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REVAL-615; No. of Pages 5

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Association inédite d’une maladie de Carrington et d’une thyroïdite deHashimoto : à propos d’un cas avec revue de la littérature

Rare association of Carrington’s disease and Hashimoto’s thyroiditis: Case report and review of theliterature

A. Rkiouak a,*, A. Zinebi b, A. Reggad a, Y. Akhouad a, M. Boudlal a, A. Nait Lho a, K. Ennibi a,M. Rabhi a, J. Chaari a

a Service de médecine interne A, hôpital militaire d’instruction Mohammed V, Rabat, Marocb Service de médecine interne, hôpital militaire Moulay Ismail, Meknès, Maroc

Reçu le 6 juillet 2013 ; accepté le 24 octobre 2013

Résumé

La pneumonie chronique idiopathique à éosinophiles (maladie de Carrington), connue de longue date, s’inscrit dans le cadre des pneumopathiesà éosinophiles sans cause déterminée. Le diagnostic repose sur des caractéristiques cliniques, des infiltrats pulmonaires associés à une éosinophiliecirculante et/ou alvéolaire. Le poumon à éosinophiles est le résultat de la sécrétion par la cellule Th2 de l’interleukine-5 qui entraîne le recrutementet l’activation des éosinophiles. La thyroïdite d’Hashimoto, maladie auto-immune spécifique d’organe, est la conséquence d’une rupture de latolérance centrale et périphérique du fait de facteurs génétiques et environnementaux. L’association entre les deux pathologies n’a jamais étédécrite dans la littérature. Cet article fait le point sur la physiopathologie, le diagnostic, le traitement d’une association exceptionnelle entre unemaladie rare, la maladie de Carrington et la thyroïdite d’Hashimoto.# 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Poumon à éosinophile ; Maladie de Carrington ; Thyroïdite de Hashimoto ; Syndrome hyperéosinophilique ; Cytokines

Abstract

Chronic eosinophilic pneumonia (Carrington’s disease) is an eosinophilic pneumonitis of unknown etiology. The diagnosis is based on well-defined clinical characteristics and pulmonary infiltrates associated with circulating and/or cellular eosinophilia. Eosinophilic pneumonia is a resultof the secretion of IL-5 by Th2-cells, which leads to the recruitment and activation of eosinophils. Hashimoto’s thyroiditis, an organ-specificautoimmune disease, is the result of the rupture of central and peripheral tolerance due to genetic and environmental factors. The associationbetween the two diseases has never been reported in the literature. In this article, we review the pathophysiology, diagnosis and treatment ofCarrington’s disease and Hashimoto’s thyroiditis.# 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Chronic eosinophilic pneumonia; Carrington’s disease; Hashimoto’s thyroiditis; Case report; Diagnosis; Therapy

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

Revue française d’allergologie xxx (2013) xxx–xxx

1. Introduction

La maladie de Carrington, ou pneumopathie chroniqueidiopathique à éosinophiles (PCIE), est une maladie rare qui

* Auteur correspondant. Hôpital militaire Mohammed V, BP 10100, Rabat,Maroc.

Adresse e-mail : [email protected] (A. Rkiouak).

Pour citer cet article : Rkiouak A, et al. Association inédite d’une maladiavec revue de la littérature. Rev Fr Allergol (2013), http://dx.doi.org/10

1877-0320/$ – see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservhttp://dx.doi.org/10.1016/j.reval.2013.10.007

s’accompagne, dans 10 % de cas environ, d’une symptoma-tologie évocatrice : altération de l’état général, fièvre, toux,dyspnée, des signes radiologiques à type d’infiltrats pulmo-naires à prédominance périphérique et d’une éosinophiliecirculante et/ou alvéolaire d’évolution chronique. Ceci estassocié à l’absence de toute atteinte extra-respiratoireorganique et après l’exclusion de toute autre cause déterminéede pneumopathie éosinophilique. L’évolution sous corticoïdesest en règle favorable, mais les rechutes sont fréquentes.

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Fig. 1. Radiographie thoracique de face montrant une infiltration interstitiellebilatérale.Chest radiograph showing bilateral interstitial infiltration.

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Les thyroïdites, y compris celles d’Hashimoto, sont parmiles affections endocriniennes les plus fréquentes. La premièredescription est classiquement attribuée à Hashimoto, en 1912.La définition clinique classique de la maladie de Hashimoto,thyroïdite chronique auto-immune, correspond à l’existenced’un goitre avec présence d’anticorps antithyroïdiens et le plussouvent d’une hypothyroïdie [1].

L’association entre les deux pathologies n’a jamais étédécrite dans la littérature à notre connaissance.

Nous rapportons le cas d’une patiente atteinte de PCIE,pathologie rare qui pose souvent des difficultés diagnostiquesavec une thyroïdite auto-immune, fréquente, caractérisée par ungoitre diffus, des titres élevés d’anticorps antithyroperoxydaseet une hypothyroïdie permanente, éventuellement précédéed’une brève hyperthyroïdie.

Notre objectif est de faire le point sur la physiopathologie, lediagnostic, le traitement de cette association exceptionnelleentre une maladie rare, la maladie de Carrington et la thyroïdited’Hashimoto, maladie auto-immune, cliniquement non man-ifeste.

2. Observation

Nous présentons le cas d’une femme non fumeuse âgée de48 ans, ayant comme antécédents : une hypertension artériellesous diltiazem et un diabète type 2 initialement sousantidiabétiques oraux puis sous insuline.

Il n’y avait ni de notion de séjour en pays d’endémieparasitaire ni de contage tuberculeux. Elle a été adressée pourune symptomatologie, évoluant depuis 2 mois, faite d’unedyspnée, d’une oppression avec douleurs thoraciques etd’arthralgies d’allure inflammatoire. Elle présentait égalementune toux chronique sans hémoptysie dans un contexte de fièvrefluctuante.

L’examen clinique notait une obésité (IMC à 40 kg/m2), unetension artérielle à 140/80 mmHg, une fréquence respiratoirede 20 cycles/min avec la présence des râles crépitant et sous-crépitant bilatéraux. Il n’existait pas d’ulcérations cutanéomu-queuses, ni d’organomégalie, ni d’adénopathies périphériques.Il n’y avait pas d’anomalies cardiovasculaires à l’examen.

La palpation du cou objectivait un goitre modéré, indolore,homogène, ferme avec des remaniements pseudo-nodulaires,sans caractère vasculaire et sans adénopathies de voisinage. Onnotait par ailleurs une bradycardie à 58 battements par minute.L’électrocardiogramme montrait des troubles de dépolarisationà type d’ondes T négatives en antéro-septal avec des enzymescardiaques négatives. La gazométrie artérielle montrait unehypoxémie à 47 mmHg avec normocapnie. L’échocardiogra-phie objectivait un épanchement péricardique minime, unehypertrophie du ventricule gauche qui était de cinétiquenormale et de fonction systolique (FES) conservée (FES à54 %).

Le bilan biologique retrouvait un important syndromeinflammatoire, avec une CRP à 120 mg/L et une fibrinogénémieà 7 g/L. Sur plusieurs hémogrammes effectués depuis 1 mois,on retrouvait une hyperéosinophilie sanguine supérieure à4900 éléments/mm3.

Pour citer cet article : Rkiouak A, et al. Association inédite d’une maladiavec revue de la littérature. Rev Fr Allergol (2013), http://dx.doi.org/10

Le bilan hormonal est revenu en faveur d’une hypothyroïdieavec une TSHus (thyréostimuline ultrasensible) à 185,2 mUI/mL (N : 0,27–4,20 mUI/mL), LT4 à 1,60 pmol/l (N : 12–

22 pmol/L) et LT3 à 1,80 pmol/L (N : 2,80–7,10 pmol/L). Letaux de cortisol plasmatique était normal. Les auto-anticorpsantithyroperoxydase (TPO) étaient à 45 UI/mL (N : 0–31 UI/mL) et anti-thyroglobuline (TG) à 758,6 UI/mL (N : 0–115 UI/mL). L’échographie a confirmé l’existence d’un goitrehétérogène avec deux nodules hypoéchogènes de petite taille.La scintigraphie thyroïdienne au technétium a montré unefixation faible et hétérogène. L’ensemble de ses élémentsévoquait une thyroïdite auto-immune de Hashimoto.

Devant cette hyperéosinophilie persistante et un tel tableauclinique, une série d’examens ont été réalisés.

La radiographie pulmonaire initiale (Fig. 1), complétée parle scanner thoracique (Fig. 2), ont mis en évidence des infiltratspulmonaires périphériques avec des opacités alvéolo-inter-stitielles périphériques et un aspect en verre dépoli.

Les explorations fonctionnelles respiratoires ont révélé untrouble ventilatoire restrictif. Le pourcentage des éosinophilesdans le lavage broncho-alvéolaire (LBA) était à 48 %.

Le contexte a fait discuter une granulomatose éosinophi-lique avec polyangéite (syndrome de Churg et Strauss), écartéedevant l’absence d’asthme, de sinusite, de neuropathie oud’autre atteinte extrapulmonaire. Le dosage d’ANCA (antic-orps anticytoplasme des neutrophiles) était négatif de mêmeque les anticorps antinucléaires et des immunoglobulines Etotales. Toutes les causes de pneumopathie à éosinophiles ontété éliminées : infectieuses (parasitoses, tuberculose) notam-ment à Aspergillus, médicamenteuses, toxiques, allergiques(l’aspergillose bronchopulmonaire allergique) et autres (pneu-mopathie aiguë à éosinophiles, syndrome hyperéosinophiliqueidiopathique).

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Fig. 2. TDM thoracique révélant un infiltrat alvéolo-interstitiel avec aspect enverre dépoli.Chest CT revealing an alveolo-interstitial infiltrate with frosted glass appea-rance.

Tableau 1Classification du poumon à éosinophile.Pulmonary eosinophilia classification.

Le poumon eosinophile d’etiologie connue

Les parasitoses (variables selon les régions)Les affections fongiques et surtout l’aspergillose broncho-pulmonaire

allergiqueLes causes médicamenteuses très nombreuses

Le poumon eosinophile en relation avec une vascularite

Le syndrome de Churg-Strauss (SCS), plus rarement la polyangéitemicroscopique et certaines formes de maladie de Wegener

Le poumon eosinophile idiopathique qui regroupe trois entites tres differentes

La pneumonie éosinophile chronique idiopathique décrite initialementpar Carrington

La pneumonie éosinophilique aiguë d’individualisation récenteLes syndromes hyperéosinophiles, avec deux variants, le variant

myéloïde et le variant lymphoïde

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Le diagnostic de maladie de Carrington ou pneumopathiechronique idiopathique à éosinophiles avec thyroïdite deHashimoto a été retenu.

Une corticothérapie et une oxygénothérapie ont étéinstituées parallèlement à la prise en charge de la cardiopathieet du diabète de même qu’une hormonothérapie substitutive parlévothyroxine à faibles doses (25 mg/j).

L’évolution était marquée par une amélioration clinique,biologique et morphologique : une baisse progressive du tauxsanguin des éosinophiles, une euthyroïdie et un nettoyageradiologique spectaculaire.

3. Discussion

Le poumon éosinophile, entité rare mais non exceptionnelle,suscite toujours pour le clinicien de difficiles problèmes,compte tenu de la diversité étiologique et de la nécessité d’undiagnostic précis. Deux radiologues canadiens ont proposé en1978 [2] une classification du poumon éosinophile en troissous-groupes, laquelle demeure à ce jour la plus simple et laplus pratique pour le clinicien (Tableau 1).

La pneumopathie chronique idiopathique à éosinophiles(PCIE), aussi appelée maladie de Carrington, du nom del’auteur qui en fit la première description en 1969 [3]. Elles’inscrit dans le cadre des pneumopathies à éosinophiles sanscause déterminée [4].

Cette maladie rare, représentant moins de 2,5 % del’ensemble des pneumopathies infiltrantes diffuses, touchepréférentiellement la femme d’âge moyen, avec souvent desantécédents d’asthme et d’atopie.

Dans les PCIE, les éosinophiles pathogènes sont recrutés parl’interleukine-5 (IL-5) [5] qui est sécrétée par les lymphocytesTh2 activés. L’IL-5 et IL-18 sont présents à des concentrationsélevées dans le LBA. L’IL-5 inhibe également l’apoptose des

Pour citer cet article : Rkiouak A, et al. Association inédite d’une maladiavec revue de la littérature. Rev Fr Allergol (2013), http://dx.doi.org/10

polynucléaires éosinophiles. Après le recrutement, les éosino-philes dégranulent dans l’interstitium et les alvéoles [6].

L’IL-6 et l’IL-10 sont également impliquées dans lapathogenèse de la PCIE [7]. L’atteinte des tissus est en grandepartie liée à la libération de produits toxiques, de la protéinecationique des éosinophiles et des dérivés neurotoxiniques. Lalibération de facteur d’activation plaquettaire et les leucotriènescontribuent au bronchospasme. Les lésions des voies respir-atoires, les sécrétions bronchiques et le bronchospasme peuventconduire à une insuffisance respiratoire [8].

Le développement de PCIE a été lié à la chimiokinethymique TARC-CCL17 et la chimiokine macrophagiqueMDC-CCL22, qui sont élevés dans le liquide de lavagebroncho-alvéolaire comme dans l’exacerbation de l’asthme[9,10]. Ces chimiokines activent les lymphocytes Th2 quisécrètent IL-5 et recrutent les éosinophiles. Plus de 86 % depatients qui ont des éosinophiles dans le LBA expriment HLA-DR, comparativement à seulement 7 % dans l’hyperéosino-philie sanguine périphérique [9].

La PCIE peut se présenter isolement et/ou être associée à lapériartérite noueuse, la polyarthrite rhumatoïde, la scléroder-mie, la recto-colite hémorragique, le cancer du sein et lelymphome histiocytaire [6]. L’association avec une thyroïditede Hashimoto est la première à être rapportée à notreconnaissance.

L’histoire naturelle de PCIE, son association à d’autresphénomènes immunitaires et la réponse rapide aux corticoïdesindiquent clairement un dysfonctionnement immunitaire à lasource de la maladie comme dans la thyroïdite de Hashimoto oùaussi bien l’immunité cellulaire qu’humorale sont impliquées.Des anticorps ou des cellules T, produits en réponse à un agentinfectieux, réagiraient par une réaction croisée avec desantigènes du soi exprimés sur les thyréocytes.

Il existe également une expression massive d’antigènes declasse II du CMH sur les thyréocytes de patients atteints dethyroïdite de Hashimoto comparativement aux thyréocytesnormaux. Il a été montré que cette expression pouvait êtreinduite par l’INF-g et que les cellules thyroïdiennes étaientcapables de présenter l’antigène à des clones de lymphocytes T

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spécifiques. Les thyréocytes expriment également fortement lesmolécules de costimulation B7.1 (CD80). L’interaction CD80/CD28 est nécessaire à l’activation des lymphocytes infiltratifsqui se différencient en Th1 sécréteurs de cytokines permettantle maintien du processus auto-immun [11,12].

L’IL1b jouerait un rôle important dans la destruction desthyréocytes en induisant l’expression de ces molécules decostimulation B7.1.

Les thyréocytes eux-mêmes pourraient produire l’IL1baprès action de l’INF-g et des cytokines produites par lescellules Th1 [13].

L’activation de la voie apoptotique Fas (CD95)/Fas-Ligand(CD95L) est un mécanisme habituel des processus pathologi-ques auto-immuns. Cette voie apoptotique jouerait un rôleimportant dans le contrôle du volume thyroïdien.

Dans la thyroïdite de Hashimoto, la disparition desthyréocytes résulterait d’un déséquilibre entre la régénérationcellulaire restée normale et une apoptose fortement augmentée[14,15]. L’expression aberrante de Fas-Ligand par lesthyréocytes induit leur apoptose par les thyréocytes adjacents.

L’IL1b qui induit l’expression de Fas sur les thyréocytesparticipe aussi à l’activation de cette voie apoptotique [13].

Il existe une susceptibilité génétique polygénique, multi-factorielle, à pénétrance variable. Cette prédispositiongénétique est également suggérée par l’héritabilité des antic-orps antithyroïdiens dans certaines familles [16].

Dans les populations blanches, une association a étérapportée entre la maladie de Hashimoto et différents allèlesHLA, notamment [16,17] B8, DR3, DR4, DR5, DQA1*0201/*0301 et DQB1*03.

Très récemment, ont été identifiés deux loci principauximpliqués dans la prédisposition à la maladie de Hashimoto, legène cytotoxic T lymphocyte antigen 4 gene (CTLA4) et lesgènes du CMH [16,17].

La thyroïdite de Hashimoto peut être associée à d’autresmaladies auto-immunes. L’existence d’une thyroïdite chez despatients atteints de diabète de type 1 varie de 22 à 40 % selon lesétudes et les populations [16]. D’autres maladies auto-immunescomme la maladie de Basedow et la polyarthrite rhumatoïde ontété notées. Plus rarement, elle peut être associée à uneinsuffisance ovarienne prématurée, à une myasthénie, à unesclérose plaques et à la maladie cœliaque. L’association à unemaladie de Carrington n’a jamais été décrite par les auteurs. Lesanticorps anti-TPO sont présents chez 90 % des patients atteintsde thyroïdite de Hashimoto. Ils ne sont pas spécifiques,puisqu’ils sont aussi présents chez 86 % des sujets atteints demaladie de Basedow [18]. À l’inverse, la présence des anticorpsanti-Tg (positifs dans 90 % des cas) est corrélée à la survenued’une hypothyroïdie [19].

Les manifestations cliniques de la PCIE étant peuspécifiques, ce sont généralement l’imagerie et la biologiequi orientent vers le diagnostic.

L’imagerie est essentielle, montrant une topographiepériphérique assez évocatrice. Classiquement, ce sont desopacités alvéolaires à bords mal définis, non systématisées,localisées dans les territoires pulmonaires périphériques,essentiellement dans les régions supérieures et moyennes.

Pour citer cet article : Rkiouak A, et al. Association inédite d’une maladiavec revue de la littérature. Rev Fr Allergol (2013), http://dx.doi.org/10

D’autres aspects radiographiques inhabituels ont été rapportés :opacités alvéolaires d’allure systématisées, opacités micro- ouréticulo-nodulaires ou épanchements pleuraux [20].

La TDM thoracique précisera mieux la topographiepériphérique des lésions lorsqu’elles ne sont pas évidentessur l’imagerie standard.

Outre l’imagerie, c’est l’hémogramme qui conduit souventau diagnostic. En effet, l’éosinophilie sanguine est pratique-ment constante, en règle générale supérieure à 1000 éléments/mm3, voire plus. Un syndrome inflammatoire modéré estfréquemment rapporté [21], comme dans notre observation.

L’exploration fonctionnelle respiratoire est d’un intérêtcapital pour suivre l’évolution de la maladie. Elle montresouvent un trouble ventilatoire restrictif et une diminution dutransfert du monoxyde de carbone. La survenue d’un troubleventilatoire obstructif est habituelle dans l’évolution ultérieure.L’analyse des gaz du sang artériel montre fréquemment unehypoxémie le plus souvent discrète à modérée.

Le LBA confirme la nature éosinophilique des infiltratsobservés en imagerie. Les éosinophiles représentent enmoyenne 50 % des éléments cellulaires dans le LBA depatients atteints de PCIE avec des extrêmes allant de 10 à 95 %[22,23].

Dans notre observation, la présentation clinique et mor-phologique, l’hyperéosinophilie sanguine évoquaient unepathologie pulmonaire à éosinophiles. L’absence d’antécédentsasthmatiques, l’existence de trouble ventilatoire restrictif, lanégativité des ANCA écartaient un syndrome de Churg etStrauss. Aucune étiologie infectieuse ou médicamenteusen’était trouvée.

Quatre éléments essentiels sont proposés, tous présents cheznotre patiente, pour retenir le diagnostic de PCIE [4] :

� la présence de symptômes respiratoires et le plus souventgénéraux à caractère subaigu ou chronique ;� la présence d’une éosinophilie sanguine et/ou alvéolaire ;� la présence d’opacités le plus souvent de nature alvéolaire en

imagerie thoracique ;� l’exclusion de toute cause déterminée de pneumopathie

éosinophilique est un pré-requis avant de poser le diagnostic.

L’ensemble de ses éléments était en faveur d’une associationnouvelle entre la maladie de Carrington et la thyroïdite deHashimoto.

Même si la maladie de Carrington et la thyroïdite deHashimoto sont deux entités pathologiques décrites commebien distinctes, quelques points communs sont à noter : laprédominance féminine, l’association avec d’autres maladiesauto-immunes, l’expression de l’HLA-DR et la sécrétion decytokine par une expansion lymphocytaire Th2.

La prise en charge de la PCIE est bien codifiée [24]. Ellerepose sur la corticothérapie par voie générale qui ne doit pasdépasser 0,5 mg/kg par jour avec une dégression rapide et unarrêt du traitement sur 6 semaines. Elle permet une disparitiondes symptômes et des infiltrats radiologiques en quelques jours.

Un traitement de la thyroïdite de Hashimoto, maladie auto-immune, par des stéroïdes n’est pas indiqué. Même s’ils

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abaissent les taux d’anticorps, ils n’influencent pas l’évolutionà long terme, tout en exposant à des effets indésirables bienconnus [25].

Le traitement est substitutif par lévothyroxine, en casd’hypothyroïdie avérée. En cas d’hypothyroïdie« infraclinique », l’indication est discutée mais la présenced’anticorps incite beaucoup d’auteurs à traiter. Le traitementdoit être débuté à faibles doses (12,5 ou 25 mg/j) et augmenté defaçon progressive chez les patients ayant une cardiopathie.

4. Conclusion

La maladie de Carrington représente le diagnostic d’élimi-nation d’une hyperéosinophilie, impliquant toute une batteried’examens complémentaires, bien évidemment guidée par lesdonnées cliniques.

L’association avec une thyroïdite de Hashimoto, thyroïditechronique auto-immune, décrite ici pour la première fois, estpossible. Même s’ils sont deux entités pathologiques biendistinctes, quelques points communs sont à noter.

L’évolution spontanée se fait vers des complications avecrisque de décès. L’instauration d’une corticothérapie est d’unintérêt capital entraînant une amélioration spectaculaire.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

Références

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Pour citer cet article : Rkiouak A, et al. Association inédite d’une maladiavec revue de la littérature. Rev Fr Allergol (2013), http://dx.doi.org/10

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