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Mensuel de la Confédération paysanne Campagnes solidaires N° 301 décembre 2014 – 5,50 – ISSN 945863 Photo : Georges Bartoli Relocalisation Penser global, manger local ! 1 000 vaches Un appel pour être - cette fois - entendus Grands projets inutiles Sivens vu du Larzac

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Le numéro 301 (décembre 2014) de Campagnes Solidaires en lecture complète.

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Page 1: Campagnes Solidaires 301

Mensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

N° 301 décembre 2014 – 5,50 € – ISSN 945863

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Relocalisation

Penserglobal,

mangerlocal !

1000 vaches Un appel pour être - cette fois - entendusGrands projets inutiles Sivens vu du Larzac

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2 \ Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014 Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceuxde la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable

est requis. Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé

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Vie syndicale

Actualité

Procès de l’industrialisation de l’agriculture

Les bonnes questions

Un appel pour être - cette fois - entendus

Grandes cultures

Une campagne en demi-teinte

Industrialisation de l’agriculture

Un nouveau monstre en Touraine

Grands projets inutiles Sivens vu du Larzac

Points de vue

José Bové Des nanos pour le Tafta ?

Agriculture paysanne

Vendée Une installation individuelle,

mais pas sans les autres !

Rhône C’était viable !

Internationales

Colombie L’impossible commerce équitable

Envie de paysans !

Franche-Comté Envie de sols vivants !

Pays Basque Lurrama, la « ferme Pays

Basque » est paysanne

Alsace Une visite de ferme qui donne envie !

Culture

Pour une mort digne des animaux

Annonces

Le salon de l’enfumage

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Sommaire

Partout, les paysans de la Conf’ sont mobilisés FACE à la dérive de l’agriculturevers un système sans paysan, voué à l’exportation et À LA production d’une ali-mentation standardisée.Ces combats, nous les menons avec vous, et pour vous. L’agriculture nous concernetous, car c’est de notre alimentation qu’il s’agit ! Nous nous battons, ensemble,malgré la RÉPRESSION contre un modèle, mais surtout pour un projet : l’agri-culture paysanne, garante de création d’emplois agricoles, de territoires vivants,d’un environnement respecté, d’une alimentation de qualité.Ce projet n’est pas celui de la compétitivité à tout prix, devenue le seul mot d’ordrede nos gouvernants, c’est celui du vivre ensemble, du vivre bien, de LA SOLIDARITÉ.Pour cela, nous avons aussi besoin de votre soutien financier.

Dossier

Penser global, manger (autant que possible) local !

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Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014 / 3

Mensuel édité par : l’association Média Pays104, rue Robespierre – 93170 BagnoletTél. : 0143628282 – fax : [email protected]

www.confederationpaysanne.fr

www.facebook.com/confederationpaysanne

Twitter : @ConfPaysanne

Abonnements : [email protected]

Directeur de la publication :Laurent Pinatel

Directeur de la rédaction :Christian Boisgontier

Rédaction : Benoît Ducasse et Sophie Chapelle

Rédaction, secrétariat de rédaction : Benoît Ducasse

Maquette : Fascicule

Dessins : Samson

Diffusion : Anne Burth et Jean-Pierre Edin

Comité de publication :Jo Bourgeais, Michel Curade, Véronique Daniel, Florine Hamelin,Jean-Claude Moreau, Josie Riffaud,Geneviève Savigny, Véronique Léon

Impression : Chevillon26, boulevard KennedyBP 136 – 89101 Sens Cedex

CPPAP n° 1116 G 88580

N° 301 décembre 2014

Dépôt légal : à parution

Bouclage : 27 novembre 2014

Josian Palach,

paysan dans le Tarn-et-Garonne,

secrétaire national

DDurant cette année 2014, la Confédération paysanne a croisé le fer avec l’agricultureindustrielle appliquée aux ruminants, à travers les actions menées contre l’usinedes 1 000 vaches, dans la Somme. Ce modèle, déjà très présent pour l’élevagedes monogastriques (porcs, volailles), ne doit pas s’appliquer aux animaux capablesde valoriser la matière première la moins onéreuse qu’est l’herbe.

C’est la Conf’ qui dénonce les dérives de l’évolution de l’agriculture durantces cinquante dernières années, dérives encouragées par l’utilisation d’énergies fossilesjusque-là abondantes et peu onéreuses. Ce combat est cohérent et en lien direct aveccelui contre les OGM ou les dérives du commerce international. Le réchauffementclimatique, la dégradation de la qualité de l’eau et de l’air sont autant de sujetssur lesquels l’agriculture industrielle agit aussi négativement.

C’est à nous, paysans, de nous lever, de nous faire entendre par les décideurs avecl’appui de nos concitoyens responsables, et de porter auprès de nos voisins un projetd’agriculture paysanne qui respecte la nature, les hommes qui la façonnentet transmettent aux générations futures une planète viable.

Pour se faire entendre, la Confédération paysanne doit utiliser des méthodespas toujours légales, mais légitimes. Ces actions ne peuvent se réaliser que grâceà des militants motivés, s’exposant dans notre organisation sociétale à une répressionjudiciaire souvent sévère.

La force de notre syndicat est de compter dans ses rangs des éclaireurs de consciencequi travaillent et vivent de la terre. Nos messages peuvent ne pas être compris de tousles actifs de la production agricole dans un environnement où le « chacun pour soi »tend à se développer. Mais les questions alimentaires et environnementales prennentde plus en plus d’importance dans la société, et il est important que la Conf’ portele témoignage, l’analyse et les propositions de ces acteurs à la source que sontles paysans.

L’industrialisation de l’agriculture doit être combattue de tous les côtés, aussi pardes mesures fiscales. Ces cinquante dernières années, la fiscalité a été favorableà l’investissement, base de l’industrialisation. Il est urgent d’orienter la fiscalitéen faveur de l’emploi paysan. C’est possible, et la Confédération paysanne y travailleactuellement. En toute cohérence avec ses autres combats.

On l’ouvreL’industrialisation de l’agriculturedoit être combattue de tous les côtés

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Vie syndicale

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Dans un communiqué de presse publié le 17 novembre, la Confédéra-tion paysanne de Charente-Maritime exprime son opposition à la miseen place, près de Rochefort, d’une nouvelle « ferme-usine » destinée àproduire près de dix mille tonnes de tomates par an grâce à la chaleurfournie par un super-incinérateur.Les porteurs du projet de serres sont trois associés : la société Cham-bertin, dirigée par le président d’une des plus importantes entreprisesdu BTP de la région, un exploitant agricole producteur de noisettes sur40 hectares, et la société hollandaise A + G Van Den Bosch, spécialiséedans les tomates hors sol. Au total, 44 hectares de terres agricolesseraient acquis par « Les Jardiniers charentais » (si !) et 17 hectares, dansun premier temps, construits sous forme de serres de six mètres de haut.Pour la Confédération paysanne, « les conditions de production vontengendrer non seulement des besoins en eau et en produits chimiques,

mais aussi une qualité douteuse destinée à approvisionner les grandessurfaces à des prix encore plus bas.Dans les emplois créés, combien le seront effectivement ? Dans quellesconditions de travail ? Que vont devenir les producteurs locaux ?Quel bilan énergétique peut-on en attendre ? Car, pour brûler desordures ménagères riches en humidité, il faudra beaucoup d’énergie fos-sile (gaz ou pétrole). Quelles conséquences sur l’environnement et leréchauffement climatique ?D’un côté, on stérilise définitivement des terres agricoles à grandscoups de barrages, d’aéroports, de LGV… et d’un autre, on invente desprojets inutiles qu’on impose aux populations sans concertation, sansétudier correctement des solutions alternatives et pour le profit dequelques industriels avides de profit immédiat et de subventionspubliques, avec la complicité des pouvoirs publics. »

Des paysans japonais à BagnoletDes paysans japonais à BagnoletLe 13 novembre, une délégation de paysans japonais, délégués de la chambre nationale d’agriculture en voyage d’étude en Europe, ont été reçusau siège de la Confédération paysanne par Marie-Noëlle Orain, secrétaire générale et Emmanuel Aze, membre du comité national. Ils souhaitaientconnaître les positions de la Conf’ sur divers sujets, de la formation des prix et du revenu des paysans à l’installation et à la transmission des fermes.

Manifestation en octobre contre le projet de super-incinérateur à Échillais, près de Rochefort. Le projet est mené par Vinci, la firme de BTP qui porte celuid’aéroport à Notre-Dame-des-Landes… Le projet d’usine à tomates est couplé à celui du super-incinérateur.

Contre une usine à tomates en Charente-Maritime

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L’Ardèche et l’Isère agricoles hors-TaftaLe 21 novembre, à l’initiative de la Confédération paysanne, la chambred’agriculture de l’Ardèche a adopté, à l’unanimité, une motion deman-dant l’arrêt des négociations sur le Partenariat transatlantique de com-merce et d’investissement (plus connu aujourd’hui sous le nom-acro-nyme de Tafta) et l’ouverture d’un débat parlementaire sur tout projetd’accord de ce type. Plus généralement, la motion demande la trans-parence des négociations pour tout projet d’accord, avec l’ensemble

des acteurs concernés (agriculture, services, industrie), le respect des règles euro-péennes (sanitaires, traçabilité, protection de l’environnement, sociales), la reconnaissance réciproque et nonéquivoque des règles de protection des origines géographiques et des cahiers des charges de qualité, l’équilibredans les volumes en jeu et la prise en compte des filières en place, le renforcement de l’identification des pro-duits (étiquetage, IPG, AOP…) pour l’information des consommateurs…Le même jour, la chambre de l’Isère votait elle aussi à l’unanimité une motion similaire proposée par la Confé-dération paysanne. Contact : [email protected]

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Le ruraleurBalaize !« La troisième révolution agri-cole et alimentaire » ne fait paspeur à Xavier Beulin. C’est unpeu comme le mot politiquecélèbre : « Ces événements-lànous dépassent, feignons d’enêtre les organisateurs ! »

Après avoir tapé sur le gou-vernement qui distribue pro-bablement les nitrates à lavolée uniquement pour embê-ter le brave agriculteur quechacun est, après avoir à ceteffet envoyé des manifestantsdéverser des lisiers ici et là (enfait, toujours sur des bâtimentspublics, comme si l’ennemiétait le fonctionnaire de l’ad-ministration !), après avoir dis-tribué l’appellation de « dji-hadistes verts » à ceux quin’ont pas la même notion dedéveloppement durable quelui, voilà donc le président deSofiprotéol et néanmoins pré-sident de la Fnsea (casquettesles plus connues) en organisa-teur de la révolution agricoleet alimentaire (1) : « faire deséchanges où tous les acteurséconomiques de la chaîne ali-mentaire se retrouveraient ».Et qui sont ces acteurs? Il s’agitdes « semenciers, producteurs,transformateurs, transporteurs,distributeurs, restaurateurs etconsommateurs ».

Je ne sais si la préséance don-née aux semenciers est for-tuite ou indicative d’une orien-tation qui n’écarte pas lesOGM. Je ne sais ce qu’en pensele consommateur qui auraiteffectué une malencontreusedémarche à la préfecture lejour de la décharge de lisier. Jene sais ce qu’on dirait dans lesmédias de « l’Open Agrifood »si celui-ci s’était produit enmême temps que la déchargede lisier précédemment envi-sagée. Je ne sais si Danone etLeclerc auront l’audace de direqu’ils prennent leur feuille deroute économique à l’Openagrifood. Je ne sais finalementpas grand-chose. Mais XavierBeulin sait, lui. Il sait trouver desfinances publiques pour fairela pub de Leclerc et Danonetout en badigeonnant les pré-fectures. Balaize, le mec !

(1) cf. p. 20, Open Agrifood, Orléans,20 et 21 novembre 2014.

25 novembre 2014

Vie syndicale

Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014 / 5

En Picardie aussi, les paysans ont de l’avenirOn est bien en Picardie,

mais loin de l’usine

des 1 000 vaches. Et loin

de la fatalité qui pourrait

sembler s’abattre sur la

région et ses vastes

plaines désolées.

Prenons Mélanie. Elle a

remplacé le 1er janvier

de cette année son beau-

père parti à la retraite. Elle

n’est pas arrivée seule aux côtés de son mari : un autre couple s’est installé à la même date, diver-

sifiant la ferme (lait avec transformation, céréales, maraîchage). Un départ pour trois arrivées sur

le même site, ça peut être ça aussi, la Picardie. Le documentaire pour Internet « Les paysans ont de

l’avenir » donne d’autres exemples de paysans et acteurs ruraux qui portent dans leur région un

autre modèle que celui, mortifère, de l’agriculture industrielle. Ce « webdoc », comme on dit, clair,

beau (oui, aussi) et pédagogique, est à voir sur le site de la Confédération paysanne, ou directe-

ment sur : lespaysansontdelavenir.fr

Chaîne de solidarité pour les apiculteurs des PyrénéesLes Pyrénées – l’Ariège et les Pyrénées-Orientales surtout – ont été fortement touchées par les mortalités d’abeillescette année. La commission apicole de la Confédération paysanne s’associe à la Fédération française des apicul-teurs professionnels (FFAP) pour organiser une collecte d’essaims sur cadres afin de reconstituer un cheptel dansles départements impactés.Est fait appel à tous les apiculteurs pou-vant donner un ou plusieurs essaims detype Dadant, bio ou conventionnel.Cette chaîne de solidarité permettra, c’esten tout cas l’espoir et l’objectif, de sau-ver les exploitations les plus décimées.Les essaims seront acheminés finmars 2015 et nous devons organiser leschoses avant le 15 décembre. Merci derépondre avant cette date.Contact : [email protected]

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ÉcobrèvesClimat :

ça bouge… un peuAlors que le rapport des scien-tifiques du Giec (cf. CS n° 300)annonce des lendemains quidéchantent, les instances poli-tiques s’agitent un peu à la vuedu sommet mondial sur le cli-mat, fin 2015 à Paris-Le Bour-get. Ainsi la France a adopté, enpremière lecture, la loi sur latransition énergétique pré-voyant de réduire de 40 % sesémissions de CO2 d’ici 2030.L’Union européenne a repris cetobjectif fin octobre, de mêmeque celui de pourvoir à cetteéchéance 27 % de ses besoinspar les énergies renouvelables.Mais l’UE ne représente que10 % des émissions mondialesde gaz à effet de serre. Les États-Unis et la Chine – qui a eux deuxreprésentent plus de 45 % desémissions de CO2 de la planète –annoncent ce mois-ci une réduc-tion de leurs émissions de 26 à28 % d’ici 2025 pour les États-Unis, la Chine s’engageant, elle,à… « réduire son pic d’émissiond’ici 2030 ». En attendant, lesChinois sont priés de prendredes masques ! Le sommet de2015 aura du mal à atteindre desobjectifs que le Giec juge indis-pensables…

La manif contre toutAprès l’impact médiatique duprocès confédéré contre l’usinedes 1000 vaches, à Amiens le28 octobre, la Fnsea-Ja voulaitreprendre la main. Ce qu’elle atenté de faire le 5 novembre.Quoi de plus facile que de mobi-liser contre les réglementations,l’administration, les contrôles, lesrègles environnementales etautres directives nitrates? Lepoujadisme est très tendancedu temps qui court. Ça évite deposer les questions sur l’agri-culture de demain. Alors, fumieret lisier à volonté, devant ou surles bâtiments administratifs,voire la permanence des écolos,ça défoule. Par contre, écraserdes ragondins qui n’ont pas prisla direction espérée, comme ças’est passé à Nantes, ça faittâche… et c’est médiatique, maispas dans le sens recherché! Unemobilisation nationale beau-coup plus modeste qu’indiquée:la Fnsea annonce 36000 mani-festants, mais c’est sans douteen considérant qu’un tracteurvaut dix manifestants. N’em-pêche, Beulin va encore exer-cer son pouvoir de nuisanceauprès du gouvernement.

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Actualité

Procès de l’industrialisation de l’agriculture

Les bonnes questionsAprès le 28 octobre et le procès de neuf militants poursuivis suite à deux actions syndicales surle site de la ferme des 1000 vaches, dans la Somme, où en sommes-nous des « relations » de plusen plus étroites entre la Confédération paysanne et la Justice ?

6 \ Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014

Le 28 octobre, lorsque le tri-bunal correctionnel d’Amiens,après 9 heures d’audience, a

mis fin aux débats, nous imagi-nions revenir trois mois plus tarddans cette même salle afin deconnaître le jugement. Que nenni!Il nous était annoncé qu’à 20 heuresce même jour, nous serions infor-més de notre sort.

Je ne reviens pas, bien évide-ment, sur la lourdeur des peines,mais la rapidité des délibérations(à peine une heure) a de quoiinterroger.

Alors que, généralement, le tempsest pris pour réanalyser le dossierà la lumière et des témoignages etdes auditions des prévenus devantde tribunal, là, tout laisse à penserque les éléments apportés par nosavocats, par nos quatre témoins etpar nous-mêmes n’ont pas étéentendus.

Peu importe, c’est une décisionde Justice et, parce que nous avonsconfiance dans les institutions denotre pays, nous la respectons,malgré son arrière-goût de je-ne-sais-quoi qui a du mal à passer…

Alors, forts de nos convictions,forts de notre légitimité, persua-dés que nos actions sont justes etpertinentes, nous avons décidé defaire appel des peines prononcées.

Appel, donc! Un appel pour fairequoi?

Un appel, une nouvelle procé-dure, pour faire valoir nos droits,pour clamer que – oui ! – nousavons confiance en la Justice, cellequi protège les plus faibles, lesplus démunis des exactions desplus gros ! Un appel pour alerterune nouvelle fois l’opinionpublique sur cette dérive inte-nable de notre agriculture, de notresystème alimentaire. Non, nosfermes ne sont pas des usines !Non, l’alimentation des citoyensne doit pas être standardisée,industrialisée !

Par la question alimentaire, laConfédération paysanne s’inscritdans la lutte contre les exclusions,des paysans comme des citoyens. Ily a, parmi nous, ceux dont on ditqu’ils ne sont pas assez « compéti-tifs » pour rester ou devenir paysans,ceux que les politiques publiquespoussent dehors en favorisant inva-riablement l’agrandissement, l’ac-caparement des moyens de pro-duction entre les mains dequelques-uns, la concentration desproductions. Cette poursuite de lacompétitivité touche la société toutentière, et l’alimentation en est unsymptôme: ceux qui sont exclus dela répartition des richesses n’ont pasdroit à une alimentation de qualité.

N’oublions pas que l’heure est aupessimisme le plus absolu. Le« c’est la crise, on n’y peut rien »est de mise alors que notre paysreste la 5e puissance économiquemondiale.

Alors, oui, le problème de larépartition dans ce pays est posépar la Confédération paysanne, etl’alimentation doit être au cœur denos mobilisations.

Puisque la Confédération pay-sanne continue à imposer les ques-tions qui dérangent, la police, elle,« fait son travail ». Je suis à nou-veau convoqué, cette fois pourune vitre brisée lors de l’occupa-tion du siège social de Ramery SAle 12 septembre 2013, ouvrantdonc une nouvelle procédure, etla pression s’accentue auprès deresponsables locaux de la Conf’.

Pourquoi un tel acharnement ?Pourquoi vouloir « casser » la

Confédération paysanne ?Nous posons de bonnes ques-

tions et ça dérange ?Ok, ok… Moi, ça me donne

envie de continuer ! Pas vous ? nLaurent Pinatel,

porte-parole national

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Une participationdénoncée

La FGA-Cfdt dénonce la ferme-ture des chambres d’agriculturele 5 novembre, en soutien à lamanifestation de la Fnsea-Ja.Elle regrette la confusion desgenres « qui va plutôt contri-buer à décrédibiliser leschambres, tant auprès des agri-culteurs que des pouvoirspublics ». Le syndicat en profitepour rappeler « son oppositiontotale aux revendications de laFnsea, comme la TVA sociale oule maintien des exonérations decotisations sur les emplois sai-sonniers agricoles ».

L’agroécologiesimplifiée

Sensible aux coups de mentonde Xavier Beulin, Stéphane LeFoll annonçait la veille de la« manif contre tout » du5 novembre la mise en placed’une « mission pour descontrôles moins contraignantspour l’agriculture ». Cette mis-sion est confiée au préfet deBretagne lequel – selon leCanard enchaîné –, malgré unedouble annulation par le tribu-nal administratif d’un arrêté pré-fectoral autorisant une porche-rie usine (23000 porcelets/an)a renouvelé le décret en faveurde la mégaporcherie, sûrementau nom de la simplificationadministrative. La simple décla-ration jusqu’à 2000 porcs – aulieu de 400 précédemment –,c’est aussi par simplification…La mission va sûrement ajouterdes facilitations. C’est sans douteau nom de l’agroécologie que LeFoll a plaidé et obtenu deBruxelles l’éligibilité aux aides du« verdissement » de la Pac… dela monoculture du maïs, par lebiais d’un couvert hivernal, cedont se réjouit la Fnsea. La «mis-sion » ne manquera pas d’élar-gir le champ du possible del’agroécologie…

L’Apli en AGL’association des producteursde lait indépendants (Apli), affi-liée à l’European Milk Board(EMB), tenait son AG le20 novembre, dans l’Ille-et-Vilaine. Elle poursuit son travaild’’organisation transversale etvient de conclure un contrat-cadre avec la laiterie Bongrain,« équilibré » selon l’associa-tion, avec des avancées sur ladurée et le renouvellement.Quant au prix garanti, ça restela pierre d’achoppement !

Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014 / 7

Avocate des Neuf d’Amiens,Lætitia Peyrard revient sur sonengagement auprès des paysanspoursuivis et analyse le procèsdu 28 octobre.

J’ai défendu avec mesconfrères, Me Grégoire Fri-son et Me Guillaume

Combes, les neuf prévenus lorsde l’audience devant le tribunalcorrectionnel d’Amiens, le28 octobre 2014.

J’avais déjà en 2012, aux côtésde Me Chantal Jullien, défenduneuf agriculteurs (dont LaurentPinatel) cités devant le tribunalcorrectionnel de Saint-Étiennepour avoir, au moment de la criselaitière en 2009, déversé du lait surplusieurs bâtiments de la Cité del’Agriculture.

J’avais été touchée par la détressede ces paysans confrontés à cettegrave crise laitière, le prix de leurlait notamment acheté par lesindustriels ne leur permettant plusde vivre de leur travail.

Défendre les neuf personnespoursuivies pour avoir agi dansle but de dénoncer les dangers de

l’usine des milles vaches, c’estpour moi porter la parole de ceuxqui n’acceptent pas de se rési-gner.

La Justice leur reproche :• de ne pas avoir accepté le pré-

lèvement de leur ADN ;• d’avoir, le 11 au 12 sep-

tembre 2013, dégonflé 27 pneusd’engins sur le site de l’usine etinscrit un tag géant sur le chan-tier en construction (désormaisinvisible car recouvert d’unedalle) ;

• d’avoir le 28 mai 2014,démonté en partie la salle detraite de l’usine pour apportercertaines pièces au ministre del’Agriculture.

Le 28 octobre, après avoirinterrogé chaque prévenu surson implication, après avoirentendu les témoins cités pourexpliquer les dangers de l’usinedes milles vaches, après avoirentendu deux salariés de laSCEA Cote de la Justice (cf.encadré), après avoir entendula plaidoirie de l’avocat de lapartie civile, le réquisitoire duministère public et les plaidoi-ries des avocats des neuf préve-nus, le tribunal a pris environune heure pour réfléchir à cesdébats et prendre sa décision.

À l’issue de ce délai, le délibéré :tous coupables, condamnés à despeines d’emprisonnement avecsursis (de 3 à 5 mois) et uneamende de 300 euros pour ceux

ayant refusé le prélèvementd’ADN.

Le tribunal a décidé de ne pasretenir l’état de nécessité, c’est-à-dire qu’il a considéré que l’usine desmilles vaches ne constituait pas undanger imminent qui justifierait lacommission d’une « infraction ».

Plus largement, il a retenu qu’au-cun combat ne justifie de trans-gresser la loi. Alors qu’il lui étaitdemandé de considérer cesactions comme légitimes et sym-boliques, le tribunal a retenu leurillégalité et leur gravité. Il a, enconséquence, condamné les pré-venus comme des délinquantsayant porté gravement atteinte àla propriété privée.

Tant les arguments juridiquesdéveloppés que les explicationsdonnées sur les raisons de cesactions n’ont pas été retenus :c’est pour ces raisons qu’il a étédécidé de faire appel de la déci-sion rendue.

Il appartiendra à la cour d’appelqui doit rejuger l’intégralité dudossier (1) de s’interroger tant surla légitimité de ces actions quesur la participation effective desneuf personnes que la Justice achoisi de poursuivre parmi l’en-semble des personnes présenteslors de cette dénonciation col-lective. n

Lætitia Peyrard,

avocate au barreau de Saint-Étienne

(1) À l’heure du bouclage, nous ignorons ladate du procès en appel (NDLR).

RameryficationsLa société civile d’exploitation agricole (SCEA) Côte de la Justice est pro-priétaire des murs de l’usine des 1 000 vaches, de 180 hectares de terreautour et du méthaniseur (plus exactement du futur méthaniseur, puis-qu’il n’est pas encore construit). 51 % des parts de la société appartien-nent à Michel Ramery, les 49 % restant étant détenus par la sociétéMR Finances, MR comme… Michel Ramery. Le cheptel est lui la propriétéde la société civile laitière (SCL) « Lait pis carde », également employeurdes salariés de l’usine, dont l’un des quatre gérants est… Michel Ramery.La SCL – qui loue l’outil à la SCEA – regroupe les troupeaux des divers agri-culteurs ou autres sociétés agricoles associés : deux, bientôt quatre, unedouzaine ambitionnée dans les prochains mois. En amont, ça a été plusdirect : c’est Michel Ramery lui-même qui a déposé le permis de construirede l’usine, et Éric Mouton, le maire de Buigny-Saint-Maclou, la communesur laquelle elle est construite, qui en a fait les plans puisque, ça tombebien, il est architecte…

Un appel pour être - cette fois - entendus

Actualité

À Nîmes, lors d’un rassemblement de soutien auxNeuf d’Amiens, le 28 octobre, jour de leur pro-cès. Plusieurs rassemblements de ce type se sonttenus ce jour-là, dans des villes très éloignées dela Picardie, comme encore Saintes ou Nice.

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Page 8: Campagnes Solidaires 301

Écobrèves

Les cancers

chez les paysans

Selon une enquête de la MSA,

les risques de cancers chez les

agriculteurs sont inférieurs à la

moyenne parce que « le taba-

gisme y est beaucoup moins

fréquent », mais… certains can-

cers touchent particulièrement

les paysans ! Ainsi les arbori-

culteurs au contact de pesti-

cides sont plus sujets au can-

cer de la prostate, mais aussi

du poumon. Les éleveurs de

bovins ont deux fois moins de

risques de cancer du poumon,

mais les insecticides pour trai-

ter les animaux favorisent les

cancers de la prostate. D’autres

cancers sont spécifiques aux

paysans, tel le mélanome de la

peau chez les femmes. Ces

résultats proviennent d’une

étude lancée en 2005 dans

onze départements auprès de

180000 professionnels. L’étude

se poursuit afin « de regarder

dans les années à venir les acti-

vités agricoles à risque »… La

MSA ne semble pas pressée de

reconnaître ce qui pourrait rele-

ver de la maladie profession-

nelle : les pesticides sont pour-

tant clairement identifiés.

Monsanto indemnise

des agriculteurs

Habituellement Monsanto

attaque en justice aux États-

Unis et au Canada les produc-

teurs qui se retrouvent pollués

accidentellement par des

OGM. Cette fois, la situation

est inverse. Suite à la décou-

verte d’un blé OGM non auto-

risé dans l’État d’Oregon (USA),

certains pays, notamment le

Japon, avaient suspendu leurs

importations. Des agriculteurs

américains avaient porté

plainte suite à la contamina-

tion de récoltes en 2013. Pour

éviter le procès, Monsanto a

accepté de payer 2,375 mil-

lions de dollars d’indemnisa-

tion pour les producteurs ayant

vendu du blé pollué aux OGM

en 2013. Si ce blé avait été

autorisé, la peine aurait été

inversée. D’où l’intérêt de s’op-

poser aux autorisations !

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8 \ Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014

Grandes cultures Une campagne en demi-teinte pour les céréaliersUne production mondialerecord en blé et maïs :la campagne 2013/14 a étéplacée sous le signede l’abondance… et de prixen retrait. En France, les aléasclimatiques se sont ajoutésaux aléas économiques.

D’une façon générale, lesproducteurs en grandescultures subissent deux

aléas + un. L’un de ces aléas estcelui des marchés : partout cetteannée, dans les pays exportateurs,les récoltes sont bonnes envolume, la production est supé-rieure à la consommation et unstock de report conséquent se des-sine pour la fin de campagne. Lescours du blé et du maïs sont donclogiquement tirés vers le bas (l’orgen’est pas dans ce cas de figure,mais en est quand même un peutributaire).

L’autre aléa est climatique. Lesconditions de fin de culture et derécolte – températures fraîches etpluies estivales – ont altéré la qua-lité meunière d’une partie des blésfrançais et européens, de façontelle que certains marchés à l’ex-

port ne sont plus accessibles, oudifficilement. La situation n’estcependant pas partout pareille.Certaines régions, à l’Est de laFrance, ont plutôt subi une séche-resse au printemps, cependantque l’Ouest a été moins impactépar la dégradation de la qualitémeunière (en Poitou-Charentes,les blés sont de bonne qualitémeunière). L’abondance de blé quine peut être valorisée qu’en ali-mentation animale, dans uncontexte où la récolte de maïs aété abondante, a entraîné les prixvers le bas. La différence de prixentre un blé fourrager et un blémeunier, qui était en moyenne dedeux à trois euros par tonne, estpassée sur cette campagne dansune fourchette de 20 à 40 eurospar tonne.

En général, un aléa climatique estcompensé par un aléa de marché,mais cette année, ils s’addition-nent. Il faut noter par ailleurs quele prix des betteraves à sucre et ducolza a aussi beaucoup baissé,celui des pommes de terre s’ef-fondrant.

Les producteurs sont aussi « vic-times » de trois années… de bons

revenus qui les ont poussés à « opti-miser fiscalement », c’est à dire àdéfiscaliser leurs revenus en inves-tissant de façon importante. Lemachinisme agricole en a bien pro-fité, beaucoup d’investissementsmatériels ont été avancés, unique-ment pour des raisons fiscales. Maisaujourd’hui, ces cultivateurs doi-vent faire face à une trésorerie net-tement amoindrie et/ou à des rem-boursements d’empruntsconséquents. De plus, certains pro-ducteurs imposés socialement(MSA) en moyenne triennale ontla « malchance » de payer avec lesrevenus d’une mauvaise année descotisations calculées sur des annéesà fort revenus.

Ce dernier point est rarementmis en avant. Il est très facile (etvrai) de dire que la situation éco-nomique est actuellement diffi-cile pour les producteurs engrandes cultures, mais on oubliede dire que la moyenne des reve-nus sur les quatre dernières annéespour ces mêmes cultivateurs estsupérieure aux autres systèmes deproduction. n

Gilles Menou,

paysan en Eure-et-Loir

Actualité

En France, la récolte de blé tendrecette année est évaluée à37,5 millions de tonnes, en haussede 1,8 % par rapport à l’annéedernière. La production se situeau-delà du niveau moyen desrécoltes 2009 à 2013 (+ 5,5 %)et atteint un niveau inégalédepuis une dizaine d’années.Selon une note de FranceAgri-Mer, publiée mi-novembre, à l’ex-ception du blé dur, les prix actuelsdes grandes cultures conserventune importante décote, compa-rés à ceux relevés à la mêmepériode les quatre précédentescampagnes. Pour le blé tendre,les orges fourragères et le maïs,les prix fermes actuels sont infé-rieurs de près de 20 % à ceuxrelevés en octobre 2013. Pour letriticale, la décote atteint 30 %.

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Actualité

Éc

ob

rèv

es Écobrèves

Des faucheurs

chez Limagrain

C’est pour dénoncer – entre

autres – la recherche sur le

blé OGM qu’une centaine de

faucheurs a occupé le

6 novembre les locaux de

Limagrain, à Chappes (Puy de

Dôme). « On est venu faire une

inspection citoyenne », ont-

ils déclaré. Rien de cassé, du

moins du côté de Limagrain,

car pour les faucheurs il n’en

a pas été de même. Une cen-

taine d’adhérents de la Fnsea

ont vandalisé leurs voitures :

pneus crevés, peintures rayées

et autres dégradations, sous

l’œil bienveillant des gen-

darmes, eux aussi appelés à la

rescousse ! Au cours de l’oc-

cupation, une rencontre s’est

tenue avec deux dirigeants.

Discours habituels : « Les

OGM, c’est pour produire plus,

avec moins de ressources » et

« La coexistence de toutes les

cultures, OGM et non-OGM,

peut et doit être respectée ».

La preuve en est faite par

Monsanto (cf. p. 8) !

Sapin « soulage »

les actionnaires

Le ministre des Finances,

Michel Sapin, a indiqué le

31 octobre que le gouverne-

ment s’opposait à un amen-

dement, adopté quelques

jours plus tôt par l’Assemblée

nationale, prévoyant d’assu-

jettir les dividendes versés

par les sociétés anonymes aux

cotisations sociales. Cette

annonce vient après une vive

réaction du Medef. « Un

amendement qui n’est pas

compris, c’est un amendement

qui est mauvais », a justifié le

ministre. C’est vrai ça, les tra-

vailleurs qui voient une par-

tie de leur travail confisquée

par la finance ne compren-

draient pas qu’on réduise les

profits par des cotisations. Il

n’y a que des gauchistes pour

penser cela !

Jo Bourgeais

Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014 / 9

Avec la fin des quotas en avrilprochain, combien de fermes-

usines vont pousser dansnos campagnes ? Zoom

sur un projet de demanded’augmentation d’effectifs

d’animaux en Touraine, bienreprésentatif de la course

qui s’engage versl’industrialisation

de l’agriculture.

Près de Tours, un gaec de troisfrères a déposé à la préfec-ture une demande d’exten-

sion de son élevage. Le projet veutdoubler le troupeau laitier en pas-sant de 200 vaches à 420 vacheslaitières et 140 génisses, et qua-drupler la production de taurillonsen passant de 50 à 200 unités. Cen’est pas tout : il y a déjà un trou-peau de 1200 chèvres et chevrettessur l’exploitation. Argumentantleur projet, les trois associés seconsidèrent comme « les sauveursde la déprise laitière en Touraine ».L’arrêt des quotas leur donne desailes…

Dans le dossier est mentionnéela création… d’un seul emploi.Le plan d’épandage prévoit unesurface de 890 hectares, répartissur sept communes, dont la pluséloignée est à 20 km, en zonehumide qui plus est.

La Confédération paysanne deTouraine ne pouvait que réagir. Enquelques jours, le syndicat a pré-senté ses revendications auprèsdu commissaire enquêteur. Auxcôtés des positions des associa-tions de défense de l’environne-ment apparaît ainsi dans l’enquêtepublique la parole de paysansopposés au projet.

Nous avons ensuite organisé le3 novembre une manifestationdevant la mairie de la communeconcernée, Monts. Une bonnecouverture médiatique a permis demettre ce dossier à la une des jour-naux.

Pour animer la manifestation etfaire le tour des différents pro-

blèmes posés par l’industrialisationde l’agriculture, nous avions pré-paré plusieurs questions : « Uneferme-usine, ça sauve l’emploi ?Un besoin de lait en quantité ? Unmoyen de garder des territoiresvivants ? Un risque pour l’envi-ronnement ? Concentration desanimaux, concentration des nui-sances ? Agriculture industrielleet agriculture paysanne peuventcohabiter ? »

Enjeux en jeuLe jeu des « vrai/faux » a permis

une très bonne participation dupublic, beaucoup de discussions,de prises de position point parpoint. Et un effet stimulant pourles habitants de la commune quise sentaient bien seuls jusque-là,et dont plusieurs ont salué la prisede position de paysans. A été éga-lement discutée la création d’uncollectif pour être capable, commepour l’usine des 1000 vaches dansla Somme, de se mobiliser rapi-dement et efficacement si ce pro-jet (et d’autres…) menaçait dedémarrer.

La manifestation a été l’occasionpour le syndicat de dénoncer unefois encore les effets pervers de l’in-dustrialisation de l’agriculture :course aux volumes, destruction

de l’emploi paysan, dévitalisationdes territoires que cela entraîne.

Des citoyens s’inquiètent desnuisances sonores et olfactivesd’une telle ferme. Ce fut l’occasionde rappeler notre grande inquié-tude sur le respect du plan d’épan-dage, vu l’éloignement des terres.Notre inquiétude est d’autant plusforte que nous avons l’exempled’une ferme similaire dans le suddu département qui ne respectepas son plan d’épandage, l’admi-nistration ne parvenant visible-ment pas à la contraindre à res-pecter cette obligation légale.

Ici, comme dans la Somme, laquestion est simple : peut-onaccepter la disparition de quatreexploitations de cinquante vacheslaitières au profit d’un tel projet ?Et ici comme dans la Somme, lescitoyens présents à la manifesta-tion de Monts (qu’ils soient pay-sans ou non), ont répondu hautet fort : pour des territoires vivants,pour l’emploi, pour l’environne-ment, pour la qualité de l’ali-mentation, il vaut mieux des pay-sans nombreux et répartis sur leterritoire plutôt que quelquesfermes-usines ! n

Hervé Bedouet

et Frédéric Gervais,

éleveurs laitiers en Indre-et-Loire

Industrialisation de l’agriculture Un nouveau monstre en Touraine

Le 3 novembre à Monts, la Confédération paysanne de Touraine a invité les mani-festants à s’exprimer point par point sur le projet de ferme-usine, puis a donné saposition sur ce projet aux antipodes de l’agriculture paysanne.

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Actualité

10 \ Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014

L’acharnement de quelques-uns àdéfendre ce projet bancal du barragede Sivens interpelle. « Pour un gou-

vernement et dans un État de droit, il est horsde question de céder à la violence, notammentquand il s’agit de projets qui préparent l’ave-nir » prétend Manuel Valls… Et pourtant,l’écotaxe, projet d’avenir pour freiner lestransports routiers polluants, n’est-elle paspassée à la trappe suiteaux actions « musclées »des Bonnets rouges(Fnsea y compris), alorsqu’elle avait été votée à laquasi-unanimité à l’As-semblée nationale ? (…)

Le barrage serait déclaréd’utilité publique. Piètreclassement quand on saitpar expérience que lesdéclarations d’utilitépublique (DUP) sontdécidées par un com-missaire enquêteur sou-vent potiche, qui dit rare-ment le contraire de celuiqui l’indemnise : l’État.On sait aussi par expé-rience que les bulldozerssont toujours plusrapides que la justice :rappelons-nous le bar-rage de Fourogue luiaussi dans le Tarn,construit mais… jugé illégal après saconstruction (1).

D’ailleurs, l’utilité publique n’est souventqu’un habillage : « Le camp du Larzac estindispensable à la Défense nationale », cla-mait sans cesse à Rodez le préfet-perro-

quet des années 1970. Or le camp ne s’estjamais agrandi, la Défense nationale nes’est pas écroulée, et maintenant l’on fermecamps et casernes. La DUP ressemble à laraison d’état, « raison que l’on invoque quandon fait quelque chose de contraire à la loi ouà la justice » (ancienne édition du Larousse).En fait, il ne faut jamais oublier que la léga-lité ne peut s’imposer à la légitimité.

En tout cas, grâce à la décision courageusede François Mitterrand en 1981, ce projeta été abandonné, et le Larzac est devenulaboratoire pour une agriculture nouvelle :les trois quarts en bio, une gestion collec-tive de 7500 hectares, une agriculture très

diversifiée, et par endroits le doublementde la population agricole !

Des agriculteurs tarnais prétendent avoirbesoin de l’eau du barrage. Il est à noterqu’ils ont vécu jusqu’à maintenant sans,d’une part, et que d’autre part dans vingtou trente ans, l’agriculture d’aujourd’huin’aura plus cour, les changements clima-tiques obligeant à changer les pratiques.

Quand des pro-barrage de Sivens s’expri-ment dans les médias, on voit bien qu’ilsne raisonnent pas dans une vision à vingtans, mais ils sont hélas encore dans celled’il y a vingt ans. Étrange décalage.

Reste un dernier point qui pose ques-tion, c’est la notion de conflit d’intérêt entredes élus tarnais et la Compagnie d’aména-gement des coteaux de Gascogne, juge etpartie, comme l’évoquaient il y a peuFrance 3 Midi-Pyrénées et le CanardEnchaîné du 5 novembre.

En clair… ce dossier ne l’est pas. Toutremettre à plat est plus que nécessaire.Quant aux autorités coupables de cedésastre humain et écologique, l’Histoire lesjugera sans complaisance.

Si seulement les projets d’aujourd’huiétaient plus souvent étudiés à la lumière del’expérience du passé… n

Léon Maillé, paysan retraité du Larzac

(1) Cour administrative d’appel de Bordeaux, 1999.

Grands projets inutiles Sivens vu du Larzac

Rassemblement en mémoire de Rémi Fraisse, jeuneopposant au barrage de Sivens, le 2 novembre 2014sur le site du projet de construction, dans le Tarn

Pour un projet global de territoire, au profit de tous les paysansLe 14 novembre, la Confédération paysanne du Tarn participait à la rencontre entre les syndi-cats agricoles et les experts du ministère de l’Environnement, auteurs du rapport sur la perti-nence du barrage de Sivens. La Confédération partage les constats et analyses des experts :projet surdimensionné, mal financé, anachronique, destructeur… Le 18 novembre, la Commis-sion européenne annonçait le lancement d’une procédure d’infraction contre la France pourviolation des directives environnementales sur ce dossier. Le projet, auquel manquaient déjàdeux des près de dix millions d’euros de financement, pourrait se voir retirer deux autres mil-lions via l’Union européenne et le programme Feader.« Le 14 novembre, nous avons défendu un projet global pour les 200 paysans de la vallée », pré-cise Christophe Curvale, le porte-parole de la Confédération paysanne du Tarn. « On ne peutaccepter de voir près de dix millions d’euros d’argent public dilapidés pour seulement 30 exploi-tants. D’autant que le projet date de 1969 et ne correspond plus aux besoins et enjeux d’aujour-d’hui. Depuis 40 ans, 183 retenues collinaires ont été réalisées sur le bassin. On peut donc large-ment optimiser l’existant. Maintenant, le problème, ce n’est pas l’eau, mais le revenu des paysanset l’installation. D’où la nécessité d’un projet global de territoire, pour tous, et non la crispationsur un vieux projet idéologique. » BD

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Dossier

Penser global, manger (autant que possible) local !

Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014 / I

Margaret Chan, directrice généralede l’Organisation mondiale dela santé (OMS), à l’ouverture

de la deuxième Conférence internationalesur la nutrition, du 19 au 21 novembre àRome : « Le système alimentaire mondialne fonctionne plus, à cause de sa dépen-dance à une production industrialisée denourriture toujours moins chère et mau-vaise pour la santé. »

Notre charte de l’agri-culture paysanne porte,elle, comme un de sesprincipes, d’« assurer labonne qualité gustativeet sanitaire des pro-duits ».

La qualité d’un produitest fondamentalementla conséquence de sonmode de production :taille d’atelier, niveaud’intensification, modesd’élevage et de culture,utilisation des intrants…La qualité n’est pas sub-jective ; au contraire,elle doit être officielle-ment reconnue, identi-fiable et vérifiable par lecitoyen.

Relocaliser,c’est produire ici

Les consommateursfont confiance aux fruitset légumes cultivés loca-lement, selon une récenteétude de l’office Fran-ceAgriMer. Maintenir etinstaller des maraîcherspartout devrait être unepriorité. Mais dans lesfaits, les surfaces misesen culture diminuentdans les régions tradi-tionnelles de production,sans aide couplée de laPac pour soutenir ces pro-ductions.

Relocaliser, c’est aussi « vendrepas loin »

Plus ou moins loin, c’est selon… La popu-lation urbaine croît et 6 000 tonnes d’ali-ments par jour sont nécessaires à une villede dix millions d’habitants. Pour nourrir lapopulation de l’Ile-de-France, il faut enterre agricole six fois la surface de cellesutilisées aujourd’hui dans cette région. Le

local est « au plus près », pas forcémenttoujours « là ».

Relocaliser, c’est le soutien auxcircuits courts de proximité, maispas que…

La relocalisation concerne aussi les cir-cuits longs, ce qui pose les questions de lamaîtrise de la décision dans les coopéra-

tives, de la disparition descollectes de lait dans leszones de montagne…

Du local à un peu plusloin, la relocalisationnécessite le soutien auxmagasins de producteurs,aux marchés paysans, auxplateformes de vente auxcollectivités locales,notamment pour la res-tauration collective.

Maintenir, soutenir desfermes qui produisentune alimentation de qua-lité, maillent et font vivreles territoires, négocieren leur faveur, c’estdéfendre des mesuresadaptées sur les régle-mentations liées à la pro-duction et à à la trans-formation. C’est défendreles produits fermiers,veiller à ce que les sou-tiens du second pilier dela Pac (celui dédié audéveloppement rural)accompagnent les pro-jets des paysans (plan-cher d’aide, plafond,dimensions collectives…).C’est par exemple le sou-tien à l’abattage de proxi-mité, aux circuits de com-mercialisation et à leurpromotion. n

Judith Carmona,

paysanne dans

les Pyrénées-Orientales,

secrétaire nationale

Numéro cofinancé par l'Union européenne Les avis exprimés dans ce dossier n’engagent que leurs auteurs et et ne sauraient être considérés comme constituant une prisede position officielle de la Commission européenne.

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Entre 2010 et 2013, vous avez dirigéune étude prospective imaginantdes scénarios de modèle agricole localà l’horizon 2020 et 2030, avec lesétudiants du Master Agriculture durableet développement territoriald’AgroCampus Ouest. Qu’est-ce quivous a amené à conduire cette étudesur Rennes Métropole ?

Le contexte était propice. Rennes a choiside maintenir une ceinture verte, ce qui per-met de poser des questions sur l’agriculturepériurbaine de manière plus intéressantequ’ailleurs. D’autre part, les circuits courtsn’avaient pas autant décollé il y a dix ans.À l’époque, notre équipe a été interpelléesur trois aspects : premièrement, que lescircuits courts concernent de faibles volumeséconomiques et demandes de consomma-tion ; deuxièmement, que ce modèle nepeut pas nourrir la population ; et enfin, quesoutenir politiquement un modèle reloca-lisé revient à tuer les emplois bretons. Nousavons donc construit avec mon collègue deRennes Métropole en charge de l’agricultureune hypothèse de scénario basée sur cesconstats-là. Puis nous avons exploré lepotentiel de relocalisation en regardant leseffets sur ces trois paramètres : consom-mation, volume alimentaire et emplois.

Vous avez ainsi demandé à vosétudiants de calculer la surfacenécessaire pour nourrir les habitantsde Rennes Métropole…

Oui, et ils ont travaillé sur deux scénarios :un scénario tendanciel – dans lequel la pro-duction demeure conventionnelle et lerégime alimentaire à l’identique – et un scé-nario de relocalisation maximisé, dans lequelles modèles alimentaire et productif chan-gent. Dans ce deuxième modèle, la produc-tion est biologique, les rations animales sontbasées sur des ressources locales, les volumesde produits animaux consommés sont abais-sés, les transports réduits au maximum pourrépondre aux exigences d’une ville post-carbone… Les étudiants ont également pro-posé de mettre en culture les trames vertes

urbaines et ont montré que l’on pouvaitgagner 2500 hectares dans la métropole !

À quelles conclusions – partielles – sontparvenus vos étudiants ?

Il apparaît qu’en faisant toutes ces modi-fications, nous pouvons doubler le poten-tiel d’autonomie alimentaire de RennesMétropole – passer de 20 à 40 %. Selon lemodèle tendanciel, il faut 0,30 hectare pournourrir un habitant, contre un peu moinsde 0,20 hectare par habitant dans le modèled’autonomie. Selon l’étude, il n’y a pas derisque de disette si l’on doit un jour relo-caliser complètement.

Ce modèle est-il transposableà d’autres territoires ?

La technique est transposable mais lemodèle doit être refait selon les lieux carles potentiels agronomiques ne sont jamaisles mêmes. Aix-Marseille par exemple a unpotentiel agronomique assez peu élevéautour de son centre-ville, et un bassin depopulation plus fort que Rennes. Le problèmede l’autonomie alimentaire se pose pour untel territoire. En revanche, nous avons trans-posé le scénario à Strasbourg qui a un fortpotentiel agronomique, et nous arrivons àdes conclusions ressemblant à celles deRennes. Des territoires comme ceux-làauraient sans doute vocation à exporterdes aliments vers des territoires commeAix-Marseille qui connaissent un déséqui-

libre entre leur potentiel agronomique etleur bassin de population. Il faut donc réflé-chir à des systèmes basés sur des échangesavec des territoires qui ont cherché à maxi-miser leur autoproduction. En clair, déve-lopper les solidarités interterritoriales.

Quelles sont selon vous les conditionsnécessaires pour développermassivement des circuits courtspaysans ?

Il n’y a pas assez d’offre aujourd’hui par rap-port à la demande urbaine en attente deproduits plus frais à forte valeur sociale. Etl’accessibilité de ces produits est un vrai pro-

blème. L’enjeu est de massifier l’offre, ce quiimplique d’optimiser la logistique intermé-diaire, depuis la transformation jusqu’auxmodes de commercialisation. Il s’agit de créerune logistique territoriale qui permette degérer des quantités de produits conséquentesafin de gérer la demande urbaine. Cela sup-pose d’être capable de transformer unegrande quantité de produits et de les ache-miner jusqu’à des lieux de consommation demanière à favoriser leur accessibilité. L’autreaspect, c’est évidemment le levier des aidespubliques qui est déterminant pour orienterla production. n

Recueillis par Sophie Chapelle

(1) Ingénieure agronome, enseignante – chercheure ensociologie à AgroCampus Ouest, responsable de l’unitépédagogique Sciences humaines et territoires.

Une diversité d’expériences, mais un fondement commun : la proximité, le lien social

Relocalisation L’autonomie alimentaire impliquedes solidarités inter-territorialesUne métropole comme Rennes peut-elle nourrir ses habitants en s’approvisionnant localement ? Sur quelle surface ?C’est l’objet d’une étude prospective conduite par la sociologue Catherine Darrot (1). Face à une demande urbaine exponentielleen matière de produits frais à forte valeur sociale, cette ingénieure agronome plaide pour le développement massifde la logistique intermédiaire.

Dossier

II \ Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014

La ceinture verte de Rennes Métropole.

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Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014 / III

En région Centre, une forme innovantede commercialisation en circuits courtsa vu le jour, portée par des producteurs

désireux de garder le contact directavec leur clientèle, tout en se réservant

du temps de travail sur leurs fermes.

Le projet de P’tit Gibus remonte à 2011.Au départ, trois producteurs au Sud dela Touraine soulèvent le problème de

la distribution de leurs productions. Ilscontactent d’autres paysans, tous soucieuxde vente directe. Parmi eux, Michel Galo-pin, éleveur-fromager. « Notre premier objec-tif était de mutualiser la vente en embau-chant une personne, avec un roulement deproducteurs », explique-t-il. « Nous vou-lions garder le contact direct avec nos clientstout en n’étant pas là à chaque fois. »

Leur projet de départ est une épicerie pay-sanne mobile. « Nous pensions à un bus quiallait vendre dans les villages où il n’y a plusd’épiceries, d’où le nom de P’tit Gibus. »Mais la crainte de devoir passer beaucoupde temps sur les routes pour pouvoir fairedu chiffre les amène à faire évoluer le pro-jet. Constitués en association collégiale, lesproducteurs cherchent des lieux dans l’ag-glomération de Tours afin de rationaliser lesdéplacements. L’agglomération leur pro-pose finalement un emplacement abrité.« Nous avons acheté un camion, fabriqué uneremorque pour mettre les produits des dixproducteurs et développé notre site internetpour les commandes en ligne, précise MichelGalopin. Notre gamme couvre toute l’épi-cerie : huile, miel, fromages de chèvres ou devaches, lait, canards, poulets, pains, farines,madeleines… L’idée c’est que le client puissetrouver tout ce qu’il cherche. »

Le P’tit Gibus a embauché une salariée quise charge de récupérer les produits sur les

fermes et assure la vente aux côtés d’un pro-ducteur. L’association livre désormais surcommande et dispose d’un emplacementdans la ville de Saint-Cyr. « Nous voudrionsvendre sur les marchés, mais cela impliqued’être inscrit au registre du commerce et deperdre le statut associa-tif. Tout n’est donc pasréglé », observe MichelGalopin. Qui a fait lechoix, comme l’en-semble des membres del’association, de multi-plier les débouchés.« Nous n’avons pasd’emprunt et nous nousdéveloppons douce-ment. Les emplois dutemps de chacun desproducteurs sont assez

chargés, et notre manque de disponibilité estun problème. Créer une synergie est un véri-table enjeu mais notre volonté d’avancer col-lectivement reste intacte. » n

Sophie Chapelle

Plus d’infos : www.ptitgibus.com

Dossier

Du mode de transport aux courtes distancesDepuis la révolution industrielle, et encore plus depuis la secondeguerre mondiale, l’agriculture française a connu de profondestransformations : recours aux intrants chimiques, spécialisationdes régions en termes de productions (plaines céréalières, zonesd’élevage…), diminution du nombre et agrandissement des fermeset, avec le pétrole bon marché, explosion des transports de mar-chandises. Dans les années quatre-vingt, la prise de conscience deslimites de ce modèle, surtout environnementales, se développe.La forte augmentation du prix du pétrole et la dépendance auxtransports routiers, avec son lot de pollutions et l’artificialisationdes terres agricoles au profit des infrastructures, renforcent cetteprise de conscience. D’où les actions en faveur de la relocalisationdes productions et des échanges alimentaires.Pour autant, comme le souligne Bertrand Schmitt, chercheur à l’Inra(1),l’impact environnemental des transports dépend davantage desmodalités que des distances : une lourde péniche sera moins pol-luante que le nombre de camions équivalents sur les mêmes par-cours cumulés, et un cargo aura un faible impact au regard du volumede marchandises transportées. Parallèlement à la diminution glo-bale des transports, la question des « derniers kilomètres » de livrai-son est le nouveau défi à relever, car c’est dans les courtes dis-tances que la pollution du transport routier est la plus forte aukilomètre parcouru. Avis aux locavores !

Benoît Ducasse

(1) Dirigeant depuis juin 2013 la Délégation à l’expertise scientifique collective, à laprospective et aux études (DEPE) de l’Inra, Bertrand Schmitt participait au séminaire« Localisation », organisé par la Confédération paysanne et l’Inra à Arras (Pas-de-Calais), les 21 et 22 octobre 2014.

Près de 6 700 exploitations engagées dansdes points de vente collectifsLes magasins de producteurs sont des espaces de commercialisationphysiques gérés par des collectifs de producteurs, qui proposent leurs pro-duits à la vente. Qu’ils fonctionnent en remise directe et avec la présencedes producteurs à la vente, comme dans le cas des points de vente col-lectifs, ou avec une part d’achat revente ou de dépôt-vente, ces modesde commercialisation en circuits courts sont en plein développement. Selonla fédération nationale des Civam, les points de vente collectifs concer-naient en 2010 près de 6700 exploitations en France, sur les 67000 com-mercialisant tout ou partie de leur production en circuits courts.

Source : Fédération nationale des Civam

P’tit Gibus Épicerie paysanne mobile :une mutualisation originale de la commercialisation

Le P’tit Gibus est une épicerie paysanne mobile. Ici à Tours.

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Page 14: Campagnes Solidaires 301

De sérieuses menacesde fermeture ont peséces dernières annéessur l’abattoir intercommunalde Rostrenen. Que s’est-ilpassé ?

Cet abattoir est en régiedirecte depuis 2003, au niveaude la communauté de com-munes du Kreiz-Breizh (CCKB).Mais il était en déficit : la CCKBdevait renflouer le budget del’abattoir tous les ans, ce qui estinterdit pour les activités éco-nomiques, et envisageait des’en désengager. Avec d’autreséleveurs, nous avons rencon-tré la CCKB pour lui rappelerque ce service ne pouvait pasdisparaître. Nous sommessitués dans une zone ruraleassez pauvre, où beaucoup de

familles produisent, vendent etconsomment leur propreviande. Supprimer cet abattoirrevenait aussi à les mettre endifficultés.

La communautéde communes a donc acceptédans un premier tempsla réalisation d’un audit…

Elle a effectivement confiéun audit à un cabinet spécia-lisé qui a souligné plusieurspoints faibles dans la gestionde l’abattoir : un seuil de ren-tabilité insuffisant compte tenudes volumes traités, des sou-cis d’organisation, des poli-tiques tarifaires non adaptéeset des sous-produits pas assezbien valorisés. La position ducabinet, c’était de confier

l’abattoir à une société de droitprivé. Nous avons donc décidéde créer une association d’uti-lisateurs dans le but de pro-mouvoir l’intérêt de cet abat-toir et de rassembler d’autrespaysans pour créer une SCIC (1),lancée il y a un an. Une bonnecentaine de producteurs aapporté des parts sociales etnous avons collecté environ22 000 euros.

Où en est le projetaujourd’hui ?

Notre SCIC devrait prendreen charge l’abattoir au prin-temps 2015. Un conseil d’ad-ministration a été élu pourassurer la gestion. L’avantagede la SCIC est la démocratiedans la prise de décision, le

respect des personnes et unecertaine forme de solidarité etde partage. L’outil va rester lapropriété de la CCKB. Notrebut est que cet abattoir restepublic. Nous avons un abat-toir privé situé à 50 km où lestarifs sont plus élevés. Or, tra-vailler uniquement avec unabattoir privé signifie la pos-sibilité pour ce dernier d’aug-menter ses tarifs comme ilveut. Sauvegarder l’abattoirpublic de Rostrenen, c’est doncune manière de sauver despetites fermes en vente directe.Dans un territoire fragile,chaque emploi a une valeurinestimable. n

Recueillis par

Sophie Chapelle

(1) Société coopérative d’intérêt collectif.

IV \ Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014

Dossier

Maintenir et développer des outils structurants, de la production à la distribution

Bretagne Ces éleveurs qui luttentpour sauvegarder des abattoirs publicsRoger Dagorne est éleveur laitier et en vente directe à Plouguernével, dans les Côtes-d’Armor. Avec d’autres producteurs, ils sesont constitués en association afin de reprendre la gestion de l’abattoir public et relancer l’économie locale.

Comment est né le projet d’abattoird’Andrézieux-Bouthéon ?

Cela fait suite à la privatisation de l’abat-toir de Saint-Etienne en 2008. Les groupesSicarev et Despinasse ont repris l’outil et l’ontspécialisé en bovins. La chaîne ovine a étéarrêtée en juillet 2010, puis ce fut au tourde la chaîne porcine en juin 2011. Noussommes une trentaine de producteurs, ainsique deux grossistes et trois bouchers, àavoir été mis dehors. Une solution tempo-raire d’abattage des porcs et des moutonsa été trouvée. Mais cela implique de faire80 km pour abattre. Nous passons de26 centimes le kilo de carcasse sur les porcsà 50 centimes, à cause des transports…C’est là qu’est née l’idée de créer un abat-toir de proximité au Sud du département.Il en existait déjà un dans le Nord de laLoire et nous ne voulions surtout pas créerde la concurrence.

Quelles structures vous ontaccompagné dans le montagedu projet ?

Nous avons d’abord contacté la chambred’agriculture pour gérer le projet. Puis nousavons visité des petits abattoirs de proxi-mité, rencontré des communautés de com-munes… Nous avons finalement trouvé un

terrain constructible, mais ça n’a pas étéfacile. C’est finalement sur la communed’Andrézieux-Bouthéon qu’a pu aboutirnotre projet et en cela nous remercions lemaire, M. Chalk, qui nous a accueillis etproposés la location d’un bâtiment. L’in-vestissement immobilier est porté par leSyndicat intercommunal pour les parcs

Loire Créer des abattoirs pour répondre à un vrai besoin de proximitéJean-François Margot est éleveur de porcs à Saint-Genest-Malifaux, dans la Loire. Avec d’autres éleveurs, boucherset grossistes, ils ont créé un abattoir de proximité qui devrait être lancé début 2015.

…/…

Le nouvel abattoir d'Andrézieux-Bouthéon qui devrait débuter ses activités début 2015.

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d’activités d’Andrézieux-Bouthéon. Nousavons créé une société d’actions simpli-fiées (1) qui prend en charge le matériel pourl’abattoir – 530 000 euros, dont 40 % desubventions. Les producteurs seront maîtresde cet outil qui devrait démarrer enfévrier 2015 et faire tourner cinq emplois.Nous projetons l’abattage de 1 000 tonnesde porcs et plus de 200 tonnes en pro-duction ovine.

Quelles sont les conditions de réussitede ce projet ?

Pour être crédible auprès des banques,35 producteurs et trois bouchers ont amenéun capital de 154000 euros, et deux grossistes25000 euros chacun. Cela fait maintenantdeux ans que le capital est versé. Heureuse-ment que nous sommes restés soudés, car ily avait une forte pression des autres abattoirspour que notre projet ne se fasse pas !

Au moment de la présentation du dossier àla région où siègent toute la profession ainsique les métiers de bouche, le soutien de lachambre d’agriculture a été déterminant. Ceprojet d’abattoir répond à un vrai besoin deproximité. Et garantit notre indépendancepar rapport aux grands abattoirs. n

Recueillis par Sophie Chapelle

(1) SAS APAB (société par actions simplifiées pour l’abat-toir de proximité d’Andrézieux-Bouthéon).

…/…

Depuis quelques années, le manqued’organisation logistique des circuitscourts est souvent mis en avant commeun frein majeur à leur développementet à leur performance énergétique etenvironnementale. Un défi que desproducteurs de Terroirs 44 ont cherchéà relever, en partenariat avec l’atelierde découpe De la Terre à l’assiette.

Éviter de perdre du temps et de gas-piller de l’énergie en se croisant surles routes, tout en faisant vivre le

réseau, tel était l’objectif du groupe de pro-ducteurs qui a initié la réflexion il y a 6 ans.Déjà rodés aux projets collectifs, ils se sontlancés sans idée préconçue ni référence : siles coûts du transport de tomates à traversl’Europe semblent bien maîtrisés, les enjeuxet spécificités de la livraison fermière deproximité sont un domaine bien inconnu desexperts. Notre collectif de producteurs est

donc parti en exploration, avec l’appui deTerroirs 44, de compétences extérieures etde financements publics. À l’issue de cettephase, deux tournées hebdomadaires ont étémises en place à partir de septembre 2010.

Quatre ans plus tard, le camion frigo deTerroirs sur la Route sillonne le départe-ment quatre jours par semaine pour livrerles retours de découpe chez des éleveurs,ainsi que pain, viandes, légumes, et autresproduits d’une quinzaine de producteursdans une diversité de lieux de vente : maga-sins à la ferme, points de vente collectifs,Biocoops, artisans, restauration collective…

Ces livraisons occupent aujourd’hui untemps plein. Le financement, après avoirbénéficié d’une aide à l’emploi, est assurépar la facturation faite aux producteurs,incluant aussi « coûts du camion » et fraisde structures. Cette facture rebute certainsproducteurs, qui n’ont pas l’habitude decomptabiliser le temps passé en livraison

individuelle, et de chiffrer leurs coûts dedistribution. Mais pour les habitués, la régu-larité du service, le temps ainsi dégagé, larigueur qu’il a apporté sur l’exploitation,ou encore la possibilité d’accéder à de nou-veaux marchés, sont autant d’acquis surlesquels ils ne feraient pas marche arrière.

L’activité est une section de la Cuma Dela terre à l’assiette, statut apparu assez vitecomme une évidence pour des paysans habi-tués à mutualiser ainsi du matériel. Mais ilest susceptible d’évoluer pour permettre ledéveloppement d’une activité plus consé-quente, à même de s’adapter aux nouveauxbesoins générés par des outils structurantsà l’étude: projet d’abattoir en lien avec l’ate-lier de découpe, projet de légumerie asso-cié à la structure d’insertion Accès-réagis. Celadoit aussi faciliter l’optimisation par lesvolumes, credo de la logistique ! n

Anne-Sophie Bouveret,

Terroirs 44

Dossier

Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014 / V

Des plateformes collectives pour répondre aux demandes des collectivitésComment passer à une dynamique supérieure ? Depuis les années 2000, le

réseau Fnab (1) travaille sur la structuration de la filière. « Il y a dix ans, les

filières de l’agriculture biologique n’étaient pas prêtes pour répondre aux

demandes de la restauration collective, appuie Julie Portier, de la Fnab. Nous

avons poussé la création d’organisations collectives de producteurs bio, “les

plateformes”.» Aujourd’hui, la Fnab dénombre 26 plateformes couvrant 70 %

des départements, susceptibles de fournir des produits biologiques locaux

en restauration collective. Elles ont pour particularité d’être des structures

issues de l’économie sociale et solidaire – souvent sous forme de SCIC – ou

des associations. Les prix sont maîtrisés par les producteurs. La SCIC Man-

ger Bio en Champagne-Ardenne par exemple, facilite le travail des gestion-

naires en assurant la prise des commandes, la logistique et la facturation.

La SCIC Resto Bio Midi-Pyrénées approvisionne régulièrement des sites,

allant de 50 à 27000 repas par jour. « En retour, les collectivités doivent garan-

tir des débouchés, souligne Julie Portier. Pour gagner en échelle, nous avons

besoin de vrais partenariats entre producteurs et collectivités. »SC

(1) Fédération nationale d’agriculture biologique des régions de France. www.fnab.org

Norabio

BDD

IBNSFD IDF

MBCAPBL

Solibio

MB Lim

Self BioCentre

MBE

BBE

AgribioProvence

ABD

RB MP

MB 35

MB 56MB 44

MB 53SCIC Le bio d’ici

MB 85

MB 47

Isle Mange Bio

AB 06

La bio d’ici

MBIAB

Bio a Pro

Terroirs sur la Route Un service mutualiséde livraison de produits fermiers en Loire-Atlantique

Carte nationale des plateformes collectivesd'organisations économiques de producteurs qui visentà fournir en produits bio et locaux les collectivités locales.

© FNAB

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Page 16: Campagnes Solidaires 301

Depuis cinq ans que la démarche estlancée, le blé Herriko a atteint cetteannée sa plus forte récolte : 130

tonnes de blés, récoltées sur 33 hectares,ont pris cet été la direction des minoteriesde Mauléon et Ustaritz.

Paysan à Béhasque, Alain Claverie, estparmi les premiers engagés dans ladémarche : « Ici, c’était une terre à blé autre-fois, on semait du ray-grass ensuite. Quandle maïs semences est arrivé, tout a été cham-boulé, il fallait en faire partout. On a matra-qué les sols. Quand j’ai entendu que la filièreHerriko se créait, je l’ai de suite intégrée.Avec des cultures tournantes, on limite l’éro-sion, on a une meilleure qualité du sol. Chezmoi, c’est flagrant, le maïs vient aussi mieuxde la sorte. Et en tant que paysan, c’est valo-risant de produire quelque chose qui seraconsommé par les gens du pays. »

La filière Herriko regroupe à ce jour sept pay-sans, deux minoteries et trente boulangersdu Pays Basque. « Le groupe de paysans està peu près le même depuis le début. Il a volon-tairement été limité jusqu’ici, jusqu’à ce quel’on maîtrise bien la production et aussi enfonction des débouchés qu’il y avait. Aujour-d’hui, de nouveaux paysans souhaitent inté-grer la filière, on va commencer à ouvrir »,explique Félix Noblia, paysan à Bergouey.

Le prix du blé, qui tient compte des chargesmoyennes de l’ensemble des cultivateurs,

se situe à un niveau plancher de 240 eurosla tonne. « Si le cours du blé est au-dessusde ce niveau, un bonus nous est accordé, s’ilest au dessous, ce prix nous est garanti. Onsait donc qu’on ne perdra pas d’argent, àmoins que notre récolte ne soit pas pani-fiable, mais ça, on ne peut pas le maîtriser »,précise Félix Noblia.

La filière utilise la variété de blé Apache,et depuis un an la variété Illico également.« C’était une demande des minoteries dedémarrer avec des variétés reconnues. Maisnos objectifs sont d’utiliser des variétéslocales, plus résistantes aux maladies. Lesminotiers sont ouverts à ces évolutions »,indique Emmanuelle Bonus, technicienne àLaborantxa Ganbara, la chambre d’agricul-ture alternative basque qui suit la démarche(cf. CS n° 277).

Un cahier des charges fixe les conditionsde production et de fabrication pour tous lesmaillons de la filière. Pour les paysans, il s’agitnotamment d’un usage très restrictif despesticides ou encore de l’interdiction de cul-tiver du blé deux années de suite sur la mêmeparcelle. Des contrôles d’un organisme externeseront mis en place prochainement.

Les boulangers sont aussi satisfaits : « Lesgens qui goûtent le pain Herriko l’adoptent,ou en tout cas y reviennent régulièrement »,commente Philippe Begards de la boulan-gerie La Petite Bayonnaise, à Bayonne. n

Source : Maritxu Lopepe,

journaliste à Laborari (n° 1078), journal d’ELB,

syndicat paysan basque membre

de la Confédération paysanne.

Coopérer pour valoriser les savoir-faire et les ressources d’un territoire

Herriko, une filière pour le pain basquePaysans, meuniers et boulangers collaborent pour proposer un pain de qualité dont toutes les étapes de production sontréalisées au Pays Basque. Sur un territoire où la monoculture de maïs est importante, l’introduction du blé permet aussi depréserver la qualité des sols grâce aux rotations de cultures.

VI \ Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014

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Philippe Begards, boulanger à Bayonne, Nicole Larroulet, responsable de la minoterie d'Ustaritz, et FélixNoblia, paysan à Bergouey : Herriko est une belle démarche territoriale.

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Coopérer Une question de posture et d’apprentissage ?L’alimentation doit être l’affaire de tous : paysans, artisans, consommateurs, salariés, élus,etc. C’est à partir de ce constat que se développent de plus en plus de projets associant dif-férentes parties prenantes. En France, une panoplie de statuts permet de coopérer dans lemême projet, notamment avec la création des SCIC (1). Mais, si le statut est le cadre choisipour exprimer au mieux le projet, il ne garantit, ni la qualité de la coopération, ni l’atteintedes objectifs. Ces derniers doivent être, au préalable, clairement identifiés, partagés et décli-nés sur des choix d’organisation cohérents. Travailler les postures de la coopération est aussiessentiel : lorsqu’un collectif composé de paysans, salariés et consommateurs statue sur leprix du kilo de pommes, par exemple, les intérêts de ces catégories doivent être pris en compte,mais aussi l’intérêt du collectif lui-même, qui dépasse la somme des catégories. Cela demandeà chacun de se situer au-delà de son point de vue habituel de paysan, salarié ou consom-mateur et d’adopter une posture décalée, de construction d’une entité commune. Seuls laconnaissance, la confiance et l’apprentissage mutuels le rendent possible.

François Monat

(1) Le statut de Société Coopérative d’Intérêt Collectif, créé en 2001, permet par exemple d’associer des collectivitésau projet.

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Gérard Poisson, éleveur et cogérantde l’atelier de découpe De la Terreà l’Assiette, à Nozay, en Loire-Atlan-

tique, et Joseph Brûlé, un des derniers bou-chers-abatteurs du département (1), parlentd’une même voix : il faut rassembler pro-ducteurs et artisans dans une même dyna-mique en faveur des filières courtes, et d’unprojet d’abattoir de proximité aujourd’huisoutenu par le conseil général.

De son côté, Terroirs 44, association deproducteurs fermiers, fait le constat deslimites de son champ d’action, la ventedirecte : développer les circuits de proxi-mité passe nécessairement par unecoopération entre tous les acteurs de

l’alimentation, permettant de valoriser lessavoir-faire de chacun, d’optimiser lesoutils, et de répondre aux exigences dequalité de consommateurs de plus enplus nombreux.

Tous les acteurs de cette dynamique (2)

s’accordent rapidement sur les bénéficesdes relations directes entre éleveurs et arti-sans. Mais ils prennent vite la mesure derésistances diverses – et parfois virulentes –exprimées sur le terrain entre des profes-sions qui se sont développées en se tour-nant le dos, soumises chacune de son côtéau bulldozer de la grande distribution. Ilfaut un peu de temps pour reconstruire despasserelles…

C’est pourquoi depuis deux ans, les parte-naires multiplient les initiatives : rencontressur les fermes et en boutique, valorisationde partenariats « exemplaires » à l’occasionde la semaine nationale de l’artisanat, inter-ventions auprès des apprentis, annuaire deproducteurs souhaitant travailler avec desartisans… Tous sont convaincus que de fil enaiguille, le maillage finira par se tisser. n

Anne-Sophie Bouveret,

Terroirs 44, www.terroirs44.org

(1) Joseph Brûlé est président de la Confédération généralede l’alimentation au détail (CGAD) des Pays-de-la-Loire.(2) avec également l’UPA : Union professionnelle des arti-sans (UPA) et Cap44, coopérative qui œuvre à la promo-tion de l’agriculture paysanne, à l’initiative de la Confédé-ration paysanne.

Dossier

Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014 / VII

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Restaurer les passerelles entre éleveurs et artisans bouchers

Mettre sur pied une filièrecomplète d’alimentationlocale et durable à Liège, pourque les consommateurslocaux s’alimententmajoritairement en alimentslocaux, c’est le projetde la Ceinture aliment-terreliégeoise (CATL), lancéefin 2013.

L’idée : mettre en réseautous les acteurs actuelset potentiels du circuit

court de Liège et des environs.Soient les agriculteurs, transfor-mateurs, distributeurs, groupe-ments d’achats mais aussil’agence de développement éco-nomique, les acteurs éducatifs,sociaux et culturels. « On veutcréer une souveraineté alimen-taire liégeoise, pour une alimen-tation plus saine, plus respec-tueuse de l’environnement, maisaussi créatrice d’emplois locauxnon délocalisables », résumeChristian Jonet, coordinateur del’association Barricade, l’une deschevilles ouvrières de la CATL.« Il y a déjà beaucoup de projetsexistants et une masse d’acteursprêts à se mettre en mouvementdans ce sens. On veut mettre enplace, ensemble, une stratégiepour que ce qui était hier margi-

nal et éparpillé devienne désor-mais significatif et relié. C’est aussile projet d’une alliance ville-cam-pagne : la campagne nourrit laville, et la ville soutient la cam-pagne par ses choix de consom-mation, d’épargne et d’investis-sement. »

Pour définir sa stratégie et sesplans d’actions, la CATL se basesur des méthodes participativesd’intelligence collective. Elle adéjà organisé deux journées detravail, réunissant chacune 150participants. Ils ont défini ce qu’ilsvoulaient, selon la technique duforum ouvert proposée lors dela journée de lancement, ennovembre 2013 : l’animateur ainvité les participants à proposerdes ateliers de réflexion en liendirect avec la Ceinture aliment-terre liégeoise…

En tout, 42 ateliers ont été pro-posés. En vrac : l’accès à la terre,le financement participatif desinitiatives, la place des coopéra-tives dans les circuits courts, lerôle de la (grande) distribution,l’ouverture aux agriculteursconventionnels, le rôle des pou-voirs publics, la gestion de l’offre(entre déficits et excédents), les« paysages comestibles » à voca-tion pédagogique, la formationdes nouveaux producteurs, les

actions desensibilisation de lapopulation liégeoise.

CATL veut surtout aboutir à desprojets concrets. De nombreuxexistent déjà, d’autres émergentou sont dans les cartons : descantines scolaires et des restau-rants en circuit court ; des coopé-ratives de producteurs (ex: coopé-rative Point Ferme, projet LesCompagnons de la Terre…) ; unemutualisation des investisse-ments ou des infrastructures pouraccompagner les porteurs de pro-jet au sein d’une couveuse d’en-treprises (ex : Point Vert, à Strée) ;des outils pour sensibiliser et par-tager les savoirs…

« Il faut trouver ou créer lesmaillons pour que cette filièrese mette en place, pour faire

“ s y s t è m e ” .On essaie de nou-

velles choses, on innovesocialement et techniquement,en organisant aussi des conver-gences avec le monde de larecherche et de l’enseignement,pour débloquer certains nœudsqui font que l’agro-industrieoccupe encore toute la place »,explique Benoît Noël, du Grou-pement régional économiquedes vallées de l’Ourthe et del’Amblève, autre partenaire duprojet. L’objectif est de soute-nir ces alternatives, les outiller,les relier, les faire grandir. Pourque d’ici quelques années, Davidbatte Goliath. n

Source : Christophe Dubois,

CC Journal Symbioses, n° 103, 3ème

trimestre 2014, www.symbioses.be

Liège se fabrique une ceinture aliment-terre

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Page 18: Campagnes Solidaires 301

« L’idée a émergé à l’automne 2013avec un administrateur qui nous aconfié vouloir faire quelque chose

autour de l’aide alimentaire » explique Per-rine Tavernier, coordinatrice du Civam 26 (1).Elle entre en contact avec le Gesra, grou-pement des épiceries sociales et solidairesen Rhône-Alpes. « Il nous paraissait fonda-mental de s’appuyer sur des structures-relaisproches de valeurs d’éducation populaire,promouvant la participation des bénéfi-ciaires, avec un accompagnement social despersonnes », souligne Perrine. Le Gesra,association reconnue d’intérêt général,répond favorablement à la sollicitation.« Nous travaillons sur le sujet de l’agricul-ture depuis longtemps, confirme VéroniqueBouché, chargée de développement. Nouscherchions à déterminer la manière de faireentrer les fruits et légumes dans les épice-ries, alors même que les publics en préca-rité ont du mal à en consommer. »

Le Gesra et le Civam 26 définissent com-munément un projet qui permette d’ali-menter en légumes locaux et de qualité les

épiceries de la Drôme. Deux maraîchers pro-posent de mettre à disposition une petite par-tie de leur terrain. « Il n’était pas question quece soit un sacrifice pour eux, ni une charge detravail trop lourde », tient à préciser PerrineTavernier. C’est sur la base des besoins déter-minés par les épiceries et en prenant encompte les contraintes de production desagriculteurs, que sont mis en culture despommes de terre, carottes, choux et courges.En retour, dans une logique de sensibilisation,les épiceries mettent en place des ateliers par-ticipatifs et collectifs ouverts à tous. « Lesbénéficiaires viennent sur la ferme et partici-pent à des temps intéressants d’une heure etdemie environ, comme les temps de semis oude récolte en commun », illustre VéroniqueBouché. «Ce sont vraiment des activités péda-gogiques, des moments de rencontres avecl’agriculteur qui trouve là une rétribution entermes de sens et d’échanges, précise PerrineTavernier. Il n’y a aucune obligation, c’est basésur le volontariat. »

Si le bilan est en cours, Perrine Tavernieravance que plus de deux tonnes de pommes

de terres auraient été produites, 800 kg decarottes et environ une tonne de courges,avec l’appui de trois maraîchers en bio(2). Cesproduits finaux sont récupérés chez l’agri-culteur par les épiceries qui les revendentà 10 % environ du prix moyen du marché.« L’argent issu de la vente devrait permettreaux épiceries d’autofinancer leurs semencespour l’année prochaine, se réjouit PerrineTavernier. On se dirige vers un projet auto-nome, notamment vis-à-vis de la régionRhône-Alpes qui avait financé pour la pre-mière année du projet les semences, plants,engrais verts et petit matériel. » Si ladémarche pourrait à terme essaimer surd’autres départements, sa force tient en lamise en place d’un véritable réseau de soli-darité locale, riche de convivialité, de plai-sir et d’accessibilité. n

Sophie Chapelle

(1) Centre d’Initiative pour Valoriser l’Agriculture et leMilieu rural de la Drôme.(2) L’agriculture biologique n’était pas un critère pour ceprojet, mais en l’occurrence, seuls des maraîchers bio sesont portés volontaires.

Comment garantir que les paysans,notamment les petits maraîchers,puissent vivre avec des revenus décents?Une question difficile à laquelle a bienvoulu répondre Morgan Ody.

Elle s’est installée en maraîchage sur unhectare il y a maintenant deux ans,dans la commune de Brech (Morbi-

han). Morgan Ody livre une amap(1) qui com-prend une cinquantaine de familles, ainsiqu’un marché sur la commune. « L’amaps’est montée autour de mon projet en 2009et m’a accompagnée dans l’installation »,confie-t-elle. L’accompagnement se traduitsous formes diverses : chantier de plantationde haies, organisation de réunions pour déter-miner la manière dont seront fixés les prix,sensibilisation pour recruter d’autres ama-piens… Et ça marche! De trente paniers en

Circuits courts & solidarités

Accessibilité Dans la Drôme, un réseau de solidarité locale est en marcheUne nouvelle voie dans l’aide alimentaire s’est ouverte dans la Drôme ces derniers mois. Retours sur un projet co-construit parle Civam de la Drôme et le Gesra – Groupement des épiceries sociales et solidaires en Rhône-Alpes.

Solidarités Installation en maraîchage : « Le soutien de l’amap a été déterminant »

VIII \ Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014

Dossier

…/…Morgan Ody, à droite, aux côtés d'amapiens, en avril dernier.

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Page 19: Campagnes Solidaires 301

À Sarzeau, dans le Morbihan,des maraîchers ont mis en placeune coopération sur la productionet la vente.

Julien Hamon s’installe en 2007 avecson collègue sur 18 hectares en loca-tion. La ferme est composée de trois

ateliers : maraîchage, boulange et poulespondeuses. En 2008, les paysans rejoignentune organisation collective de maraîchersexistant depuis les années quatre-vingt-dix. À leur arrivée, cela fait trois fermes, dis-tantes de 20 à 25 kilomètres. Cette orga-nisation fonctionne quatre ans et fournit

quatre stands de marché à la semaine etdeux amaps. La gamme de cent légumesest divisée entre les fermes. Le pain et lesœufs sont aussi mutualisés pour une par-tie de la vente. Des outils sont partagés.« L’entrée dans cette organisation nous a per-mis de monter assez vite dans notre chiffred’affaires, dès notre installation », expliqueJulien. « La rotation des légumes entre lesfermes est également un plus agronomique.Cela nous permet aussi de nous concentrersur notre production. »

Malgré ces atouts, les trois fermes mettrontfin à leur collaboration: « L’éloignement étaitun problème au niveau logistique et il était dif-

ficile à trois de répartir équitablement leschiffres d’affaires réalisés », commente Julien.

Persuadés de l’intérêt de la démarche, lesmaraîchers de Sarzeau rebondissent sur unecoopération naissante avec de jeunes instal-lés de leur commune. « Des collègues se sontinstallés en 2010 en même temps que s’est crééun marché alimentaire sur la commune. Plutôtque de devenir concurrents, nous avons com-mencé à travailler ensemble sur le même prin-cipe que le collectif dont nous faisions partie. »

Depuis mars 2014, les deux fermes par-tagent la gamme de légumes et vendentensemble sur un marché et une amap. Larépartition est basée sur des équivalencesen terme de chiffre d’affaires et de famillesde produits. Une année sur deux, la gammede légumes change de ferme. « Cette nou-velle association est plus à taille humaine etplus locale, et nous passons beaucoup moinsde temps à la commercialisation », com-mente Julien.

L’initiative est révélatrice d’un souhaitgrandissant des maraîchers bio de trouverun équilibre entre passion du métier etbien-être au travail. De multiples exemplesexistent en France. La Fnab publie un recueild’expériences de mutualisation téléchar-geable sur : www.fnab.org. n

Danielle Broekarts,

Groupement des agriculteurs biologiques 44

Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014 / IX

Dossier

2012, Morgan est passée en 2014 à45 paniers. « Avoir un salaire versé sur toutel’année est très sécurisant. L’amap me permetégalement de gagner énormément en termesde temps de travail », souligne Morgan. Quifait le choix de compléter sa distribution surun marché « pour plus de sécurité ».

Morgan dégage en moyenne un revenu netd’environ 500 euros par mois. « Ce n’est pasle Graal et j’en suis bien consciente », appuie-t-elle. Mais le rapport entre-temps de tra-vail et revenu en maraîchage se révèle pourle moins « compliqué ». « L’amap devraitpermettre d’atteindre le Smic mais il faut

voir le nombre de paniers que cela implique,observe Morgan. Soit on augmente le prix dupanier avec le risque que cela soit trop cher :on ne va tout de même pas vendre descarottes à 5 euros le kilo ! Soit on augmentele nombre de paniers livrés, et je suis la pre-mière à ne pas vouloir fournir 80 familles: celareprésente un temps et une charge de tra-vail que je n’ai pas envie d’avoir. »

Morgan a donc décidé de miser sur lamutualisation et le troc. « Avec deux autresmaraîchers, nous réalisons des chantierschaque lundi. On se file des coups de mainet on s’échange aussi nos surplus: si quelqu’un

n’a pas de salade par exemple, on s’en-traide. » Une majorité de ses clients sontsur la commune de Brech, ce qui entraîneégalement un bel élan de solidarité. « L’an-née précédant mon installation, nous avonsmonté un groupement foncier agricole (GFA)dans lequel on retrouve beaucoup d’ama-piens ». Le GFA a permis d’acheter 19 hec-tares et un bâtiment agricole permettantl’installation d’une chevrière. Pour Morgan,c’est certain : « le réseau des amaps est effi-cace et essentiel ». n

Sophie Chapelle

(1) Association de maintien pour l’agriculture paysanne

Le local solidaireLe lien entre producteurs et consommateurs d’une même régionprend naturellement bien des formes. Ainsi les journées de solidaritéorganisées par le réseau des amaps du Pays Basque en juillet (1). Le4 juillet, de violentes intempéries ont provoqué des dégâts considé-rables. La solidarité s’est rapidement mise en œuvre, comme ici, àHalsou, chez Maritxu Irumé et Eric Amestoy, maraîchers et produc-teurs de piments. Voisins et « amapiens » étaient nombreux les 11et 14 juillet pour redresser les parcelles de piment endommagées.

(1) Réseau des associations pour le maintien de l’agriculture paysanne au Pays Basque :www.inter-amap-pays-basque.org

…/…

Exemple de rotation Ferme A Ferme B

Produits une année sur deuxsur chaque ferme : les produitsen vis-à-vis sont les produitsconsidérés comme équivalent.

• Salades• Tomates classiques• Pommes de terre nouvelles• Haricots verts• Choux• Ail/Oignons/Échalotes• Musquet et Butternut• Céleris• Carotte de conservation• Panais/Rutabaga• Mâche

• Radis• Tomates cerises et anciennes• Poivrons, Aubergines• Pomme de terre• Petits pois• Poireaux• Potimarron et Courges• Betterave• Carotte primeurs• Maïs doux• Côte de Bette

Produits qui restent sur lamême ferme pour équilibrerles chiffres d’affaires.

• Artichauts, rhubarbe, pains etœufs

• Courgette et fraises

Outils partagés Coopérer en maraîchage diversifié

Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014 / IX

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Les institutions et collectivités ontintégré le mouvement des circuitscourts, notamment dans le cadre

de la restauration collective (1). Puis lesgrandes enseignes ont commencé à s’in-téresser à l’affichage de produits locauxdans leurs étals, et aux bénéfices afférentsen termes d’image. Pour « capter descibles qui délaissent les hypermarchés, laplupart des enseignes ont repensé leursmagasins, changé leurs noms et leursassortiments » (2). Aujourd’hui, les « pro-duits locaux » ne sont plus un marché deniche (3).

Dans ce contexte, se pose la question dela pérennité des initiatives pionnières,construites sur des finalités principale-ment éthiques ou politiques, et non paspour « gagner des parts de marché ». Carsur un plan purement économique, ellesont des fragilités : d’une part, elles n’ontpas la capacité financière de leurs nou-veaux concurrents ; d’autre part, elles nesont pas forcément outillées pourrépondre à la volatilité des consomma-teurs qui peuvent être séduits par d’autres

offres jugées plus pratiques, plus com-plètes.

Sur le court terme, les circuits courtsalternatifs les plus fragiles doivent biensûr asseoir leur modèle économique, entravaillant sur la communication, les prix,les marges, la logistique ou les modes dedécision (4). Sur le plus long terme, ilspeuvent aussi jouer sur la crédibilité deleur démarche et la richesse de leursliens sociaux. Tout d’abord, en amélio-rant cette démarche commerciale et enl’expliquant mieux. D’un côté pour mar-quer leur différence sur les valeurs por-tées, et d’un autre pour répondre auxdemandes des consommateurs qui sontcompatibles avec ces valeurs. Parexemple, en ajoutant des agrumes enhiver (5), ou en partant d’emblée sur desgammes complètes, y compris non ali-mentaires (6).

Ensuite, les circuits courts alternatifspourraient gagner beaucoup à coopérerdavantage, à l’échelle de leur territoire.C’est pourquoi sur Lyon, par exemple,une vingtaine de structures se rappro-

chent pour créer un partenariat (7), quipermettrait à ses membres de mutuali-ser des activités tout en conservant leuridentité : formation des salariés, organi-sation d’événements de promotion, logis-tique, etc. L’impulsion de ce type de dyna-mique nécessite un soutien de lacollectivité. Mais l’enjeu est important,car en reliant vraiment notre agricultureet notre alimentation, les circuits courts« alternatifs » les bousculent dans le bonsens. n

François Monat,

Ardear Rhône-Alpes

(1) Exemple du Plan Barnier en 2009.(2) Stratégies Magazine n° 1542.(3) 40 % des consommateurs achètent « souvent » desproduits locaux, et 70 % le font davantage depuis 2 ans. Ilsle font pour 25 % dans les GMS soit autant qu’en ventedirecte (enquête Ipsos, février 2014).(4) C’est ce que proposait en 2014 un diagnostic conduitpar Gilles Chabanet pour des organisations lyonnaises.(5) Exemple De la ferme au quartier à Saint-Etienne(www.delafermeauquartier.org).(6) Exemple de la Super Halle d’Oullins (Rhône), SCICassociant un magasin de producteurs, une épicerie bio etun traiteur (www.lasuperhalle.fr).(7) De type « Pôle territorial de coopération économique »– voir www.lelabo-ess.org.

Comment répondre auxattaques de tous bords –parfois violentes – contrela consommationdes produits animaux quimettent en péril l’élevagede nos régions ?

Nous qui élevons nos ani-maux avec amour etattention, avons tou-

jours défendu un modèle de pro-duction qui protège l’animal etpermet à un territoire de vivre.L’occupation, l’ouverture et l’en-tretien des espaces forment unsocle fondamental de l’élevage.Sans élevage, il n’y a plus de ter-ritoires accessibles, principale-ment dans les zones dites défa-vorisées (à cause du relief, de la

nature des sols, du climat…). Lelien du sol à l’animal étant posé,une réflexion s’ouvre sur l’exis-tence et le devenir de celui-ci.

« Il n’est pas de bonneviande sans vacheheureuse »

Nos vaches, nos moutons, noscochons, sans oublier poulets etautres volatiles, élevés en liberté,sont bien les preuves vivantes dece « bonheur » animal ! Pourautant, toute vie ayant une fin,et une des composantes de l’ac-tivité agricole étant aussi éco-nomique, les animaux de nos éle-vages sont destinés à finir dansles assiettes des consommateurs.Il faut ainsi passer par une phasecritique qui est la mise à mort de

l’animal. Or, celle-ci doit être pra-tiquée dans le respect et la dignitédus à un être vivant. C’est pour-quoi, en collaboration avec l’Inraet en concertation avec d’autrespartenaires, la Confédération pay-sanne souhaite proposer aux éle-veurs – à travers un projet derecherche et développement entrain de se mettre en place – desoutils d’abattage qui permet-traient de tuer l’animal au plusprès de son lieu de vie et dans desconditions acceptables par tous.

Ces outils, qualifiés « de proxi-mité », adaptés aux particulari-tés des territoires et aux espècesconcernées, éviteraient beaucoupde souffrances autour de la mortde l’animal. Souffrance pour l’ani-mal dûe au transport sur de plus

ou moins longues distances, audéracinement, à l’attente et lapromiscuité avec d’autres espècessur les lieux d’abattage – toutcela créant un stress pouvantimpacter la qualité des viandes.Mais aussi souffrance morale del’éleveur qui, au plus proche deson animal, intériorise la souf-france endurée par celui-ci.

Un projet innovant donc pourrelocaliser, c’est-à-dire rapprocherdes élevages des unités d’abat-tage adaptées, garantissant auxconsommateurs qualités sanitaireet organoleptique des viandes. Etenfin, permettant aux éleveursd’accompagner leurs animaux jus-qu’au « noir passage ». n

Yves Pierre Malbec,

éleveur de mérinos dans le Lot

Viabilité et pérennité des circuits courts : quels enjeux, quels soutiens ?

Pérenniser les circuits courts « alternatifs »dans un contexte concurrentielLa demande sociétale pour consommer « autrement », au début des années 2000, a entraîné un renouveau des circuits courts.Dans le sillage des amaps, une multitude d’associations, de coopératives et d’entreprises ont vu le jour.

X \ Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014

Dossier

Des abattoirs innovants au plus près des fermes

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Vous soutenez avec l’élu socialisteRoland Daverdon, délégué àl’agriculture, la tenue d’un colloque enmai 2015 sur la place des produitsfermiers dans les politiques agricoles etalimentaires. En quoi la promotion descircuits courts est-elle un enjeu clé ?

C’est un enjeu de transition économiqueglobal. Nous sommes confrontés dans le

modèle agricole à une déconnexion entre éco-nomie réelle et spéculative. Rapprocher la pro-duction du consommateur, c’est remettre lamain sur l’économie réelle, et créer les condi-tions pour que la valeur ajoutée reste sur lesterritoires. Les enjeux sont aussi écologiquesface à un modèle polluant, émetteur de gazà effet de serre, coûteux en termes de lienssociaux et de vie dans les campagnes. Noussommes sur une agriculture de grande expor-tation en Champagne-Ardenne, et plutôt enretard par rapport aux défis climatiques.

De quelles manières la région soutient-elle les circuits courts ?

Les circuits courts sont un écosystème quinécessite une approche globale, de l’amontà l’aval. Nous essayons de soutenir lademande en finançant les lycées qui favo-risent la consommation de produits bio etlocaux dans leurs cantines, mais aussi la for-mation aux intendants et cuisiniers afind’encourager les changements de pratiques.Nous soutenons aussi l’offre en travaillantsur l’organisation des producteurs avec lamise en place de la SCIC Manger bio enChampagne-Ardenne. Enfin, nous travaillonsles systèmes de production en amont : mise

en place d’un répertoire des métiers etsavoir-faire, financement d’un GIEE(1), label-lisation par des systèmes de garantie parti-cipatif, en vue que l’agriculture se relocalise.

Vous êtes vous penchés sur la questiondes systèmes alimentairesterritorialisés ?

C’est discuté dans le budget 2015. Nousdemandons des diagnostics territoriaux quipermettront d’estimer ce qui est consomméet produit sur le territoire. À partir de là, lesterritoires pourront proposer des actionsafin d’accroître les circuits courts locaux.

Quels sont les écueils principaux àcette relocalisation ?

Il y a un risque de conforter le système pardes actions qui ne seraient que des effetsvitrine, permettant juste de se donner bonneconscience tout en maintenant des politiquesagricoles qui soutiennent l’agriculture indus-trielle. Le plus difficile, c’est la volonté poli-tique, la formation, la rencontre entre acteursqui ont des intérêts différents… L’enjeu estbien de changer les mentalités. n

Recueillis par Sophie Chapelle

(1) Groupement d’intérêt économique et environnemental.

Plus de 1,5 million de fermescouvrent l’Italie, dont 80 %sont des micro et petites

entreprises. C’est sur elles que sefondent un patrimoine d’unegrande richesse et la biodiversitéde la production agricole italienne.En 2009, un groupe d’associa-tions a lancé une campagne popu-laire pour soutenir ce modèled’agriculture, avec des règles dis-tinctes de celles conçues pourl’agriculture industrielle. 24 asso-ciations ont aujourd’hui rejointnotre campagne, dont ARI (Asso-ciazione rurale italiana) et AIAB (1), toutesdeux membres de la Coordination euro-péenne Via campesina. Outre la reconnais-sance de la spécificité de l’agriculture pay-sanne, nous demandons des règlesappropriées pour l’accès à la terre, les

semences paysannes, l’agroécologie, la trans-formation des produits, le marché local, lesdémarches administratives et fiscales, etles aides publiques.

En 2010, nous avons rédigé un texte quitransforme en proposition de loi le contenu

de la pétition. Trois ans plus tard,nous avons abouti à l’élabora-tion de nouvelles « Lignes direc-trices pour une loi sur l’agricul-ture paysanne » que nous avonsprésentées au Parlement le10 octobre 2013 (cf. photo).Notre proposition a même étédiscutée cette année au sein ducomité italien de l’Année inter-nationale de l’agriculture familialeet paysanne. Trois textes de loisont été préparés par des parle-mentaires et seront débattus dansles prochains mois. Nous ne man-

querons pas de suivre ces travaux afin quesoit approuvée une loi cohérente avec nospropositions. n

Roberto Schellino, ARI

(1) AIAB est une grande organisation de producteurs biolo-giques en Italie.

Champagne-Ardenne Des élus mobilisés en faveurde la relocalisation de l’agriculturePatricia Andriot, élue écologiste, est en charge de l’économie sociale et solidaire au conseil régional de Champagne-Ardenne.Elle précise la politique mise en œuvre par la région pour encourager les circuits courts.

Italie Bientôt une loi sur l’agriculture paysanne ?

Dossier

Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014 / XI

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Produits fermiers, vente directe, circuitscourts… Mais aussi : produits de maferme, marché paysan, produits duterroir… Le vocabulaire ne manque paspour désigner des productions appeléesà répondre à une demande sociétaleforte pour des produits de qualité et deproximité, mais qui cache en réalité desérieuses disparités.

Quoi de commun entre les fromagesfermiers issus de la production lai-tière de mes 80 brebis, et la crème

« fermière » vendue dans les grandes etmoyennes surfaces et sur les marchés de larégion par un agri-manager de la plaine deCaen, dont les 400 vaches ne pourront jamaisassouvir leur besoin naturel du pâturage?

L’abandon en 2005 du projet de décret fer-mier initialement prévu dans la loi d’orien-tation agricole de 1999, a confirmé le videjuridique autour des mentions valorisantesque sont « produit fermier » ou « produitde ma ferme », participant par là-même àleur récupération par l’agriculture non pay-sanne, par les chambres d’agriculture, laFnsea et l’industrie agro-alimentaire.

Aussi, chacun comprendra l’importance duprésent dossier de Campagnes solidaires : laConf’, ce n’est pas que ça, mais les produitsfermiers et la vente directe sont indisso-ciables de son projet d’agriculture paysanne.

Face au syndicat majoritaire qui, via sonréseau « Bienvenue à la ferme » et un cahierdes charges souple, entend bien se passerde tout autre label, face également à cer-tains conseils régionaux qui veulent déve-lopper leur propre marque (« Sud de France »,« Sud-Ouest »), sans trop de contraintes làaussi, la Confédération paysanne doit êtreimpliquée sur tous les fronts, afin d’obtenirune définition (législation) des produits fer-miers, qu’elle soit nationale (loi d’aveniragricole) ou européenne (règlement qualité).

L’enjeu de cette mobilisation revêt d’autantplus d’importance que de nombreux jeunes,notamment non issus du milieu agricole,confrontés aux difficultés de l’accès au fon-cier, développent des projets de valorisationde leur production par la transformation etla commercialisation la plus directe possible.

Notre rôle, essentiel, est de préserver ces« vrais » producteurs fermiers, créateursde lien social, pratiquant le plus souvent uneagriculture biologique et paysanne sur de

petites fermes, parfois collectivement, desappétits sans fin de ceux qui, non contentsde cumuler le foncier, les droits à produireet les primes Pac, se verraient bien aujour-d’hui profiter de la plus-value fermière.

Mais les chantiers ne s’arrêtent pas là :outre cette indispensable reconnaissance, ilnous faut aussi obtenir une adaptation desnormes d’hygiène pour les fermes et ateliersfermiers impliqués dans les circuits courts.

Nous devons également poursuivre nosréflexions sur le maintien et la réimplanta-

tion d’abattoirs de proximité, ainsi que surla création d’abattoirs mobiles ou à la ferme,outils indispensables au développement dela vente directe et des circuits courts.

Enfin, la Confédération paysanne doitobtenir la création d’un véritable office fer-mier transversal à l’ensemble des filières,dont le rôle serait de proposer des poli-tiques adaptées et spécifiques à la produc-tion fermière. n

Patrick Hamelin,

paysan dans le Calvados

Produits fermiers Du développement enchanté à la vigilance

XII \ Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014

Dossier

Commission Relocalisation : défendre les producteurs fermiersLe travail de la commission Relocalisation a été relancé à l’occasion des rencontres européennesSEADS (Espagne-Autriche-France) sur les circuits courts en 2011 et 2012. Cette commission,qui rassemble des Confédérations paysannes départementales et des associations, a pour objec-tif premier la défense des producteurs fermiers. Aujourd’hui, plusieurs travaux sont en cours :la reconnaissance de la production fermière dans les instances politiques, la mise en œuvred’une réglementation adaptée par les services vétérinaires et des fraudes dans tous les dépar-tements et le développement de politiques territoriales favorables à une relocalisation desproductions alimentaires.En 2013, nous avons coordonné 4 réunions inter-régionales sur les alternatives à l’abattageindustriel. Le résultat est la base du livre coordonné par Jocelyne Porcher, directrice derecherche à l’Inra de Montpellier, « Livre Blanc pour une mort digne des animaux » (cf. p. 17).Ce travail de réflexion est en train de prendre corps sur les territoires au travers d’un projet« partenariat innovation » intitulé : « Abattoirs de proximité et respect de l’animal. Recon-quérir les territoires et les esprits ». Ce projet sera conduit par la Fadear (1) et rassemblera l’en-semble des acteurs économiques des filières viandes – éleveurs, gestionnaires d’abattoirs, bou-chers, consommateurs.Enfin, le prochain temps fort de la commission est l’organisation d’un colloque européen dansle cadre de la campagne « Envie de paysans ! » Cet événement aura lieu les 4 et 5 mars 2015en Haute-Marne. Il sera l’occasion de débattre et de proposer à une échelle européenne desoutils nécessaires au développement des produits fermiers sur les territoires, ainsi que desfermes les produisant. Nous souhaitons qu’à l’issue du colloque, les participants rentrent avecdes pistes d’actions permettant de développer et de pérenniser les productions fermières surleur territoire.

Jean-Jacques Bailly, paysan en Haute-Marne

NB : toute nouvelle personne est la bienvenue dans la commission Relocalisation. Contact : [email protected]

(1) Fédération associative pour le développement de l’emploi agricole et rural.

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Points de vue

Le 28 mars 2011, le Parlement euro-péen votait massivement contre laréglementation sur les nouveaux ali-

ments qui devait permettre l’introductionsur le territoire de l’Union européenne dela viande clonée et des nanotechnologies.Trois ans de travail des lobbies de l’agro-alimentaire balayés par un vote. Les grandesmultinationales ont décidé de se retrous-ser les manches et de repartir à l’attaque.

La Commission européenne s’est remiseau travail. Suivant le vieux principe du« diviser pour mieux régner », elle a décidéde séparer le dossier du clonage, considérécomme hypersensible, de celui des nano-technologies. Fin décembre 2013, elle arendu public sa nouvelle proposition de« Règlement relatif aux nouveaux ali-ments ». L’ambition est d’aboutir à la miseen place d’une réglementation européenneavant la fin de l’année 2015 permettantl’utilisation des nanotechnologies dans l’ali-mentation. Cela pourrait aller très vite : dèsfévrier, le Parlement pourrait avoir à voteren plénière le Règlement proposé par laCommission.

Les lobbies de la planète se retrouvent àla manœuvre. L’Ilsi, qui regroupe les 400plus grandes entreprises de l’agro-industrie,a créé un groupe de travail qui sur sa paged’accueil a bien du mal à cacher son enthou-siasme : « Il y a un potentiel énorme pour lesnanotechnologies pour créer de nouveauxmatériaux et de nouveaux composés dans denombreux domaines. »

Le 7 octobre dernier, Marta Baffigo,employée par Cargill, parlait au Parlementeuropéen au nom de Food and Drink Europe,lobby de l’agro-alimentaire européen. Cesexigences étaient simples : accélérer le pro-cessus d’autorisation des nanotechnolo-gies, le simplifier et le raccourcir, afin depermettre un meilleur retour sur investis-sement.

Le 6 avril 2011, soit une semaine aprèsle rejet du texte par le Parlement, l’Efsa,l’agence de sécurité sanitaire de l’Unioneuropéenne, reconnaissait ne pas disposerdes moyens scientifiques et humains pourévaluer la toxicité des nanotechnologies. Laréponse de la Commission a été des plussimples : on s’en passera. L’Efsa ne pourrapas réaliser d’études toxicologiques et devra

se contenter, comme elle lefait depuis sa création, d’uti-liser les données fourniespar l’entreprise demandantl’agrément de son produit.Par ailleurs, elle sera tenuede ne pas divulguer cesrésultats. L’opacité seradonc totale.

Arrivé à ce stade, unequestion se pose : mais àquoi servent les nano-technologies dans notreassiette? Un exemple: cer-taines entreprises versentdu dioxyde de titane dansle lait pour que le blancdes yaourts soit plusblanc et, selon un rap-port récent des Amis dela Terre États-Unis, plusde 80 produits alimen-taires contiennent déjàdes nanomatériaux. Onvoit là la mêmemanœuvre que pour lesOGM ou autres poulesaux œufs d’or : beaucoupde profits en vue, aucun scrupule à pas-ser outre le temps nécessaire pour étudierl’impact de ses nouveaux produits, pour-tant si peu indispensables. Dans ces condi-tions, peu étonnant que la Food and DrugAdministration, l’équivalent de l’Efsa auxUSA, ait sorti en juin 2014 des codes de

conduite non contraignants à l’usage desentreprises.

De là à voir dans ces efforts de part etd’autre de l’Atlantique une action concer-tée pour faciliter la signature de l’Accordde libre-échange Tafta, il n’y a qu’un pas.Que je franchis allègrement. n

Des nanos pour le Tafta ?Dès les premiers mois de 2015, l’utilisation des nanomatériauxdans notre alimentation pourrait être facilitée. Europe et États-Unispoussent en ce sens, de part et d’autre de l’Atlantique. Coïncidence ? Par José Bové, eurodéputé.

Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014 / 11

Extension du domaine des nanosLes nanomatériaux sont vraiment tout petits : moins d’un nanomètre de diamètre, soit unmillionième de millimètre. Si petits qu’ils peuvent traverser les parois de nos cellules.Petits, mais partout. En agriculture, on peut les retrouver dans l’encapsulage d’engrais, permettantde ne libérer les matières actives qu’au-delà d’une certaine température. Ou dans des pesti-cides afin de ne déclencher la matière active qu’à partir d’un certain degré d’humidité. Les firmessont pleines d’espoirs dans leurs travaux sur les emballages alimentaires qui, en tirant sur unelanguette, réchaufferaient ce qu’ils contiennent, ou sur des produits qui, vaporisés, permet-traient de ralentir le flétrissement des fruits sur les étalages des grandes surfaces…Si la molécule de dioxyde de titane est déjà dans notre alimentation, c’est parce qu’elle estconsidérée comme un colorant, le E171. Elle a un rôle très utile à notre société : elle rend lesbonbons plus brillants et permet à certains chewing-gums de blanchir les dents…Peu d’études ont été menées sur le sujet, et encore moins d’études indépendantes. Cepen-dant, quelques scientifiques alertent l’opinion estimant qu’il ne faut surtout pas aller tropvite avec les nanomatériaux et prendre tout le temps nécessaire pour faire les études indis-pensables. Mais le temps, pour les firmes, c’est de l’argent.Un site pour en savoir plus : http://veillenanos.fr

Invisibles à l’œil nu, les nanomatériaux laissent parfoisdeviner leur présence par les accroches publicitaires, tels ces alimentsaux « saveurs inédites »… Philosophe et journaliste d’investigation,auteur d’enquêtes s’intéressant tout particulièrement à la santé, à l’en-vironnement et au lobbying industriel, Roger Lenglet s’est penché sur lesujet. Éditions Actes Sud, mars 2014, 240 pages, 22 euros

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Isabelle Boucard s’est installéeau printemps 2013 comme productrice

de viande bovine en vente directe,à Treize-Septiers, en Vendée.

Son installation a été facilitée parune transmission progressive

et un réseau local dynamique.

Issue du milieu agricole, Isabelle s’esttout d’abord orientée vers des études decommunication et vers l’animation péda-

gogique avec des enfants.Mais l’envie de se rapprocher de la nature

et de donner plus de sens à son travail estplus forte, et elle entame en 2007 un BPREA« Polyculture-élevage biologique » près deRennes. La réalisation du diplôme en alter-nance lui permet d’être embauchée par legroupement d’employeurs pour l’insertionet la qualification (GEIQ) « Entraide rurale »et d’être ainsi salariée dans plusieurs fermesen temps partagé. La formule lui permetde multiplier les expériences profession-nelles afin de peaufiner son propre projetd’installation.

Le choix d’une installation en viandebovine s’impose rapidement. Au-delà del’aspect non négligeable de la souplesse dutravail qui lui permet de le concilier avecsa vie de famille, Isabelle voit dans cette pro-duction la possibilité de mettre plus faci-lement en place un système herbager éco-nome et respectueux de l’environnement.

Anticiper les changementsAprès quelques mois de voyage, elle s’ins-

crit au répertoire départ-installation enLoire-Atlantique. Une extension derecherche vers les départements voisins luipermet de trouver la ferme qui correspondà ses attentes. « Celle de Jean-Michel Cham-pain était idéalement située, explique-t-elle,dans un village dynamique, avec plusieurspaysans et un magasin de producteurs àquelques mètres de la ferme. Pour quelqu’undont la vente directe était au cœur du projet,c’était parfait ! » Le stage de parrainagedébute en juillet 2012. Dès cette époque,des changements importants sont enta-més : changement de race, développementde la vente directe… « Jean-Michel s’est ren-seigné sur la viabilité et la cohérence de monprojet, le fait de changer de race, de s’orien-ter vers la vente directe alors qu’il était en cir-cuit long, de passer en bio… Il avait une réelle

envie de transmettre et que le projet perdure.Une fois cette étape passée, il a respecté meschoix, m’a accompagnée de son mieux dans latransmission de son outil de travail, en accep-tant de le voir progressivement se transformer. »

Isabelle s’installe le 1er avril 2013. Ellerachète le cheptel bovin, les bâtiments etle matériel. Aujourd’hui, la majorité desterres sont en prairies. Elles permettent àla nouvelle paysanne, avec les dix hectaresde mélange céréalier qu’elle produit, d’avoirune autonomie fourragère, de la naissanceà l’engraissement.

Le magasin de producteurs de la Gouri-nière, créé en 2007, est issu de la longuetradition de vente directe dans le village.« Nous accueillons environ 170 clients parsemaine et quand on vous parle de relocali-sation de l’économie, ici ce ne sont pas desparoles en l’air : 90 % de nos clients habitentà moins de cinq kilomètres ! »

Les quatre fermes du village y vendent leursproduits: volailles de plein air, porc, légumeset viande bovine. 20 à 25 autres paysans desenvirons livrent le magasin, le tout complétépar un rayon d’épicerie. Ce qui permet auxclients de trouver de tout, du moins tout cequi se mange! Il est ouvert quatre demi-journées par semaine, géré en coresponsa-bilité par les quatre fermes de Treize-Septiers.

Le magasin a permis à Isabelle de déve-lopper très rapidement l’aspect vente directede son projet, en commercialisant dès la pre-mière année la moitié de ses animaux.Aujourd’hui, il représente environ deuxtiers de ses ventes, complétées par le« Comptoir du Champ », à Montbert (Loire-

Atlantique) (1) et par trois amaps de l’ag-glomération nantaise (2).

« Les échanges de créneaux horaires pour lemagasin, les chantiers moissons en communou les coups de main ponctuels sont de miseau village, comme dans beaucoup d’autres oùl’on a encore la chance d’avoir des voisins quifont le même métier que soi. Mais de manièreplus formelle, il est important d’intégrer desorganisations professionnelles telles que lesCuma, les Civam ou les syndicats, pour ren-contrer ses pairs, échanger sur ses pratiques,bénéficier d’une veille politique… » : Isabellea beau être paysanne à titre individuel, sontravail et son projet s’inscrivent bel et biendans une dynamique collective. n

Lili Robert, animatrice

de la Confédération paysanne de Vendée

(1) www.comptoirduchamp.com(2) Nantes est à une cinquantaine de kilomètres de Treize-Septiers.

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Vendée Une installation individuelle, mais pas sans les autres !

Quelques chiffresn SAU : 57 hectares.n Productions végétales :• 47 hectares de prairies ;• 10 hectares de mélange céréalier (blé,pois, féverole, triticale).n Productions animales :• troupeau de Limousines ;• 40 vaches allaitantes ;• 10 bœufs et 25 à 30 veaux par an.n Un emploi.n Aides a l’installation :• DJA : 12 500 euros ;• prêts bonifiés MTS/JA : 250 000 euros ;• aide à la conversion bio : 6 000 euros.

Agriculture paysanne

Isabelle Boucard sur la ferme où elle s’est installée en avril 2013.

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« Votre projet n’est pas viable. » Voilàce qu’entendent Gilles et Annie Sau-zion à la chambre d’agriculture, lors

de leur installation en 1999. Il faut direqu’alors, ils projettent seulement dereprendre les 25 hectares du père de Gilles,en céréales, vaches allaitantes, pommes deterre et foin.

Avant 1999, Gilles et Annie n’étaient pasdans l’agriculture. Gilles avait certes passéun brevet technique agricole et, depuistout petit, il donnait des coups de main surl’exploitation familiale pour les foins ou lapaille, mais il travaillait dans le tourismeet Annie faisait des petits boulots (recen-sement agricole…).

« Je commençais à m’ennuyer dans le tou-risme. Quand mon père a pris sa retraite, çaa été un déclic. On s’est lancé ! » raconteGilles. Et Annie de préciser : « Pour nousil n’était pas envisageable de faire une agri-culture autre que biologique. » Les Gaec entreépoux n’étant pas encore permis, ce seraune exploitation individuelle, avec Annie

comme salariée. Une installation sans lesaides.

Les Sauzion ne font pas de pain tout desuite. Le foin est vendu en petites bottes àdes éleveurs. Les céréales sont vendues àla coopérative et à des éleveurs bio du coin.Pour faire de la valeur ajoutée, ils produi-sent de la fleur sèche coupée, à la mode àl’époque, avec vente en gros.

En 2002, le point de vente collectif Uni-ferme, près de chez eux, cherche un pay-san-boulanger. « C’est ce qui nous a permisde nous lancer dans le pain. On a pu investir,dans un four, un fournil, un moulin… Sans ça,on ne se voyait pas faire les marchés. »

Deux nouveaux métiersLes Sauzion découvrent alors deux nou-

veaux métiers « sur le tas » : la meunerie etla boulangerie.

Ils s’équipent d’un bon moulin à pierre (engranit) fabriqué par des paysans boulangerspassionnés, dans le Tarn. « L’écrasement dugrain est très lent, ce qui fait qu’on peut gar-

der le germe du blé, cela évite la surchauffe »,explique Gilles, qui apprécie la « musique »de son moulin tournant toute la journée.

Pour le pain, ils se forment chez deux bou-langers, un traditionnel du coin et un amidu Sud-Ouest. Ils créent leur propre recetteen s’inspirant des deux autres. « La premièresemaine, on a tâtonné. Le levain ne prenait pasbien » se remémore Annie.

Dès lors, l’exploitation se spécialise dansles céréales. Finies les bottes, le foin estvendu sur pied.

Aujourd’hui, la ferme rassemble 60hectares,dont 45 labourables sur lesquels Gilles a ins-tauré une rotation sur trois ou quatre ans:blé, seigle ou triticale, trèfle (sous couvert).

Le trèfle est parfois fauché et échangéavec des éleveurs contre du fumier com-posté. Il est parfois moissonné pour être res-semé. Mais la plupart du temps, il sertd’engrais vert pour le blé qui suivra. « Leblé semé derrière un trèfle est plus beau, il ya moins besoin de désherber » explique Gilles.

Avec une moyenne de 38 quintaux à l’hec-tare, l’agriculteur ne cherche pas tellementle rendement. « Mon objectif, c’est de limi-ter les intrants et d’avoir assez de seigle et deblé pour fabriquer notre pain. » Gilles estégalement un adepte de la semence deferme et fait parfois du triage à façon pourdes collègues. « J’ai aujourd’hui mon propremélange de semences, dont une part en varié-tés de pays, que j’ai sélectionné et qui s’estbien adapté à mon terroir. »

En 2008, après des années passées à selever très tôt (démarrage du fournil à 3h30),Gilles et Annie ont fêté la fin du rembour-sement du prêt du fournil en embauchantFranck. Véritable boulanger de métier,celui-ci travaille tous les matins, du mer-credi au samedi, et un week-end sur deux.

Cela permet aussi à Gilles et Annie deprendre dix jours de vacances l’été, unesemaine au printemps, et des grands week-ends de temps en temps.

Le couple va maintenant réaménager l’es-pace de stockage de grain, peu pratique avecle passage de la route départementale àproximité immédiate. Et ils commencentà réfléchir doucement à la transmission,après avoir entendu pendant quinze ans queleur projet n’allait pas tenir. Pas viable,comme projet ? Il y a pire. n

Samuel Richard,

animateur de la Confédération paysanne du Rhône

Rhône C’était viable !Gilles et Annie Sauzion sont paysans au Sud de Lyon, céréaliers-meuniers-boulangers. Une affaire qui tourne bien avec l’emploid’un boulanger salarié, malgré les avis officiels négatifs à leur installation, il y a quinze ans.

Agriculture paysanne

Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014 / 13

Quelques chiffres• 60 hectares en fermage, assez regroupés : 14,5 hectares de prairies et 45,5 hectares de terres.• Moisson par une entreprise, foin vendu sur pied.• 30 tonnes de blé et 7 tonnes de seigle transformées par an, 5 fournées de pain par semaine,du mercredi au dimanche.• Vente locale, dont 91 % au point de vente collectif Uniferme (une permanence/semaine),4 % de vente de céréales en gros (Coopérative agricole dauphinoise, CAD).• Aides Pac : 13 390 euros, dont 6 691 euros de primes bio, 8 548 euros de DPU (50,78 DPUd’en moyenne 168 euros) – CA : 132 000 euros – Prélèvement privé : 2 000 euros par mois.

Il y a six ans, Gilles et Annie ont embauché Franck (à gauche) comme boulanger, pour une « meilleure qua-lité de vie ».

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Internationales

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Durant trois années passées à travailleravec un groupe de caféiculteurscolombiens, Jules Hermelin, étudianten anthropologie, a souvent entenducette phrase : « Le commerce équitable,ça n’existe pas… » Il tented’en comprendre la signification.

La coopérative de producteurs de cafébiologique Cachimbos est créée en1996, dans les montagnes pré-andines

colombiennes du Cauca, au sud de Cali.Deux organismes, l’agence allemande dedéveloppement GTZ et la Fédération natio-nale des caféiculteurs colombiens (FNCC),en sont à l’origine. Pendant sept ans, legroupe de producteurs reçoit des aidesnationales et internationales. En 2003, ildevient complètement indépendant finan-cièrement. Au sortir d’une longue crise dumarché du café (2000-2004), il profite deson expérience dans l’agriculture bio pouradhérer aux principes du commerce équi-table. Si une partie des membres continuede produire du café biologique, tous doi-vent désormais répondre aux cahiers descharges de la FLO (1).

Le café équitable est payé pluscher… à la coopérative

Selon les normes de la FLO, l’acheteur decafé équitable doit payer la matière premièreau-dessus du cours international. Le prix-plancher est d’1,60 dollar US par livre.Green Moutain Coffee Roaster, l’unique client

« équitable »(2) de Cachimbos, achète le caféen fonction du cours de la bourse de NewYork, auquel il ajoute systématiquement0,65 dollar US par livre. Dans le contratenvoyé à la coopérative, il assure que le prixne descendra pas au-dessous de 2,25 dol-lars par kilo.

Avec cet argent, la coopérative doit cou-vrir les frais d’exportations (emmagasi-nage, tri et transport jusqu’au port), sescoûts de fonctionnement généraux et, biensûr, acheter le café à ses producteurs. Aufinal, le prix reversé à ces derniers n’est passi différent du marché courant. La coopé-rative leur octroie une prime immédiate de5 000 pesos colombiens (COP) par arroba– unité de mesure équivalente à 12,5 kg –ainsi qu’une prime proportionnelle au totalde leurs ventes sur l’année.

Payer la qualité du café, unepratique courante en Colombie

Concrètement, un producteur moyenvend entre 30 et 50 arrobas par an à lacoopérative. Et pour les paysans du Cauca,5000 COP représentent un aller-retour àla ville la plus proche (30 minutes de tra-jets) et un kilo de viande rouge.

On présente souvent le commerce équi-table comme le sauveur potentiel des petitspaysans pauvres. Mais en Colombie, celafait plus d’un demi-siècle que les caféicul-

teurs livrant du bon café sont payés au-des-sus du prix courant.

Dans le village où j’ai passé plusieursmois, la Fédération nationale des caféicul-teurs et les nombreux acheteurs privéspayaient eux aussi au-dessus du cours offi-ciel selon les qualités gustatives et envi-ronnementales du café. Depuis de longuesdécennies, la FNCC possède un barème tari-faire en fonction de la qualité que sontvenus étoffés les accords avec Rainforest etNespresso AAA. Quant à eux, les acheteursprivés sont des intermédiaires spécialisésdans la commercialisation de café de hautequalité. Dans ce cas, la majoration peutalors atteindre 30000 pesos au-dessus ducours officiel.

L’acheteur domine toujoursla relation commerciale

Quand cette année, Cachimbos a essayéde vendre plus de quatre conteneurs decinq tonnes de café chacun à Green Mou-tain Coffee Roaster, elle s’est faite polimentrabrouer. Le torréfacteur étasunien s’ap-provisionne aussi auprès des autresgrandes coopératives de producteurs dela région, pour laquelle il est le seul opé-rateur en label équitable, position de forces’il en est.

Avant d’exporter la totalité de la récolte,la coopérative doit envoyer un échan-

Colombie L’impossible commerce équitable

Encore une crise l’an dernierEn février 2013, une grève de plusieurssemaines a paralysé les régions caféièresde Colombie. Menacés par la baisse ducours du café, couplée à des forts tauxd’endettement et des coûts de productionélevés, les caféiculteurs se sont fortementmobilisés pour réclamer au gouvernementque les dettes soient annulées et que baissele prix des intrants industriels.En tant que coopérative, Cachimbos estrestée à l’écart. Certes, quelques produc-teurs ont participé aux manifestations etdes membres de la direction se sont impli-qués dans les assemblées et les groupes dediscussion qui entourèrent et suivirent lamobilisation. Mais la coopérative ne s’estpas impliquée en tant que collectif dans lerapport de force qui opposait les caféicul-teurs au gouvernement et aux dirigeantsde la Fédération nationale des caféicul-teurs colombiens.

En quinze années de présence dans le Cauca, au sud de la Colombie, les coopératives de producteurs conti-nuent d’exporter une matière première à faible ajoutée, restant majoritairement dépendantes du marchéinternational.

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tillon représentatif, à partirduquel les techniciens deGreen Moutain réalisent uneévaluation de la qualité. Si lerésultat ne correspond pas aubarème établi par le torré-facteur, la commande peutparfaitement être annulée oule prix d’achat réévalué.Unique acheteur de café équi-table de Cachimbos, c’est luiqui rédige les contrats com-merciaux, et la coopérativen’a d’autres choix que de seplier à ses conditions. Et auvu de la supériorité duvolume de production desautres coopératives, le poidsde Cachimbos est très faibleau moment de négocier lescontrats, sa capacité de négo-ciation vis-à-vis de son ache-teur extrêmement réduite.

Les normes de production :la peur d’être exclu de la nichemarchande

Un des effets préoccupants des certifica-tions bio et équitables au sein de la coopé-rative est la rupture qui s’instaure entre lessimples membres et les dirigeants. Lescaféiculteurs savent qu’en cas de non-conformité de leur ferme lors d’une ins-pection, ils sont susceptibles d’être sanc-tionnés ou même exclus. Lorsque lesingénieurs de la coopérative visitent leurexploitation, ils leur disent ce qu’ils veu-lent entendre et leur montrent ce qu’ils veu-lent voir.

Alors même que les « ingénieurs » sontdes paysans formés récemment au contrôleet au suivi des fermes, une scission s’opère.Les producteurs vivent le respect desnormes comme l’imposition de mécanismes

de contrôle de leur travail. Ils mentent,détournent la vérité et refusent d’appliquerla traçabilité à la lettre parce qu’ils ne veu-lent pas risquer l’exclusion.

Une monocultured’exportation peut-elle être« verte et équitable » ?

Il ne faut pas tirer de conclusions géné-rales à partir d’un seul cas particulier, nifustiger le commerce équitable dans sonensemble sur la seule base de l’expé-rience de Cachimbos. Cependant,quelques points mériteraient uneréflexion au sein du mouvement du com-merce équitable.

En quinze années de présence dans cetterégion de la Colombie, les coopératives deproducteurs continuent d’exporter unematière première à faible ajoutée, restant

strictement dépendantes du marché inter-national.

Les quelques rares séances ponctuellesde sensibilisation à l’agroécologie ne suf-fisent pas à stopper l’accélération de laspécialisation agricole enclenchée par lacaféiculture colombienne vingt ans aupa-ravant. La grande majorité des caféicul-teurs de Cachimbos, même en bio ouéquitable, pratique la monoculture ducafé et ne possède que très peu de cul-tures vivrières.

Les paysans consacrent leur temps et leurénergie au développement de stratégies demaintien au sein du commerce internatio-nal, au détriment de l’action politique. Làréside peut-être l’enseignement majeur dece constat amer : « le commerce ne peut pasêtre équitable ». Tant qu’ils seront dépen-dants d’un marché d’exportation largementaux mains de géants de l’agroalimentaire,ils ne pourront dégager de marge demanœuvre suffisante pour véritablementdiscuter de l’organisation de la filière et,donc, de leur production. n

Jules Hermelin

(1) Fairtrade Label Organisation – Organisation fondée en1997, regroupant 28 organisations dont Max HavelaarFrance.(2) « Green Moutain Coffee Roaster répond au cahier descharges de FT USA. En 2011, FT USA s’est séparé de FLOinternational. Néanmoins, pour les organisations de pro-ducteurs, le cahier des charges reste similaire. (site FTUSA).

Les torréfacteurs ont pris les rênes de la filièreLe café vendu par les caféiculteurs colombiens est un café dit « pergaminé ». Les exportateurséliminent les impuretés et la fine pellicule qui enveloppe chaque graine. Les torréfacteurs achè-tent ce café « vert » (parfois après qu’il soit passé entre plusieurs mains), le toastent, le mou-lent et l’empaquettent.Huit négociants internationaux et cinq torréfacteurs se partagent plus de 50 % du marchémondial. À la bourse de New York, 15 000 ou 20 000 kg fictifs, de « cafés futurs », sont échan-gés pour un kilo de café qui transite véritablement. La prédation se double aujourd’hui d’ins-truments et de mécanismes de contrôle du risque-prix que tous les acteurs de la filière met-tent en œuvre. Depuis la fin, en 1989, du Pacte des Quotas qui réglait l’offre et la demandeinternationale, le marché a connu une libéralisation généralisée qui s’est traduite par unaccroissement du pouvoir des torréfacteurs.

Campagnes solidaires • N° 301 décembre 2014 / 15

Cultivateur de café colombien : La grande majorité des caféiculteurs de Cachimbos, même en bio ou équitable, pratique lamonoculture du café et ne possède que très peu de cultures vivrières.

Internationales

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Portugal« Envie de paysans ! » en Europe

Le 23 novembre, plus de 1 500 paysans de la CNA (Confederacio national daagricultura), syndicat agricole portugais membre la Coordination européenneVia campesina (ECVC), se sont réunis près de Porto autour de la Pac et del’agriculture familiale lors d’un séminaire inscrit dans la campagne « Enviede paysans ! »L’objectif de ce séminaire : informer et de clarifier les nouvelles mesures dela politique agricole européenne réformée et leurs implications directes surl’agriculture familiale.Deux représentantes du comité national de la Confédération paysanne étaientprésentes (Marie-Pierre Calmels et Véronique Léon). Deux autres membres d’ECVCqui relaient également la campagne « Envie de paysans ! » dans leur proprepays étaient de la partie : ARI (syndicat agricole italien) et EHNE (syndicat agri-cole basque), apportant ainsi un témoignage sur les implications directes decette nouvelle Pac dans différents pays européens.

Franche-Comté Envie de sols vivants !

Salle comble le 7 novembre à Valdahon,dans le Doubs, pour la conférence de Claudeet Lydia Bourguignon. Agronomes, le couplede chercheurs est toujours passionnant àentendre lorsqu’il parle de la vie et de la bio-diversité des sols. La conférence était orga-nisée par la Confédération paysanne duDoubs, dans le cadre de la campagne « Enviede paysans ! »

#

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A

Pays BasqueLurrama, la « ferme PaysBasque » est paysannePlus de 20 000 visiteurs du 14 au 16 novembre à Biar-ritz pour Lurrama, la grande manifestation annuelle del’agriculture paysanne du Pays Basque qui, cette année,pour sa neuvième édition Accueillait la campagne « Enviede paysans ! »Tous les publics ont convergé vers Lurrama, des scolaires(photos) aux citadins, en passant par les jeunes en for-mation agricole et les 840 convives du banquet dudimanche. La foule, les animaux, c’est comme au Salonde l’Agriculture à Paris, sauf que ce n’est pas le mêmetype d’agriculture qui s’y présente… L’événement conduitcette année sous le thème « Sauvons l’agriculture pay-sanne et familiale » avait pour parrain l’agronome Valen-tin Beauval, paysan confédéré (à la retraite) en Pays-de-Loire, et pour invités les paysans des confédérations deSavoie.

Pas de bonne bouffe sans paysans !

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Culture

Pour une mort digne des animaux

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J’autorise l’établissement teneur de mon compte à effectuer sur ce dernier les prélèvementscorrespondant à mon abonnement. En cas de litige, je pourrai en faire suspendre l’exécutionpar simple demande à l’établissement teneur de mon compte.Sauf ordre contraire ce virement est d’une durée illimitée.

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Ou avec le bulletin d’abonnement à retourner sous enveloppe timbrée avec votre chèqueà l’ordre de Campagnes solidaires au 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET

Tél. : 0143628282 – [email protected] informations contenues dans la présente demande ne seront utilisées que pour les seules nécessités de gestion et pourront donner lieu à l’exercice du droit individuel

d’accès aux informations dans les conditions prévues par la délibération N° 80 du 1/4/80 de la CNIL.

Mensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

Ou avec le mandat de prélèvements sepa ci-dessousà retourner en y joignant un relevé bancaire (RlB) ou postal (RIP)

au 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET

S’abonner à Campagnes solidaires, c’est participer à l’émergence d’« autres mondes possibles »

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N° 301

Ou sur le site de la Confédération paysanne : www.confederationpaysanne.fr

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Association bénéficiaire : Média pays – Numéro national d’émetteur : FR96ZZZ492109

Paru le mois dernier, Le livre blanc pourune mort digne des animaux repose surles résultats d’une enquête collec-

tive menée en 2013 auprès de 66 éleveursde toute la France, dont des adhérents dela Confédération paysanne. Ils témoignentde leur volonté d’assumer la mort de leursanimaux.

Ces éleveurs, souvent en circuits courts,revendiquent le droit « d’accompagner »leurs bêtes, jusqu’au bout. Leur travail ne selimite pas à nourrir, à soigner mais bien àvivre avec elles, chaque jour, de la nais-sance… à la mort.

Pour les auteurs – Jocelyne Porcher (INRA),Élisabeth Lécrivain (INRA), Nathalie Sava-lois (UMR (1)) et Sébastien Mouret (UMR) –,il y a urgence à défendre l’élevage. Etdéfendre l’élevage, c’est d’abord défendredes alternatives à l’industrialisation de l’agri-culture : « Le processus d’industrialisationde l’élevage opéré à partir du XIXe siècle avecl’objectif de “nourrir le monde” a effecti-vement permis un accès plus facile à l’ali-

mentation dans les pays occidentaux, maisil a participé à détruire l’agriculture paysannedans de nombreux pays. »

Plusieurs rapports d’expertise, dont un dela FAO publié en 2006, accusent l’élevaged’être responsable de l’effet de serre et del’accélération de la déforestation. Les médiasont abondamment repris ces critiques, eny ajoutant la question de la souffrance ani-male… sans jamais différencier les produc-tions animales et l’élevage.

Dans ce livre, les auteurs parlent d’éleveurset leur laissent la parole. Les témoignagessont divers mais disent tous la nécessité « demettre en place des alternatives aux abat-toirs industriels » pour que l’élevage pay-san perdure et conserve son sens. « Lemoment de leur mort, que nous décidonsseul, doit être organisé de manière respec-table et digne, pour eux et pour nous ». n

Olivier Bel,

Éleveur dans les Hautes-Alpes

(1) Unité mixte de recherche « Innovation et développe-ment dans l’agriculture et l’agroalimentaire ».

Livre blanc pour une mort digne des ani-maux, ouvrage collectif, préface de la phi-losophe Élisabeth de Fontenay, Les éditionsdu Palais, 23 x 21 cm, octobre 2014,110 pages, disponible en librairie, ou à com-mander auprès de la Confédération pay-sanne (18 euros, frais d’envoi inclus) :[email protected]

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Emploi - stages - formation

Offres• Finistère - Ferme lait bio cherchestagiaire motivé - 06 8722 02 61- Aude - L’Association pour le déve-loppement de l’emploi agricole etrural (Adear) recherche un(e) res-ponsable administratif-compta -Gestion des taches administrativesde l’association et animation de for-mations compta-gestion - Diplômede niveau Bac + 2 (BTS, DUT…)minimum type gestion d’entreprise,comptabilité/gestion, une expérienceen comptabilité et fiscalité agricoleserait un plus - Permis B. Véhiculedisponible - CDI - Temps partiel de24 heures hebdomadaire évoluablevers un temps plein en fonction desfinancements - Basé à Limoux avecdéplacements occasionnels - Salairebrut en fonction de l’expérience(montants définis par la conventioncollective de la Confédération pay-sanne de 23500 euros brut/an) - Apourvoir fin janvier 2015, réponseavant le 31 décembre - CV et lettrede motivation à : adear.11@free. frDemandes• Toutes régions - Étudiant en BPREAmaraîchage bio jusqu’en juin 2015,je suis d’ores et déjà à la recherched’un emploi a compter de cette date,en tant qu’ouvrier agricole ou autre- L’idéal serait d’acquérir une expé-rience de 3 ans avant de me lanceren tant qu’exploitant agricole (jecherche d’ailleurs des terres) - Jesuis ouvert à toutes sortes de pro-position, sur l’Aveyron où je résideou ailleurs - [email protected]

• Toutes régions - Je recherche desemplois saisonniers en maraîchage(de la production au conditionne-ment/vente) ou en production frui-tière (récoltes, taille), ou encore engîte/ferme-auberge (tous travauxpendant périodes d’affluence) - J’aide l’expérience dans ces domainesparticulièrement en maraîchage -Motivation : j’ai un projet d’instal-lation ou d’association en agricul-ture bio ou/et gestion de gîte d’étape- [email protected]• Toutes régions - Pas tout neufmais motivé, 55 ans, exp paysanne(élevage et salariale cultures), adroitet débrouillard en travaux d’atelier,cherche emploi chez paysan-ne, for-mule entraide + activité perso (agri-cole ou mécanique) envisagée, ousalarié groupement d’employeursou assoc nature - Possibilité d’ha-bitat, même à rénover, apprécié -0677931296

Association - installationtransmission

Offre• Tarn-et-Garonne - Exploitationmaraîchère à vendre : 3,20 ha,2,67 ha de terres cultivées dont0,2 ha de raison de table - Groupé- Conversion AB en cours (terminéeen mars 2015) - Bâtiment d’ex-ploitation multifonctionnel (280 m2)en bon état, avec chambre froide -Serres opérationnelles (x2) : totalde 960 m2 pour la production delégumes - Maison d’habitationhabitable de suite (150 m2) - Ces-sion de l’ensemble en vente uni-quement: 240000 € - 0670306803- [email protected]

• Pyrénées-Atlantiques - Ferme àtransmettre 26 ha: 8 ha de terre cul-tivable, 35a de vigne, 4 ha de boistaillis, 13,5 ha de prairie - Les terressont groupées autour des bâtiments- Habitation de 150 m2 sur deuxniveaux - Accolée à la maison ontrouve une grange d’environ 180 m2

au sol avec un fenil à l’étage. Ungîte de groupe de 300 m2 environest adapté aux personnes à mobi-lité réduite (34 couchages) - ABDEA,0559 30 28 36• Bourgogne, limite Centre - Agri-culteur offre gratuitement corps deferme, avec 2 ha et un logement,pour élevage ou maraîchage, étudietoute proposition - 0632076973 -0386454381• Deux-Sèvres - Cherche associé-épour transmission - Départ retraite1/1/2017 - Gaec à trois sur 143 haen fermage, avec 100 VA, 80 JB,3500 couples de pigeons, 30 ha decéréales pour autoconsommation,10 ha de mais, 4 ha de luzerne+ 20 ha -Possibilité de parrainage -0678600753 - [email protected]• Deux-Sèvres - Ferme horticolecherche repreneur - Exploitationactuelle : 800 m2 serres en verre, 4tunnels de 400 m2, tout en ventedirecte. - Possibilité de poursuivrela production, de faire du maraî-chage, de la production desemences, sur 4 ha - Parrainage ouformule progressive souhaitée (arrêtde l’exploitant fin 2015 puis de saconjointe fin 2017) - Possibilité delogement à louer à proximité - Touteproposition étudiée - 0549065299- [email protected]• Vosges - Ferme à céder d’ici 2-3ans pour départ retraite - Actuel-lement élevage ovin lait, avec transf.yaourts et fromages de brebis enAB - [email protected] 25 34 22• Creuse (Bas-Berry) - Ferme d’éle-vage à reprendre : 73 ha dont 40 %de prairies naturelles avec bon par-cellaire - Deux blocs distants de

1500 m - Vastes bâtiments d’ex-ploitation: 2 hangars à fourrage et3 stabulations libres plus bâtimentstraditionnels en bon état - Maisond’habitation traditionnelle 100 m2

avec chauffage central bois, grenieret jardin potager - Libre à partir dejanvier 2015 (à confirmer) - Pas dematériel ni troupeau à reprendre,donc toute liberté pour bâtir desprojets - Le propriétaire est un GFAfamilial - Les sept sociétaires sou-haitent vendre 370 K€ - Projet agri-culture paysanne autonome exigé,si besoin avec plusieurs porteurs,montage à discuter - Environnementencore préservé, développementlocal à bâtir - 06 69 03 61 90 - [email protected]• Cantal (Sud) - A vendre, ferme enAB, 400 m d’alt., implantée sur8,6 ha mécanisables et d’un seultenant - Possibilité de reprendre laproduction actuelle de cochons pleinair avec transformation et ventedirecte (réseau commercial bienétabli) - Maison d’habitation aucœur de la ferme (140 m2, totale-ment rénovée en 2011, 3 ch) - Bâti-ments agricoles : une grange amé-nagée pour stockage du grain etproduction d’aliment de ferme pourles animaux, cellier et atelier, unbâtiment neuf polyvalent (2014) enbois de 240 m2, un ancien bâtimentpolyvalent, 100 m2, actuellementaménagé en maternité, un garageet un hangar en tôle, commode pourtravaux de bois de chauffage - Vueimmense et splendide -0471466879 ou 0632889841• Morbihan - Ferme à céder d’ici unà trois ans, pour raison de santé -Vaches laitières + céréales, 120 ha- Ferme opérationnelle - A Ploerdut- 06 86 95 57 65 - gilbert. [email protected]• Morbihan - Ferme à reprendre d’iciun an: porcs et lait à égalité, 100 ha,bâtiments et maison d’habitation.Reprenable en l’état, prête à fonc-tionner - Au Croisty - 0297516444- [email protected]

• Morbihan - Ferme à reprendre d’iciun an - Porcs naisseurs engraisseurs+ Bovins viande (en GAEC), 90 ha(dont 50 en propriété) - A Plumeliau- 0297518727• Morbihan - Ferme à céder - 26 ha(ferme laitière système herbager)+ bâti + maison d’habitation + lon-gère à rénover - Ouvert à toute pro-position - A Quistinic - 0297517258ou 0634077064• Doubs - Recherche des partenairespour une exploitation collective demaraîchage en traction asine etd’élevage ovin, en plus des petitsfruits, des vergers, des chèvres, despoules et des ruches - Projet militant,écolo - Nous recherchons des per-sonnes expérimentées qui ont envied’aller au champ (1 km) en vélo -2,5 ha labourable, tunnels froids+ pâtures, vergers et bois - Habitatcollectif sur place - 0381841250 [email protected]• Mayenne - Gaec avec 3 associésrecherche candidat(e) polyvalent(e)(compétences en lait et suivi de cul-tures) pour préparer un départ enretraite de l’un des associés - Fermede 42 ha en production laitière(270000 l en conversion bio) et unatelier maraîchage bio diversifié envente directe (1 ha en plein champet 1500 m2 sous serre) - A 20 km deLaval - Période de salariat possibleavant installation - 0243696318 [email protected]• Loire-Atlantique - A céder fermefaitière en bio dans le Nord du dépar-tement - 40 ha et 212000 l - Sys-tème herbager - Parcellaire groupéet site fonctionnel - Tout le matérielest en cuma - Atelier de transfor-mation en fromage sur le site - Lescédants possèdent un gîte qui pour-rait être cédé à la reprise selon lesprojets - Ouverts à tout type de pro-jets et de production qui permet-tent une ou plusieurs installations(possibilité d’association si souhaité)- soizic. gueguen. [email protected](référence 44.029)• Loire-Atlantique - 7 ha de terresà vendre dans le Nord-Est du dépar-tement - Actuellement en prairies,à vendre avec des dépendances(hangar 400 m², granges 200 m²)et la maison (71 m², 2 ch) - Siteadaptable à toutes productionspossible sur cette surface - soizic. gueguen. [email protected](référence 44.061)• Aude - AV ferme bio en pleine acti-vité: maraîchage (1,5 ha) + pom-miers (2,5 ha) - maison 180 m2 BE -Bâti agricole (200 m2) - Un seultenant, irrigable (rivière) + un hec-tare de prairie [email protected]• Ardèche (Sud) - Cherche succes-seur cause départ à la retraite fin2015 - A reprendre : 5,5 ha devignes bio en coopérative, 50 porcstransformés et vente en magasinde producteurs - 0475366823• Côtes-d’Armor - Cherche repre-neurs pour ferme laitière en biodepuis 18 ans, avec 75 ha et 35vaches races rustiques, terre grou-pées, système herbager, autono-mie alimentaire - Transformationd’une partie du lait en fromagetypés (gruyère, tomme et pâtemolle), réseau de vente en place -Étudions toutes propositions, capi-taux limités, transmission pro-gressive en CPI ou salariat, projetpour couple possible, maison indé-pendante sur place - 0630350222

• Saône et Loire (Sud) - Vends bâti-ments agricoles (miellerie et ate-lier de transfo 100 m2 rénovés en2011, hangar clos, grange) et mai-son attenante sur 7000 m2 de ter-rain - Présence d’une source captée,prairie tout autour - Possibilité pour-suite activité apicole ou autre créa-tion (petits fruits, transfo, accueil…)- amap à proximité – 0678923775• Loire (Sud) - En zone de montagne,Gaec à 4 associés, 63 ha, vaches(35) et chèvres (18) laitières, en AB,fromages vendus en direct - Nousrecherchons 2 personnes suite audépart de 2 d'entre nous - Compé-tences souhaitées : transf. froma-gère ou élevage, polyvalence - Faiblecapital à reprendre, période transi-toire souhaitée, secteur dynamique- [email protected] -0477391146 - 0477397709Demandes• Bretagne - Nous sommes 2 por-teuses de projet, actuellement enactivité en production caprine avectransformation à Belle-Ile - Notrebail se termine début 2016 et noussouhaiterions nous installer pro-chainement sur le continent - Noussommes à la recherche d’une fermecomprenant un bâtiment d’élevage,un hangar à fourrage et au moinsune maison d’habitation - Pour êtreautonome dans cette production, ilnous faut environ 25 ha de foncier.Notre zone géographique derecherche : Sud Morbihan, Ille-et-Vilaine (région de Redon) et le Finis-tère-Sud - Morgane: 0625173139ou Emmanuelle : 06 49 47 09 54• Toutes régions - JH 24 ans, trèsmotivé avec plusieurs projets,recherche sur l’ensemble de laFrance une ferme à transmettreavec un élevage ovin ou caprinet/ou avec des parcelles de forêt -Je peux expliquer mon projet partéléphone au : 06 26 15 55 75• Moitié sud de la France - Jeunecouple, formé et expérimenté,cherche une maison avec au moinsun hectare irrigable, en location,location-vente ou vente à terme,pour s’installer en maraîchage,plantes aromatiques et médicinaleset petit élevage - Étudie toutes pro-positions - [email protected] 0475081110 - 0640420016

Animaux - Matériel

• Pays-de-Loire/Afrique - Recherchepour le Togo tracteur MF OCC 16516P 275 + moteur Perkins AD4203pour 158 MF - Pour formation agri-cole - Arcade 44 - 06 16 67 36 45• Franche-Comté - Pour installa-tion en février 2015, cherche trac-teur maraîchage (15000 euros max)et serres tunnel largeur 5 mètres -0601838101

Divers

• Yonne - Paysan, retraité fin 2014,dispo pour aide bénévole chez éle-veuse - Région et situation indiffé-rentes - 03 86 45 43 81 -0632076973• Aude - Paysanne depuis 6 ansdans ferme brebis viande bio, porcplein air et petite basse-cour, pro-pose logement contre coup de mainà la ferme - Idéal pour retraité oucouple retraités, ou ancien berger,ou couple souhaitant se tester avantinstallation - 40 minutes de Nar-bonne - Possibilité de création ate-liers petit élevage (lapins, pou-lets,…) - 04 68 46 25 [email protected]

Dystopia, vers le livreVous avez été nombreux à apprécier le projet Dystopia, présenté –très partiellement – en dossier dans notre numéro de l’été dernier.C’est pourquoi nous publions cet appel amical des auteurs :« Depuis un an et demi, nous travaillons à un projet sur l’agricultureindustrielle qui associe deux écritures : les mots sont un miroir de laréalité telle que nous la percevons, fragmentée, éparse, au fil de l’ac-tualité. Les images sont de l’ordre de la prédiction : voilà demain, si…

Si rien ne change dans l’orientation actuelle de l’agriculture.Rémi Fraisse a été tué par les forces de l’ordre le 25 octobre parce qu’il contestait le projet de bar-rage de Sivens dans le Tarn.À Amiens, en première instance, des opposants à l’usine des 1 000 vaches ont été condamnés.L’agriculture industrielle, intensive et d’exportation est défendue avec acharnement par tous ceuxqui refusent de voir ce qu’ils ont sous les yeux.Notre projet s’appelle Dystopia. La production a été rendue possible par un financement partici-patif. Reste la post-production, c’est-à-dire en particulier un livre qui doit être édité aux éditionsLe bec en l’air à Marseille.Nous avons besoin de votre aide pour boucler le budget et assurer la parution prévue en février 2015.En achetant dès maintenant cet ouvrage à un prix préférentiel et en diffusant cet appel dans vosréseaux, vous nous aiderez à porter ce débat sur la place publique : quelle agriculture et quelle ali-mentation pour demain ?Merci d’avance. »

Alexa Brunet, photographe, membre du collectif Transit et Patrick Herman, journaliste presse écrite

Le livre au tarif de 25 € (au lieu de 28 € prix public), frais de port offerts pour la France métro-politaine.Règlement par chèque à l’ordre de : Le Bec en l’airLe Bec en l’Air – 41, rue Jobin – Friche la Belle de Mai – 13003 MarseilleRenseignements : [email protected]

AnnoncesLes petites annonces sont payantes, sauf celles qui concernentl’emploi, les recherches et propositions d’installation, et touteautre demande à but non lucratif.Tarif : 8,5 € les six lignes + 1,5 € par ligne supplémentaire (30 caractères par ligne).Pour les tarifs publicitaires, contacter :Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLETTél. : 0143628282

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L’agro-industrie veut enterrerl’agriculture paysanne. À Orléans,le 20 novembre, les paysans ontcélébré un enterrementsymbolique de leur agricultureafin de dénoncer la mascaraded’Open agrifood, grande opérationde com orchestrée ce jour-là parXavier Beulin, sur ses terres.

Mélanger les contraires,brouiller les pistes, mentirtellement pour qu’à la fin on

ne sache plus reconnaître le vrai dufaux… Avec un nom incompréhensiblemais branché, Open Agrifood poursuitbien ce but : enfumer.

Ce 20 novembre, à Orléans, XavierBeulin, agriculteur local et présidentde la Fnsea, a vu grand : dans lethéâtre de la ville, toute la journée etcelle du lendemain, des débats etateliers animaient un événement ausous-titre des plus ronflant – « Foruminternational de l’agriculture, del’alimentation et de la distributionresponsables » – et au sloganravageur et ambitieux, parlant de« révolution agricole et alimentaire ».

En bon libéral, le patron deSofiproteol a quand même assuré sesarrières en récoltant 250 000 euros desubventions publiques pour garantiravec ses partenaires (Leclerc, Cargillet Mac Donald, entre autres) le succèsde son coup médiatique.

21 organisations citoyennes – dontla Confédération paysanne – ne s’ysont pas trompées et sont venuesdénoncer une opération lourdementdommageable pour l’intelligence etl’intérêt collectifs.

Avec infiniment moins de moyens,et sans subvention, elles ont invité lapopulation orléanaise à un apérodevant le théâtre d’Open Agrifood,afin de discuter des vraies attentes dela société pour l’agriculture dedemain. Et célébrer ce qu’estvéritablement l’objectif de ce grandsalon de l’enfumage : l’enterrement del’agriculture paysanne !

« À une époque de supercherieuniverselle, dire la vérité est un acterévolutionnaire », écrivait GeorgeOrwell dans son roman 1984,annonciateur de notre époque et desa confusion au service des piresdérives. Comme quoi, de révolution,ou plutôt de révolte, il était donc belet bien question. n

BDPhotos : Olivier Tétard

Le salon de l’enfumage

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