cahiers expérimentations - mieux réhabiliter en site occupé

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Mieux réhabiliter en site occupé REX TOUL Auteur Paul KALCK - ARESSLI Rédaction - Mise en page Christophe PERROCHEAU - Dac Communication Photos Paul KALCK Eric BERNATH et Louise HARVEY Plan Construction et Architecture - Chantier 2000 - Mars 1998 Directeur de la publication Olivier PIRON Directeurs de rédaction Guy GARCIN et Hervé TRANCART Communication Ellen OUAZAN Arche de la Défense 92055 PARIS LA DÉFENSE Cedex 04 Tél : 01 40 81 24 33 - Fax : 01 40 81 23 82

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Page 1: Cahiers expérimentations - Mieux réhabiliter en site occupé

Mieux réhabiliter en site occupé

REX TOUL

AuteurPaul KALCK - ARESSLI

Rédaction - Mise en pageChristophe PERROCHEAU - Dac CommunicationPhotosPaul KALCKEric BERNATH et Louise HARVEY

Plan Construction et Architecture - Chantier 2000 - Mars 1998Directeur de la publicationOlivier PIRONDirecteurs de rédactionGuy GARCIN et Hervé TRANCARTCommunicationEllen OUAZANArche de la Défense92055 PARIS LA DÉFENSE Cedex 04Tél : 01 40 81 24 33 - Fax : 01 40 81 23 82

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Sommaire

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FICHE TECHNIQUE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 3

SYNTHÈSE DE L’ÉVALUATION. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 4La recherche d’une plus grande flexibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 4Vers des solutions renforçant l’organisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 5En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 7

PROTOCOLE D’EXPÉRIMENTATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 8Les objectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 9La problématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 9

DÉROULEMENT DE LA DÉMARCHE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 12Une formation-action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 12L’analyse des événements de chantier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 14

Effets sur la qualification de l’encadrement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 17

ÉVALUATION DE LA DÉMARCHE - PERSPECTIVES. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 21Relier toutes les dimensions de la réhabilitation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 21

Le rôle central du maître d’ouvrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 22

Le maître d’oeuvre comme médiateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 23

Le rôle de l’entreprise pilote . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 23

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Fiche technique :REX TOUL

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RÉSUMÉ DE L’EXPÉRIMENTATIONLe projet vise une meilleure maîtrise de la variabilité des travaux et des relations avec les locataires sur unimportant chantier de réhabilitation en sites occupés. Il a conduit à la création d’une base de donnéespermettant :- d’assurer la collecte et la diffusion des informations nécessaires à la réalisation des travaux, soit 1038rendez-vous avec les locataires et 1384 courriers, 346 prestations à adapter en fonction de l’état deslogements.- d’établir des fiches de travaux par entreprise et par logement qui ont servi de programme de travail et debilan.- de classer les événements mentionnés par les ouvriers pour en effectuer collectivement l’analyse dans unobjectif d’amélioration de l’exécution..

OPÉRATION SUPPORTL’opération de Toul (Meurthe et Moselle) concerne la réhabilitation de 346 logements répartis dans 15bâtiments. Le chantier se déroule sur 24 mois à partir de Septembre 1996..

PARTENAIRES DE L’EXPÉRIMENTATION

Maître d’ouvrageOPHLM de la ville de Toul

Maîtrise d’œuvreCabinet Contat-Bouillon

EntreprisesSAEE RamelliSN Paquin, électricitéBainville, plomberieBrique et Cie, peinture

Contributions extérieuresEric MOURIES, étudiant MIAGE Nancy IIprogrammation de l’interface micro-ordinateur-terminaux portables; rédactiond’un manuel d’utilisation de l’applicationMorgan JACQ et Marie-Pierre FRASCHINI, étudiantes en DESS de sociologierédaction de l’enquête de satisfaction auprès des locatairesSylvie NARDI, Phonem Communicationréalisation du carnet du locataire

ContactGilles DUPONT ou Daniel VOINOT - SAEE RAMELLIBP 9054140 JARVILLETél : 03 83 51 14 25 - Fax : 03 83 53 25 03

ÉVALUATION DE L’EXPÉRIMENTATIONPaul KALCK - ARESSLI37, rue Rotonde13001 MARSEILLETél : 04 91 13 28 28 - Fax : 04 91 13 28 80

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Engagée sur un grand chantier de réhabilitation ensites occupés, l’expérimentation allie deux objec-tifs qui peuvent paraître antinomiques :- renforcer les moyens de communication et decontrôle pendant les travaux ;- modifier l’organisation du travail.C’est sans doute le refus de choisir a priori entrel’une et l’autre de ces voies qui a conduit lespartenaires à mettre en œuvre une démarche derecherche-action qui prévoit d’élaborer denouvelles réponses au fur et à mesure que seconfirment les engagements initiaux. C’étaitadmettre par avance que les deux axes de travaildéfinis initialement pouvaient connaître undéveloppement inégal. De fait ceux-ci reposentsur deux logiques : une logique d’organisationvisant à réduire les incertitudes relatives à la réali-sation d’un chantier et une logique d’innovationvisant à trouver de nouvelles ressources d’efficaci-té. L’affrontement entre ces deux logiques estfréquent, que ce soit dans l’exercice de responsa-bilités d’encadrement d’un acteur ou dans lesrapports entre acteurs au sein de l’entreprise.L’entreprise SAEE Ramelli, qui a assumé la respon-sabilité de ce projet, a joué un grand rôle dans lescompromis qui se sont instaurés par rapport auxobjectifs initiaux. Cela tient pour partie au conduc-teur de travaux et à sa situation dans l’entreprise.Responsable du chantier et pilote de l’expérimen-tation, il a dû concilier un travail d’apprentissage -c’était son premier chantier - et un travail dedéviance, puisque ce chantier devait permettre detester de nouvelles solutions. Un conducteurexpérimenté aurait sans doute rencontré moinsde difficultés à faire admettre une organisation dutravail différente dès le démarrage du chantier. Il seserait peut-être aussi moins investi dans la mise aupoint d’une application informatique permettantune meilleure gestion technique des travaux,moins intéressé au renouvellement des pratiquesde management des ouvriers.

LA RECHERCHE D’UNEPLUS GRANDE FLEXIBI-LITÉDans un premier temps, craignant l’abandon desobjectifs de modification de l’organisation dutravail, l’équipe de suivi a décidé d’analyser lesécarts au projet. En définitive, ce travail l’a conduit

moins à alerter les acteurs sur d’éventuelsdérapages ou déviances par rapport au projetqu’à montrer ce qui n’avait pas été suffisammentanalysé ou prévu au départ. On ne peut amenerdes entreprises à modifier leur domaine d’inter-vention et à engager leur personnel à prendre encharge de nouveaux travaux avec pour seul motifd’hypothétiques progrès dans le respect desconditions de vie des locataires. La mise enévidence de gains de productivité, et l’existencede perspectives qui dépassent l’horizon duchantier, doivent nécessairement légitimer detelles mesures.

Des engagements difficiles à tenir

Il s’agissait de mettre en place une organisationplus souple, mieux adaptée à la réhabilitation ensites occupés afin d’éviter les écueils traditionnels :trop d’entreprises différentes, trop d’ouvriers etd’allées et venues dans les appartements, tropd’interruptions et de délais entre les travaux effec-tués dans un même logement. La solution retenueconsistait à travailler avec un nombre restreintd’entreprises en leur garantissant une charge detravail qui justifiait leur présence permanente surle chantier, à éviter l’intérim pour constituer uneéquipe unique de réhabilitation, à réduire lenombre d’ouvriers intervenant dans les apparte-ments. En conséquence, les quatre entreprises surlesquelles s’appuyait l’essentiel de l’opérationdevaient exécuter des travaux en marge de leurmétier ou céder une part de leur marché.L’élargissement des domaines d’intervention desouvriers devait réduire les problèmes d’interfacesentre les travaux, favoriser le développement d’unesprit d’équipe et permettre d’aller vers uneprestation globale.Ces engagements n’ont été que partiellementtenus. Le menu des travaux, qui résultait dudiagnostic des logements et des possibilités definancement du maître d’ouvrage, et la répartitiondes marchés entre les entreprises, n’ont paspermis d’assurer au plombier et au peintre unecharge de travail suffisante. Ces deux entreprisesn’ont donc pu être présentes en permanence sur lechantier. L’élargissement des tâches a surtoutconcerné l’entreprise pilote qui souhaitait affirmersa compétence dans les travaux de réhabilitationet se garantir d’un bon déroulement de chantier.Au début des travaux, l’engagement de stabilitédes équipes n’a pas toujours été respecté. Il a fallu

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Synthèse de l’évaluation

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constater les dysfonctionnements consécutifs àl’instabilité des équipes pour que les entreprisesrenoncent aux missions courtes d’intérim pour laréalisation de travaux dans les logements.

L’abandon de la recherche de flexi-bilité par la polyvalence ouvrière

Conçu dans l’hypothèse d’une coactivité forte àl’intérieur des logements, le projet initial dedéveloppement de la polyvalence des ouvrierss’est révélé en décalage avec le menu des travauxdécidé par le maître d’ouvrage. Ce menu neprévoyait qu’une intervention limitée dans lesappartements et la nature des travaux et posaitpeu de problèmes d’interfaces. S’agissant seule-ment de répondre à la variabilité des travaux etdes charges de travail à l’intérieur des apparte-ments, il était plus aisé de pratiquer une forme deflexibilité courante dans le bâtiment : renforcerprovisoirement les équipes ou, à l’inverse,suspendre l’intervention de tel ou tel corps d’état surle chantier.Le projet initial de flexibilité par la polyvalence desouvriers n’avait pas fait l’objet de réflexionséconomique et technique préalables. En l’absenced’évaluation des effets sur la productivité, larecherche de flexibilité est apparue, comme uneexpérience risquée. S’agissant de ménager leconfort des locataires, les contrepartiessemblaient incertaines : le confort des locatairesen serait-il substantiellement amélioré ? Qui sesoucierait de l’évaluer ?Aucune perspective de diversification n’encoura-geait les entreprises de second oeuvre à s’engagerdans des travaux hors de leur champ de compé-tences traditionnel. Le projet n’avait pas anticipésur les conditions techniques de mise en oeuvred’une organisation du travail flexible (élargisse-ment ou transfert provisoire de tâches) :problèmes de facturation et de responsabilité parrapport au maître d’ouvrage, modalités concrètes del’organisation séquentielle en réhabilitation.Compte tenu des responsabilités financières, leconducteur, à l’image de ses collègues, étaitconduit à mettre en balance la productivité duchantier d’une part, et le confort et la satisfaction dulocataire d’autre part. Faute d’avoir démontré enquoi la flexibilité permettait de réaliser des écono-mies, l’ambition du projet ne pouvait que céder auschéma classique : bien-être et satisfaction deshabitants, riverains ou locataires versus productivi-

té et résultats financiers du chantier (les ouvriersfaisant pour leur part observer au conducteur detravaux qu’en cédant aux «caprices» d’un locataire,il nuise à l’ordonnancement du chantier, à saproductivité sans aucune gratitude de la part dulocataire).L’avancement du chantier et le respect desattentes des locataires s’avérant relativementcompatibles avec l’organisation et la division dutravail instaurée au départ, la recherche de flexibi-lité est rapidement apparue superflue. En consé-quence, le programme de formation du personnela été amputé de la partie qui concernait le renfor-cement de la polyvalence technique.L’abandon de cette perspective n’a ému, ni lemaître d’ouvrage au moins aussi soucieux de laqualité des travaux que du confort des locataires, niles autres responsables de l’entreprise à l’originedu projet. Cela a conduit l’équipe de suivi à s’inter-roger sur la cohésion et la détermination ducollectif engagé dans l’expérimentation.L’existence de ce collectif, son engagement sur lesobjectifs énoncés dans un protocole d’expérimen-tation, ne vont pas de soi, même si l’on se canton-ne à observer le jeu des acteurs au sein de laseule entreprise-pilote.Chaque acteur vise à atteindre ses propres objec-tifs, sans toujours prendre en considération lesengagements et contraintes des autres. Le serviceétude tend à considérer l’innovation comme unargument commercial. Au travers de l’étude deprix, il édicte en effet ses propres normes, sansintégrer véritablement les objectifs financiers quis’imposeront au service travaux. La structurationen services tend ainsi à instaurer une séparation,un hiatus entre gestion de projet et production. Ilappartient souvent au conducteur de travauxd’user de sa marge d’autonomie pour effectuer lescompromis indispensables à la réussite destravaux.

VERS DES SOLUTIONSRENFORCANT L’ORGA-NISATIONRenoncer à introduire dès le départ des modifica-tions dans l’organisation du travail ne signifiait pasabandonner toute perspective d’innovation. Ainsi,l’atteinte des objectifs montrait un réel besoind’instruments de pilotage et d’évaluation, sans

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lesquels la recherche d’une plus grande flexibilitéparait a posteriori illusoire.Le projet prévoyait de mieux assurer la collecte,l’organisation et la transmission d’informationsentre le conducteur de travaux, le personnel desentreprises et les locataires afin d’optimiser lefonctionnement du chantier. En réhabilitation, lacharge de gestion d’informations, qui repose sur leconducteur de travaux, est en effet importante. Ildoit ajuster le menu global des travaux au casparticulier de chaque logement et en préciser lesconditions d’exécution, gérer les rendez-vous avecles locataires. Il doit transmettre ces informationsaux équipes, s’assurer du respect des consignes. Ila besoin de connaître dans le détail le degréd’achèvement et la qualité des travaux de chaquelogement pour rendre compte au maître d’ouvra-ge et au maître d’oeuvre et ajuster le planning etl’affectation des équipes.

Un support pour faciliter la circula-tion des informations sur le chan-tier

L’élaboration d’une fiche technique de travaux parlogement et par entreprise devait doter leconducteur d’un instrument de pilotage fin répon-dant à la multiplicité des consignes et descontrôles. L’oubli d’une tâche, un défaut de qualité,un rendez-vous manqué, obligent en effet àdéclencher une procédure coûteuse en temps :prendre contact avec le locataire, convenir d’unrendez-vous, répercuter ce changement sur leplanning, prévenir l’entreprise, faire exécuter lestravaux, contrôler. Compte tenu du nombre delogements à réhabiliter, le coût de ces «accrocs»peut devenir important. Chaque ouvrier doit doncconnaître le lieu et la durée de son intervention,les dispositions prises pour lui permettre d’accé-der à l’appartement, la nature des travaux et lesvérifications nécessaires pour s’assurer de la quali-té du travail.

Le recours à desmoyens informatiques

Sans recours à des moyens informatiques, lescontraintes imposées par la mise à jour des fichestechniques et les limites de leur utilisation auraientsans doute amené leur abandon. La mise au pointd’une application informatique a permis de créerautomatiquement ces fiches à partir des informa-

tions collectées lors des prévisites des logements,puis de saisir les informations correspondant àl’exécution des travaux par les ouvriers.Cette base de données s’est révélée être unsupport efficace de communication : la saisie destravaux et consignes lors des prévisites évite toutedéperdition d’informations; les problèmes dequalité sont immédiatement signalés dans lesfiches techniques par l’ajout de points de contrôleassociés aux tâches; des courriers sont envoyéspour confirmer les rendez-vous ou informer leslocataires; l’OPHLM est régulièrement averti destravaux à entreprendre par son service d’entre-tien.

L’esquisse d’un outild’évaluation permanent

Au-delà de la vision quotidienne de l’état d’avan-cement des travaux qu’elle procure, la base dedonnées permet à tout moment de lister lestâches à venir, et d’observer l’avancement et ledegré de dispersion des équipes. La suppression,et à l’inverse la création de nouveaux points decontrôle, retracent le déroulement du chantier ; ilsrévélent l’assimilation de certaines consignes oul’émergence de nouvelles préoccupations. Cetoutil n’est pas figé. Des rubriques, correspondant àl’émergence de nouveaux besoins, ont été créées encours d’opération : par exemple, les temps demanutention consacrés par les ouvriers à déplacerles meubles dans les logements ont été mesurés. Ils’agissait d’évaluer leur incidence sur la productivi-té du chantier et d’apprécier l’efficacité des dispo-sitions prises pour que les locataires participentdavantage à la préparation de leur logement.

Une démarche qualité riche d’im-plications sur le travail des ouvriers

Mobilisés pour la saisie des données relatives àl’exécution des travaux, les ouvriers ne se conten-tent pas de restituer des informations à l’encadre-ment. Ils partagent les informations leur permet-tant de participer à l’élaboration de mesuresdestinées à améliorer la performance du chantier. Defait, le conducteur de travaux était ouvert à l’idéeselon laquelle leur implication dans l’analyse desdonnées et la recherche de solutions à desproblèmes d’exécution pouvaient accroître l’effica-cité du processus de production.Ainsi, l’applicationpeut être comprise comme un instrument au

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service d’une démarche qualité fondée sur lerecueil, l’analyse et le traitement des événementsdu chantier. Cette dimension a permis de renoueravec les perspectives de réorganisation du travailque le projet d’expérimentation n’avait pas bien sutraiter.L’attention por tée au déroulement duchantier a conduit à élargir la mission decer tains ouvriers par le biais de transfer ts detâches. Les menuisiers ont ainsi assuré lasécurité des branchements électriques des

convecteurs (ceux fixés sur les portes-fenêtres)qu’ils étaient chargés de démonter. De même,les façadiers ont procédé au nettoyage et auremontage des volets afin d’éviter aux menui-siers une nouvelle intervention.Toutefois, l’apport majeur de la démarche sesitue dans l’accès à une perception plus large dela mission des ouvriers : gestion des relationsavec les locataires, développement d’uneapproche produit-service, participation à l’ana-lyse du travail et à la recherche collective desolutions, etc. Une action de formation desouvriers, intégrant initiation à l’informatique etdémarche qualité, a soutenu activement ladémarche d’analyse des événements et derecherche de solutions aux problèmes.

EN CONCLUSION

Les objectifs fixés - produire des fiches techniquesde travaux par logement et corps d’état commeprogramme de travail pour les ouvriers et desupport de communication et de contrôle avec leconducteur de travaux - ont été largementatteints. L’acquisition d’un logiciel de gestion debase de données a largement contribué au succèsde la démarche et à ses prolongements. En effet,

l’application informatique n’a pasuniquement servi de vecteur à unecommunication efficace : elle estdevenue la mémoire du chantier.Cette mémoire est sollicitée lorsde la préparation des réunions dechantier, et des réunions entre leconducteur de travaux et lesouvriers. Les conducteurs detravaux de l’entreprise pilote sontfortement intéressés par lesperspectives d’exploitation d’un teloutil afin de mieux appréhender lescaractéristiques et les difficultés dela conduite de travaux en réhabilita-tion.Conçue comme une recherche-action, cette opération ne peut êtreseulement évaluée en référence auxobjectifs du protocole d’expérimen-tation. Elle a suscité chez les parte-naires une prise de conscience desrelations étroites entre les phasesde préparation et l’exécution. Elle apermis à l’entreprise pilote de

s’approprier la démarche, si bien qu’elle entrevoitmieux son rôle dans la conception et la conduited’une expérimentation. De même, l’opération apermis à l’équipe de suivi d’ouvrir des pistes deréflexion en matière de conduite du changementdans une organisation. Ce changement s’est eneffet opéré là où personne ne l’attendait, autre-ment dit dans l’application d’une mesure apparem-ment peu ambitieuse et dont on pouvait craindrequ’elle renforce le contrôle au détriment de l’initia-tive, de l’imagination et du dialogue.Les effets de la démarche sur la qualification desouvriers sont indéniables, mais résident plus dansleur participation active au processus d’ensemblede réhabilitation qu’à l’acquisition d’une polyvalen-ce technique.

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LES OBJECTIFSDans l’esprit des entreprises impliquées dansl’expérimentation, mieux produire sur un chantier deréhabilitation en sites occupés signifiait parvenir àune meilleure maîtrise de la variabilité des travauxet porter une attention accrue à la présence deslocataires. La démarche, conçue comme unerecherche-action, prend appui sur la constitutiond’un groupement de partenaires, une formationdu personnel et une meilleure gestion techniquedes travaux.

Constituer un groupement de par-tenaires

Le groupement de partenaires s’est constitué trèsen amont du projet, avant même la formalisationdes objectifs de l’expérimentation. L’équipe desuivi s’est efforcée de mobiliser les partenairesautour du projet. L’entreprise pilote a coordonnéles efforts afin d’élaborer des solutions techniquesdiversifiées. Celles-ci ont pris appui sur un diagnos-tic effectué en commun avec les autres entre-prises. L’implication des entreprises dans la phasede diagnostic et de proposition devait apporterdes garanties quant à la qualité de l’exécution etjustifiait l’abandon d’une procédure d’appeld’offres en lots séparés qui tend à privilégier larecherche des prix les plus bas au détriment de lapertinence globale de l’opération. L’adhésion despartenaires à l’expérimentation s’est traduite parune charte qui marque leur engagement dans leprojet et leur acceptation des conditions propicesà sa réussite. Ils doivent notamment :- s’impliquer dans toutes les phases de réflexiondu projet, de la préparation à la réalisation.- rechercher et fournir toutes les informationsnécessaires à l’optimisation des interfaces et de laplanification.- choisir le personnel en fonction des compé-tences et lui donner la formation complémentaire,les informations et les moyens nécessaires à laréussite de l’opération.- faire exécuter le travail par leur propre person-nel en rejetant toute sous-traitance de la massedes travaux.- respecter et faire respecter toutes les procé-dures organisationnelles particulières à cetteopération, et notamment la tenue et le suivi desfiches techniques d’intervention.- poursuivre une politique de valorisation du

personnel (formé aux nouvelles tâches) en favori-sant l’accès aux formations ultérieures liées auxperspectives de développement ou de spécialisa-tion de l’entreprise. Former et qualifier le personnel.

Former et qualifier le personnel

La formation des ouvriers comporte un tronccommun orienté vers un gain d’autonomie et unemeilleure maîtrise des relations aux locataires, etdes modules techniques correspondant à lanature particulière des travaux à exécuter.La dimension technique de la formation, liée à unélargissement des tâches, a pour objet d’accompa-gner les transferts de tâches pour mieux gérer lesinterfaces. Il s’agit également d’assurer à chacun unplan de charge justifiant sa présence permanentesur le chantier. La dimension sociale, liée à l’inter-vention en site occupé (intégration des difficultésinhérentes à la présence d’occupants), vise enparallèle à développer les moyens de communica-tion entre le conducteur de travaux et les équipesd’exécution.Le conducteur de travaux a également bénéficiéd’une formation qui vise à l’acquisition de compé-tences de «chef de projet d’une opération expéri-mentale», et l’acquisition de compétences deconduite de travaux «tous corps d’état» (leconducteur de cette opération ne détenait pasd’expérience de chantier).

Mieux gérer l’exécution des tra-vaux

La saisie systématique des informations relativesaux travaux constitue autant une garantie dequalité pour le maître d’ouvrage qu’un moyend’améliorer constamment l’intervention des entre-prises. La dimension du projet (346 appartementsrépartis dans 15 immeubles), la prise en comptede la diversité de taille et de configuration deslogements, les impératifs de qualité des travaux,amènent à concevoir un support permettant unsuivi très précis des travaux. Plusieurs conducteursde travaux de SAEE, ayant eu en charge deschantiers de réhabilitation, avaient déjà étéponctuellement amenés à élaborer des fichestechniques d’intervention avec un double objectif :donner des consignes précises aux équipes dechantier, obtenir un retour sur les conditions et les

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Protocole d’expérimentation

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résultats de l’intervention. Le recours à de tellesfiches ne se manifeste traditionnellement qu’àdes moments sensibles du chantier. Cependant,compte tenu de la dimension et de la durée duchantier, les partenaires de l’opération expérimen-tale ont jugé souhaitable d’en généraliser l’usage,même si cela crée une contrainte supplémentairepour le conducteur de travaux et pour lesouvriers peu enclins à la «paperasserie».La réflexion s’est prolongée au-delà du protocoled’expérimentation. Elle s’est notamment traduitepar l’idée d’informatiser la fiche technique d’inter-vention. L’objectif étant que cette fiche devienneune véritable mémoire du chantier. Les informa-tions sont recueillies par l’intermédiaire d’un écranproposant des choix prédéfinis de façon à limiterle travail d’écriture des équipes de chantier.Confier aux ouvriers la saisie des informations surmicro-ordinateur a soulevé quelques réticencesdans un premier temps, puis de l’intérêt. N’était-cepas un moyen de multiplier les échanges entreles ouvriers, dispersésdans les logements,et le conducteur detravaux? Ne pouvait-on ainsi favoriser ceséchanges pour fonderune démarche qualitéreposant sur l’analysedes situations événe-mentielles? L’intégrationd’une telle perspectives’est répercutée sur leprojet de formationdes ouvriers.L’expérimentation devra ainsi permettre de testerl’utilisation de terminaux portables auprès desouvriers. Mais les partenaires doivent au préalables’efforcer de préciser la problématique de l’expé-rimentation.

LA PROBLÉMATIQUE

Chaque logement est un chantier

Les dimensions, la structure et l’état deslogements génèrent une grande variabilité destravaux. Compte tenu de la présence du locataire etde la dispersion des lieux d’intervention, les entre-prises ne peuvent se limiter à une organisation

globale de l’ensemble des travaux, ni se soucieruniquement des délais de réalisation. L’affirmationselon laquelle «chaque logement est un chantier»résume bien la réflexion des partenaires. Elle aguidé l’effort d’explicitation des spécificités dutravail en réhabilitation :- Le planning global du chantier doit forcémentêtre décomposé en planning par logement etl’enchaînement des opérations doit faire l’objetd’adaptations tenant compte de la diversité dessituations rencontrées.- Compte tenu du nombre de logements, des diffi-cultés d’accès qu’entraîne leur occupation et desperturbations qu’occasionne l’intervention desentreprises, il est indispensable, au moment mêmede l’exécution, de contrôler que la totalité destravaux a été parfaitement exécutée afin d’évitertout retour dans l’appartement.- L’intervention de multiples entreprises accroît lesproblèmes d’interfaces et de coordination(rendez-vous manqués, chemin critique chaotique ou

non respecté), avecpour conséquencesdes dérapages duplanning des travaux etde coût global duchantier.- Quelle que soit laqualité des travaux depréparation, les activi-tés de réhabilitationnécessitent des inter-ventions de courtedurée dont laprogrammation n’est

pas toujours possible. Ces interventionsponctuelles occasionnent, d’une part des déplace-ments que ne justifie guère leur caractèreponctuel, des interruptions provisoires dans laréalisation des travaux d’autre part.

Interface entreprises-locataires :des relations complexes

Le logement offre des ressources limitées pourl’aménagement des espaces de travail, le stockageprovisoire des matériaux et des outils, la réalisa-tion des travaux. Des problèmes de promiscuitéet d’encombrement se posent fréquemmentlorsque des interventions ont lieu simultanément.Les solutions relèvent pour partie de l’organisa-tion du chantier (évoquée précédemment). Aussi

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les partenaires s’intéressent-ils ici plus précisémentau travail lui-même et en retiennent deux aspects :la manutention de mobilier, et les dégradationscausées au logement par des interventionscontraires à la logique équipements puis finitions. Ilfaut s’efforcer de limiter les déplacements demeubles, le démontage d’accessoires et lamanutention d’objets qui sont effectués par lesouvriers eux-mêmes. Néanmoins, on ne peuttotalement les éliminer, avec pour corrélation desrisques de casse ou de détérioration chez lelocataire. L’attention de l’équipe se porte donc surla nécessité de répondre rapidement à cesproblèmes dans des formes juridiques incontes-tables.Les entreprises ont à satisfaire des attentes denature différente : celles qui ont trait aux travauxachevés (conformité des travaux, qualité, respectdes délais et des coûts); celles qui concernent leprocessus global de réalisation des travaux : atten-tion aux besoins des locataires, limitation desnuisances... Les entreprises sont placées devant lanécessité de répondre à ces deux types d’attente ets’inscrivent dans des relations complexes, dumême type que celles qui existent entre le maîtred’ouvrage et les locataires. Les réflexions dugroupe de travail s’organisent autour de deuxidées forces.

Les conditions de vie des locatairesdoivent être préservées durant lestravaux

Le locataire supporte mal une mise en chantiertrop longue de son logement. Il se crée alors des

tensions entre les locataires et les ouvriers. Lesinterruptions provisoires des travaux sont engénéral mal vécues, car elles multiplient lesrendez-vous. La présence simultanée de plusieursouvriers constitue une gêne pour le locataire qui

est privé de ses repères habituels et qui perd lecontrôle de son espace. De même, le renouvelle-ment fréquent des ouvriers empêche l’instaura-tion d’un climat de confiance avec les habitants.Il est nécessaire que le locataire retrouve ensoirée un espace habitable. Le profil des ménages(personnes âgées, handicapés, famillesnombreuses ou ayant des enfants en bas-âge)implique de mieux prendre en compte la préser-vation de leur espace de vie.

Le locataire interfère sur le dérou-lement du chantier

Le locataire doit pouvoir comprendre précisé-ment ce qu’on attend de lui et pouvoir se référer auprogramme des travaux de son logement. S’il n’estpas convaincu de l’intérêt des travaux, ou s’ilsupporte trop de nuisances, il abandonne touteinitiative visant à faciliter les interventions desouvriers (disponibilité pour la prise de rendez-vous, rangement préalable). Il peut même, le caséchéant, constituer un facteur de gêne (absenceau rendez-vous, comportements revendicatifs).Lors de l’intervention des entreprises, leslocataires sont tentés de signaler des problèmesparticuliers à leur logement et de demander destravaux supplémentaires. Ces attentes doiventêtre restituées au maître d’ouvrage pour qu’ilpuisse prendre les mesures qui s’imposent.

Trouver des réponses adaptées aucontexte de la réhabilitation

Des constats et réflexions qui précèdent ontdécoulé quelques principes de fonctionnement :Appliquer la règle de permanence des personnelsouvriers et organiser la planification du chantier afinde justifier la présence constante de chaque entre-prise. Stabiliser les effectifs et leur assurer uneprésence permanente sur le site permet en effetaux équipes des différentes entreprises de sesolidariser autour d’objectifs communs de qualité etd’efficacité. Cette organisation peut amener àélargir le domaine d’intervention des compagnonsen transférant des travaux d’un corps d’état à unautre.Constituer un groupement d’entreprises ayant déjàtravaillé en réhabilitation pour assurer une meilleuregestion des interfaces techniques et des relationsavec les locataires tout au long du processus deréhabilitation.

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Introduire davantage de flexibilitédans l’intervention des entreprises

Il s’agit de répondre à trois objectifs. D’abord à lavariabilité des travaux à exécuter. Ensuite, à lanécessité de réduire les nuisances causées auxlocataires : les entreprises sont prestataires detravaux, mais aussi prestataires de services. Enfin, àla volonté de limiter le nombre d’intervenants sur lechantier et de répartir différemment les opéra-tions entre-eux : l’élargissement des tâches desdifférents corps de métiers à des activitésconnexes permet de limiter le nombre d’inter-faces; d’allonger certains temps d’intervention etd’en raccourcir d’autres; de développer un espritsolidaire en concrétisant la notion de prestationglobale. Cette polyvalence n’est possible qu’avec

l’accord des entreprises et l’engagement de leurpersonnel; elle suppose également un accompa-gnement en terme de formation et les moyensd’information nécessaires à sa gestion.Renforcer la cohésion entre le maître d’ouvrage,l’architecte et les entreprises afin d’unifier leuraction en direction des locataires tout au long duprocessus de réhabilitation.Lors de la phase de préparation, il s’agit :-d’associer l’ensemble des entreprises à l’élabora-tion du menu global des travaux décidé par lemaître d’ouvrage et l’architecte.- d’associer les entreprises aux prises de contactavec les collectifs de locataire et améliorer le tauxde présence et l’efficacité des réunions d’information

sur le projet de réhabilitation.- d’associer le pilote du chantier aux pré-visitesdes logements conduites par l’architecte de façon àce que ces visites soient l’occasion d’une prised’informations sur la nature exacte des travaux àréaliser. Conclure ces visites par une décisionferme quant à la liste des opérations qui y serontréalisées et de leur planning après concertation dulocataire.- d’étudier collectivement les solutions techniques,le choix des matériaux et matériels, la répartitiondes opérations et leur enchaînement.Lors du déroulement des travaux, il s’agit de sedoter d’un support de communication propre àchaque logement pour assurer pas à pas l’informa-tion du personnel des entreprises sur l’enchaîne-ment et l’avancement des opérations. Ce support

doit également servir à la relation locataires-entreprises et permettre aux locataires devérifier le programme des opérations, d’en suivrel’avancement, de les inciter à favoriser le bondéroulement des travaux en anticipant l’inter-vention des ouvriers, d’exprimer leur point devue sur le déroulement des travaux.Il s’agit aussi d’organiser des stages de formationet des réunions de travail qui jalonneront ledéroulement de l’opération expérimentale. Cetteformation a pour objet de clarifier la conduite àtenir face aux problèmes qu’engendre la présencede locataires, de favoriser les échanges de serviceentre entreprises en veillant à leur équité.

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UNE FORMATION-ACTIONDeux démarches de formation, l’une en directiondes ouvriers, l’autre en direction du conducteurde travaux-pilote ont accompagné la recherche-action; elles n’ont pas été conduites par l’opéra-teur pressenti au départ et s’écartent quelque peudu projet initial.Le développement d’une application informatique aamené le conducteur de travaux à effectuer unstage d’initiation au logiciel de base de donnéesrelationnelles. L’entreprise s’est chargée de trouverl’organisme de formation susceptible de répondredans des délais courts à sa demande; la formationdu pilote s’est limitée à trois jours d’initiation.Toutefois, l’implication du conducteur dans leprojet (rédaction des projets successifs; participa-tion à toutes les séances de formation desouvriers, aux réunions de développement duprojet; échanges réguliers avec l’équipe de suivi)ont été autant d’occasions d’apprentissage.Compte tenu de la charge que représente l’acqui-sition d’une maîtrise de pilotage des travaux (cetteopération constituait son premier chantier), il estprobable que des stages de formation plus struc-turés, mais aussi plus éloignés des préoccupationsdu chantier, n’auraient pas apporté de valeurajoutée.Les objectifs d’acquisition d’une polyvalencetechnique par les ouvriers ont été abandonnés. Ladétermination du menu des travaux a abouti à destravaux moins diversifiés que prévus; certainestâches techniques, comme l’étanchéité des toits-terrasses, ont finalement été dévolues à uneentreprise extérieure. Seule l’entreprise SAEE a vus’élargir son domaine d’intervention; ses respon-sables ont exprimé leur préférence pour uneforme d’apprentissage et d’accompagnementtechnique que les fournisseurs se déclaraient prêtsà effectuer gratuitement. En revanche, les objectifsde formation des ouvriers s’appliquant à l’axe nonspécifiquement technique ont été renforcés. Cetteseconde dimension de la formation des ouvriers apris de l’importance sous l’effet de deux facteurs :la mise en place d’une application informatiqued’une part; l’intérêt croissant des responsables desentreprises pour une démarche visant le dévelop-pement de la qualité des prestations d’autre part.Pour les ouvriers, les changements introduitstiennent donc davantage aux responsabilités et à

l’autonomie dans le contexte particulier de laréhabilitation qu’à l’acquisition d’une polyvalencetechnique.Huit séquences de formation de quatre heuresont permis aux compagnons de trois des quatreentreprises partenaires d’apprendre à manipulerl’application informatique et à en tirer parti dansl’optique d’une démarche qualité. Cette démarchea pour point de départ le repérage et le classe-ment de tous les événements qui surviennent aucours du chantier. Est considéré comme événe-ment ce qui est susceptible d’inférer sur le dérou-lement de l’opération et de prêter à des décisionsde la part du personnel. Les événements sontd’abord analysés collectivement, à travers leurscauses et leurs conséquences; ils font ensuitel’objet d’une recherche de solutions palliativesvoire préventives.La formation, prise en charge par l’équipe de suivi,prend appui sur une activité réflexive sur le travail.Elle se déroule sur le chantier. La mise en place decette formation s’est inspirée des caractéristiquesde formations ancrées sur l’analyse de situationsde travail et s’inscrivant dans un contexte dechangement organisationnel. Nous souhaitionsqu’elle mêle étroitement l’analyse de situations detravail concrètes et l’initiation informatique visant àl’acquisition d’une maîtrise minimale de l’applica-tion. La formation ne pouvait prendre la formed’un stage. Elle devait se dérouler par séancesd’une demi-journée organisées au fur et à mesurede la mise au point de l’application.

Des inquiétudes sur la capacité desouvriers à utiliser l’outil informa-tique

L’installation d’un micro-ordinateur localisé aubureau de chantier n’était pas acquise au départ.De même, l’implication des ouvriers dans les activi-tés de saisie a fait l’objet de débats : allaient-ilsaccepter? Seraient-ils capables de comprendre lefonctionnement de l’application informatique, de seservir des outils de bureautique (souris et clavier)?Combien de temps cela allait-il prendre sur letemps de travail? Ne devait-on pas redouter desfiles d’attente lors des activités de saisie? Ces inquiétudes, qui se sont révélées non fondées,ont été à l’origine d’investigations portant sur leséquipements informatiques qui ont débouché surl’achat d’un terminal portable à titre expérimental1.Progressive et étroitement associée au traitement

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Déroulement de la démarche

1. Equipements qui suppo-saient un important travailinformatique afin de réaliserune interface entre ces termi-naux et l’application informa-tique et l’initiation desouvriers à leur manipulation

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de problèmes professionnels, l’initiation à l’usagedu micro-ordinateur s’est avérée concluante et avalorisé le personnel. L’accompagnement despremiers travaux de saisie, par le conducteur detravaux et un étudiant en informatique, a permis-de surmonter les dernières difficultés. Dans cesconditions, la découverte et l’acquisition d’unemaîtrise minimale de cette technologie ontproduit un effet de réassurance qui a sans doutefavorisé l’implication des ouvriers dans l’autrevolet de la formation, celui de la préparation à unedémarche qualité.

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Le contenu des séances deformation du personnelouvrier

Mieux produire sur leschantiers•Brain-storming à partir de l’intitu-lé de l’appel d’offre du PlanConstruction et Architecture•Approche des particularités de laréhabilitation en sites occupés àpartir du document «protocoled’expérimentation»•Apprentissage de la manipula-tion de la souris sur didacticielWindows•Présentation du projet d’expéri-mentation•Evaluation de la séance surformulaire établi sous word 6

Approche qualité destravaux•Réflexion sur la notion d’événe-ments•Présentation de la démarchequalité : repérage, classement,analyse des événements (quellescauses et conséquences) puisdécisions : recherche de solutionscuratives ou préventives, évalua-tion des résultats, généralisation•Elaboration d’une grille declassement des événementsrelatifs à l’exécution des travauxEvaluation sous formulaire word 6

Approche relations avecles locataires•Examen de la relation triangulai-re entreprises - locataires - maîtred’ouvrage•Etude de la notion de «produit-service»•Elaboration d’une grille declassement des événements ayanttrait aux relations avec leslocataires•Présentation de l’architecture del’application informatique•Evaluation sous formulaire word 6

Analyse des événements•Rappel des séances précédentes•Rappel de l’utilisation du clavierde l’ordinateur et de la souris•Travail individuel sur micro-ordinateur : réponse à unquestionnaire sur les événementstravaux et locataires, leur classe-ment, leur analyse

Découverte de l’applica-tion ACCESS•Démonstration du chemind’accès aux formulaires prévisiteset aux fiches techniques travaux•Exploration des formulaires etsaisie d’informations sur les fichestravaux•Bilan

Bilan à mi-parcours sur ladémarche qualité•Présentation des résultats del’enquête de satisfaction auprèsdes locataires•Débat à partir d’événementsrepérés par l’enquête auprès deslocataires•Réflexion collective sur les événe-ments signalés par les ouvriers etprise de décisions

Nouvelle séance d’analysed’événements•Mise à jour de la dimension«commerciale» du travail desouvriers travaillant en sitesoccupés

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L’ANALYSE DES ÉVÉNE-MENTS DU CHANTIERLa formation avait également pour objectifd’exposer les principes d’une démarche visant àtrouver collectivement des solutions préventives àl’égard d’événements néfastes2 lors de l’exécutiondes travaux. Ce travail supposait un repérage, unclassement et une analyse préalables de cesévénements. Au-delà de l’exposé des objectifs, laformation devait aider à réunir les conditions deréussite de cette démarche, c’est à dire lesprincipes qui devaient orienter l’action. Cesprincipes se rapprochent de ceux énoncéscomme caractéristiques des entreprises les plusperformantes :- rendre les ouvriers plus attentifs aux événe-ments du chantier, les aider à prendre conscience deseffets sur l’efficience du chantier. Ces effets sontparfois jugés mineurs parce qu’on oublie deprendre en compte leur répétition ou leur réper-cussion sur le travail des autres ouvriers ou sur lecomportement des locataires ;- instaurer un «droit à l’erreur» afin de lever lesobstacles aux échanges sur le travail entreouvriers et encadrement afin que toutes lespropositions visant à apporter des solutions auxproblèmes rencontrés soient prises en compte ;appliquer la notion de produit-service à unchantier de réhabilitation en site occupé;

- élaborer une typologie des événements duchantier, en acquérir une maîtrise suffisante pourêtre capable d’effectuer des classements,apprendre à rédiger de façon succincte pourrendre compte d’un événement et enfin s’entraî-ner à l’analyse des causes et des conséquencesavant de rechercher des solutions - si possible -préventives.Au regard de l’ambition de ces objectifs, la forma-

tion, du fait de sa brièveté, ne pouvait quemontrer la voie. Elle a cependant été source denombreux apprentissages :- techniques : manipulation de la souris et duclavier, saisie des données, utilisation de formu-laires établis sous traitement de texte, expressionécrite et orale ;- théoriques : repérage-analyse des causes etconséquences d’événements, production deconsignes et de points de contrôle et développe-ment de nouveaux services, évaluation et bilandes mesures prises.

La maîtrise des événements révèlede nouvelles compétences.

Le recours aux fiches techniques et l’augmenta-tion du flux d’informations de l’encadrement versles ouvriers pouvaient faire craindre une dé-responsabilisation du personnel. Or, il s’avère quele conducteur de travaux a rapidement utilisé lasouplesse de l’application informatique pourpréserver leur portée aux informations contenuesdans les fiches techniques. Ainsi en est-il venu àgérer l’apparition des consignes et points decontrôle en fonction de la nécessité d’attirerl’attention des ouvriers sur des aspects qu’ilsn’avaient pas encore intégrés à leur pratique. Cefaisant il a préservé l’intérêt porté aux fichestechniques mais a aussi agi de manière à responsa-biliser les ouvriers. Leur implication dans le repéra-ge des événements, voire leur participation à l’éla-boration des décisions, ont permis d’aller plus loinet d’en faire les acteurs d’une démarche qualitéancrée dans l’histoire du chantier.Deux grilles de classement des événements ontété mises au point dans le cadre de la formation.La première concernait les événements relatifs àl’exécution des travaux. Elle comprenait huitcatégories : non-conformité des livraisons,problèmes d’implantation, défaut de qualité, défautde coordination, travaux inachevés, travaux nonréalisés, détérioration du logement, gêne dulocataire. La deuxième concernait les événementsprovoqués par les locataires. Elle comprenait sixcatégories : opposition du locataire aux travaux,difficulté d’emploi des équipements neufs,demandes de modification concernant le planningdes travaux, demande d’aménagement des presta-tions, demande de prestations supplémentaires,défaut de préparation du logement.

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2. Au cours de la formation,les ouvriers ont juducieuse-ment suggéré de rapporterégalement les événementsfavorables à l’exécution destravaux et de procéder à leuranalyse

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Quelques analyses d’événe-ments du chantier

Un exemple de mauvaisecoordination des choixtechniquesLe choix de baies entièrementvitrées a entraîné dans les F4 etF5, la disparition du support desdeux convecteurs des séjours fixésjusque là sur la partie basse desportes-fenêtres. Cet oubli a étérelevé lors de la réunion d’informa-tion des locataires. La solution aconsisté en partie en un change-ment de matériel (remplacementpar un convecteur vertical) fixé surun poteau jouxtant la fenêtre.Pour tenir compte de l’aménage-ment des lieux, le choix a étédonné au locataire d’une installa-tion perpendiculaire ou parallèle àla fenêtre. L’autre convecteurpouvait être posé sur le murpartant de la fenêtre. Ce pan demur est parfois occupé par ungrand living. Pour minimiserl’encombrement de l’espace leconvecteur a été installé au plusprès de la fenêtre, ce qui a impli-qué de déporter les prises télévi-sion et électriques qui s’ytrouvaient. En dernier ressort,lorsque la pose de ce convecteurse révèle impossible en raison del’encombrement du logement, lelocataire le fixera lors de sondéménagement.

La mise à disposition depanneaux d’obturation desfenêtres : une mesure pourpallier la dépose prolongéedes voletsCertains locataires ont souligné lemanque d’intimité, de l’insécuritéainsi que la gêne suscitée par ladépose prolongée des volets deslogements. Les volets doivent êtrefixés après le traitement desfaçades. Or, cette activité se

déroule selon une logique (inter-vention successive sur les faces dubâtiment) différente de l’interven-tion dans les logements et estsensible aux intempéries. Cettenuisance était d’autant plus malvécue que les locataires n’enavaient pas été avertis. Le conduc-teur de travaux a pris soin d’abor-der cette question lors des prévi-sites. Un compromis a dû êtretrouvé entre les préoccupationstechniques et les préoccupationssociales : pour des raisons desécurité, il a été décidé de remonterles volets des logements en rez-de-chaussée dans la journée. Pourles logements situés à l’étage, despanneaux amovibles, pouvant êtreinstallés de l’intérieur deslogements ont été mis à la disposi-tion des locataires. Cette mesures’est avérée difficile à gérer : leslocataires ont eu tendance àrecourir systématiquement à ceservice. Le prêt des panneauxn’étant pas consigné, leur récupé-ration s’est parfois révélée difficile. Laconfection des panneaux incom-bait à l’ouvrier chargé de lesproposer, ce qui a suscité quelquesrétentions légitimes. Le conducteurde travaux a donc repris encharge la gestion de la procédure :c’est lui qui apprécie la gêneprovoquée et qui fait signer auxlocataires un bon de réception despanneaux.

Un exemple d’aménage-ments interférant sur l’usa-ge et la nature des équipe-ments du logementEn décidant la pose d’un siphond’évacuation dans les salles debains, l’office entendait remédieraux installations non conformesréalisées sur l’initiative deslocataires : machines à laver àproximité de la baignoire, siphonsautoperçants. Dans certains cas,

les dimensions de la machine àlaver ou l’aménagement des sallesde bains ne permettent pas soninstallation à l’endroit souhaité. Lasolution a parfois consisté àchanger l’emplacement duconvecteur électrique. Dans lesautres cas, le déplacement dumobilier sanitaire a été envisagé,puis abandonné en raison de sesmultiples répercussions : pointslumineux à déporter, faïence oupeinture à refaire.

Rechercher des solutionspour convaincre leslocataires de préparer leurlogementEn participant au déplacementdes meubles, ainsi qu’au démonta-ge d’équipements, les ouvrierssont confrontés à des risques decasse et redoutent d’y passer deplus en plus de temps. L’analysemontre que la mauvaise volontédes locataires provient parfois deleur désaccord sur la nature destravaux. En développant davanta-ge la concertation, en ouvrant lapossibilité d’un contrat tacite decoopération à l’opération deréhabilitation, le maître d’ouvragepeut engager une dynamiquepropice à une meilleure prise encharge par les locataires de lapréparation du logement. Leconducteur de travaux s’engage àl’occasion des prévisites àconvaincre les locataires de leurnécessaire collaboration. Lesconsignes de rangement serontrappelées dans le courrier deconfirmation des rendez-vous, puisla veille des travaux par les chefsd’équipe. Des cartons de déména-gement ont également été mis àdisposition. Une évaluation précisedes temps de manutention a étéengagée au travers de leur saisiedans les fiches travaux.

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L’importance des procédures dansle travail en réhabilitation

L’analyse des événements relatifs aux travaux amontré les contraintes techniques qui découlentdes tâches inhabituelles ou qui tiennent aux condi-tions particulières du travail en réhabilitation. Lesprécautions à prendre avant de déplacer desmeubles ont du être précisées : utilisation depatins pour préserver les revêtements de sol;demandes de renseignement sur l’état desmeubles; exploration des raccordementséventuels à des prises électriques pour éviter lacasse. L’équipe a cherché à concilier l’organisationde l’espace de travail et les caractéristiques delogements habités, finis et meublés : utiliser unemoquette de protection, ne pas disperser sesoutils, nettoyer en utilisant le matériel de l’entre-prise et non du locataire. Des conditions ont étédéfinies pour garantir le soin particulier accordé àl’exécution des travaux : proscrire les outilstranchants dépassant du bleu de travail afin de ne pasérafler les papiers peints; veiller au rétablissementdes réseaux; vérifier l’exécution des travauxprévus; soigner la finition et procéder au réglage età la démonstration des nouveaux équipements3.

Vers la notion de produit-service

L’attention portée aux relations avec les locataires aété l’occasion d’introduire la notion de produit-service. Le repérage et le traitement des événe-ments ont permis de concrétiser cette notionpour laquelle les ouvriers ont montré un vifintérêt. Leur travail présente en effet une dimen-sion sociale importante dans laquelle la relationavec le locataire est complexe; ce dernier peutfavoriser ou gêner l’intervention, formuler desattentes, mais aussi porter un jugement. Se prévaloird’une démarche de produit-service permet dereprendre l’initiative au travers de qualités d’écou-te, d’organisation, de professionnalisme - caracté-ristiques d’une prestation complète - et d’en fairereconnaître la valeur au locataire comme auconducteur de travaux. A travers les relationsdéveloppées avec les locataires, les ouvriersavaient souligné l’importance de mentionner lesévénements «positifs», démontrant ainsi leur impli-cation dans une démarche de produit-serviceavant même que celle-ci soit évoquée.

Quelques exemples d’application de ladémarche de «produit-service»

Modification du planning des travaux.Avancement des travaux d’électricité dans unlogement avant le remplacement de papierspeints décidé par un locataire de manière àrespecter la logique d’enchaînement des tâches età répondre aux attentes du locataire.

Respect de l’espace de vie des locatairesUtilisation de moquettes de protection. Mise àdisposition de rallonges pour que le locatairepuisse brancher ses appareils électriques à l’heure dudéjeuner. Heures supplémentaires pour terminerles travaux d’un logement dans la journée afin depermettre à un locataire qui travaille de nuit dedormir le lendemain. Branchement provisoire desmagnétoscopes sur les armoires de chantier pouréviter d’en effacer la programmation.

DépannageProduits périssables transportés dans le réfrigérateurdu bureau de chantier suite à la défaillance del’équipement du locataire. Remplacementd’ampoules hors d’usage. Pose d’appliquesmurales. Remplacement de joints ou de siphonspar le plombier.

Les compétences développées aucours de l’expérimentation

Lors des séances de formation, les échangesont peu porté sur des problèmes trèstechniques. La formation a plutôt mis en avantdes compétences et favorisé des apprentis-sages qui, sans être spécifiques à tel ou telmétier, font par tie intégrante de la qualificationdes ouvriers :- prendre du recul sur son travail; par exempleanticiper sur l’activité des jours à venir ouappréhender les répercussions de son activitésur celle des autres ouvriers. Coopérer.- savoir rendre compte régulièrement de sonactivité dans un cadre précis (support informa-tique). Communiquer.- être capable d’un travail collectif : savoirs’exprimer, écouter, comprendre et décideravec d’autres. Faire preuve de capacitésrelationnelles et de créativité.- être capable d’exécuter son travail dans lerespect des lieux (finis, meublés) et desoccupants.

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3. L’enquête de satisfactionauprès des locataires a mon-tré que leur opinion sur l’utili-té des travaux décidés par lemaître d’ouvrage est liée à laqualité de la prestation. Si laVMC ne donne pas satisfac-tion, son changement est jugéinutile; si la porte d’entréeréclame un réglage, alors l’in-terphone apparaît comme unaccessoire inutile.

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Les principales étapes de laconstitution de la base dedonnées

La base de données n’a été réelle-ment disponible que huit moisaprès le démarrage du chantier.Ce retard est dû à son caractèreexpérimental. Il est possible deconcevoir une nouvelle application etde la mettre en service au démar-rage du chantier à condition debénéficier d’un délai d’un moispour l’étude d’exécution et deprocéder à son élaboration parétapes successives.

1. Lors de la phase de diagnosticdes logements : saisie desdonnées sur les logements (carac-téristiques des immeubles et deslogements, identité et coordon-nées des locataires).

2. Enquête auprès des locataires :transfert des résultats de laconsultation des locataires. Saisieéventuelle de travaux à la carteou à réaliser par les servicestechniques du maître d’ouvrage.3. A la signature des marchés :saisie du menu des travaux, répar-tition par entreprise.4. Lors de l’étude d’exécution :élaboration des formulaires deprévisite et des fiches travaux.Constitution des points de contrôleet des catégories qui permettrontde classer les événements.5.Au fur et à mesure de la réalisa-tion des prévisites : saisie desconditions d’intervention dans leslogements (confirmation destravaux à réaliser, date et modalitésd’accès au logement, précisionssur les conditions d’intervention).Conception des courriers de

confirmation aux locataires (datesd’intervention, nature des travaux,consignes de préparation dulogement) et des courriers aumaître d’ouvrage pour les travauxà réaliser par sa régie de travaux.6. Lors de la réalisation destravaux : édition des fiches travauxqui serviront de programme pourles ouvriers. Saisie des informa-tions de retour travaux, formalisa-tion des événements.7. Lors des enquêtes de satisfac-tion des locataires : transfert desrésultats dans la base de données.8. Exploitation des données de labase : analyse des événements,ajout de points de contrôle.Analyses de l’avancement duchantier (mise au point d’indica-teurs). Réalisation d’un historiquedu chantier.

Il revenait au conducteur de travaux d’analyserclairement l’enchaînement et le contenu desopérations, du menu global des travaux à la listedes tâches par logement, des prévisites. Lui seulétait en mesure d’effectuer le choix des informa-tions que devait contenir la base de données maisaussi leur degré de précision, notamment ladécomposition du chantier en tâches. Comptetenu de l’investissement nécessaire à l’acquisitiond’un bon niveau de maîtrise du logiciel, le conduc-teur de travaux ne pouvait s’engager seul dans laréalisation du produit; il était nécessaire de trouverdes appuis extérieurs afin assurer le pilotage de laréalisation de l’application tout en acquérant lesrudiments de formation nécessaire à son exploita-tion. Un binôme équipe de suivi/conducteur detravaux a été constitué; il a engagé (en co-respon-sabilité) une réflexion sur la mise au point duproduit, la réalisation d’une interface micro-ordina-teur/terminaux portables, l’assistance au conduc-teur de travaux pour l’exploitation des données.Un étudiant en informatique a complété l’équipe.Cette collaboration a débouché sur une applica-tion informatique adaptée au chantier et correcte-ment documentée.

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EFFETS SUR LA QUALI-FICATION DE L’ENCA-DREMENTL’implication du conducteur de travaux dans lamise en oeuvre de l’expérimentation l’a conduit àprendre en charge des activités nouvelles : partici-pation à la conception et à l’exploitation d’uneapplication sur un logiciel base de données, contri-bution à l’animation de la formation des ouvriers,présentation de l’expérimentation et de ses résul-tats tant en interne qu’avec les partenairesextérieurs à l’entreprise. On observe sur cetteexpérimentation un renouvellement des pratiqueshabituelles (le management des ouvriers) duconducteur de travaux mais aussi un enrichisse-ment de sa fonction, en particulier dans le domai-ne du management de projet (analyse de la perti-nence des axes d’innovation, détermination duniveau de détail de l’application informatique,management des partenaires associés à l’expéri-mentation).

Une co-responsabilité sur laconduite du projet informatique

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Si le transfert de l’application sur terminauxportables a été mené à bien, en revanche son utili-sation par les ouvriers s’est révélée moins facileque pour le micro-ordinateur. Les dimensions desécrans et les capacités réduites de la mémoire desterminaux portables auraient dû conduire àdédier chaque terminal à la saisie d’une partie desinformations nécessaires à la base de données.Bien que des investigations portant sur les capaci-tés de ces matériels et sur leurs modalités deprogrammation aient eu lieu, leur utilisation aurait dûêtre pensée dès la conception de l’application. Latentative n’a donc pas complètement abouti; lesouvriers ont préféré saisir leurs informations sur lemicro-ordinateur du chantier.

La contribution du conducteur detravaux à la réussite de la forma-tion

L’implication du conducteur de travaux dans laformation, puis dans l’application de la démarchequalité, devait aussi connaître une évolution. Saparticipation a été rapidement acquise pour lapréparation des séances de formation. Il a assuréla logistique : réservation de salles, adaptation duplanning des travaux, convocation des ouvriers. Il aaussi aidé l’équipe de suivi à réunir un premierensemble d’événements et à les analyser.Cette démarche ne pouvait devenir crédible qu’àpartir du moment où apparaîtraient des change-ments dans l’organisation du travail, et dans lesrelations entre les ouvriers et l’encadrement.L’équipe de suivi attendait que le conducteur detravaux marque son engagement en relayant laformation par l’organisation de séances de travailavec les ouvriers. En raison de sa charge de travailet des préoccupations de rendement immédiat duchantier, mais aussi sans doute de la transforma-tion des rapports que cela nécessitait, ces attentesont été partiellement déçues. En revanche desdécisions relatives au déroulement des travauxont conforté les orientations annoncées lors laformation. La mise à disposition de panneaux pourpallier la dépose prolongée des volets, la souplesseaccordée aux locataires dans le choix ou la modifi-cation des rendez-vous, ont conforté la notion de«produit-service». La réalisation d’un «carnet dulocataire», qui apporte des réponses au moded’emploi des nouveaux équipements, l’implicationdu maître d’ouvrage, des entreprises et desfournisseurs, ont également contribué à la diffu-

sion de cette notion auprès des partenaires. Bienque l’investissement financier et en temps d’enca-drement nécessaires à la production d’un teldocument ne soit pas négligeable, ses effets sur ledéroulement du chantier sont réels : les demandesd’information et de démonstration des locatairesvers les ouvriers en sont un indicateur. Depuis ladiffusion du document, l’électricien a rarement étésollicité par les locataires pour venir de nouveauexpliquer le fonctionnement des installations.

Un enrichissement de la fonctionde conducteur de travaux

L’analyse des événementsL’analyse des événements a fréquemment débor-dé les seuls problèmes d’exécution pour réinter-roger l’activité propre du conducteur de travaux.Par exemple, les prévisites, qui sont réparties surtoute la durée du chantier, jouent un rôle impor-tant dans la préparation de l’intervention desentreprises et sont remises en cause chaque foisque les équipes interviennent dans un contextedifficile : appartement encombré ou insalubre,relations tendues avec les locataires, etc. : ledialogue a t-il été suffisamment approfondi? Lesaspects techniques, tels l’adaptation des travaux aulogement, le choix des implantations, les rendez-vous avec les entreprises ou la gestion des clésd’appartement ont-ils été tous traités? Le locatairea t-il bien compris que le déplacement dumobilier, la mise en sécurité des objets fragiles ouprécieux lui incombaient? Aussi le conducteur a t-il été amené à mieuxstructurer ces prévisites, dont les enjeux sont à la foistechniques et sociaux4. Sur le plan strictementtechnique, une «bonne» prévisite n’est pastoujours simple à conduire, dans la mesure oùl’aménagement du locataire influence le regard. Siune observation attentive peut conduire leconducteur de travaux à proposer un aménage-ment plus rationnel, il peut se heurter au locatairequi est souvent attaché à sa disposition.Le travail qui s’opère à l’occasion de la prévisiteparticipe aussi d’une mise en condition et enconfiance qui ne peut que faciliter l’interventiondes entreprises :- expliquer au locataire la finalité de l’opération etle gain de confort qu’il peut en attendre;- l’aider à admettre que tous les besoins exprimésne peuvent être satisfaits, que certains travauxdont il ne voit pas l’utilité seraient appréciés dans

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4. La réalisation d’un formu-laire sur support informatiqueet le carnet du locataire l’yont aidé.

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un autre aménagement des lieux ou par un autrelocataire;- faire état des efforts concrets pour limiter lesnuisances (proposer et gérer l’application desmesures concrètes, comme la mise en place depanneaux d’obturation des fenêtres) tout enrappelant qu’une certaine gêne est inévitable etque les ouvriers ne peuvent être tenus respon-sables de certains désagréments (par exemplelorsque le remplacement des convecteurs ou descompteurs laisse apparaître des espaces non-tapissés).

Une fonction d’encadrement réactivéeL’expérimentation a permis de réactiver unefonction d’encadrement qui, à en croire un direc-teur de travaux issu «du tas», semblait quelquepeu s’étioler. D’après lui, les nouveaux conduc-teurs de travaux tendent en effet à commander«sur le papier», à diriger sur la base de chiffres,sans se préoccuper suffisamment du travailconcret des équipes. De fait, les anciens conduc-teurs de travaux s’appuient sur une longueexpérience pour interpréter les événements sur lechantier et guider les équipes.

L’expérimentation n’a pas seulement permis d’atti-rer l’attention sur cette fonction du conducteur detravaux, elle lui a conféré une forme plus adaptée àune main d’oeuvre mieux formée, plus exigeanteet peut être plus difficile à mobiliser.Aujourd’hui laconception du management des équipes apparaîten effet souvent décalée par rapport aux attentesde la main d’oeuvre, car elle requiert davantageleur soumission que leur participation active. Lerepérage des événements a donné lieu à desanalyses collectives et débouché sur la formulationde consignes et l’élaboration en commun desolutions et à leur amélioration à la suite d’unemesure d’impact. Cela requiert du conducteur detravaux des compétences d’animateur pour faires’exprimer les ouvriers, répartir les temps deparole, apaiser les conflits mais aussi aider à larecherche de solutions et veiller à leur application.Les consignes, appelées ici «points de contrôle»,ont fait l’objet d’une gestion attentive de la partdu conducteur de travaux qui en les a suppriméesdes fiches techniques à mesure de leur intégrationdans la pratique des ouvriers.

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L’énoncé et la gestion despoints de contrôle,quelques exemples

Pour se conformer aux spécifica-tions de sens d’ouverture desfenêtres de l’architecte (du côtéde l’alimentation de la baignoire),il faut, selon la disposition dessalles de bain, poser des fenêtresà charnières droites ou àcharnières gauches. Des défautsde livraison et de répartition desfenêtres dans les logements ontoccasionné de mauvais montages.Deux points de contrôle ont étéajoutés : la vérification des livrai-sons, la vérification des sensd’ouverture au moment de la poseet mieux encore avant la réparti-tion dans les logements.

La voiture, d’un locataire qui avaitenlevé les piquets de balisage destravaux de façade pour garer sonvéhicule, a reçu des projections depeinture. Un point de contrôle a

été institué pour rappeler lanécessité de bâcher l’échafaudagedevant les parkings.

Lorsque l’équipe «fenêtre» étaiten avance sur l’équipe d’électri-ciens, elle effectuait le démontagedes convecteurs. Des précautionsparticulières ont été prises pourne pas laisser des fils dénudésdans le laps de temps précédantla pose des nouveaux convec-teurs. Un point de contrôle«conducteurs électriques isolés»rappelle à l’équipe «fenêtre» lanécessité de poser les dominosfournis par l’électricien.

L’horloge de programmation duchauffage permet de gérerséparément la température dedeux zones du logement. Dans lelivret du locataire, le canal 1permet de contrôler la températu-re des pièces de séjour, le canal 2des chambres à coucher. Dans lesfaits, les électriciens ont parfois

inversé ces canaux. Un point decontrôle rappelant l’affectationdes canaux aux deux zones dulogement a été ajouté.

Un point de contrôle portant surla vérification de l’aplomb desconvecteurs a été ajouté à la suited’une réserve posée par l’office,puis enlevé lorsque l’électricien apris l’habitude d’utiliser un niveau.

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La dimension expérimentale du chantier a étéperçue à l’origine, mais aussi pendant une partiedu déroulement du chantier, comme un travailsupplémentaire par la direction de l’entreprisecomme par le conducteur de travaux. L’absencede travaux de gros oeuvre, le nombre restreintd’entreprises à coordonner ou l’absence de diffi-cultés techniques majeures, constituaient sansdoute pour la direction de l’entreprise un terrainfavorable à une première expérience profession-nelle : les jeunes conducteurs de travaux semblentfréquemment affectés au pilotage de chantier desecond oeuvre où les responsabilités d’encadre-ment direct sont restreintes. Cela permettaitégalement de dégager la latitude nécessaire auximpératifs d’une expérimentation.Outre les nombreuses tâches de relations et de

logistiques, typiques d’une condui-te de travaux de second oeuvre,s’est greffé la charge importante(et pas toujours gratifiante) degérer les relations avec leslocataires. La dimension expéri-mentale a effectivement impliquéun surcroît de travail, certaine-ment sous-estimé au départ.Dans ces conditions, l’expérimen-tation aurait certainement étémarginalisée si l’implication del’équipe de suivi n’avait été aussiforte. Les fonctions de piloten’étant guère valorisées sur cechantier, il importait avant tout auconducteur de travaux de menerà bien sa mission propre afind’accéder rapidement à deschantiers de gros oeuvre, pluspropices à la construction d’uneidentité professionnelle forte et à sareconnaissance au sein de l’entre-prise.Ces attitudes, qui ont prédominéjusqu’à la mise en oeuvre del’application, ont par la suite sensi-blement évolué. Le conducteurde travaux a apprécié les allége-ments procurés par l’informatiqueet éprouvé de l’intérêt pour unedémarche «innovante», suscep-tible de lui conférer une placeoriginale - un profil particulier ausein de l’entreprise. De même, ladirection de l’entreprise a bien

observé que cette opération a permis dedévelopper des capacités d’encadrement et demanagement de projet, deux dimensions essen-tielles dans la fonction de l’ingénieur. Ira t-ellejusqu’à infléchir le modèle qui organise la carrière desingénieurs-conducteurs de travaux en prenantpleinement en compte les capacités éprouvéessur des missions particulières?

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Evaluer la démarche de recherche-action, c’ests’interroger sur la permanence des changementsqu’elle semble avoir suscités et tracer quelquesperspectives de travail pour l’avenir.L’attention portée à l’exécution des travaux aplacé les professionnels devant deux évidences. Lapremière a trait aux relations qui unissent toutesles phases d’une opération. La seconde a trait àl’interpénétration des dimensions technique,économique, et sociale d’un chantier de réhabilita-tion. Cette prise de conscience peut constituerl’amorce d’un changement dans la façon de traiterune opération de réhabilitation.

RELIER TOUTES LESDIMENSIONS DE LARÉHABILITATION

Les activités qui précèdent la réalisation destravaux sur un chantier de réhabilitation sontnombreuses : diagnostic technique, concertationavec les locataires, étude de prix, définition desmarchés, étude d’exécution, prévisites deslogements. L’analyse des événements relevés lorsde l’exécution des travaux a montré que plusieursd’entre-eux sont consécutifs à des imperfectionsdans les phases amont de l’opération : diagnosticn’ayant pas suffisamment pris en compte la diversi-té d’état et de structure des logements etimmeubles, insuffisances de l’enquête auprès deslocataires, faiblesse de la concertation, choixcontestables lors de la définition des travaux,étude trop superficielle des conditions d’installa-tion des équipements.Dès le démarrage de l’opération, l’idée de mieuxmettre en relation ces différentes phases étaitprésente. L’équipe de suivi avait ainsi proposé aumaître d’ouvrage de réaliser l’enquête auprès deslocataires sur un support informatique afin defaciliter son traitement et enrichir la base dedonnées. Cette proposition ne s’est pas concréti-sée.L’interpénétration des dimensions technique,économique et sociale a été démontrée dans lecadre des programmes Habitat et Vie Sociale(HVS) ou Développement Social des Quartiers(DSQ). L’expérimentation nous en a fait découvrird’autres aspects qui nous ont conduit à évoquer lanotion «d’optimisation des bénéfices de la réhabi-

litation», notion qui semblait bien convenir à lasensibilité «gestionnaire» du maître d’ouvrage.Face aux moyens financiers limités dont ils dispo-sent, les maîtres d’ouvrage sont tentés de circons-crire leurs projets de réhabilitation aux dimen-sions technique et économique et évacuent levolet social (considéré comme un «luxe») quirelève d’une autre logique.Occasion de renforcer les relations locataires -maître d’ouvrage, l’association des habitants à laréhabilitation de leurs immeubles et de leurquartier est pourtant susceptible d’engager leslocataires à faciliter la réalisation de travaux dontils perçoivent l’utilité, de les inciter à accompagnerl’opération en procédant eux-mêmes à de petitstravaux, de garantir la pérennité des nouveaux

équipements. Le volet «social» peut donc releverde l’objectif d’optimisation des bénéfices de laréhabilitation.L’expérimentation aura permis d’accomplirquelques avancées par rapport aux deux préoc-cupations évoquées. Sur le premier point, lesavancées sont surtout d’ordre technique etpourraient déboucher sur davantage de rigueurdans la conduite et l’ar ticulation des différentesphases situées en amont de l’exécution. Sur lesecond point, l’équipe de suivi a noté quebeaucoup d’avancées des programmes HVS etDSQ avaient été oubliées. Il est peut-êtrenécessaire de réinterpréter tout ce qui a puêtre produit antérieurement en tenant comptedu contexte social et économique actuel.Les analyses d’événements ont conduit à interro-ger concrètement les phases de préparation enamont du chantier. Elles ont aussi préparé lespartenaires aux réunions d’évaluation qui ontponctué le déroulement de l’expérimentation. Lemaître d’ouvrage, l’architecte, l’entreprise généraleont donc été interpellés sur leur rôle.

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Evaluation de la démarche et perspectives

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LE RÔLE CENTRAL DUMAÎTRE D’OUVRAGEL’évaluation a permis de dégager au moins quatreaxes d’amélioration qui concernent l’interventiondu maître d’ouvrage.

Le diagnostic doit prendre en compte ladiversité des logementsFaute de pouvoir visiter les 15 immeubles et les346 logements, il est néanmoins possible deconstituer un échantillon plus représentatif de ladiversité de configuration des immeubles et de lavariété de taille et de disposition des logements.Cela aurait permis de casser l’impression, enpartie fausse, d’homogénéité de ces grandsensembles au regard des travaux qui doivent yêtre effectués.

L’étude des besoins des locataires devraitêtre plus approfondieMalgré un taux de réponse honorable, l’enquêted’auto-diagnostic du logement aurait pu tendre àl’exhaustivité quasiment atteinte dans d’autresopérations de réhabilitation. Il aurait fallu pour celamobiliser des moyens supplémentaires et, parexemple, compléter l’enquête postale par desquestionnaires téléphoniques. Mais c’est surtoutau niveau de l’exploitation que le manque demoyens a fait défaut. Si celle-ci a permis de validerou d’invalider quelques options relatives auxtravaux, l’exploitation, entièrement manuelle, n’apas permis d’effectuer des croisements devariables qui auraient pu mieux rendre compte dela diversité des situations et des attentes deslocataires. La saisie des données, et leur traitementsur un logiciel de traitement d’enquêtes, auraientpermis de pallier cette carence sans travail supplé-mentaire. A l’occasion de la réalisation d’uneenquête de satisfaction d’une centaine delocataires, dont les logements avaient été réhabilités,l’équipe de suivi a pu démontrer l’intérêt d’effec-tuer la saisie des résultats et leur traitement sur unlogiciel de traitement d’enquête de typeETHNOS.

Développer la concertation pour optimi-ser les bénéfices de la réhabilitationCette perspective est controversée. Du point devue de l’équipe de suivi, une concertation appro-fondie aurait pu déboucher sur une individualisa-tion plus forte des travaux - sans aller jusqu’à des«travaux à la carte» - et encourager des compor-

tements d’appropriation du logement par leslocataires. Cette appropriation est souhaitable,dans la mesure où elle peut contribuer à «optimi-ser les bénéfices» de la réhabilitation en apportantdes garanties sur la durabilité des équipements etespaces rénovés, voire en incitant les locataires àengager à leur initiative quelques aménagementscomplémentaires. Du point de vue du maîtred’ouvrage, cette concertation, coûteuse enénergie, est à double tranchant : le dialogue peutsusciter des attentes qui ne pourront être satis-faites, l’individualisation des travaux peut induireune individualisation des loyers, facteur decomplexité et de conflits. En impliquant desétudiants de l’université dans l’évaluation de laréhabilitation, l’équipe de suivi a démontré qu’ilétait possible de trouver des appuis pour mener letravail de terrain susceptible de fonder unedémarche plus participative. Réalisée par entre-tiens individuels auprès des 100 premierslocataires à avoir bénéficié de la réhabilitation,l’enquête de satisfaction a, pour un coût minime etdans des délais brefs, apporté de nombreuxéléments d’évaluation. En mettant en évidencel’importance des travaux et aménagementsengagés spontanément par les locataires dontl’immeuble avait été rénové, elle a montré que laréhabilitation avait un effet certain de réappropria-tion du logement par ses occupants. Ce faisant,elle a permis à l’équipe de suivi de développerl’objectif d’optimisation des bénéfices de la réhabi-litation comme l’ensemble des moyens mobiliséspar le maître d’ouvrage pour favoriser l’émergen-ce de ces comportements chez les locataires àl’occasion d’une telle opération.

Evaluer les efforts consentis par les entre-prises en sondant régulièrement leslocatairesOutre le contrôle de la qualité des prestationsauquel participe le maître d’ouvrage, le suivi dudéroulement des opérations du point de vue desrelations avec les locataires s’appuie traditionnelle-ment sur l’importance et la nature des réclama-tions qui lui parviennent. L’élaboration et le traite-ment d’un questionnaire d’évaluation a démontréqu’il était possible de mettre en place des indica-teurs précis de satisfaction et d’effectuer plusieursmesures pendant le déroulement du chantier defaçon à pouvoir infléchir son fonctionnement.

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LE MAÎTRE D’OEUVRECOMME MEDIATEURDes facteurs externes à l’expérimentation ontempêché le cabinet d’architecte de jouer pleine-ment le rôle qu’il entendait tenir et ont entraînéun surcroît de travail ainsi qu’une période deflottement au moment de la préparation de l’opé-ration. L’évaluation de l’expérimentation a étél’occasion de rappeler les trois missions quiconcernent principalement l’activité du maîtred’oeuvre.

Participer à l’élaboration du descriptif destravaux et de son chiffrageLa mission du maître d’oeuvre consiste à présen-ter clairement les alternatives et leurs consé-quences afin de permettre au maître d’ouvraged’arrêter sa stratégie après s’être, le cas échéant,informé des pratiques extérieures. Le maîtred’ouvrage de l’opération de Toul émet encorequelques inquiétudes quant à la pertinence dechoix effectués pour entrer dans le budget.

Piloter une phase de validation des choixtechniques avant la signature des marchésIl s’agit de vérifier que les prestations prévues dansle menu global des travaux sont parfaitementcohérentes entre elles. Mais il s’agit également deles contextualiser, autrement dit de contrôlerqu’elles sont valables quel que soit le typed’immeuble ou de logement, s’assurer que la finali-té de chaque équipement nouveau a été préciséet convient bien à l’usage qui en est attendu. Dece point de vue, l’opération de réhabilitation aprésenté quelques carences. Par exemple, l’usageet l’affectation du local supplémentaire réalisé aurez-de-chaussée des immeubles à l’occasion de laréhabilitation ont-ils été suffisamment définis ?N’aurait-on pas pu se rendre compte plus enamont de l’oubli de l’éclairage des porchesd’entrée suite à la suppression de l’hypothèsed’éclairage permanent dans les allées, du défaut decomptage des jalousies à installer dans certainsséjours?

Réunir les partenaires pour définirensemble les conditions des prestationsLes conditions des prestations doivent être préciséesdans le cadre de rencontres tripartites entreprises- architecte - maître d’ouvrage afin de préciser, au caspar cas, les normes de qualité avant même d’enga-ger la procédure du logement-témoin.

LE RÔLE DEL’ENTREPRISE PILOTEL’expérimentation, qui a largement reposé sur lamobilisation de l’équipe de suivi et du conducteurde travaux, a débouché sur des résultats tangibles.On aurait pu craindre que la mise en place d’uneapplication informatique et d’un programme deformation intégrés aux situations de travailenrichisse uniquement la palette d’arguments àdisposition des commerciaux de l’entreprise. Larestitution de l’expérimentation à l’ensemble desconducteurs de travaux et cadres du serviceétude, en présence des membres de la direction, aapaisé ces craintes. Les cadres ont surtout retenuqu’il était possible de conduire les chantiers etd’encadrer le personnel de façon différente. Ladirection encourage maintenant la constitution degroupes de travail chargés de réfléchir à denouvelles expérimentations. Elle entend consoli-der les relations nouvellement établies avec l’institutde sociologie et la MIAGE, et s’ouvrir à denouveaux interlocuteurs (IUT génie civil, ESTP).La procédure de repérage et d’analyse des événe-ments est allé au-delà de l’identification deproblèmes d’exécution et d’élaboration desolutions. Elle a contribué à faire émerger desproblèmes qui relèvent de la conception du projetde réhabilitation et de la préparation du chantier.La démarche a permis d’apprécier l’étroitesse desliens entre toutes les phases de l’opération deréhabilitation et a attiré l’attention sur la place etle rôle de chacun des acteurs.

Un rôle contesté dans la phase dediagnostic et de proposition

Le rôle important joué par l’entreprise pilote enphase de diagnostic et de proposition a présentéun certain intérêt. Plusieurs hypothèses lourdes deréhabilitation ont été étudiées sur les planstechnique et financier : passage au chauffage gaz,isolation des façades par un revêtement bois, miseen conformité électrique. La consultation descorps d’état a permis d’éviter quelques erreurs,par exemple les effets pervers de pose deconduits d’aération sur l’isolation phonique deslogements. Le maître d’ouvrage n’est cependantpas convaincu d’en avoir tiré bénéfice et a tenu àréaffirmer son attachement aux modalités éprou-vées du partage des rôles et des responsabilités

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entre lui-même, l’architecte et les entreprises ainsiqu’à la procédure d’appels d’offres en lots séparés.La mise en concurrence des entreprises lui paraîtoffrir d’avantages de garanties pour parvenir aujuste prix.

Une ambition qui peut être suspec-tée d’hégémonie

Pour conclure, il est intéressant de s’interroger surce désaccord. Bien que le mot n’ait pas étéprononcé, le rôle joué par l’entreprise piloteévoque la notion d’ingénierie concourante. Il s’agitde susciter les échanges entre les partenaires afin demultiplier l’exploration des combinaisons, recher-cher les compromis optimaux. Les différentsmétiers n’interviennent plus en séquences, maisensemble tout au long du projet : les entreprisesparticipent au diagnostic et à la recherche desolutions, l’étude de prix prend en compte l’orga-nisation de la production.Toutefois, l’implication del’entreprise pilote dans une expérimentation dontelle est le leader la place dans une position avanta-geuse pour mener les négociations commerciales. Latentation existe de se prévaloir de l’ingénierieconcourante pour organiser l’association descorps d’états à la préparation du chantier etopérer ainsi à son profit un déplacement du

pouvoir au détriment du maître d’ouvrage ou del’architecte. Sous couvert de rapprocher gestionde production et gestion de projet en donnantaux chantiers les moyens d’une gestion deproduction «réactive», de réduire la fracture entre

fonction deconception etfonction deréalisation, lerisque existed’aboutir à unmélange desgenres qui neconduirait pasà une réduc-tion du coûtglobal del’opération.Ce seraitcertes détour-ner une notiondont l’applica-tion au BTP apourtant prissoin d’identifierle rôle essen-tiel du maîtred’ouvrage etde l’architecte.Pour l’éviter,

nous ne voyons que la possibilité d’encourager cesderniers à tenir pleinement leur rôle et s’impliquertrès directement dans le montage d’expérimenta-tions. Ils devraient peut-être se saisir de la notionplus ancienne, et sans doute plus spécifique ausecteur, de «démarche exigentielle-performancielle»qui rappelle opportunément l’existence de troistemps dans une démarche de conception concer-tée : la programmation exigentielle du maîtred’ouvrage, la conception fonctionnelle du maîtred’oeuvre, la consultation performancielle desentreprises.A cette condition la constitution d’une mémoiredes événements des chantiers, susceptible d’aiderl’entreprise pilote à tenir un rôle dans la sensibili-sation et l’animation de la réflexion des entre-prises co-traitantes, est un facteur de progrès.

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