur les acquis théoriques et la mise en pratique des ateliers proposés durant l’année de formation, de trouver un propos, un message, de penser et construire collectivement– avec l’apport de chacun –, une exposition.

Alors, c’est dans un premier temps la découverte du monde du livre de la Renaissance, grâce à Dominique Bougé-Grandon, conservatrice et respon-sable attentive de ce patrimoine. Les entrouvrir, apprendre les nécessaires règles de leur conservation et le respect qu’ils inspirent, prendre chacun le temps de les connaître en les manipulant avec attention. Au-delà, la chance est celle de pouvoir travailler avec un second intercesseur, Malcolm Walsby, maître de conférences au département d’Histoire de notre université et spécialiste du livre de la Renaissance en Bretagne, justement. On entre ainsi dans la compréhension de ces ouvrages et du monde des livres. Sa généro-sité à partager ses connaissances a nourri la curiosité des étudiants, pour un renouvellement de l’histoire du livre du XVIe siècle et de ses approches tradi-tionnelles ; à commencer par l’appréhension de leur matérialité et de leurs techniques de fabrication, des différents matériaux mis en œuvre.

L’approche sensible, presque sensuelle de ces objets, mène à la décou-verte du rapport particulier – unique – que le propriétaire de l’époque entre-tient avec son exemplaire, l’annotant page à page, apposant sa marque et son ex-libris, le parant d’une reliure à la hauteur de son attachement et des messages symboliques qu’il lui attribue. D’où l’idée des étudiant-e-s de permettre aux visiteurs de sentir et toucher les matériaux, de manipuler l’ob-jet grâce à un fac-similé patiemment construit par la restauratrice et relieuse Céline Lafite. Nouveau métier, nouveau savoir au service du livre !

Et puis, de découvrir que ces ouvrages circulent à travers l’Europe de la Renaissance et de la Réforme protestante, véhiculent les idées de main en

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main à travers les réseaux de diffusion et de pensée. Porteur de modernité, le livre est alors « le spectacle du monde »1. Enjeu de pouvoir sur les âmes et les pensées.

C’est encore toute une économie qui se met en place depuis l’atelier de l’im-primeur jusqu‘aux bibliothèques des collectionneurs. Histoire matérielle du livre, histoire sociale, l’approche peut être aussi celle des historiens d’art, attentifs aux objets porteurs d’images et de symboles. Au-delà de l’Atlas de Mercator à l’iconographie fascinante, savoir apprécier la finesse des gravures, la compo-sition typographique, la rigueur d’un filet, l’élégance de la lettre.

In fine, même si ces époques sont lointaines, la question essentielle demeure, hier comme aujourd’hui : quel rapport - collectif et personnel - l’homme entre-tient-il – entretenons-nous en 2016 – avec nos livres ? Plus loin, réfléchissant sur le monde du livre et ses institutions, sur leurs évolutions contemporaines, la volonté d’ouvrir et de valoriser par le travail de l’exposition n’est-elle pas le reflet d’une démarche soucieuse de renouveler l’intérêt pour le livre dans un monde voué au numérique ?Gageons que les étudiants du MAGEMI auront réussi à apporter leur – petite – page à cette évolution.

Louis André et Nathalie BoulouchMaîtres de conférences en histoire de l’art contemporain,

responsables du Master MAGEMI, université Rennes 2

1. Propos de Jean-Claude Carrière dans Jean-Claude Carrière, Umberto Eco, N’espérez pas vous débarrasser des livres, Paris, Editions Grasset & Fasquelle, coll. Le Livre de poche, 2009, p. 102.

Page de droite: Gérard MERCATOR, Atlas, sive Cosmographicae meditationes de fabrica mundi et fabricati figura,Amsterdam, J. Hondius, 1609

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LE FONDS ANCIEN DE LA BIBLIOTHÈQUE DE L’UNIVERSITÉ RENNES 2

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L’exposition Modernes livres anciens est consacrée aux livres de la Renais-sance. Elle permet au visiteur de découvrir quelques belles pièces du fonds ancien de la bibliothèque1. Pour lui donner la possibilité d’aller plus loin, le présent catalogue décrit quatorze ouvrages et raconte leur histoire. À la Renaissance plus qu’à toute autre époque, le livre est vécu comme le véhi-cule privilégié de la pensée. Ainsi que l’écrivait naguère Yves Jocteur-Montro-zier, « le livre circule, se prête et fait l’objet de collections d’une grande diver-sité : bibliothèques des hommes obscurs (clercs ou magistrats) et d’autres plus célèbres qui ont joué leur rôle dans la République des lettres [...] ».

Les ouvrages présentés ici ont une origine commune : ils appartiennent au fonds des séminaires2 et plus particulièrement au fonds angevin. Rappelons briève-ment son histoire. En 1905, en vertu de la loi de séparation de l’Église et de l’État, les bibliothèques religieuses furent saisies dans toutes les villes où il s’en trouvait. Ce fut le cas à Angers en particulier où, pour des raisons politiques, le maire refusa d’accueillir ces livres dans la bibliothèque de la ville. Les caisses de livres en provenance de la bibliothèque du séminaire et des couvents d’Angers furent envoyées à Rennes et enrichirent la bibliothèque de l’Université3.

Le fonds ancien de la bibliothèque de l’Université de Rennes est donc issu de ces confiscations de 19054. Il s’étoffa aussi durant le XXe siècle des donations d’enseignants et de chercheurs créant en particulier les fonds Joseph Loth, Albert Feuillerat et Duine. En 1969-1970, les universités de Rennes 1 et Rennes 2 sont créées pour répondre à la forte augmentation des étudiants. La biblio-thèque devient alors interuniversitaire et se déploie sur tous les campus rennais. En 1990-1991, chaque université crée son propre service commun de la docu-mentation. Le fonds ancien comme les autres ressources documentaires se trouve désormais physiquement et administrativement divisé.

Cette collection présente un intérêt historique indéniable. On distingue cinq corpus qui présentent une importance notable et une cohérence intellectuelle et/ou formelle. Il s’agit tout d’abord d’un ensemble remarquable de plus de 600 ouvrages du XVIe siècle. Le deuxième corpus est celui des ouvrages liés à la Bretagne et aux pays celtiques. On trouve aussi, autour du don Albert Feuil-lerat, un fonds sur la littérature britannique et le théâtre élisabéthain. Les deux derniers ensembles concernent les livres de controverse des XVIe-XVIIe siècles et les livres de voyage.

1. Voir la présentation générale du fonds intitulée « Bibliothèque de l’Université Rennes-II », dans Patrimoine des bibliothèques de France : un guide des régions. Vol. 8, Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Paris, Payot, 1995, p. 204-209.

2. Signalons que ces fonds ont fait l’objet d’un mémoire récent : Mathilde Hallot-Charmasson, Les fonds de séminaires dans les bibliothèques municipales classées : historique et valorisation, Mémoire de DCB, ENSSIB, 2015.

3. La bibliothèque académique, qui devint ensuite bibliothèque universitaire date du milieu du XIXe siècle.4. L’université a aussi reçu en 1909 une partie des ouvrages du grand séminaire de Rennes et du petit séminaire

de Saint-Méen.

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Les marques de provenance (ex-libris, cachets, tampons) sont des éléments importants pour comprendre la circulation des livres et des idées. On trouve par exemple les ex-libris des frères Arnauld. Ceux-ci appartiennent à l’une des familles dont le rôle intellectuel et politique fut essentiel dans la France du XVIIe siècle. Antoine, nommé le Grand Arnauld (1612-1694), est une figure majeure du jansénisme. Ses deux sœurs, Agnès et Angélique, furent abbesses de Port-Royal. Henri Arnauld5 fut l’évêque du diocèse d’Angers durant quarante ans. À la création du séminaire d’Angers, il tâcha de réduire l’in-fluence de la compagnie des prêtres de Saint-Sulpice pour favoriser le jansé-nisme. Mais en 1695, peu après sa mort, le séminaire fut rattaché directement à celui de Saint-Sulpice. Ces événements expliquent la présence dans le fonds angevin d’ouvrages en lien avec la querelle janséniste.

La présence d’un fonds d’une telle qualité est rare dans le paysage des biblio-thèques des universités françaises. Il continue de s’enrichir régulièrement. Cette année, nous avons acquis un exemplaire des Emblèmes d’Alciat dans une édition apparemment datée de 1542 sortie de l’atelier de Chrétien Wechel. Il s’agit d’un recueil d’épigrammes très en vogue à l’époque. On le doit à un humaniste nommé André Alciat6 (1492-1550). Ce juriste italien fut successivement avocat à Milan, professeur de droit à Pavie et à Bologne, professeur à Avignon et à Bourges. La première édition de ses Emblèmes fut publiée en 1531 sans son auto-risation tant l’engouement fut rapide. En un peu moins de cent ans, de 1531 à 1620, plus de cent cinquante éditions furent imprimées en France, en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas.

Le fonds ancien est à la disposition de la communauté universitaire et de toute personne justifiant d’une recherche en cours. Des opérations de conservation préventive sont menées depuis plusieurs années pour maintenir les collections dans des conditions satisfaisantes. La bibliothèque de l’université Rennes 2 a également lancé en collaboration avec celle de l’université de Rennes 1 un programme de numérisation. La première phase de ce programme a concerné les fonds imprimés du domaine breton-celtique. Ces actions accom-pagnées d’ateliers, de visites et de présentations thématiques contribuent à rendre le fonds vivant.

L’exposition et la table ronde qui l’accompagne marquent une évolution impor-tante dans le programme de valorisation du fonds ancien. La nouvelle direction de la bibliothèque a choisi de mener une politique volontariste s’appuyant sur l’action d’une chargée de mission pour le patrimoine et l’action culturelle. C’est l’un des volets essentiels du projet de service. Il s’appuie sur des compétences en interne et de nécessaires collaborations avec des enseignants-chercheurs de l’université et des établissements scientifiques partenaires.Une exposition constitue un outil de mise en valeur privilégié des collections. C’est un exercice difficile qui demande du temps pour un résultat intellectuel-lement solide, attrayant et accessible. Nous avons bénéficié du savoir-faire

5. Isabelle Bonnot, Hérétique ou saint ? Henry Arnauld, évêque janséniste d’Angers, Paris, Nouvelles éditions latines, 1983.

6. A. Rolet. S. Rolet (éd.), André Alciat (1492-1550) : un humaniste au confluent des savoirs dans l’Europe de la Renaissance, Turnhout, Brepols, 2014 (collection « Études Renaissantes », n°13).

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des étudiants du master MAGEMI encadrés par leurs enseignants Nathalie Boulouch et Louis André ainsi que du conseil scientifique de Malcolm Walsby, historien spécialiste du livre du XVIe siècle. Les étudiants ont conduit le projet de bout en bout. Ils ont choisi les documents, conçu la mise en espace, réalisé l’accrochage et sont à l’origine de la rédaction des textes d’exposition et du catalogue ; ce dernier permettra de garder la trace de cette manifestation éphémère. Grâce à leur travail, le patrimoine écrit de l’université Rennes 2 s’ouvre un peu plus à la communauté universitaire et au plus grand nombre.

Dominique Bougé-GrandonConservateur des bibliothèques,

chargée de mission pour le patrimoine,service commun de la documentation,

université Rennes 2

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FAIRE SORTIR DE L’OMBRELES LIVRES DE LA RENAISSANCE

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Les livres imprimés ont fait l’objet d’études presque dès leur création. Les contemporains qui découvraient la Bible de Gutenberg à la foire de Franc-fort se rendirent immédiatement compte de l’importance de l’invention de la presse à imprimer. Le futur pape Pie II s’exclama dès 1455 dans une lettre à un cardinal : « Tout ce qu’on m’a écrit sur cet homme merveilleux de Francfort est vrai... Le script est très propre et lisible, facile à suivre et votre grâce pourrait le lire sans effort et même sans lunettes1 ». Cet enthousiasme pour la nouvelle technologie engendra non seulement sa propagation rapide à travers l’Eu-rope mais également un vif intérêt pour l’objet lui-même.

Ceci se traduisit tout d’abord par le développement de la bibliophilie. On collectionnait les volumes pour le plaisir de les posséder. La célèbre gravure sur bois de la Nef des fous de Sebastian Brant, publiée dans une traduction française dès 1497, montre un homme dans sa bibliothèque entouré de « livres inutilz ». Le fou explique : « ma maison est decoree de livres, je me contente souvent de les veoir ouvers sans y comprendre chose du monde2 »... Mais si le livre fascinait déjà de par sa forme et son rôle d’icône de la connaissance, les penseurs de la Renaissance s’attelèrent également à la tâche d’ordonner et mieux comprendre le contenu.

Avec la Bibliotheca universalis de Konrad Gessner, publiée entre 1545 et 15493, puis pour les livres français les travaux de La Croix du Maine (1584) et d’Antoine du Verdier (1585)4, naquit la bibliographie. La volonté de répertorier ce qui avait été imprimé, de créer des listes, domina en grande partie les efforts des chercheurs pendant les siècles qui suivirent. Ce ne fut qu’au XXe siècle que des tentatives d’analyse transformèrent l’approche de la discipline. En France, ce fut la publication en 1958 de l’étude de Lucien Febvre et d’Henri-Jean Martin, L’apparition du livre, qui marqua un nouveau départ5. Cet élan fut relayé dans le monde anglophone par la tentative de synthèse d’Elizabeth Eisenstein dont l’ouvrage The Printing Press as an Agent of Change parut en 1979 et a fait, depuis, l’objet de bien des controverses6.

Cette naissance d’une histoire du livre au cours de la seconde moitié du XXe siècle n’est pas sans poser des problèmes dans un système universitaire marqué par des structures qui peuvent sembler immuables. Interdisciplinaire et pluridisciplinaire, elle appartient à la fois à l’histoire, à la littérature et à l’histoire

1. G. Bechtel, Gutenberg et l’invention de l’imprimerie : une enquête, Paris, Fayard, 1992, p. 604-5.2. S. Brant, La nef des folz du monde, Paris, Jean Philippi et Geoffroy de Marnef, 1497, USTC 70940.3. C. Gessner, Bibliotheca universalis, sive catalogus omnium scriptorum locupletissimus, in tribus linguis, Latina,

Graeca, et Hebraica, Zurich, Christoph Froschauer, 1545, USTC 616753.4. F. Grudé, sieur de La Croix du Maine, Premier volume de la bibliotheque de la Croix du Maine, Paris : Abel

L’Angelier, 1584, USTC 1739 et A. du Verdier, La bibliothèque d’Antoine Du Verdier, contenant le catalogue de tous ceux qui ont escrit, ou traduit en françois, Lyon, Jean d’Ogerolles pour Barthélemy Honorat, 1585, USTC 1606.

5. L. Febvre et H.-J. Martin, L’apparition du livre, Paris, Albin Michel, 1958 (seconde édition avec postface, 1999).6. E. L. Eisenstein, The Printing Press as an Agent of Change, Cambridge, Cambridge University Press, 1979.

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de l’art. De fait, son développement en France a été bridé et elle n’a pas su y faire sa place, contrairement au reste du monde. Ce retard est paradoxal : à la Renaissance, Paris et Lyon étaient, respectivement, le premier et le troi-sième plus grand centre de production au monde. Aujourd’hui encore, les bibliothèques françaises conservent des dizaines de milliers de livres de cette période imprimés tant localement qu’ailleurs en Europe.

Cette richesse des fonds français reste mal exploitée. En dehors des très grandes bibliothèques parisiennes ou de celles de quelques grandes villes comme Lyon ou Strasbourg, les collections demeurent en grande partie méconnues. L’Universal Short Title Catalogue, une tentative de recensement de tous les livres imprimés avant 1601, a certes pu donner à ces fonds une plus grande visibilité, mais beaucoup de travail reste à accomplir7. Ceci est particulièrement vrai pour des collections comme celles de la bibliothèque universitaire de Rennes, dont le fonds présente un profil particulier, car princi-palement composé de livres confisqués à des institutions religieuses : habituel-lement, ces derniers étaient regroupés au sein de bibliothèques municipales.

Les expositions, comme celle organisée autour de ce fonds, contribuent donc à faire sortir de l’ombre ces bibliothèques provinciales méconnues. Leur richesse est ici soulignée par la découverte d’éditions très rares, comme le Manuale Sacerdotum imprimé pour Jacques Kerver, ou de superbes reliures, comme celle de l’exemplaire du De gratia et libero arbitrio de Barto-lomeo Camerario. Au-delà de ce premier intérêt, l’étude du fonds permet de comprendre l’histoire du livre tant comme artefact typographique que comme preuve plus large de la vie intellectuelle et sociale de la période.Pour cela, il est nécessaire d’examiner chaque volume avec soin. L’objet livre est à la fois très familier et mal compris. Le codex est encore, malgré l’importance croissante du livre numérique, la forme la plus courante du livre aujourd’hui. Or, paradoxalement, la permanence de ce format depuis le Moyen Âge fait qu’on ne lui prête pas suffisamment attention et qu’on en sous-estime la complexité. La similarité de forme entre les périodes explique que l’on ignore souvent les différences entre le livre industriel, tel qu’il apparaît au milieu du XIXe siècle, et le livre artisanal qui le précéda. Cette exposition propose justement une approche d’ensemble qui permet de mieux saisir ces différences.

Elle permet également, à travers l’analyse plus précise des volumes présen-tés, de faire réfléchir aux enjeux révélés par l’examen de l’objet. Le livre est le plus souvent considéré comme un support de contenu. Les imprimés du XVIe siècle sont particulièrement prisés pour les éditions des classiques de l’Antiquité romaine, mais également pour des ouvrages nouveaux qui ont marqué leur époque et dont les enseignements résonnent à travers les siècles. Ceux d’Érasme et de Machiavel, bien sûr, mais aussi, en France, de Rabelais, Montaigne et Ronsard. Ce foisonnement intellectuel est, d’ailleurs, tout autant démontré par des ouvrages en grande partie oubliés mais qui sont autant de témoignages des préoccupations et des mœurs de leur temps.

7. http://www.ustc.ac.uk – site hébergé par l’Université de St Andrews.

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Cependant, on aurait tort de limiter notre analyse au texte. Il ne faut pas faire du livre un prisonnier de son contenu. Bien que les éditions aient été tirées dans des centaines d’exemplaires, chaque volume est un artefact historique unique. L’inspection de ses caractéristiques permet de déceler des indices qui nous informent sur la vie de l’ouvrage. Son évolution physique au cours du temps nous renseigne sur ses divers possesseurs. Il nous donne non seulement leur identité, mais aussi leur rang social ainsi que leur attitude envers l’objet et envers le texte. Les notes marginales, la présence de marques de prove-nances, des indications de transmission - que ce soit par legs, achat ou don -, la nature de la reliure : autant de prismes différents à travers lesquels considé-rer chaque exemplaire.

C’est une approche résolument archéologique du livre. Tout comme l’archéo-logue analyse sa tranchée couche par couche, le bibliographe peut expli-quer les plus importantes étapes dans l’évolution de l’objet et comprendre comment il est parvenu jusqu’à nous grâce à cette méthode. L’étude de chaque exemplaire est vitale car la survie est pour tout livre de la Renaissance un petit miracle. Le taux de survie n’est que de 3‰, c’est-à-dire que pour un tirage de 1 000 exemplaires, il ne subsiste en moyenne aujourd’hui que trois volumes. Les grands in-folios ont eu tendance à mieux résister aux nombreux dangers qui menacent un livre (feu, eau, rongeurs, insectes, et surtout humains) : on trouve communément dix ou vingt exemplaires de chaque édition. Ceci est sans doute en partie dû à leur valeur et à leur forme robuste.

Pour les volumes plus petits et les dizaines de milliers d’éditions de brochures et de pamphlets, on doit faire le constat inverse. Une grande partie de cette production est perdue à jamais. Cette rareté extrême des imprimés du XVIe siècle signifie que tout fonds ancien peut contenir quantité d’unica, des livres dont on connaît un seul exemplaire. Cette observation explique à la fois l’im-portance de l’analyse de toutes les collections et la nécessité d’en préser-ver les éditions les plus rares pour les générations à venir par le biais de la numérisation.

Cette rareté rend d’autant plus fascinant ce type d’exposition. D’une certaine façon, le livre se prête bien à cette mise en valeur. D’une taille facile à gérer, ses multiples facettes et la pluridisciplinarité de son contenu font qu’il est utilisé dans la plupart des petites et grandes expositions historiques. Cependant, la complexité du livre de cette période en rend l’interprétation souvent difficile. On a le plus souvent recours à cet objet soit comme support iconographique, soit pour prouver l’existence d’un texte. Il est rare de l’exposer pour son inté-rêt intrinsèque, d’autant plus que, dominé par la monochromie, il n’attire pas autant l’œil que le ferait un tableau, par exemple. Sa valorisation est donc difficile et c’est tout le mérite des étudiants du programme MAGEMI d’avoir su rendre le fonds de la bibliothèque universitaire de Rennes 2 accessible et compréhensible au plus grand nombre.

Malcolm Walsby Maître de conférences en histoire moderne,

université Rennes 2

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Qu’est-ce qu’un livre ? Un ouvrage, un bouquin ? Du papier, de l’encre,

des pages imprimées, des illustrations, une reliure ? Un support d’idées,

un texte d’auteur ? Un objet personnel ? Plus encore, c’est un témoin

empreint d’histoire. Si, aujourd’hui, il est un bien devenu courant, il était,

à la période de la Renaissance, le symbole d’innovations techniques

et intellectuelles. À cette époque de découvertes, le livre imprimé

matérialise l’ensemble des bouleversements sociologiques et idéolo-

giques de son temps. Il devient plus qu’un vecteur de connaissances :

c’est un objet que l’on s’approprie et que l’on partage. Présenter

aujourd’hui les ouvrages du fonds ancien de la bibliothèque universi-

taire de Rennes 2 offre la possibilité de redécouvrir des techniques et

des procédés du passé et d’analyser, par l’étude matérielle, historique

et sociologique, les rapports tissés progressivement entre l’homme et

le livre. De l’immense Bible magnifi quement reliée au petit livre de

poche qu’on annote, l’imprimé prend des formes variées. Il porte les

marques de sa fabrication comme de ses usages. Cette exposition

propose ainsi une redécouverte de l’objet livre du XVIe siècle, de sa

conception à son appropriation, en passant par sa réception.

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Si le livre évoque en premier lieu une œuvre littéraire ou un auteur, il est avant tout un objet matériel, réel témoi-gnage de savoir-faire artisanaux. Il ne naît pas avec l’im-primerie. L’écrit, sous forme de codex (volume formé de feuilles reliées) accompagne les hommes depuis l’Anti-quité. Les développements technologiques de la fin du Moyen Âge permettent à Johannes Gutenberg (1398-1468) de mettre en place la typographie mobile autour de 1450. Les caractères d’imprimerie, faits d’un alliage de plomb, d’étain et d’antimoine, soigneusement mis en page puis passés sous la presse, assurent une rapidité d’exécution et une reproductibilité des textes bien plus grande que la copie manuscrite.

L’invention de l’imprimerie apporte au monde du livre un développement inédit. Les ouvrages, produits avec plus de facilité, sont de plus en plus nombreux et accessibles à un plus large public. Grâce à cette invention, le XVIe siècle fait naître bien des éléments qui font le quotidien du monde de l’édition. En effet, au début de la période les traditions du manuscrit médiéval persistent, notamment en ce qui concerne la mise en page. Le livre typographié se distingue progressivement du manuscrit au cours du XVIe siècle et adopte les codes que nous lui connaissons aujourd’hui. Éditeur, pressier, compositeur, graphiste ou encore illustrateur : ce siècle voit naître au sein de l’atelier une corporation d’artisans qualifiés. Le patron, muni de son titre de maître imprimeur, réunit les fonds pour possé-der le matériel, l’atelier et payer les salaires des compa-gnons liés à lui par contrat. L’atelier est à la fois un lieu de travail et de vie domestique. Le patron fournit les repas qui sont pris tous ensemble. Les apprentis, en formation pour quatre ans, et certains compagnons célibataires dorment sur place. Cela entraîne un fort sentiment d’apparte-nance à un corps de métier et à une équipe, même si des tensions sociales se font sentir durant toute la période. Les revendications sont multiples. La faiblesse des salaires, le temps de travail de l’aube au soir et les exigences de rendement cristallisent la colère des compagnons qui organisent des grèves tout au long du siècle1.

1. « Les gens du livre », Lyon, une capitale du livre à la Renaissance, commentaires de Michel Jourde, Benoît Autiquet et André Bayrou, ENS Lyon, Production Ensmédia, 2014.

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L’histoire du livre est intimement liée à celle du papier. Sa technique de fabri-cation utilisant une pâte à base de fibres végétales est mise au point en Chine au IIIe siècle avant notre ère. Elle gagne le Moyen-Orient par l’intermédiaire des marchands perses au VIIIe siècle puis l’Occident trois siècles plus tard. Le développement de l’imprimerie entraîne la multiplication des moulins à papier dans l’Europe entière.Au XVIe siècle, les chiffons préalablement pourris sont broyés sous les lourds maillets du moulin pour former la pâte à papier composée des fibres textiles. Contenant 95 % d’eau, elle est versée dans la cuve dans laquelle l’ouvrier plonge la « forme », sorte de tamis, qu’il ressort couverte de pâte formant une feuille après égouttage puis séchage. Chacune garde les traces des fils de vergeures de la forme (papier vergé).Elle peut porter un filigrane, dessin visible par transparence, imprimé dans l’épaisseur de la feuille par un réseau de fils métalliques fixés sur la forme. Le filigrane permet d’abord aux papetiers d’apposer une marque personnelle sur leur production ou d’identifier leur moulin avant de devenir caractéristique des types de papier ou des formats des feuilles. La qualité du papier dépend du nombre, de la longueur ou de l’épaisseur des fibres qu’il contient ; elle influe sur celle de l’adhésion de l’encre. Les papiers pour l’impression à l’encre à base d’huile ne sont pas ou sont peu encollés pour assurer une meilleure impression.

Au XVIe siècle, le papier représente deux tiers du prix d’achat du livre. Diverses techniques sont alors utilisées pour économiser le précieux matériau. Des pages comportant de grands espaces non imprimés sont ainsi synonymes de luxe, tout comme la présence d’éléments décoratifs tels que les bandeaux et les culs-de-lampe. L’intégration d’illustrations gravées montre également la richesse de l’ouvrage. La mise en page se codifie avec des textes disposés en colonne et justifiés le long de réglures, tandis que des notes sont imprimées dans les marges. Des techniques visant à faciliter le travail d’assemblage des pages apparaissent. La foliation, numérotation des rectos uniquement, est la pratique la plus courante jusqu’au XVIe siècle. La pagination, qui consiste à numéroter les deux pages, tend à s’imposer à partir de cette période. Chacun des cahiers qui composent le livre est aussi identifié avec une signature à l’attention du relieur.La typographie joue un rôle important dans la mise en page. Le caractère gothique est le plus utilisé initialement dans toute l’Europe. Son style s’inspire des pleins et des déliés des lettres manuscrites. Cette typographie massive nécessite beaucoup d’encre au centimètre carré. La composition de la page se fluidifie avec le caractère romain dont l’usage apparaît dans les écrits humanistes. Cette typographie, plus fine, permet d’aérer la page et d’amé-liorer le confort de la lecture. L’italique, encore en usage aujourd’hui, naît également à cette époque.

Les imprimeurs et les éditeurs sont au cœur de la vie intellectuelle européenne. Le développement de la presse à bras, mise au point par Gutenberg, a contri-bué à une large diffusion des informations imprimées, jusqu’alors accessibles aux classes bourgeoises et nobles seulement. Grâce à la production multiple de livres, l’imprimerie élargit l’accès à la connaissance à d’autres cercles.Le coût élevé de production du livre, notamment le prix du papier chiffon, a incité les éditeurs à sélectionner les impressions rentables, c’est-à-dire les impressions peu chères, réalisées rapidement. Ce secteur d’activité reste très

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Gravure d’atelier, ed. Josse Bade

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dépendant des commandes ; cela implique des conditions d’emploi précaire.En France et en Europe, les persécutions subies par les imprimeurs et les éditeurs prennent des formes variées : défense de publier, de vendre ou d’importer certains types d’ouvrages. Ces poursuites contre les auteurs, les imprimeurs, ou les libraires peuvent aller jusqu’à l’emprisonnement, voire la peine de mort.Dans l’atelier, le maître imprimeur dirige les compagnons. Le compositeur a pour mission de corriger les épreuves. Il doit avoir une bonne maîtrise des langues, notamment anciennes. Avant l’impression du papier, les compa-gnons imprimeurs préparent l’encre et humidifient les feuilles.Ils effectuent les essais de composition et de mise en page. Les éléments nécessaires à la mise en forme, comme les caractères, les illustrations, ou les ornements, sont fixés sur un chariot mobile. Le principe d’impression consiste à presser le papier sur une forme encrée, au moyen d’une platine.Le tirage est alors effectué par deux personnes : l’encreur, et le tireur. L’un est responsable du placement de la forme et du papier dans la presse après l’encrage, tandis que l’autre actionne la presse en ayant soin d’appliquer une pression uniforme sur la totalité de la surface. Les livres sont imprimés à l’encre noire pour une question de rentabilité et de lisibilité. L’encre est fabriquée à base de sels métalliques liés à de l’huile de lin. Son épaisseur permet un séchage plus rapide, essentiel pour une impression en recto verso.L’impression recto verso de la feuille nécessite deux passages sous la presse. Entre ces deux étapes, la feuille est suspendue sur un fil pour une phase de séchage. Une fois l’impression terminée, les caractères rejoignent la casse. Les feuilles imprimées sont pliées et mises en ordre. Le livre est alors prêt à être relié.

À sa sortie de l’atelier, le livre, fourni sous forme de feuilles volantes, est parfois doté d’une reliure de parchemin souple, dite « reliure d’attente » qui le protège temporairement. Certains ouvrages de la collection de Rennes 2 la possèdent encore près de cinq siècles après leur édition. La reliure définitive est à la charge de l’acquéreur qui s’adresse alors à un relieur. La reliure peut être exécutée au sein même de l’officine des libraires où les pages ont été achetées. Le comman-ditaire a la possibilité de choisir son relieur et de faire relier son ouvrage dans une autre ville ou même à l’étranger. La qualité et le style de la reliure peuvent ainsi être très variables. Chaque exemplaire est donc unique. La reliure représente en général plus de 30 % du prix du livre achevé et mérite donc un soin particulier. Les cahiers sont cousus entre eux. Les plats et le dos de la couverture sont consti-tués de carton formé de papier usagé provenant, souvent des livres invendus. De nos jours, certaines éditions d’un écrit ne sont parvenues aux chercheurs que par ce biais. Le cartonnage remplace peu à peu les lourdes ossatures de bois du livre médiéval. Le relieur recouvre le dos et les plats de cuir. Veau brun, basane, truie... Le choix dépend des goûts et des moyens du propriétaire. Des nerfs de cuir permettent de maintenir la reliure et le livre ensemble. À l’aide d’une presse, l’artisan peut apposer des décors directement sur le cuir. Ces décors sont dits estampés à froid. Au contraire, la technique de l’estampage à chaud consiste à apposer une feuille d’or entre le fer chauffé à blanc et le cuir. La tranche du livre peut être peinte, ou recouverte d’une ornementation rehaussée de feuille d’or, le rendant plus précieux. Des fermoirs peuvent être ajoutés. Ceux-ci peuvent être de simples liens de cuirs, ou, au contraire, des pièces d’orfèvrerie très précieuses. La majorité cependant a été altérée au cours des siècles et de rares exemplaires sont parvenus jusqu’à nous.

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PRODUCTION ET DIFFUSION DU LIVRE

Au XVIe siècle, les villes de Paris, Venise, et Lyon dominent le marché de l’im-primerie en Europe. Elles occupaient déjà des positions clés au XVe siècle. Dans le même temps, certains centres reculent d’un siècle à l’autre, à l’image des villes allemandes de Strasbourg, Augsbourg ou Leipzig.À l’inverse, d’autres villes principales apparaissent sur ce marché au XVIe siècle, comme Anvers, Wittenberg, ou Londres. Ces évolutions montrent un déplacement de l’économie du livre vers le Nord.Mais la progression d’une ville comme Anvers, à l’instar de Londres ou de Lyon, découle surtout de sa mutation en un grand centre économique. Ici, le commerce du livre profite du développement marchand. Cette dimension commerciale des ouvrages se manifeste au travers des grandes foires du livre, phénomène majeur au XVIe siècle.D’autres grands centres de diffusion du livre émergent grâce à la Réforme protestante, qui suscite effectivement de nouveaux foyers d’imprimerie, comme Wittenberg, Genève et, dans une moindre mesure, Londres. Certains imprimeurs quittent Lyon et Paris pour poursuivre leur activité dans la ville de Genève qui est alors l’un des centres de la Réforme. Au début du XVIe siècle, l’industrie du livre à Rome connaît des difficultés économiques. En réaction à l’engouement déclenché par la Réforme, la papauté multiplie les impres-sions et provoque son renouveau à partir des années 1560. Capitale de l’Église catholique, la ville redevient un centre d’imprimerie majeur comme elle l’était au XVe siècle.

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Cronique de FlandresLyon, G. Rouillé, 1562Fonds ancien de la bibliothèque de l’université Rennes 2, cote : 11597N° USTC1 : 16134

Cette publication renouvelle un genre initié par Jean de Tournes lors de la parution des Croniques de Froissart entre 1559 et 1561. L’ouvrage est une asso-ciation de trois volumes, comprenant les Croniques de Flandres, Continuation de l’Histoire et Croniques de Flandres et les Mémoires de Messire Olivier de la Marche, tous édités par Denis Sauvage et imprimés à Lyon par Guillaume Rouillé.

Ce livre représente parfaitement l’originalité de la mise en page de l’époque. Ici, la forme en double entonnoir de l’adresse « Aux lecteurs » est tout à fait remarquable. La présence du bandeau en partie haute est récurrente. L’es-pace occupé par le texte est réduit par rapport à la taille de la page. Dans la conception du livre, si l’encre et le papier coûtent cher, la réalisation de la mise en page est elle aussi onéreuse. De nombreux livres du XVIe siècle visant une économie de papier présentent des textes qui arrivent en bordure de page. Dans cet ouvrage, au vu de la très grande quantité de pages laissées blanches, il n’y a pas eu cette recherche d’économie. Cet aspect témoigne ainsi d’une certaine opulence, qui se traduit aussi par l’ornementation dont bénéficie la page de titre. La lettrine, imposante, est une représentation caractéristique de l’imprimerie de Lyon. Il est intéressant de noter que pour la conception, une lettre « a » de petite taille est visible en bas à droite du texte : il s’agit d’une signature qui facilitait au relieur l’assemblage des cahiers composant le volume.

Si l’ouvrage possède un ensemble de caractéristiques singulières, il est aussi le témoin d’une vie et d’un mode d’utilisation. Il semble que le propriétaire n’ait pas pris le temps de le faire relier. Le livre dispose en effet d’une reliure d’at-tente. Cependant, un effort de protection et de conservation est clairement notable : l’ouvrage dispose d’une couverture plus grande que le format de base des pages. La présence de trous dans les plats de la reliure témoigne d’un système de fermeture par liens aujourd’hui disparus, qui garantissaient au livre une plus grande protection. Malgré ces procédés, il semble que le livre ait tout de même été abîmé. Il aurait par la suite été restauré au cours du XVIIIe siècle. Une véritable opposition demeure ainsi entre le peu d’attention apportée à la couverture et la grande qualité du contenu.

1. USTC- Universal Short Title Catalog[base de données des éditions du XVIe siècle en ligne]http://www.ustc.ac.uk

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Nicolas de THOUManuale SacerdotumParis, J. Kerver, 1581Fonds ancien de la bibliothèque de l’université Rennes 2, cote : 55607N° USTC : 170581

Ouvrage religieux, le Manuale Sacerdotum est publié en 1581 à la demande de Nicolas de Thou, personnage notable du monde catholique du XVIe siècle et évêque de Chartres dès 1573. Le prestige de cette personnalité explique la grande qualité de l’ouvrage. Son imprimeur parisien, Jacques Kerver, est réputé pour la publication de recueils religieux de type missels ou bréviaires. Il en détient d’ailleurs le monopole absolu jusqu’au Concile de Trente, et conti-nue par la suite à défendre ardemment ses privilèges.

Rédigé en latin, ce format in-4 très maniable est destiné aux prêtres pour leur pratique quotidienne. Élément notable par son intérêt esthétique, le livre est également agrémenté de partitions. L’utilisation du gothique interpelle car cette typographie tend à disparaître à la fin du siècle. Bien que restant plus lisible par le grand public, l’utilisation du gothique renvoie ici à une certaine ancienneté, et par là même, à une tradition. On peut donc y voir une conti-nuité, ainsi qu’un moyen de se distinguer du mouvement protestant.

L’intérêt de cet ouvrage réside principalement dans son impression : on retrouve ici un procédé spécial appelé rubrication. Le lecteur remarque effec-tivement au premier coup d’œil que le livre n’est pas seulement imprimé en noir, ce qui est le plus courant à l’époque, mais qu’il comporte une deuxième couleur, le rouge. Ce résultat est obtenu grâce à un travail par rubriques, c’est-à-dire que l’on imprime deux fois sur la même surface de la feuille. Véritable travail de graphiste, cette technique confère au livre une uniformité visuelle d’une grande qualité esthétique, et traduit son haut degré de préciosité. Les exemples de livres entièrement rubriqués sont rares au XVIe siècle, car la rubri-cation compte parmi les techniques les plus difficiles à réaliser. Cet ouvrage en présente un modèle très réussi. La couleur rouge est alors utilisée pour mettre en valeur les titres, les parties, les lettrines, ou encore les portées des chants religieux, sur lesquelles les notes apparaissent en noir. L’alternance de couleurs rythme alors la lecture et structure le texte.

Il est à noter que la mise en page générale de l’ouvrage est particulière-ment travaillée et complexe : outre la rubrication, nombre d’autres éléments composent la page. Comme on peut le voir sur l’illustration ci-jointe, des petites gravures sur bois sont intégrées à même le corps du texte alors que, sur son côté droit, des notes d’une police plus petite sont ajoutées. Les nombreuses spécificités de composition et d’impression présentes dans ce manuel en font donc un livre très sophistiqué pour son temps.

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Claude d’ESPENCEIn priorem divi Pauli apostoli ad Timotheum epistolam, commentarii et disgressionesParis, M. de Vascosan, 1561Fonds ancien de la bibliothèque de l’université Rennes 2, cote : 21303N° USTC : 153146

Ce livre écrit par Claude d’Espence, théologien catholique, possède des qualités de mise en page exceptionnelles. Il est courant à cette époque de faire appel à un mécéne pour la réalisation de ce type d’ouvrages dont la production est très onéreuse. Nicolas Chesneau, qui a produit l’un des deux volumes, était d’ailleurs l’un des imprimeurs officiels du roi de France. Conte-nant les Épîtres de Saint Paul à Timothée, il est constitué de deux volumes impri-més à trois ans d’intervalle qui furent reliés ensemble par leur possesseur. C’est ce qu’on appelle un recueil factice.

La couverture de cet ouvrage est réalisée en parchemin. Cette matière, très commune à l’époque, était souvent utilisée par les libraires pour les reliures les plus simples. Les plats supérieur et inférieur présentent des ornementations réalisées à la feuille d’or. Ces dorures (fer de coin, motif central et fer plat) sont appliquées selon la technique du « fer à chaud ». Symbole de prestige, elles sont commandées par le propriétaire pour des raisons esthétiques.

Le dos présente des fleurons soulignés de deux traits fins produisant un faux nerf. Le fleuron est une décoration commune au XVIe siècle. Entre les nerfs et les fleurons, le titre est écrit une première fois à la main, et il apparaît une seconde fois tamponné en dessous. Cette curiosité révèle probablement l’ap-partenance de cet ouvrage à deux propriétaires successifs.

À l’intérieur du recueil, le cartonnage de la reliure dévoile la page d’un autre livre. Il est en effet relativement courant d’utiliser des fragments de livres inven-dus ou d’impressions ratées pour fabriquer la couverture des ouvrages. Cette technique pratiquée par les libraires permet de réduire les coûts de reliure. Ici, on retrouve des fragments d’un livre rubriqué à l’intérieur de la couverture. Si le relieur a choisi d’utiliser un tel livre dans le cartonnage, c’est probablement parce que celui-ci faisait partie d’un stock invendu.

Les ornements abondent également à l’intérieur du livre : gravures sur bois, bandeaux et lettrines agrémentent les textes composés en caractères romains. Les marges de traits rouges sur toutes les pages indiquent que cet ouvrage coûte cher à la production pour deux raisons : l’encre rouge et le temps pris pour le tracé à la main. La page de titre est dotée d’un frontispice gravé en taille-douce conçu spécifiquement pour l’ouvrage de Nicolas Chesneau.

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Henri de SUZESummaLyon, J. de Moylin, 1537Fonds ancien de la bibliothèque de l’université Rennes 2, cote : 335N° USTC : 200291

Le recueil Summa d’Henri de Suze est imprimé à Lyon par Jean de Moylin pour Jacques Giunta et publié en 1537. Cet ouvrage de prestige est écrit en latin et imprimé en gothique. Il s’agit de l’ensemble des écrits et réflexions religieuses du Cardinal d’Ostie. L’épaisseur et la quantité des feuilles de papier utilisées, le format folio ainsi que le travail de rubrication de la page de titre témoignent d’une production onéreuse. Cette impression lyonnaise imite le style italien, pays d’origine de son propriétaire, avec en particulier la fleur de lys caractéristique de la mode florentine. Lyon n’est pas encore une ville de production aussi réputée pour ce type de livres que la ville italienne. En l’imitant, l’imprimeur s’octroie le prestige d’un autre centre de production et assure ainsi une meilleure vente de son ouvrage. De même, le lieu de production n’est mentionné qu’à la fin de l’ouvrage, avant l’index, augmentant le trouble de l’acquéreur potentiel. Ce livre a pu être vendu à la foire de Lyon ou à celle de Francfort. Comme le prouve la note manuscrite sur la page de garde collée au dos de la reliure, cet exemplaire fut acheté à un prix conséquent.

La reliure de cet ouvrage est particulièrement intéressante puisqu’elle utilise deux matières. Le plat supérieur est composé de bois brut et de peau de truie qui recouvre également le dos. L’inspiration florentine est notable sur les fermoirs métalliques encore présents sur le dos. Sur l’un d’eux subsiste une fleur de lys ainsi que le titre de l’ouvrage. Ces éléments métalliques, rare-ment conservés de nos jours, permettent de garder l’ouvrage fermé avec ses pages à plat et ainsi de mieux le protéger de la poussière et des attaques des nuisibles. Fait remarquable, les livres étaient alors présentés dans les biblio-thèques la tranche vers l’extérieur à l’inverse d’aujourd’hui. Le jeu de compo-sition qui présente une alternance de fleurons et de rouleaux sur le plat du dessus et les entre-nerfs offre à la reliure en peau une ornementation déli-cate. Le souci esthétique est omniprésent puisque la tranche a également été ornée aux entre-nerfs par des fers représentant des feuilles stylisées.

Toutefois, le choix de la reliure ainsi que la présence de nerfs visibles suggèrent un investissement limité de son propriétaire. Pour preuve, le livre n’a reçu qu’une demi-reliure et des cadres de la page de titre sont restés vierges, alors qu’ils sont souvent illustrés à la main en accord avec les goûts de l’acquéreur. Ici, un contraste subsiste entre la forme esthétique inachevée et la grande valeur intellectuelle du propos. Cet exemplaire nous révèle la complexité de fabrication d’une reliure. Sa qualité esthétique, résultat d’un savoir-faire et d’une grande maîtrise technique, témoigne d’un coût de production élevé. Ainsi, ce type d’ouvrage reste-t-il pleinement réservé à une clientèle aisée.

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Bien plus qu’une innovation technique, le livre imprimé est un instrument de communication et de diffusion des idées qui contribue à changer la société en profondeur. Sa propagation a un impact considérable sur l’évolution de la culture européenne. L’augmentation de la produc-tion et la mise en place d’un grand réseau de diffusion favorise la circulation de nouveaux modes de pensée à une échelle inédite. Parallèlement, l’alphabétisation crois-sante garantit un accès plus global à la lecture. Le livre devient alors un outil puissant qu’il paraît nécessaire de contrôler.

Mesurant pleinement l’ampleur de la diffusion des idées par le livre, les autorités vont tour à tour réprimer, ou favo-riser, le contenu comme l’usage.

La Réforme protestante, qui n’aurait pu avoir un tel impact dans un autre contexte, illustre de manière significative la puissance du livre imprimé. En effet, le XVIe est profon-dément marqué par le rejet de certaines pratiques de l’Église catholique. Des théologiens comme Martin Luther souhaitent s’en éloigner afin de retrouver un rapport plus direct avec Dieu. Conscient du pouvoir de l’imprimerie, Luther, père de l’Église protestante, va l’utiliser comme une arme dans son combat pour une nouvelle approche religieuse.

Basés sur une redécouverte des textes antiques, les concepts humanistes se répandent dans le même temps. Si les ouvrages religieux représentent encore la moitié des textes publiés, on observe dès le début du XVIe siècle un nombre croissant de publications consacrées à la littéra-ture antique et aux écrits humanistes.

Plus qu’un simple support, la forme matérielle du livre est en lien avec les idées qu’il contient. La langue latine, jusque-là dominante, laisse progressivement la place à des langues vernaculaires qui sont employées dans la vie courante. Les techniques de gravure se développent et permettent à l’estampe de dépasser sa fonction illustra-tive, tenant ainsi un rôle prépondérant dans la diffusion des idées. Enfin, le format du livre témoigne de la manière dont l’objet s’adapte à ses nouveaux usages. Tous ces éléments sont déterminants pour comprendre le succès du livre imprimé.

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Loin d’être un objet neutre, le livre est toujours lié à un contexte donné : les détenteurs du pouvoir s’emparent rapidement de ce moyen de trans-mission d’idées à grande échelle, pour en faire un outil de censure ou de propagande.Amorcée par Luther, la Réforme protestante, dont les adeptes rejettent l’au-torité du pape et prônent un retour aux sources du christianisme, voit ses écrits diffusés à plus de trois millions d’exemplaires en seulement quelques années. Dans le même temps, les humanistes participent à un renouveau de la pensée individuelle, en partie grâce au développement croissant de l’alphabétisa-tion. À travers ces bouleversements sociaux, ils proposent des nouveaux concepts d’enseignement. Ces manifestations sont autant de signes qui poussent l’Église catholique à réagir. Le climat subversif ambiant menace en effet de détourner les croyants de la religion traditionnelle. Dès lors une féroce volonté de contrôle des textes et des images apparaît. Elle s’accompagne de l’impression soutenue de recueils de sermons et autres textes moraux.À son tour, la royauté française contrôle l’imprimerie et la met au service de son image, notamment en manipulant un nouvel outil : le privilège. Il impose une censure préalable aux imprimeurs. En contrepartie, un monopole leur est concédé pour une durée variable.Parallèlement à ce phénomène, l’Église publie l’Index librorum prohibitorum (l’« index des livres interdits ») à l’aube des années 1560. Cet instrument de contrôle recense les ouvrages qui peuvent constituer une menace pour la foi des fidèles ; c’est de cette liste qu’est tirée l’expression « mettre à l’index ».

Le livre est un objet de savoir et d’innovations. Son évolution est intimement liée à celle du mouvement humaniste qui compte des écrivains et des philo-sophes tels Érasme, l’un des auteurs les plus lus et publiés à la Renaissance. L’humanisme est un courant intellectuel caractérisé par un regain d’intérêt pour l’Antiquité. Il amorce une redécouverte des langues anciennes par l’exa-men d’ouvrages dans leur version originale. L’étude d’écrits grecs, latins, mais aussi hébreux, devient un gage d’authenticité. Grâce à cette recherche de véracité, les auteurs humanistes éliminent certaines erreurs de traductions médiévales. Le livre est un support privilégié de ce renouveau : il permet de fixer et de traduire les textes antiques. Il participe ainsi à la vulgarisation et à la diffusion du savoir à travers l’Europe, notamment grâce au latin qui reste la langue de communication internationale comprise par les lettrés.La Bible polyglotte illustre cette volonté de confrontation des textes et de diffu-sion des connaissances. Paru en 1572, ce livre d’exception a été réalisé à l’initia-tive de son éditeur anversois, Christophe Plantin. À la fois imprimeur, libraire mais aussi homme de lettres, Plantin possède le plus important atelier de son temps. Il publie cet ouvrage pour le roi d’Espagne Philippe II, qui en confie la direction scientifique à l’humaniste, savant et linguiste Benedito Arias Montano. Comme son nom l’indique, la Bible polyglotte juxtapose plusieurs traductions de l’Ancien et du Nouveau Testament. Sur chaque double page, quatre langues sont mises en parallèle : le grec, l’hébreu, l’araméen et le latin. La connaissance, l’étude puis la traduction de langues occidentales, mais aussi orientales, favorisent une compréhension plus large et une unification des propos. Les compétences et moyens techniques employés pour la réalisation de l’ouvrage témoignent de sa préciosité, de sa rareté. L’impression fut une vaste entreprise : elle nécessita le travail de plus de soixante ouvriers pendant quatre ans.

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Gravure d’Adam et EveSebastian MÜNSTER, La cosmographie universelle, Paris, N. Chesneau, 1575

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En parallèle, l’utilisation du français devient de plus en plus fréquente dans les ouvrages. Il favorise une meilleure compréhension et diffusion des textes auprès d’un lectorat qui s’élargit progressivement. La langue française évolue et se formalise. D’une langue dite « vulgaire » par opposition au latin, elle devient la langue de référence à l’écrit. Le livre traduit ce bouleversement : la langue rassemble la population et participe à l’affirmation d’une identité commune. En se propageant au sein de la société, l’ouvrage imprimé contri-bue à l’émergence de l’esprit critique de chaque individu.

Les progrès techniques de la gravure répondent à une demande croissante d’illustrations combinée à des exigences en termes de qualité et d’esthétique. Si chaque méthode d’impression offre un rendu particulier, son emploi varie suivant l’évolution des goûts.Caractérisée par l’uniformité de ses noirs, la gravure sur bois présente partout la même intensité. Le dessin, très linéaire, ne permet pas une grande finesse dans le rendu des détails. Utilisant la même presse que pour l’impression des textes, les graveurs sur bois travaillent aux côtés des typographes, dans un milieu distinct de celui des graveurs en taille-douce (la gravure sur plaque de métal).Au-delà de la fonction illustrative, la gravure joue un rôle considérable dans la diffusion des idées. Faisant l’objet d’un commerce international, elle est un instrument privilégié de propagande dans tous les domaines, surtout politique. L’impact de l’image permet, en effet, de donner une incarnation concrète aux concepts développés en devenant partie intégrante de ceux-ci. La repro-duction des cartes liées aux découvertes géographiques et astronomiques, ou la grande diffusion des images d’anatomie, d’architecture, de botanique et de toutes les sciences en plein essor au XVIe siècle, montrent la fonction péda-gogique de l’illustration au sein des ouvrages imprimés.Bien que les sujets religieux soient les plus courants, le portrait occupe une place à part. Ce dernier se répand progressivement, servant souvent les desseins individuels de personnes riches et puissantes.Assurant la réalisation d’images plus détaillées et fines, contrairement à celle sur bois, la gravure sur métal permet une grande diffusion de genres et de thèmes, ainsi que l’affirmation d’un art destiné à la bourgeoisie. Ce type de gravures est réservé à un public plus restreint. C’est à Lyon qu’apparaît, en 1478, le premier livre français illustré sur cuivre.

Avec la multiplication des écrits, le livre apparaît de moins en moins comme un objet rare et précieux que l’on consulte uniquement dans une biblio-thèque. On souhaite désormais l’emporter et le lire partout. Les premiers petits formats sont soit des textes trop courts pour être imprimés en in-folio (la feuille de papier entière est pliée seulement en deux), soit des textes religieux que l’on aime garder sur soi. La demande croissante et les nouvelles habitudes de lecture poussent les imprimeurs à réduire les coûts et les temps de production tout en créant des supports de lecture plus maniables et transportables facile-ment. On voit alors se développer des formats « portatifs », essentiellement des ouvrages religieux ou des « plaquettes gothiques », c’est-à-dire des ouvrages de littérature populaire destinés à un vaste public. Le petit format transforme le livre en objet intime et personnel : « Les solides folios sont les gens d’affaires avec qui je m’entretiens le matin. Les quartos sont une compagnie plus mêlée

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et plus accommodante avec laquelle je m’assois après le déjeuner; et je passe mes soirées avec les légers et souvent frivoles papotages des menus octavos et duodécimos »1. La généralisation du petit format va aussi jouer un rôle majeur dans la diffusion des idées humanistes et des pamphlets réformés. C’est notamment sous cette forme que vont se répandre dans toute l’Europe les Adages d’Érasme, ainsi que les thèses de Luther. En effet, le petit format permet une diffusion rapide, discrète, voire illégale, d’idées à contre-courant des autorités.Toutefois, le format de poche ne remplace pas pour autant le grand format, car même si celui-ci est moins maniable, il présente un corps de texte plus grand et par conséquent, il est plus lisible. Ce format reste particulièrement utilisé pour les éditions scientifiques que l’on consulte essentiellement dans le cadre d’une bibliothèque.Le livre continue d’être également un objet de collection et de prestige auprès d’un public fortuné. La richesse des ornements et l’aspect imposant des grands formats en font davantage des objets servant à démontrer un rang social que de simples supports de lecture.

1. Lord Chesterfield cité dans Roger Chartier(dir.), Les usages de l’imprimé, XVe-XIXe siècle, Paris, Fayard, 1986

Gérard MERCATOR, Atlas, sive Cosmographicae

meditationes de fabrica mundi et fabricati figura,

Amsterdam, J. Hondius, [1619]

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Bertrand d’ARGENTRÉL’histoire de Bretaigne[Paris, J. du Puys, 1588]Fonds ancien de la bibliothèque de l’université Rennes 2, cote : 1299N° USTC : 953

Né à Vitré le 19 mai 1519, Bertrand d’Argentré est le fils de Pierre d’Argentré, Sénéchal de Rennes qui joua un rôle majeur dans l’union de la Bretagne à la France. Descendant de cette illustre famille bretonne, Bertrand d’Argen-tré commence sa carrière comme juriste. Sénéchal de Vitré en 1541 puis de Rennes en 1547, il siège au Parlement de Bretagne. Renommé pour la richesse de sa bibliothèque, cet érudit très attaché aux traditions de son pays fait aussi un travail d’historien et écrit de nombreux ouvrages tel que L’histoire de Bretaigne, publié entre 1580 et 1582, grâce auxquels il devint célèbre.

Rédigé à la suite de la contestation des États de Bretagne contre la levée de nouveaux impôts par le roi de France en 1577, cet ouvrage tente de retracer de manière objective l’histoire du pays breton, traitant entre autre de la ques-tion de son rattachement à la France, sujet ô combien sensible dans l’histoire nationale. Bertrand d’Argentré explique en effet clairement que la Bretagne a toujours été indépendante jusqu’en 1491, date où la région est rattachée par mariage et sous conditions au royaume français. Cette version de l’ouvrage fut censurée par le pouvoir qui y vit une contestation de son autorité sur ce territoire représentant à cette époque une province fermée. Cette censure politique n’altère aucunement le succès de l’œuvre qui se voit régulièrement rééditée entre 1605 et 1668 dans une version remaniée tandis que le texte original continue de circuler clandestinement avec la couverture officielle. La publication, en 1619, d’une réfutation commandée par le roi Henri III à son historiographe personnel Nicolas Vignier (1530-1596) sous le titre de Traité de l’ancien état de la petite Bretagne et du droit de la couronne de France sur icelle témoigne de la tentative du pouvoir de contrecarrer cette diffusion. L’ouvrage présenté ici est l’une des versions initiales. Cependant, sa page de titre a disparu, peut-être par peur de la censure. Sa présence dans le fonds ancien de la bibliothèque de l’université Rennes 2 est exceptionnelle. En effet, très peu de ces ouvrages « interdits » ont survécu à l’épreuve du temps.

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ÉRASMEAdagiorum chiliades quatuor cum sesquicenturia (Les Adages)Paris, J. Charron pour M. Sonnius, 1572Fonds ancien de la bibliothèque de l’université Rennes 2, cote : 1293N° USTC : 170070

Les Adages sont un recueil de maximes antiques compilées et commentées par l’humaniste Érasme. L’auteur se base ici sur des textes grecs et latins écrits notamment par Cicéron, Homère ou encore Aristote dans leur version ancienne. Il compare puis analyse leur propos en interrogeant par là-même la vision de l’homme au XVIe siècle. D’origine hollandaise, Érasme (1467-1536) fut à la fois écrivain, philosophe et théologien. Il produisit notamment plusieurs discours dont L’Éloge de la folie et une traduction du Nouveau Testament. Il reste encore de nos jours l’un des auteurs emblématiques des XVe et XVIe siècles.

Cet ouvrage a été plusieurs fois revu et augmenté par Érasme après sa première publication en 1500. Avec plus de trente éditions parues du vivant de l’auteur, il a connu un véritable succès auprès du lectorat du XVIe siècle malgré un coût de production et donc de vente très important du fait de son volume. Cependant, l’édition conservée par la bibliothèque universitaire est posthume. Une indication manuscrite sur la page de titre nous fournit des infor-mations supplémentaires sur son propriétaire et sur la date de l’achat : il s’agit de François de Bourgogne qui a acquis le livre dès son année de parution en 1572, soit presque quarante ans après le décès d’Érasme en 1536. Fait rare, le prix est également indiqué : trois livres et dix sous.

Cette réédition intervient après la décision du Concile de Trente en 1559 de mettre à l’index celui qui est considéré comme le plus grand humaniste du XVIe siècle. Érasme est écarté suite à son étude des textes en langue d’origine et pour sa traduction du Nouveau Testament qui diffère de la Vulgate. Ainsi, cette édition témoigne à la fois de la censure exercée par l’Église catholique au XVIe siècle afin de lutter contre les idées véhiculées lors de la Réforme, mais aussi d’une certaine liberté de publication française face à ces textes prohibés. De fait, ce livre a obtenu un privilège du roi pour sa publication, ce qui signifie que l’édition a été reconnue et validée par les autorités malgré les instructions papales. Cette latitude de publication est une spécificité française.

Cet ouvrage a donc connu un grand succès au XVIe siècle avec une diffusion internationale. Il a été distribué en France par Michel Sonnius, correspondant de Christophe Plantin, l’un des plus grands éditeurs du XVIe siècle. Grâce à Plantin, l’ouvrage pouvait ensuite être diffusé à Anvers puis à travers l’Europe. Si ce livre a perduré jusqu’à nous et nous est familier, il est toutefois étonnant de constater que la première traduction française est très récente (2011, Éditions Les Belles-Lettres). Ce paradoxe peut nous amener à questionner la place de ce célèbre livre humaniste au sein de notre société actuelle.

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Jean NESTORHistoire des hommes illustres de la maison de MediciParis, C. Périer, 1564Fonds ancien de la bibliothèque de l’université Rennes 2, cote : 56762N° USTC : 1285

Imprimé au commencement de la période conflictuelle qui divise les protes-tants et les catholiques, cet ouvrage est étroitement lié à la reine Catherine de Médicis (1519-1589) et aux difficultés auxquelles elle fut confrontée au cours de sa régence. Fille de Laurent II de Médicis et de la française Madeleine de la Tour d’Auvergne, Catherine de Médicis est une figure de l’histoire contro-versée qui alimente de nombreuses légendes. Son exercice du pouvoir a été souvent sujet de débats au point qu’elle fut accusée d’empoisonnement, de complot, voire de sorcellerie. Issue d’une illustre famille florentine, elle a aussi été desservie par ses origines, la patrie de Machiavel.

Membre de la famille royale française par alliance, Catherine de Médicis n’est initialement pas destinée à monter sur le trône. Elle parvient à exercer la régence du royaume suite aux décès successifs de son beau-frère, de son époux Henri II et de son fils aîné François II. Néanmoins, ses choix politiques l’empêchent d’acquérir la crédibilité suffisante pour gagner la confiance de son peuple.

En tant que support de diffusion majeur, le livre apparaît alors comme une solution idéale pour pallier ce manque d’influence. Catherine de Médicis s’entoure d’auteurs auxquels elle commande des textes de propagande. Ainsi, dans l’Histoire des hommes illustres de la famille de Medici, Jean Nestor répertorie l’ensemble des membres de cette célèbre famille et s’attache à glorifier chacun d’entre eux. Ils font tour à tour l’objet d’un éloge systémati-quement introduit d’une gravure qui reprend les caractéristiques des illustra-tions des livres d’emblèmes. Sur chacune, figure ainsi une devise et une illus-tration symbolique. Plus généralement, l’épitre présente tous les personnages illustres comme des êtres doués de qualités qui traversent les âges, témoignant ainsi de la volonté de la régente d’asseoir et de confirmer sa souveraineté par l’appartenance à une telle dynastie. L’abrégé, consacré aux comtes de Boulogne et d’Auvergne, traduit quant à lui l’envie de Catherine de Médicis de mettre en évidence sa filiation avec de grandes familles françaises et lui permet dès lors de se détacher quelque peu de ses origines italiennes qui la desservent. Ainsi, chacun des composants de ce livre est envisagé comme un outil d’affirmation de l’autorité. En témoigne l’impressionnante gravure retra-çant, à la manière d’un résumé, l’intégralité de cette généalogie.

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ÉRASMENovum TestamentumBâle, H. I Froben et N. I Episcopius, 1535Fonds ancien de la bibliothèque de l’université Rennes 2, cote : 1657N° USTC : 678735

Érasme (1467-1536), auteur et penseur célèbre de son vivant, a produit de nombreux ouvrages. En 1535, il traduit la seconde partie de la Bible, le Nouveau Testament, du grec vers le latin. Érasme est connu pour être proche des pouvoirs ainsi que, initialement, de Luther. Cherchant à remplacer la vulgate de Saint Jérôme, son ouvrage est mis à l’index par le Concile de Trente, et par conséquent, interdit dans de nombreux pays d’Europe. Imprimé à Bâle, ville où le protestantisme se développe, il va se diffuser rapidement malgré l’interdiction dont il fait l’objet.

Écrites par deux mains différentes, les annotations contenues dans cet exem-plaire indiquent sa provenance et permettent donc de retracer son parcours. Les premières notes, facilement reconnaissables par la signature laissée en fin d’ouvrage, sont celles d’Arnoldus Engelbrecht, érudit allemand. Elles sont particulièrement nombreuses en début d’ouvrage. La seconde main est celle de Polebella dit Puisanhault. Cet Italien vivant en France ne laisse pas de signature, mais il ne manque pas d’enrichir considérablement les annotations d’Engelbrecht.Beaucoup de doutes subsistent néanmoins : on ne sait pas comment l’ou-vrage a pu passer d’Allemagne en France, où Engelbrecht l’avait acheté et annoté, ni même s’il avait lui-même revendu le livre à Puisanhault.

La composition de la page, très classique, adopte les critères de l’époque. Les deux colonnes se répondent comme elles doivent le faire en traduction. La version la plus lue, le latin, se trouve à droite ; ce qui facilite la prise de note. On assiste ici à une réelle appropriation de l’ouvrage par le lecteur, qui n’hésite pas à annoter et presque désacraliser l’ouvrage religieux. Les très belles lettrines historiées indiquent le début des paragraphes et représentent des scènes mythologiques avec, notamment, une représentation de Bacchus qui semble peu appropriée.Au XVIe siècle, le prix du papier représente un tiers de celui de la fabrication du livre. De nombreux espaces blancs ainsi que l’épaisseur du livre nous laissent imaginer qu’il a coûté très cher. Bien que le livre serve principalement à véhi-culer un contenu écrit, les choix esthétiques concernant la mise en page, la reliure ou l’ornementation, reflètent le goût du lecteur auquel il est destiné. Si cet ouvrage semble s’adresser davantage à un public aisé, sa reliure d’at-tente composée de partitions des XVIIe ou XVIIIe siècles prouve que l’acqué-reur n’a pas pu investir dans une reliure à la hauteur du contenu. Les annota-tions datant du XVIe siècle nous montrent cependant qu’il a tout de suite été vendu, malgré son prix.

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André THEVETLes vrais pourtraits et vies des hommes illustres grecz, latins et payensParis, veuve J. Kerver et G. Chaudière, 1584Fonds ancien de la bibliothèque de l’université Rennes 2, cote : 1434N° USTC : 1743

André Thevet est un explorateur érudit français que ses nombreux voyages ont conduit à devenir le cosmographe attitré des rois Henri II, François II, Charles IX et Henri III. Cependant, c’est en historiographe qu’il rédige en 1584 Les vrais pourtraits et vies des hommes illustres. Inspiré des Vies parallèles des hommes illustres de Plutarque, dont la traduction française était parue dix ans plus tôt, cet ouvrage en huit parties recense de façon chronologique les grands hommes de toutes les régions visitées par l’auteur. L’ensemble du recueil est ainsi illustré de 300 gravures en taille-douce représentant des portraits imagi-naires de figures emblématiques de l’Antiquité, d’hommes d’Église impor-tants, de conquérants et navigateurs célèbres, mais aussi de chefs de tribus amérindiennes.À Paris, la gravure sur cuivre n’est pas encore très répandue dans l’illustration des livres. Ne pouvant pas être réalisée sur la même presse que les textes, elle coûte beaucoup plus cher et nécessite beaucoup plus de travail. André Thevet accordait une grande importance à la qualité des illustrations de son livre. En tant que géographe explorateur, il était amené à publier des cartes et donc à réfléchir à l’association des images et du texte dans ses ouvrages. Pour réaliser les figures des Vrais pourtraits et vies des hommes illustres, il a fait appel à des graveurs flamands. Il précise en avant-propos : « D’ailleurs a falu, que j’aye recerché les ouvriers, lesquels j’entendoye estre experts, bien duits & entendus pour graver & représenter au naif l’air & le pourtrait des personnages que je propose. Et pour cest effet a falu, que de Flandres j’aye attiré des meil-leurs graveurs, que je pouvoye choisir ». La page de titre de cet ouvrage est un exemple remarquable de gravure en taille-douce. Il est peu courant de trouver des pages de titre où le texte est gravé dans le cuivre. Le plus souvent le titre est imprimé en typographie mobile dans un décor gravé. Ce décor peut donc être interchangeable et même être utilisé pour d’autres titres. Ici, la page de titre a été conçue uniquement pour ce livre. D’ailleurs, l’ensemble du décor fait directement écho à son contenu. Il se compose d’objets allé-goriques tels que l’astrolabe, le globe ou encore le caducée renvoyant direc-tement aux sciences et à la médecine. On peut y observer aussi quelques symboles religieux comme les tables de la Loi de Moïse ou la menorah, chan-delier à sept branches symbolisant la religion juive. Ainsi cette page réunit-elle en une seule image la diversité des sujets abordés à travers ces grandes figures de l’histoire humaine.

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Gregor REISCH, Hermann von dem BUSCHEet Oronce FINÉMargarita philosophicaBâle, S. Henricpetri, 1583Fonds ancien de la bibliothèque de l’université Rennes 2, cote : 55536N° USTC : 605013

Le Margarita philosophica est un ouvrage scientifique, dans lequel sont rassemblées par le moine chartreux Gregor Reisch, les recherches d’Hermann von dem Busche et d’Oronce Finé. La bibliothèque universitaire possède une réédition de 1583 de cet ouvrage publié pour la première fois quatre-vingt ans plus tôt. Ces multiples tirages reflètent son succès et son usage intensif par les étudiants. Le livre est fondé sur l’étude de la rhétorique par Hermann von dem Busche et sur le travail d’Oronce Finé, mathématicien français du roi François Ier, qui popularisa la pratique des mathématiques et de l’astronomie. Les livres de cette période compilaient l’ensemble des savoirs.

Écrite en latin, cette compilation est structurée en douze chapitres nécessaires pour l’éducation d’un jeune humaniste de l’époque. Chaque discipline est divisée en deux : le savoir théorique et le savoir pratique. Dans un jeu de ques-tions réponses, un dialogue a été imaginé entre un disciple et son maître. Très utilisé à la Renaissance, ce procédé permet de rendre plus vivant le texte. De surcroît, l’ouvrage est agrémenté de diverses illustrations : des gravures sur bois en pleine page, des schémas et une mappemonde. Chaque image est mise en parallèle avec son théorème. Cette mise en page novatrice facilite la compréhension de chacun des textes.

La gravure présentée ci-contre symbolise l’allégorie de la Philosophia, terme regroupant les sciences naturelles, rationnelles et morales. Elle englobe sous cette appellation de multiples enseignements scientifiques : la grammaire, la dialectique, la rhétorique, l’arithmétique, la musique, la géométrie, l’astrono-mie, la physique, l’histoire naturelle, la psychologie, la physiologie et l’éthique. Représentée sous les traits d’une femme tricéphale, la Philosophia rassemble sous sa coupe les nombreuses connaissances de l’époque. Celles-ci sont également symbolisées sous l’apparence de jeunes femmes avec les attri-buts qui les désignent : la musique jouant de la harpe, l’astronomie faisant tourner un astrolabe... Le haut de l’illustration est couronné par quatre saints : Saint Augustin, Saint Grégoire, Saint Jérôme et Saint Ambroise. Surplombant la science terrestre, ces docteurs de l’Église figurent à eux quatre la Philo-sophia céleste. Aux angles inférieurs de la gravure, Aristote et Sénèque sont représentés en plein travail d’écriture. Ces deux savants de l’Antiquité sont les premiers penseurs de la science naturelle et morale. Ainsi, théoriciens, chré-tiens et polythéistes sont réunis autour de la figure de la science du XVIe siècle. Les savoirs et les illustrations contenus dans la Margarita Philosophica en font un exemple remarquable d’ouvrage humaniste de la Renaissance.

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Giovanni Battista GUARINIIl pastor fido tragicomedia pastoraleTours, J. Mettayer, 1592Fonds ancien de la bibliothèque de l’université Rennes 2, cote : 55337N° USTC : 112183

Ce livre représente un bel exemple de littérature courtoise. Il s’agit d’une pièce de théâtre en langue italienne écrite en vers, dont le titre français est Le Berger fidèle. Cette œuvre est considérée comme appartenant au genre pastoral, bien qu’elle témoigne d’une volonté de se fondre dans divers genres littéraires. L’auteur donne en effet à son poème le sous-titre de « tragi-comédie pastorale ». Hormis quelques passages aux tenants comiques, la narration a tout d’une tragédie : au cœur de l’Arcadie ravagée par la peste, un oracle annonce que les maux du pays seront résolus grâce au dévouement d’un berger fidèle. Le Pastor fido témoigne également de l’intérêt de l’auteur pour l’art grec. Guarini introduit dans son ouvrage le chœur antique, chanté et mis en musique. Publié dans un contexte où l’Antiquité est à l’honneur, et où ce genre de divertissement est très apprécié, ce livre obtient un grand succès.

À la fin du XVIe siècle, de nombreux italiens, tels les Médicis, les Gondi ou encore les Gonzagues, sont présents à la cour de France. Très en vogue, la langue italienne est alors employée à outrance par les courtisans. Contestée par certains, elle reste néanmoins une langue du divertissement. En 1592, le règne d’Henri IV débute dans un contexte très instable. Paris est aux mains de la Ligue, regroupement de nobles ultra-catholiques. Le nouveau roi de France, d’origine protestante, installe sa cour à Tours, accompagnée de certains imprimeurs qui lui restent fidèles. Cette même année, Jamet Mettayer, devenu l’imprimeur officiel du roi, produit le Pastor fido.

Le format de cet ouvrage, in-12, témoigne de son utilisation comme livre de cour. Celui-ci tient en effet aisément dans une poche et se transporte donc facilement. Ce format permet également de réduire les espaces blancs dans la mise en page. Il est parfaitement adapté à l’écriture en vers, et permet au texte de couvrir au maximum la page. Lors de la production d’un livre, le papier représente la dépense la plus importante. L’étroitesse des marges permet de l’économiser et donc de minimiser le prix du livre. De même, chacun des cinq actes commence à la suite immédiate du précédent. Le bandeau ornemental qui surmonte chaque acte est toujours le même.

Cet ouvrage témoigne donc des goûts des courtisans du XVIe siècle pour l’Ita-lie et l’Antiquité grecque. Son format réduit, très pratique, est propice à la litté-rature de divertissement. Ce livre de cour naît cependant dans un contexte troublé.

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Grâce à l’essor de l’imprimerie, les livres sont plus largement produits et diffusés. La population a progressivement accès à ces sources de savoir, d’étude et de distraction. Les inventions techniques et l’effervescence intellectuelle de la Renaissance favorisent l’évolution d’une transmission orale à une transmis-sion imprimée. Dès lors, l’apprentissage se fait par une lecture confidentielle, silencieuse et personnelle1. Cette proximité transparaît dans les termes décrivant les parties du livre qui possède, à l’image du corps humain, un « corps », un « dos », « des nerfs ». Une osmose naît, qui unit2 le lecteur dans un face à face frontal3 et solitaire avec le livre. En devenant comme un prolongement de soi-même, le livre devient l’alter ego du lecteur, le miroir dans lequel se reflète sa subjectivité défor-mée, le masque derrière lequel il se cache4. Cette intimité crée une connivence entre le lecteur et l’objet qu’il s’appro-prie de multiples manières. Cette appropriation commence dès le choix de la reliure, reflet de l’identité, des goûts et du rang social de son propriétaire, et se poursuit avec les diffé-rents usages du livre. Si son intégrité se trouve affectée par des annotations manuscrites, celles-ci sont la marque d’une possession à la fois physique et intellectuelle. Mise en scène dans la bibliothèque, où l’individu expose ses ouvrages à la vue de tous, la revendication de propriété va, à l’extrême, jusqu’à mettre à mal la matérialité du livre qui parfois se meurt d’être trop aimé, manipulé à l’excès.

1. Roger Chartier (dir.), Les usages de l’imprimé, op. cit, p. 9 : « Avec la lecture silencieuse une nouvelle relation à l’écrit est instaurée, plus secrète, plus libre, toute intérieure »,

2. Alain Milonet et Marc Perelman (dir.), Le livre au corps, op. cit., p.80 : « Du livre au corps il y a donc une continuité en quelque sorte corporelle de l’un à l’autre, mieux une circularité visuelle corporelle permanente, une sorte de flux corporel. Livre et corps constituent donc un ensemble, les deux parties distinctes d’un ensemble, comme un amalgame de deux manières différentes »

3. « [...] À la symétrie du visage répond la symétrie du livre que l’on a devant soi sous son régime de pli qui n’est ni plus ni moins que son propre axe de symétrie lui permettant de s’ouvrir et de se fermer. Dès le procès de lecture engagé, deux symétries se font vite jour chacune avec leurs caractéristiques propres. Au moment de la lecture, le livre est déplié en son milieu et se donne à voir mais surtout à lire comme une surface convexe. Le visage est une surface concave dont l’axe de symétrie passe par le nez [...]. Il y a donc là une organisation spatiale très particulière, un dispositif singulier : le visage est comme emboîté dans le livre mais à une certaine distance ; ils forment à eux deux livre et visage, ils organisent et mettent en œuvre comme un mouvement circulaire qui les renvoie sans cesse de l’un à l’autre. Livre et visage sont alors comme la projection de l’un vers l’autre dans ce mouvement dialectique que la lecture inaugure », ibid., p. 86.

4. « Bref, le livre est face à soi, il fait face, il est l’autre face, la projection de notre propre face. On retrouve dans ce dispositif de frontalité obligée celui-là même qui s’instaure entre deux visages qui se font précisément face [...] », ibid., p. 83.

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Le livre n’est rien sans sa reliure. Plus qu’une simple protection, celle que l’on nomme aujourd’hui « couverture » fait de lui un objet authentique en le dotant d’une identité propre.À l’époque médiévale, le livre (ou codex) est un objet rare et extrêmement précieux. Essentiellement utilisé par l’Église, il est fastueusement décoré, parfois serti d’or et de pierres précieuses. Trésor d’orfèvrerie, le livre apparaît dès le Moyen Âge, comme un support d’expression unique pour les artisans de l’époque. Il faut toutefois attendre le XVe siècle pour que l’art de la reliure acquière une certaine autonomie et devienne dès lors une pratique répan-due et rentable.L’arrivée de l’imprimé modifie considérablement le rapport que l’homme entretient avec le livre. N’étant plus uniquement au service de l’Église, il perd son statut d’objet sacré. Ainsi, le livre du XVIe siècle devient plus accessible et personnel mais reste, malgré l’élargissement de la diffusion que permet désor-mais l’imprimerie, relativement cher et donc réservé à une catégorie limitée de lecteurs.Lors de son acquisition, le livre est mis à la disposition de l’acheteur sous la forme d’une pile de feuilles non reliées. Il arrive qu’il soit sobrement vêtu d’une reliure en parchemin dite « d’attente ». Il prendra sa forme finale lorsque son possesseur pourra s’offrir les services d’un artisan, chargé de donner au précieux ouvrage l’apparence et la protection dont il est digne. L’art de la reliure se développe, ainsi alimenté par les exigences des lecteurs qui souhaitent le meilleur pour ces objets chéris. Comme de véritables œuvres d’art, les livres deviennent alors simultanément supports d’expression singuliers pour les relieurs et instruments de démonstration de la richesse et du goût de leurs propriétaires.

Si le livre est souvent un faire-valoir social destiné à une élite, il est désormais plus largement distribué et tend à prendre une place prépondérante dans la vie quotidienne. Support de réflexion et de débat, outil d’apprentissage ou de prière, le livre s’impose comme un objet dont on use et abuse. L’homme annote le livre de sa main afin de marquer son appartenance et nous trans-met ainsi la trace de ses opinions ou plus simplement de sa singularité. Par ses annotations, il remet en perspective les textes sur lesquels il intervient, témoigne de ses considérations personnelles et s’inscrit ainsi dans un système d’échange et de débat d’idées. Le livre conserve l’empreinte de ces discus-sions et recherches accumulées depuis des siècles. Il nous permet encore aujourd’hui de pouvoir les questionner.Certains ouvrages universitaires édités à cette époque comportent volontaire-ment de larges marges. On peut également les relier en interfoliant le texte avec des pages blanches qui sont alors dédiées à la prise de notes. Il est d’ailleurs amusant de remarquer qu’il arrive à l’étudiant du XVIe siècle frappé par l’en-nui, de combler les boucles et les contre poinçons des lettres, comme nous le faisons toujours aujourd’hui. D’autres exemples insolites ont survécu à l’épreuve du temps, à l’image de cet homme qui, à la manière d’un livre de raison, annote un ouvrage de piété pour y inscrire les dates des naissances, baptêmes et décès des membres de sa famille. Proche d’une comptabilité domestique, le livre de raison peut être rapproché de ce que l’on appelle aujourd’hui le livret de famille. L’homme construit alors une véritable relation d’intimité avec le livre, dont les marques manuscrites en sont encore de nos jours les témoins.

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De bello civili libri X, Paris, J. Loys, 1543

Tranches de livres

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De nouvelles collections privées d’ouvrages imprimés commencent à se constituer. Auparavant, seuls les monastères et les universités renfermaient de grandes collections d’ouvrages manuscrits. Avec l’imprimerie, la diffusion des écrits s’intensifie, facilitant l’accumulation et l’acquisition répétée d’ouvrages par un propriétaire. Sa bibliothèque personnelle reflète ses centres d’intérêt et illustre son goût pour des thématiques savantes ou religieuses.

Reconnaissable par un tampon indiquant sa provenance, le livre est un objet précieux et intime. Ces marques d’appartenance sont indispensables pour identifier le propriétaire et conserver une mémoire de l’ouvrage malgré des échanges nombreux. La bibliothèque met en valeur la richesse du proprié-taire : l’ornementation chargée de différents imprimés reflète l’admiration sans bornes vouée à cet objet. Bertrand d’Argentré, juriste breton ayant réuni une collection de plus de 3 000 ouvrages, met au point son propre inventaire pour simplifier le classement et la recherche d’un livre. Elle reste aujourd’hui la plus grande bibliothèque française privée dotée d’un catalogue datant de la Renaissance. Au cours du XVIe siècle, le rangement des ouvrages évolue : installés sur des étagères, ils sont disposés à l’horizontale ou à la verticale, la tranche faisant face au lecteur.

Qu’il s’agisse d’excès de zèle ou de malveillance volontaire, le comportement du lecteur marque durablement l’objet livre. Par sa lecture, l’homme entraîne une dégradation de l’ouvrage. Elle résulte d’allers-retours incessants sur une étagère, de gestes maladroits qui déchirent les pages, ou tout simplement de la mauvaise habitude du lecteur qui transporte son livre dans sa poche. L’exemple du livre enchaîné est particulièrement notable. Véritable trésor aux yeux de son propriétaire, l’objet est captif de sa bibliothèque. La possibilité d’un vol est alors écartée au prix d’une dégradation inévitable de l’ouvrage.Fatalement, les livres subissent les aléas naturels liés aux lieux dans lesquels ils sont conservés. Une exposition non contrôlée aux rayonnements ultra-violets et à la chaleur entraîne une décomposition avancée du papier et des cuirs. Les ouvrages sont parfois victimes de conditions de conservation déplorables : stockés dans des greniers ou des caves, ils sont exposés à une humidité qui favorise le développement d’insectes et de micro-organismes tels que les poissons d’argent ou les poux des livres. Ainsi, une véritable relation antago-niste perdure entre l’homme et son livre. Qu’il le surprotège ou le sollicite trop fréquemment, cet attachement se révèle souvent destructeur.

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DosMargarita

Philosophica, Bâle, S. Henricpetri, 1583

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Bartolomeo CAMERARIODe gratia et libero arbitrio,cum Joanne Calvino disputatioParis, M. David, 1556Fonds ancien de la bibliothèque de l’université Rennes 2, cote : 55628N° USTC : 151989

Professeur de droit civil à Naples, Bartolomeo Camerario fuit son pays pour la France en 1548. Il est condamné à mort par contumace pour détournement de fonds publics. Il se consacre alors à l’écriture d’ouvrages théologiques. Le livre présenté ici est imprimé à Paris, juste avant son retour à Rome. Il y déve-loppe les idées de son temps avec un sujet caractéristique de la Renaissance : le libre arbitre. Quelques années plus tôt, en 1524, Érasme traitait du même sujet dans son De libero arbitrio. Il y formule une attaque virulente contre Luther qui revendique la prédestination des hommes. Ce dernier y répond deux ans plus tard en publiant De servo arbitrio. Deux visions s’opposent alors : d’un côté la vision catholique prônée par Érasme, et reprise par Bartolomeo Camerario, dans laquelle chacun peut influer sur son destin. De l’autre, la vision protes-tante de Luther, adoptée plus tard par Calvin, et qui revendique une certaine prédestination que l’homme doit affronter dès sa naissance. L’auteur, en s’inscrivant ici dans la lignée humaniste initiée par Érasme, revendique une certaine légitimité.

Au-delà de sa dimension théologique, cet exemplaire présente un intérêt parti-culier pour la qualité de sa couverture dont la richesse ornementale témoigne du rang social de son propriétaire. En commandant une reliure personnali-sée, celui-ci s’approprie pleinement son livre. Sur le dos et le plat réalisés en veau se développent entrelacs et motifs végétaux estampés à chaud. En leur centre, on distingue encore les restes d’armoiries où figure un lion noir sur fond blanc, auparavant lion rampant de sable sur fond d’argent. Il est à noter que l’esthétique adoptée pour la couverture reflète le style de l’atelier de reliure royal des années 1540-1550. La tranche elle-même bénéficie d’un traitement particulier. Des motifs poinçonnés, probablement recouverts d’or à l’origine, lui donnent une finesse qui parachève l’œuvre. Son usure témoigne de l’utili-sation fréquente et du manque d’entretien de l’objet. La présence de zones noircies du cuir résulte de poussières incrustées dans la peau.

Le traitement de l’intérieur du livre confirme le soin apporté à sa réalisation. La présence de liserés rouges encadrant le texte lui confère ainsi un statut particulier puisque seuls les livres les plus précieux sont parés d’une telle mise en page. En outre, il contient de nombreuses lettrines ainsi que des renvois à la marge signifiés par de petites croix associées à des précisions de l’au-teur. Toute l’esthétique est pensée pour promouvoir son propriétaire, et valo-riser son statut. Il prime sur le contenu du livre qui devient un objet d’apparat remarquable.

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Conrad KOELLINExpositio commentaria prima [...] in primam secundae angelici doctoris sancti Thomae AquinatisVenise, F. de Franceschi de Sienne et D. Nicolini da Sabbio, 1589Fonds ancien de la bibliothèque de l’université Rennes 2, cote : 226N° USTC : 837027

Cette œuvre de théologie fut écrite par Conrad Koellin (1476-1536), profes-seur de théologie à Heidelberg puis à Cologne appartenant à l’ordre des frères prêcheurs. Dans cet ouvrage, imprimé à Venise en 1589 et édité par Francesco De Franceschi de Sienne et Domenico Nicolini, il analyse et commente les écrits de Saint Thomas d’Aquin. Koellin s’est vigoureusement opposé au luthéranisme. En 1527, il fut inquisiteur à Magonza, Cologne et Trèves. La particularité de cet ouvrage réside dans la richesse de sa reliure qui nous raconte, d’une certaine manière, son histoire. Ce livre a été imprimé à Venise puis exporté et relié en Espagne. Même si l’imprimerie apparaît tôt dans la péninsule ibérique, son développement est ralenti par différents facteurs, parmi lesquels la censure, le manque de personnel qualifié et la pénurie de papier. Cette situation implique donc la nécessité pour l’Espagne d’importer des ouvrages d’autres pays, comme la France, les Pays-Bas ou l’Italie.La reliure de cet exemplaire possède un style typiquement espagnol. Réalisée en veau, elle présente des décors de bonne facture imprimés à froid. Trois encadrements rectangulaires de fers et de filets créent un fond pour l’icône centrale de l’agneau de Saint Jean-Baptiste, en référence au thème religieux traité dans le livre. Ce dessin se répète deux fois sur le plat de la reliure, entou-rant le motif central en arabesque. Sur les côtés, une série avec des ornements est réalisée à l’aide d’un rouleau. Les fermoirs faits de corde, dont les agrafes sont fixées au plat supérieur, sont malheureusement déchirés. Sur le dos, figure entre chaque nerf l’image de l’agneau ainsi répété six fois. Jusqu’à la moitié du XVIe siècle, les livres étaient conservés dans les bibliothèques, à plat, la tranche face au public. De ce fait, les ouvrages présentaient souvent une tranche décorée sur laquelle on pouvait lire leur titre. Sur la tranche du livre de Koellin apparaissent deux armoiries polychromes qui encadrent le titre de l’ou-vrage et son auteur. L’armoirie supérieure nous montre une couronne surmon-tée d’un chapeau de cardinal sans dignité épiscopale. Les laïques peuvent en effet être investis d’une reconnaissance ou d’un titre sans pour autant être des hommes d’Église. Le motif du chapeau pourrait également représenter le symbole du chapelain de l’Ordre de Saint Georges (Chevalier de la Grande Croix). Sous la couronne apparaît un blason semblable à celui des Médicis. L’armoirie inférieure présente, quant à elle, une couronne et un écusson paré de drapeaux. Elle pourrait faire référence à un noble militaire de l’Ordre du Saint Esprit. Sur le frontispice, un petit papier collé contenant l’inscription « biblioteca del Excmo Senor Marques de Astorga » atteste l’appartenance du livre à la bibliothèque des Astorga et témoigne de son passage en Espagne.

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Juan Luis VIVESExcitationes animi in Deum. Praeparatio animi ad orandum. Commentarius in orationem Dominicam. Preces et meditationes quotidianae. Preces et meditationes generalesLyon, T. Payen, 1550Fonds ancien de la bibliothèque de l’université Rennes 2, cote : 55114N° USTC : 150554

Ce livre de piété témoigne d’une pratique religieuse quotidienne et représente un type d’ouvrage largement diffusé au cours du XVIe siècle. Il invite à la médi-tation et à la prière journalière pour amener le lecteur chrétien vers le salut de son âme. L’auteur, Juan Luis Vives (1492-1540), est une grande figure humaniste dont les écrits sont abondamment diffusés à cette période. Il est un théologien et philosophe converso, c’est-à-dire issu d’une famille juive convertie au chris-tianisme. Il s’attache à de nombreuses réflexions sur l’organisation de la société et de la morale. Juan Luis Vives quitte l’Espagne pour fuir l’Inquisition, période à laquelle on défend l’idée d’une « pureté du sang », et refuse à tous les mêmes droits.

L’intérêt de cet exemplaire, écrit en 1550, réside aussi dans ses annotations manuscrites. Il fut en effet annoté plus tardivement, au XVIIe siècle, par son propriétaire. Celui-ci a scrupuleusement retranscrit, à la manière d’un livre de raison, les dates de naissances, baptêmes et décès des membres de sa famille. Ces annotations témoignent d’une grande intimité entre le lecteur et l’objet livre. On peut alors lire : « Ma mère mourut le 11e jour d’octobre 1706 » ou encore « Mon grand père le 12 avril 1727 inhumé à Saint Aubin, proche, ma grand mère du côté de la petite porte où il y a une tombe de pierre sur la fosse de ma grand mère. »

Le petit format de ce livre (in-16 : 12,5 x 9,5 cm) impose une proximité physique de lecture et permet de le transporter toujours avec soi. Ce nouveau format du livre de piété transforme intrinsèquement les habitudes de dévotion. La transmission orale des préceptes et pratiques religieuses a longtemps prédo-miné. Les ecclésiastiques célébraient la messe en public à l’aide de livres de prières imprimés en très grand format. Désormais, les fidèles peuvent avoir une relation plus libre et plus immédiate avec les textes religieux. Ce format de livre permet de dépasser les limites du découpage social et d’aller à la rencontre d’un nouveau public de lecteurs. Le livre de chevet, très maniable, amène donc une véritable révolution du lire.Cet ouvrage est passé de main en main à travers les siècles, et les signatures manuscrites en sont la trace. Lorsque l’on fait l’acquisition d’un livre, on y appose sa signature, et parfois même, on s’attache consciencieusement à rayer le nom de l’ancien propriétaire. C’est ici la marque d’un attachement véritablement intime de l’homme au livre.

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Avec l’essor d’Internet, la démocratisation du savoir facilitée par l’in-

vention de l’imprimerie semble plus que jamais développée : tout

le monde peut aborder les connaissances de manière instantanée

et universelle. Cependant, cette nouvelle ressource ne garantit pas

toujours un accès libre et exclusif. Si la dématérialisation numérique

semble devenir inéluctable, elle réduit pourtant la richesse de la rela-

tion de l’homme au livre quand la pérennité des livres anciens nous la

rappelle.

Les livres du XVIe siècle témoignent des mutations d’une époque, d’une

société, des techniques et des idées, comme de l’importance de la

relation matérielle et intime à un objet qui se fabrique, s’échange,

se transmet, s’annote. Car le livre ne peut exister sans le lecteur qui

l’anime et le manipule1, et le lecteur ne peut subsister sans le livre qui

le révèle2. Compagnons des hommes de leur temps, les livres anciens

sont profondément modernes. Ils ne sont pas si différents des nôtres.

Umberto Eco avait raison de le rappeler en 2009 : « N’espérez pas vous

débarrasser des livres3 ! ».

1. Alain Milonet et Marc Perelman (dir.), Le livre au corps, op.cit., p. 25 : « Le livre en tant que support est alors seulement ce qui est nécessaire pour que l’œuvre soit accessible à un autre que son auteur, et persiste dans le temps, dans la reprise incessante qui est faite d’elle, de consciences en consciences. Paradoxalement, l’œuvre littéraire est un objet qui, bien qu’ idéal, peut disparaître. Si l’œuvre n’existe pour aucune conscience, elle n’existe plus. »

2. Michel Tournier, Petites proses, Paris, Gallimard, 1986 p. 78 « Oui, je crois qu’un livre a toujours deux auteurs : celui qui l’a écrit et celui qui le lit. »

3. Jean-Claude Carrière, Umberto Eco, N’espérez pas vous débarrasser des livres !, Paris, Grasset et Fasquelle, 2009

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Ressources électroniques : USTC- Universal Short Title Catalog[base de données des éditions du XVIe siècle en ligne]http://www.ustc.ac.uk

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Conception et réalisation de l’exposition :Les étudiant(e)s du master 2 « Gestion et mise en valeur des œuvres d’art,des objets ethnographiques et techniques » (MAGEMI) : Marie Ben Hamou,Lucie Boissières, Léa Bohn, Lætitia Ducamp,Quentin Durand, Nora Evain Bentayeb,Giorgia Gasbarro, Sara Gaynor, Juliette Hesse, Sarah Jegado, Aurélie Martin,Anne-Lyse Pierrel, Pauline Robin, Aube Thilloy.

Sous la direction de Louis André, Nathalie Boulouch (maîtres de conférencesen histoire de l’art contemporain, responsables du Master MAGEMI)et Claire Caillarec (coordinatrice des éditions à l’Institut français du cheval et de l’équitation).

Conseil scientifiqueMalcolm Walsby (maître de conférences en histoire moderne, université Rennes 2).

Projet initié parle Service commun de documentation de l’université Rennes 2 :Dominique Bougé-Grandon (chargée de mission pour le patrimoine)et Nadine Férey-Pfalzgraf (coordinatrice de l’action culturelleau service commun de la documentation de l’université Rennes 2)

Réalisation du fac-similé et prêt d’objetsCéline Lafite, restauratrice de livres anciens, atelier de reliure ancienne, Le Mans.

Photographies des ouvrages réalisées par Marc Rapilliard,photographe, Pleubian.

Atelier scénographie encadré par Eric Verrier, agence Brise-Pain, Orléans.

Atelier communication encadré par Lilian Madelon,responsable du service communication des Champs Libres, Rennes.

Atelier graphisme encadré par Stéphane Thommeret, agence Hokus Pokus Créations, Rennes.

Conception et mise en page du catalogueLucie Boissières encadrée par Stéphane Thommeret.

Impression du catalogueService impression et reprographie de l’université Rennes 2.

Page Wordpress : www.magemirennes2.wordpress.comPage Facebook : MAGEMI-Rennes2Profil Twitter : @magemirennes2

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Achevé d’imprimersur les presses de la reprographie

de l’université Rennes 2en mars 2016

Imprimé en FranceImp. Service Reprographie - Rennes 2

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de l’université Rennes 2en mars 2016

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