article world forum lille

4
Jocelyn Blériot : « Il faut passer d’une économie de la possession à un modèle de service » PAGE 35 Repenser dans la durée la relation client-fournisseur PAGE 36 France Télécom développe son écosystème en Afrique PAGE 36 Philippe Vasseur : « La RSE ne s’octroie pas, elle se partage » PAGE 37 SOMMAIRE SPÉCIAL DÉVELOPPEMENT DURABLE A Durban, dans un peu plus de trois semaines, les négocia- tions internationales sur la lutte contre le changement climati- que reprendront dans une atmos- phère morose. La crise économi- que et la réticence américaine ont mis un frein au volontarisme des Etats qui devait permettre de pren- dre le relais du protocole de Kyoto. Mais l’enlisement des discussions sur le financement des politiques de réduction des émissions de CO 2 et de lutte contre la déforestation n’a pas fait disparaître les problè- mes. Non loin de là, au sud de Madagascar, près de Fort Dauphin, une expérience tente de rompre le cercle vicieux de la déforestation. Une agriculture de subsistance où les villageois sont contraints, tout les deux ou trois ans, de défricher une nouvelle parcelle de forêt, de brûler les arbres pour fertiliser la terre ainsi dégagée. Un mode de vie qui conduit les familles à dépendre exclusivement du bois de la forêt pour cuisiner, construire les mai- sons et espérer, sans y parvenir la plupart du temps, à éviter la période de soudure où les greniers sont vides et où il faut demander de l’aide au Programme alimentaire mondial. Depuis 2008, cette expérience, financée à hauteur de 5 millions d’euros par Air France et mise en œuvre par WWF international et l’ONG française Good Planet, vise à créer un nouvel équilibre en per- suadant les villageois de cesser de couper la forêt et de développer de nouvelles activités agricoles géné- ratrices de revenus. Sans oublier de replanter des arbres pouvant servir de bois de construction à l’avenir et, enfin, de financer sur le long terme le reboisement d’espèces locales : 70 % de la faune et de la végétation de la forêt malgache sont endémi- ques, avec par exemple l’Alluaudia ascendens, un arbre qui ressemble à un gigantesque cactus et dont les branches sans feuilles servent à construire les maisons. Les habitants vivent dans une misère absolue. Ni eau, ni électri- cité, ni meubles dans les maisons. Les trous sur la piste menant aux villages éloignés de l’Anosy et de l’Androy, où plus de 80 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, sont plus gros qu’un 4×4 ! Dans le village de Bebadzi, une jeune femme d’une trentaine d’années tient un cahier d’écolier récapitulant les 60 volailles don- nées par les ONG aux foyers volon- taires réunis en association. Ils sont aujourd’hui à la tête de 250 ani- maux, vendent les œufs et ont inventé un nouveau concept, le prêt de 3 poules à des familles qui font grandir les poussins et doivent en échange en rendre 6 à la com- munauté. « Aujourd’hui, nous som- mes en mesure de réparer le toit de nos maisons », affirme-t-elle, tandis que les hommes ont commencé à apprendre les techniques d’utilisa- tion de nouvelles ruches plus productives. Contrat moral A la clef, une sorte de contrat moral avec le village membre de la com- munauté de base qui s’engage à ne plus déforester. Non loin de là, la fourniture de pompes à pied a per- mis de faire remonter l’eau du sous- sol pour cultiver des légumes non périssables (oignons, carottes, courgettes) qui sont ensuite trans- portés par carriole à 70 kilomètres, au marché de la petite ville voisine. De quoi rapporter dix fois plus sur un petit espace que les plantations de manioc et de maïs traditionnel- les. « Nous travaillons avec les ménages volontaires en leur propo- sant de se regrouper autour d’une association sur une activité particu- lière (aviculture, maraîchage, éle- vage), avec l’idée qu’ils seront rejoints par d’autres lorsque les pre- miers résultats sont obtenus », raconte Maminiaina Rasamoelina, responsable du projet pour le WWF. Depuis 2008, l’ONG affirme avoir sensibilisé 9.400 ménages – notamment par des films – et formé 900 familles volontaires, tan- dis que 250 autres ont déjà mis en œuvre des projets. L’ensemble du pays porte sur 140.000 hectares, auquel il faut ajouter la création de 350.000 hectares d’aires protégées, 20.000 hectares de paysages dégra- dés à restaurer et 5.000 autres à reboiser. A plus long terme, les scientifi- ques de Good Planet ont mené de nombreuses études sur le terrain pour calculer le contenu CO 2 de la forêt malgache. Ils croisent les doigts pour que les négociations de Durban soient un succès et que le mécanisme de financement de la lutte contre la déforestation (REDD) commence enfin à porter ses fruits. JULIE CHAUVEAU La compagnie aérienne finance sur trois ans, à hauteur de 5 millions d’euros, un projet du WWF et de l’ONG Good Planet. A Madagascar, Air France tente de conjuguer lutte contre la déforestation et aide au développement ENVIRONNEMENT Depuis 2008, environ 10.000 ménages ont été sensibilisés à la lutte contre la déforestation et à de nouvelles activités agricoles. BERTHOLD STEINHILBER/LAIF-REA L es entreprises ont de plus en plus de comptes à rendre sur leurs actions et leurs straté- gies. Comme le souligne Eli- sabeth Laville, présidente d’Utopies, agence de conseil en développement durable : « Nous sommes passés d’une logique du “trust me” (“tu peux me croire”) à une logique du “prove me” (“prou- ve-le”). Les parties prenantes jugent les intentions affichées à l’aune de la performance constatée et comparée : 90 % des Français pensent que les entreprises ne s’engagent sur l’envi- ronnement que pour des raisons commerciales, alors que ce chiffre n’est que de 40 % au Japon. » De ce constat découlent deux ten- dances essentielles, mises en avant par le think tank du World Forum Lille Institute : tout d’abord, la nécessité de modifier la présenta- tion des indicateurs de performan- ces pour se diriger vers un « repor- ting » 360 degrés et permettre ainsi de mieux coller aux attentes de cha- que partie prenante ; par ailleurs, le besoin d’intégrer le « reporting » développement durable au « repor- ting » financier, pour le transformer en outil de création de valeur. Dans ce cadre, trois cas d’école viennent étayer la réflexion du groupe d’experts. Par exemple, la mise en place d’une comptabilité verte chez McDonald’s a permis au groupe de restauration d’intégrer dans sa comptabilité classique le coût des émissions de CO 2 émises par ses restaurants, mais aussi sur un périmètre qui intègre toute la filière en amont et en aval. De son côté, Nature et Découvertes a lancé, dès 2005, une ambitieuse politique de bilan carbone. Chaque service dispose d’un quota carbone annuel et les collaborateurs remplissent une « note de frais CO 2 », afin de sui- vre les émissions liées aux déplace- ments. Les fournisseurs sont égale- ment accompagnés dans cette démarche via une interface Inter- net. Enfin, IDGroupe travaille sur les notions de plaisir et de déplaisir liés au travail et fonde sa réflexion autour d’indicateurs tels que la clarté du système de rémunération ou le sentiment d’un traitement équitable des collaborateurs. Utiliser les bons indicateurs De fait, chaque entreprise a intérêt à se concentrer sur un nombre limité d’indicateurs. Selon les membres du think tank, il y en a environ une quinzaine, certains universels (con- sommations d’eau et d’énergie, émissions de CO 2 ), d’autres plus sectoriels. D’après Claude Lenglet, copilote du World Forum Lille Insti- tute, « ces indicateurs ont un rôle dans le pilotage de la démarche, en lien avec la stratégie globale de l’entreprise. Ce travail de “reporting” doit pouvoir servir les objectifs d’innovations d’une entreprise. Il peut influencer ses actions futures, faire évoluer ses pratiques et pour- quoi pas son offre. » La bonne mesure de la responsa- bilité sociale et environnementale (RSE) est aussi la meilleure manière de s’inscrire dans une logique pérenne. « Le “reporting” doit per- mettre aux entreprises de mettre en relation les enjeux RSE et leur modèle économique, explique Patrick d’Humières, conseil stratégique en développement durable à l’Institut L’un des principaux défis en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises est de créer de la valeur sans creuser les inégalités. Comment prendre les bonnes décisions ? De quels outils de prévisions et de suivi se doter ? Retour sur la réflexion et les premières conclusions d’un groupe d’experts mobilisé par le World Forum de Lille, dont l’édition 2011 débute le 15 novembre. Comment intégrer la responsabilité dans le pilotage stratégique des entreprises ENJEUX Les entreprises doivent désormais intégrer leurs performances en matière de développement durable à leur « reporting » financier pour les transformer en outil de création de valeur. GETTY IMAGES/DESIGN PICS RF « Avec une palette de 100 indica- teurs concernant la RSE, on ne mesure rien. Il faut identifier les leviers sur lesquels l’entreprise a le plus d’influence. La RSE doit être connectée à la stratégie et au métier, affirme Farid Baddache, directeur Europe de BSR. Le “reporting” intégré est un espace en plein développement. Contrai- rement à il y a quelques années où la récolte des données était fasti- dieuse, nous disposons aujourd’hui de processus plus robustes. Ils permettent de collecter les données de manière dynami- que, d’analyser plus finement les impacts financiers et de modifier les allocations de ressources en conséquence. La capacité à combi- ner des indicateurs de moyens et de résultats permet de définir une approche aussi solide que possible, mobilisant d’une part les systèmes de management en place, tout en mesurant l’impact des actions entreprises afin de rendre compte. Les indicateurs de moyens permet- tent de mesurer les moyens alloués à un effort RSE particulier : bud- gets alloués à une activité RSE particulière, taux de formation à un outil de devoir de diligence sur les droits de l’homme, etc. Les indicateurs de résultat permettent de mesurer l’impact des actions entreprises : amélioration de conditions de travail dans une usine, réduction des risques de non-respect des droits de l’homme. Ces indicateurs doivent démontrer de la création de valeur sur diffé- rents fronts, par exemple économi- ques et sociétaux. » PROPOS RECUEILLIS PAR J. R. FARID BADDACHE « UN NOUVEL ENJEU, MESURER LA CRÉATION DE VALEUR » RSE Management. Cela ne doit pas seulement servir à voir où l’entreprise se situe à un instant T, mais à connaî- tre sa marge de progression et à fixer de nouveaux objectifs. Trois types d’indicateurs sont alors essentiels dansle“reporting”:lesindicateursde conformité (NRE, Grenelle II), les indicateurs d’engagement et les indi- cateurs de management. Il faut aussi savoir aller à l’essentiel. La transpa- rence pour la transparence n’est pas utile, certaines entreprises ont ten- dance à rapporter trop d’informa- tions qui ne sont pas pertinentes. » C’est en se concentrant sur ce qui est stratégique que la réflexion peut être suivie d’effet. « Aujourd’hui, analyse Patrick d’Humières, 20 % des entre- prises peuvent être considérées comme pionnières sur ces questions. 30 % sont clairement en retard et le reste est au fil de l’eau. » JÉRÉMY REBOUL TROIS JOURNÉES D’ÉCHANGES À LILLE Pour sa cinquième édition, le World Forum de Lille, s’est donné pour thème « Oser la richesse ». Les participants, représentants des entreprises, des collectivités et de la société civile notamment, aborderont la création de richesses dans une logique d’économie responsable sous les angles les plus divers, à travers une série de conférences, débats et ateliers. Les 15, 16 et 17 novembre, à Lille (Grand Palais). www.worldforum-lille.org

Upload: aude-cellule-editoriale

Post on 10-Jun-2015

283 views

Category:

Documents


4 download

TRANSCRIPT

Page 1: Article World Forum Lille

JocelynBlériot : « Il faut passer d’uneéconomiede lapossessionàunmodèlede service »PAGE 35Repenser dans la durée la relation client-fournisseurPAGE 36 FranceTélécomdéveloppe sonécosystèmeenAfrique PAGE 36 PhilippeVasseur : « LaRSEne s’octroie pas, elle separtage»PAGE 37

SOMMAIRE

SPÉCIAL DÉVELOPPEMENT DURABLE

A Durban, dans un peu plus detrois semaines, les négocia-tions internationales sur la

lutte contre le changement climati-que reprendront dans une atmos-phère morose. La crise économi-que et la réticence américaine ontmis un frein au volontarisme desEtats qui devait permettre de pren-dre le relais du protocole de Kyoto.Mais l’enlisement des discussionssur le financement des politiquesde réduction des émissions de CO2

et de lutte contre la déforestationn’a pas fait disparaître les problè-mes. Non loin de là, au sud deMadagascar, près de Fort Dauphin,une expérience tente de rompre lecercle vicieux de la déforestation.Une agriculture de subsistance oùles villageois sont contraints, toutles deux ou trois ans, de défricherune nouvelle parcelle de forêt, debrûler les arbres pour fertiliser laterre ainsi dégagée. Un mode de viequi conduit les familles à dépendreexclusivement du bois de la forêtpour cuisiner, construire les mai-sons et espérer, sans y parvenir laplupart du temps, à éviter la

période de soudure où les grenierssont vides et où il faut demander del’aide au Programme alimentairemondial.

Depuis 2008, cette expérience,financée à hauteur de 5 millionsd’euros par Air France et mise enœuvre par WWF international etl’ONG française Good Planet, vise àcréer un nouvel équilibre en per-suadant les villageois de cesser decouper la forêt et de développer denouvelles activités agricoles géné-ratrices de revenus. Sans oublier dereplanter des arbres pouvant servirdeboisdeconstructionàl’aveniret,enfin, de financer sur le long termele reboisement d’espèces locales :70 % de la faune et de la végétationde la forêt malgache sont endémi-ques, avec par exemple l’Alluaudiaascendens, un arbre qui ressembleà un gigantesque cactus et dont lesbranches sans feuilles servent àconstruire les maisons.

Les habitants vivent dans unemisère absolue. Ni eau, ni électri-cité, ni meubles dans les maisons.Les trous sur la piste menant auxvillages éloignés de l’Anosy et de

l’Androy, où plus de 80 % de lapopulation vit en dessous du seuilde pauvreté, sont plus gros qu’un4!4 ! Dans le village de Bebadzi,une jeune femme d’une trentained’années tient un cahier d’écolier

récapitulant les 60 volailles don-nées par les ONG aux foyers volon-taires réunis en association. Ils sontaujourd’hui à la tête de 250 ani-maux, vendent les œufs et ontinventé un nouveau concept, le

prêt de 3 poules à des familles quifont grandir les poussins et doiventen échange en rendre 6 à la com-munauté.« Aujourd’hui,noussom-mes en mesure de réparer le toit denosmaisons », affirme-t-elle, tandisque les hommes ont commencé àapprendre les techniques d’utilisa-tion de nouvelles ruches plusproductives.

Contrat moralA la clef, une sorte de contrat moralavec le village membre de la com-munauté de base qui s’engage à neplus déforester. Non loin de là, lafourniture de pompes à pied a per-misdefaireremonterl’eaudusous-sol pour cultiver des légumes nonpérissables (oignons, carottes,courgettes) qui sont ensuite trans-portés par carriole à 70 kilomètres,au marché de la petite ville voisine.De quoi rapporter dix fois plus surun petit espace que les plantations de manioc et de maïs traditionnel-les. « Nous travaillons avec lesménages volontaires en leur propo-sant de se regrouper autour d’uneassociation suruneactivitéparticu-

lière (aviculture, maraîchage, éle-vage), avec l’idée qu’ils serontrejoints par d’autres lorsque les pre-miers résultats sont obtenus »,raconte Maminiaina Rasamoelina,responsable du projet pour leWWF. Depuis 2008, l’ONG affirmeavoir sensibilisé 9.400 ménages– notamment par des films – etformé 900 familles volontaires, tan-dis que 250 autres ont déjà mis enœuvre des projets. L’ensemble dupays porte sur 140.000 hectares,auquel il faut ajouter la création de350.000 hectares d’aires protégées,20.000 hectares de paysages dégra-dés à restaurer et 5.000 autres àreboiser.

A plus long terme, les scientifi-ques de Good Planet ont mené denombreuses études sur le terrainpour calculer le contenu CO2 de laforêt malgache. Ils croisent lesdoigts pour que les négociations deDurban soient un succès et que lemécanisme de financement de lalutte contre la déforestation(REDD) commence enfin à porterses fruits.JULIE CHAUVEAU

La compagnie aérienne finance sur trois ans, à hauteur de 5 millions d’euros, un projet du WWF et de l’ONG Good Planet.

AMadagascar, Air France tente de conjuguerlutte contre la déforestation et aide au développementENVIRONNEMENT

Depuis 2008, environ 10.000 ménages ont été sensibilisés à la luttecontre la déforestation et à de nouvelles activités agricoles.

BERT

HOLD

STEINHILBE

R/LA

IF-R

EA

Les entreprises ont de plus enplus de comptes à rendre surleurs actions et leurs straté-gies. Comme le souligne Eli-sabeth Laville, présidente

d’Utopies, agence de conseil endéveloppement durable : « Noussommes passés d’une logique du“trust me” (“tu peux me croire”) àune logique du “prove me” (“prou-ve-le”). Les parties prenantes jugentles intentions affichées à l’aune de laperformanceconstatéeetcomparée :90 % des Français pensent que lesentreprises ne s’engagent sur l’envi-ronnement que pour des raisonscommerciales, alors que ce chiffren’estquede40%auJapon. »

Dececonstatdécoulentdeuxten-dances essentielles, mises en avantpar le think tank du World ForumLille Institute : tout d’abord, lanécessité de modifier la présenta-tion des indicateurs de performan-ces pour se diriger vers un « repor-ting » 360 degrés et permettre ainside mieux coller aux attentes de cha-que partie prenante ; par ailleurs, lebesoin d’intégrer le « reporting »développement durable au « repor-ting » financier, pour le transformer en outil de création de valeur.

Dans ce cadre, trois cas d’écoleviennent étayer la réflexion dugroupe d’experts. Par exemple, lamise en place d’une comptabilitéverte chez McDonald’s a permis augroupe de restauration d’intégrerdans sa comptabilité classique lecoût des émissions de CO2 émisespar ses restaurants, mais aussi surun périmètre qui intègre toute lafilière en amont et en aval. De soncôté, Nature et Découvertes a lancé,dès 2005, une ambitieuse politique

de bilan carbone. Chaque servicedispose d’un quota carbone annuelet les collaborateurs remplissentune« notedefraisCO2 »,afindesui-vre les émissions liées aux déplace-ments. Les fournisseurs sont égale-ment accompagnés dans cettedémarche via une interface Inter-net.Enfin,IDGroupetravaillesurlesnotions de plaisir et de déplaisir liésau travail et fonde sa réflexionautour d’indicateurs tels que laclarté du système de rémunérationou le sentiment d’un traitementéquitable des collaborateurs.

Utiliser les bons indicateursDe fait, chaque entreprise a intérêt àse concentrer sur un nombre limitéd’indicateurs. Selon les membresdu think tank, il y en a environ unequinzaine, certains universels (con-sommations d’eau et d’énergie,émissions de CO2), d’autres plussectoriels. D’après Claude Lenglet,copilote du World Forum Lille Insti-tute, « ces indicateurs ont un rôledans le pilotage de la démarche, enlien avec la stratégie globale del’entreprise. Ce travail de “reporting”doit pouvoir servir les objectifsd’innovations d’une entreprise. Ilpeut influencer ses actions futures,faire évoluer ses pratiques et pour-quoipas sonoffre. »

La bonne mesure de la responsa-bilité sociale et environnementale(RSE) est aussi la meilleure manièrede s’inscrire dans une logiquepérenne. « Le “reporting” doit per-mettre aux entreprises demettre enrelationlesenjeuxRSEetleurmodèleéconomique, explique Patrickd’Humières, conseil stratégique endéveloppement durable à l’Institut

L’un des principaux défis en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises est de créer de la valeursans creuser les inégalités. Comment prendre les bonnes décisions ? De quels outils de prévisions et de suivi se doter ? Retour sur la réflexionet les premières conclusions d’un groupe d’experts mobilisé par le World Forum de Lille, dont l’édition 2011 débute le 15 novembre.

Comment intégrer la responsabilitédans le pilotage stratégique des entreprisesENJEUX

Les entreprises doivent désormais intégrer leurs performances en matière de développement durableà leur « reporting » financier pour les transformer en outil de création de valeur.

GET

TYIM

AGES

/DES

IGNPICS

RF

« Avec une palette de 100 indica-teurs concernant la RSE, on nemesure rien. Il faut identifier lesleviers sur lesquels l’entreprise ale plus d’influence. La RSE doitêtre connectée à la stratégie et aumétier, affirme Farid Baddache,directeur Europe de BSR. Le“reporting” intégré est un espaceen plein développement. Contrai-rement à il y a quelques années oùla récolte des données était fasti-dieuse, nous disposonsaujourd’hui de processus plusrobustes. Ils permettent de collecter

les données demanière dynami-que, d’analyser plus finement lesimpacts financiers et demodifierles allocations de ressources enconséquence. La capacité à combi-ner des indicateurs demoyens etde résultats permet de définir uneapproche aussi solide que possible,mobilisant d’une part les systèmesdemanagement en place, tout enmesurant l’impact des actionsentreprises afin de rendre compte.Les indicateurs demoyens permet-tent demesurer lesmoyens allouésà un effort RSE particulier : bud-

gets alloués à une activité RSEparticulière, taux de formation àun outil de devoir de diligence surles droits de l’homme, etc. Lesindicateurs de résultat permettentdemesurer l’impact des actionsentreprises : amélioration deconditions de travail dans uneusine, réduction des risques denon-respect des droits de l’homme.Ces indicateurs doivent démontrerde la création de valeur sur diffé-rents fronts, par exemple économi-ques et sociétaux. »PROPOS RECUEILLIS PAR J. R.

FARID BADDACHE « UN NOUVEL ENJEU, MESURER LA CRÉATION DE VALEUR »

RSE Management. Cela ne doit passeulementserviràvoiroùl’entreprisesesitueàuninstantT,maisàconnaî-tre samarge de progression et à fixerde nouveaux objectifs. Trois typesd’indicateurs sont alors essentielsdansle“reporting”:lesindicateursdeconformité (NRE, Grenelle II), lesindicateursd’engagement et les indi-cateursdemanagement. Il fautaussisavoir aller à l’essentiel. La transpa-rence pour la transparence n’est pasutile, certaines entreprises ont ten-dance à rapporter trop d’informa-tions qui ne sont pas pertinentes. »C’estenseconcentrantsurcequieststratégiquequelaréflexionpeutêtresuivie d’effet.« Aujourd’hui,analysePatrick d’Humières, 20% des entre-prises peuvent être considéréescomme pionnières sur ces questions.30 % sont clairement en retard et lereste estau fil de l’eau. »JÉRÉMYREBOUL

TROIS JOURNÉESD’ÉCHANGES À LILLEPour sa cinquième édition,le World Forum de Lille, s’estdonné pour thème « Oser larichesse ». Les participants,représentants des entreprises,des collectivités et de lasociété civile notamment,aborderont la création derichesses dans une logiqued’économie responsable sousles angles les plus divers,à travers une série deconférences, débats et ateliers.

Les 15, 16 et 17 novembre,à Lille (Grand Palais).www.worldforum-lille.org

Page 2: Article World Forum Lille

35JEUDI 3 NOVEMBRE 2011 LES ECHOSSPÉCIAL DÉVELOPPEMENT DURABLE

La coopération des différentsacteurséconomiquesestdéter-minantepour faireémergerdes

solutions innovantes permettantde mieux concilier croissance éco-nomique et responsabilité socialeet environnementale. Le directeuréditorial de la Fondation EllenMacArthur analyse en particulierles vertus des écosystèmes indus-triels circulaires.

Qu’entend-on par économiecirculaire ?Avec ce concept, on est à l’opposédu système linéaire de nos socié-tésde consommationqui conduitenmassedesproduitsde l’usineàla décharge. Contrairement à cetapis roulant, l’économie circu-laire veut rapprocher l’écosys-tème industriel du fonctionne-ment cyclique naturel. Il n’est passimplement question de recy-clage, ce qui est une façon deretarder une inéluctable mise aurebut. Il s’agit d’organiser les fluxdematières – biologiques et tech-niques – pour les réemployertotalement dans une nouvelleproduction.

Pourquoi changer unmodèlequi a fait ses preuves ?Avec la raréfactiondes ressourcesnaturelles, minières et fossiles,les matières premières doiventêtre considérées commeun capi-tal pour les entreprisesqui lesuti-lisent. La question est de savoircomment conserver et valoriserce patrimoine de matière pre-mière. La solution la plus évi-dente est de tracer un cycle visi-

ble qui permette de conserver lamaîtrise de l’écosystème. Onconnaît déjà le mouvement biomimétique qui s’inspire de lanature pour en copier des fonc-tions. L’économie circulaire vaplus loin en imitant la gestionnaturelle de la fin de vie et sonréemploi dans un nouveau cycle,à l’imageduboismort qui nourritle sol d’une forêt.

Comment organiser ce cyclevertueux ?Il faut passer d’une économie dela possession à unmodèle de ser-vice : acheter un nombre de lava-ges plutôt que la machine qui lesréalise, échanger sa batterie en finde course contre une réservepleine d’énergie, louer son revête-ment de sol pour un usage déter-miné, troquer sesvieuxvêtementscontre des bons d’achat pour denouveau… Notre rapport à l’objetdoit changer avec en point demire une plus grande proximitéavec le consommateur et des pro-ductions plus solides et plus fia-bles. Ce cycle vertueux prône lafin de l’obsolescence program-méeet le retourduprogrès au ser-vice de la qualité.

On suppose que la chaînelogistique est égalementimpactée. Quoi d’autre ?Ces cycles sont des outils de relo-calisation car ils réinstaurent desnotions de proximité entre leslieux de production et de consom-mation. Faire voyager sur 10.000kilomètres un produit manufac-turé qui doit être repris n’a pas de

sens. De la même façon, l’écono-mie circulaire impose d’aller versles énergies renouvelables pourfaire l’économie des matières fos-siles autant que des matières pre-mières. Volkswagen a donné unsigne fort dans cette voie enannonçant un investissement de2 milliards d’euros dans les éner-gies éoliennes offshore.

Des secteurs sont plusfacilement convertiblesque d’autres ?Disons que certains sont plus sen-sibles : l’électronique grand public,quiutilisebeaucoupdeterres rares,et l’industrie textile,quipeuty trou-ver une double approche, biologi-que (travailler avec de nouvellesfibres issuesde lanature) et techni-que (recycler les membranes àl’infini). L’industrie automobileréfléchit également à des modèlesvertueux à base de carrosseriesmodulables permettant de suivreles modes sans changer tout sonvéhicule. Les premières applica-tions commerciales viables démar-rent,parexempleenHollandeavecla société Desso, leader des indus-tries dedallemoquette, qui a déve-loppéunechaîne logistique inversecomprenant la reprise des revête-mentsusagéspour en fairedenou-veaux grâce à un procédé qu’elle amis au point pour réutiliser totale-mentlesfibresetlesupportdansunprocess de fabrication.

Cela signifie que la rechercheaussi doit s’impliquer ?Et pas qu’à moitié, car les sujetssont extrêmement complexes.

Pourparvenir à organiser un cycle,il faut que les produits soient pen-sés et conçus pour être réutilisa-bles. S’ils sont faits demétal, il fautdes alliages faciles à séparer. Lesplastiques doivent pouvoir être

dépolymérisés puis polymériséspour regagner leurs propriétés ini-tiales, mais sans peser sur l’envi-ronnement. La recherche chimi-que mondiale est déjà mobiliséesur le sujet et elle compte ses pion-niers,commeleBritanniqueJamesClark du laboratoire de chimieverte de l’université deYork. Il pro-pose d’éliminer la notion mentalemême de déchets en considérantque tout, comme dans la nature,peut trouver une valorisation opti-male. Il vient,parexemple,de trou-ver le moyen pour l’industrieagroalimentaire de transformer enrevêtement de papier ciré pourl’emballage alimentaire lesmonta-gnesdepeauxd’orangequegénèrela fabrication de jus.PROPOS RECUEILLIS PARPAUL MOLGA

Jocelyn Blériot « Il faut passer d’une économiede la possession à unmodèle de service »

« Notre rapport à l’objet doit changer avec enpoint de mire une plus grande proximité avecle consommateur et des productionsplus solides et plus fiables. »

TH.M

ARTINEZ

/SEA

&CO

Jocelyn Blériot analyse en particulier les vertus des écosystèmesindustriels circulaires.

TH.MAR

TINEZ

/SEA

&CO

Fibresbio,responsabilitééthiqueet compensation carbone n’ontpas suffi à l’exigenceécologique

desfondateursdelamarquebritan-nique Rapanui, Rob etMartin Dra-ke-Knight, à peine cinquante ans àeuxdeux. « La mode est un média àpart entière qui permet à chacund’exprimer ses valeurs à travers safaçon d’être. Nous voulons utilisercette formidable puissance pourpasser le message qu’une autreindustrie est possible », expliqueRob, le cadet des deux frères.Leurcredo :tracerprécisémentle

parcours de leurs vêtements « de lagraine au magasin ». En plus desdonnées de composition et de pro-venance, chaque étiquette com-prend un QR code, qui peut êtrescanné comme un code-barrespour visualiser sur un smartphonedes cartes interactives et des infor-mations sur la logistique accompa-gnant le produit. « Les consomma-teurs sont curieux de l’engagementdes fabricants. Les informations quenous leur donnons leur permet de

prendre une décision éclairée sur les produits qu’ils achètent. »

Un standard à l’étudeUn clic, et direction les champs decoton bio de la ferme indienned’Ahmedebad, puis le transport parroutedesballotsàCoimbatore,oùlaouate est séchée, coupée et filéeavant d’être transformée dans uneusine approuvée par la Fair WearFoundation et acheminée parbateaujusqu’auRoyaume-Uni.« Lesconsommateurs vont demander deplus en plus de comptes écologiquesaux distributeurs de mode et imposerplusdetransparencedansleschaineslogistiques. Lui offrir la possibilité devisualiser en direct la pertinence des

engagements d’une marque serabientôt un préalable, et pas seule-ment comme aujourd’hui un avan-tage concurrentiel »,estimeRob.Pour évangéliser ses convictions

auprès de l’ensemble de l’industrietextile, Rapanui a égalementmis enplace un système indépendantd’écoétiquetage des vêtements cal-qué sur le label énergétique del’électroménager avec une notationde A (pour 100% bio) à G. Pousséepar le gouvernement britannique,l’initiative sera bientôt examinéepar la Commission européennepourdevenirunstandardlégal.« Lamultitude de labels plus ou moinsopportunistes présents sur le marchébrouille les pistes, poursuit Rob. Ilfaut un étiquetage précis, objectif etréglementé qui affiche l’impact éco-logique et social du produit pourencourager le consommateur versdes achats durables et tirer l’indus-trie vers ses responsabilités. » Dansles couloirs de la Commission, letravail des lobbyistes de tout bord adéjà commencé.P. M.

Les fondateurs de Rapanui, la marque écolo chic de Portsmouth,veulent faire réglementer une notation par Bruxelles pour identifiervisuellement sur son cintre la valeur écologique d’un vêtement.

Unécoétiquetagepour l’industrie textileCAS D’ÉCOLE

Martin et Rob Drake-Knight, les fondateurs de Rapanui.

OSC

ARMAY

INTERVIEWJOCELYN BLÉRIOTDIRECTEUR ÉDITORIALDE LA FONDATION ELLENMACARTHUR

« LE CONSOMMATEURVA DEMANDERAUX DISTRIBUTEURSDE RENDREDES COMPTES. »ROB DRAKE-KNIGHT

•à35

minut

esde

Lyon

•un

efisc

alitéet

unpr

ixattr

actifs

•+de

125en

trep

rise

sdé

jàim

plan

tées

•+de

4500

emploiscr

éés

•4bâ

timen

tslo

catifs

•1pa

rcau

cœur

d’un

bass

in

deviede

1300

00ha

bitant

s

•un

epo

sition

géos

tratég

ique

entr

eLyon

etGe

nève

•1Club

desEn

trep

rise

s

•+de

4500

00ar

bres

etar

bustes

plan

tés

•un

eéq

uipe

pleine

d’attent

ions

•1Bio-Mot

el

•1station-se

rvice,1ga

rage

mécan

ique

•1stationlava

gepo

ids-lo

urds

•2re

stau

rant

s

•1cent

rena

utique

•1club

depo

lo

•20

0he

ctar

esd’es

pacesve

rts

•1e

rPa

rcindu

striel

euro

péen

cert

ifié

ISO14

001et

enre

gistré

EMAS

•IM

PLA

NTE

Zvotre

projet

dans

ceterrea

ufertile

oùlesen

trep

rises

IMPLA

NTÉ

EScrée

ntl'é

nergie

d'un

Parc

pleine

vitalitéqu

ioffre30

0ha

disp

oniblespo

urvous

IMPLA

NTE

R.

contact 04 74 61 53 78

www.plainedelain.fr

300 hectares encore disponibles

le champdespossibles…le champdespossibles…

OktoNovo-imag

es:S

.Ram

baud

« L’économiecirculaire imposed’aller versles énergiesrenouvelables pourfaire l’économiedes matières fossilesautant que desmatières premières. »

Page 3: Article World Forum Lille

36 SPÉCIAL DÉVELOPPEMENT DURABLEJEUDI 3 NOVEMBRE 2011 LES ECHOS

Pendant longtemps la rela-tion entre les entreprises etleurs fournisseurs étrangerss’est construite sur uneapproche dite « défensive ».

Il s’agissait de rédiger un code deconduite essentiellement basé sur lerespect du Code du travail, puis desimplement vérifier, par des auditsrelativement irréguliers, que lacharte était respectée. La coopéra-tionn’étaitpasvraimentdemise.Pis,le non-respect des règles imposéespouvait conduire au déréférence-ment d’un fournisseur avec desconséquences encore plus dramati-ques sur le marché local de l’emploi,sur l’économie locale et les habi-tants, comme ce fut le cas pour lasociété britannique Primark, qui,interdisant dans sa charte le travail àdomicile dans ses pays fournisseurs,a provoqué la mise au chômage denombreuses femmes travaillantpour de petites sociétés textile habi-tuéesàcemodedefonctionnement.

Effets positifs indéniables«Un changement s’opère depuis unedizaine d’années », rapporte cepen-dant Joëlle Brohier, directrice et fon-datrice d’Anakout CSR Consulting etde RSE & Développement, basée àSingapour. « Les entreprises ont prisconscience qu’il fallait travaillerautrementetque la simplegestionde

saréputationases limites. »En 2001,sous l’impulsion du Bureau interna-tional du travail, le programme Bet-ter Factory Cambodia jette les basesd’une méthodologie pour l’amélio-ration des normes sociales desentreprises fournisseuses. Ce pro-grammes’estdepuisélargiauniveaumondial.« Ilresteévidemmentbeau-coup de travail, explique Joëlle Bro-hier.Maisdeseffortsontétéfaitssurlaformation employeur-employés. Entermes de management et de RHpour les premiers, et en termesd’informations sur les droits pour lesseconds.Lasanté, lasécuritéet ledia-

loguesocial fontaussipartiedesprio-rités. »Aider les fournisseurs à com-prendre notamment comment unebonne gestion des ressourceshumainespeutservirleurentreprisereste une tâche difficile. «Demême,la démarche qualité fait peur à cer-tains fournisseurs qui craignent lessurcoûts et la diminution des com-mandes, note Joëlle Brohier. Jus-qu’en 2005, laRSEétaitperçuenéga-tivement dans certains pays, en Asienotamment, comme autant de con-traintes imposées par les pays occi-dentaux, de barrières commercialescachées. »Mais les effets positifs sont

indéniables :unturnoverplusfaible,des employés mieux formés etmoins d’absentéisme conduisent àune augmentation de la producti-vité.Lesnormesenvironnementalespeuvent également être facteurs dedéveloppement économique. Cespayslecomprennentdeplusenpluset la tendance est très forte. « Enmoins de deux ans, d’importantsefforts ont été faits enmatière deRSEdans les pays en voie de développe-ment, passant d’un modèle orientétrès “charity” à une RSE mieux inté-grée. Il ne faut pas oublier que cespays doivent se développer sur tousles fronts enmême temps ! »

La coopération pour améliorerles performances des fournisseursn’est pourtant pas encore la règle.Selon une étude de UN Global Con-tact parue en 2010, 93 % des PDGpensent que la durabilité est cru-cialepourlefuturdeleurentreprise,et 88 % estiment que la RSE doits’intégrer dans la chaîne d’approvi-sionnement. Pourtant, 54 % appli-quent réellement ce principe, etseuls 39 % coopèrent directementavec leurs fournisseurs. « C’est le“business as usual”. Tant que lesméthodes d’achat ne changent pas,que les critères se basent sur des prixbas et des délais très courts, il y auratoujours un risque. »JÉRÉMY REBOUL

La coopération avec des fournisseurs étrangers doit s’inscrire dans une démarche de qualité.

Repenser dans la duréela relation client-fournisseurSOLUTIONS

Une gestion difficile à mettre en œuvre par peur de coûts supplémentaires.

GET

TYIM

AGES

/BRA

NDX

Le principe des fondations d’entre-prise est né dans les années 1990,mais a encore du mal à se dévelop-per dans l’Hexagone. 85 % desmécènes sont, en effet, des PME quine possèdent pas toujours de fonda-tion mais font partie de clubs oud’associations. Les fondations res-tent donc l’apanage des grandesentreprises avec tout de même 63 %dubudget,selonladernièreenquête

d’Admical, association spécialiséedans le mécénat d’entreprise. 58 %des actions se sont orientées vers lesocial, l’éducation et la santé, 37 %vers la culture, 19 % vers la solidaritéinternationale, alors que seulement12 % concernaient l’environnementavec de 220 millions d’euros investisl’année dernière. On est encore loindes chiffres des Etats-Unis, parexemple, où les fondations et lesentreprises ont contribué à la géné-rosité à hauteur de 56 milliards dedollars. En Grande-Bretagne, le Pre-mier ministre britannique, DavidCameron, vient de reconnaître lacontributionduprojetOrangeRock-Corps à la collectivité en récompen-santsonengagementetceluidetousles bénévoles impliqués en lui

décernant un Big Society Award. LesBig Society Awards ont été instauréspar le cabinet du Premier ministreen novembre 2010 pour récompen-ser individus et organisations quiœuvrent au Royaume-Uni pour lacréationd’unesociétéplusgrandeetgénéreuse.

Trophées du mécénatRockCorps a été créé en 2003 auxEtats-Unis pour organiser un pontentre les associations et ceux quipeuvent les aider. Depuis 2005,RockCorps offre des places deconcert en échange de quatre heu-res de bénévolat au profit d’associa-tions locales partenaires. Un pre-m i e r p r o g r a m m e O r a n g eRockCorps a été créé au Royaume-

Uni en 2008, et depuis peu enFrance. Plus près de chez nous, leministère du Développement dura-ble récompense les entreprisesdepuis deux ans par les Trophées dumécénat, afin de les encourager às’investir dans des actions auprès deporteursdeprojet.Parmileslauréats2010, on trouve la Fondation Proc-ter & Gamble France pour la protec-tion du littoral et son kit pédagogi-que de sensibilisation à l’attentiondes collèges et des écoles primaires. La fondation d’entreprise Eiffagepour la création de 13 logementspasserelles avec accompagnementde locataires en Ile-de-France ou lasociété des eaux de Volvic pour sonprogrammedesauvegardedumilanroyal dans le Massif central. J. R.

En 2010, 350.000 entreprisesfrançaises ont pratiqué le mécé-nat. Un chiffre en hausse de 17 %parrapportà2008.Lebudgettotalatteint 2 milliards d’euros. C’estmoins qu’en 2008 mais beaucoupplus qu’en 2002, où le budgetn’était que de 343millions .

Les fondations d’entreprise au service des partenariats

Sergio Amoroso, le présidentfondateur du groupe Orsa,ambitionne ni plus ni

moins de monter « le plus grandlaboratoire socio-environnemen-tal de la planète ». De la pâte àpapier à l’emballage cartonné àSão Paulo, en passant par l’huiled’olive en Amazonie, le groupeOrsa a largement déployé sesactivités sur le territoire brésiliene n t r e n t e a n s . Av e c u n econstante : une vision qui tentede marier les affaires, le social etl’environnement. En 1994, coupd’accélérateur. Amoroso met surpied une fondation chargéed’appliquer la formule des« 3 P » : allier le bien être du per-sonnel, les profits et la préserva-tion de la planète. Amorosoimpose donc une règle d’or : 1 %duchiffred’affairesestdestinéaufinancement de la fondation. Unchiffre d’affaires qui atteintaujourd’ hui 600 mil l ionsd’euros, selon Sergio Amoroso.

Un pari fouRésultats : tous les projetssociaux de la fondation ont à lafois un aspect développementéconomique et un volet protec-tion de l’environnement. C’est lecas en zone urbaine. Plutôt quedevouloirtravaillerdanslesfave-las comme la plupart des ONG,Orsa préfère les petites commu-nautés agricoles proches des vil-les, pour endiguer l’exode rural.« La solution, c’est de trouver unmoyend’évitercela »,affirmeSer-gio Amoroso. Des prêts sontaccordés aux agriculteurs pourplanter des arbres (sur la moitiéde leurs petites propriétés, les30 % restants étant destinés àl’agriculture et 20 % à l’élevage).

Il y a trois ans, le groupe Orsa aracheté l’entreprise Ouro Verde(l’or vert), qui produit de l’huiled’olive, des noix et de l’açaï, dans

le but de « transformer l’agricul-turedesubsistance, souventasso-ciée aux conditions de semi-es-clavageenAmazonie »grâceàsadimension sociale. Adopter une« vision commerciale » tout enlaissant « de l’argent dans lamain du producteur de noix,afin qu’il ait une vie décente »,explique Sergio Amoroso.

Mais cet entrepreneur n’a pasencore gagné son pari le plusfou. En l’an 2000, le groupe Orsaa repris pour un franc (1 real)symbolique le projet Jari aumilieu de l’Amazonie. Il s’agissaitd’un projet d’usine de celluloseimaginé par un milliardaireaméricain dans les années 1960,un projet grandiose vite voué àl’échec (Ludwig avait importéune usine du Japon et planté del’eucalyptus dans la forêt tropi-cale). L’an dernier, Sergio Amo-roso est parvenu à éponger lesdettes de Jari auprès des ban-ques. Mais il se donne encoretrois ou quatre ans pour quel’opération devienne rentable.THIERRY OGIERCORRESPONDANT À SÃO PAULO

L’entreprise brésilienne tente d’allierle bien-être du personnel, les profits,et la préservation de la planète.

Orsa veut monter unlaboratoire mondial

Présent dans 17 pays africains,France Télécom mise beau-coup sur le continent pour

assurer une croissance de son chif-fre d’affaires. Mais investir dans despays aussi pauvres que le Mali, leNiger ou la République démocrati-que du Congo – l’Institut internatio-nal de recherche sur les politiquesalimentaires (Ifpri) considère que leniveau de la faim dans ce dernierpays est « extrêmement alar-mant » –, et en recueillir les fruitséconomiques, impose certainsdevoirs… Même si « l’activité d’opé-rateur de télécommunications estintrinsèquement porteuse de progrèspour les populations concernées »,comme l’explique Mireille Le Van,secrétaire générale de la fondationOrange. En soi, connecter les gensentre eux et au reste du monde per-met de développer des activités éco-nomiques nouvelles. Depuis la fin2010, plus de 500 millions d’Afri-cains ont un téléphone mobile et ilsseront 860 millions fin 2015. Selon lecabinet Informa, à cette date,265 millions s’échangeront del’argent par téléphone mobile, soitplus que le nombre de comptesbancaires ouverts sur le continent.Mais les défis économiques et

sociaux sont immenses. D’abord,pour les opérateurs télécoms,l’objectif premier est de déployer unréseau mobile. Pas toujours faciledans des pays où les infrastructures,notamment électriques, sont défi-cientes, voire inexistantes dans cer-taines régions. Orange a ainsi ins-tallé plus d’un millier d’antennes enAfrique et au Moyen-Orient fonc-tionnant à l’énergie solaire.

Partager les investissementsLe coût de tels équipements est plusélevé mais cela permet d’amener latéléphonie mobile à des villages.Dans ce cas, souvent, l’installationest gardée, les habitants peuventvenir recharger leur téléphone pen-dant quelques heures à l’énergiesolaire et, parfois,« le surplus d’éner-gie capté par les panneaux solairesestutilisépouralimenterenélectricitéuneécoleoud’autres locauxcommu-nautaire.C’est le casauNiger,oùunecase de santé est alimentée en électri-cité par la station solaire »,confirmeMireille Le Van. L’autre possibilité,pour rentabiliser les investisse-ments, est de les partager avecd’autres opérateurs. Elie Girard,directeurexécutifdelastratégiechezFrance Télécom, confirme ainsi être

« en négociation »avec d’autres opé-rateurs dans plusieurs pays.

Au-delàdel’activitéclassiqued’unopérateur de télécommunications,le groupe français a créé une fonda-tion, dotée d’un budget de 18 mil-lions d’euros, dont un tiers est investien Afrique. A travers la FondationOrange, l’opérateur finance des pro-jets liés à l’éducation, la santé etl’insertion sociale. A Madagascar,par exemple, la fondation finance lefonctionnement de 722 classes,représentant 12.000 élèves et575 postes d’enseignants, en payantlessalaires, larénovationdessalles…Dans la santé, Orange a créé le pre-mier centre de dialyse pour enfantsde l’Afrique de l’Ouest, à Abidjan.« Nous essayons de nous appuyer leplus possible sur les équipes localesd’Orange, notamment pour évaluerlesprojets »,expliqueMireilleLeVan.Et « nous avons créé 6 fondations auniveaulocalpournousaiderdans lesévaluations », poursuit-elle. L’opéra-teur s’appuie aussi sur des parte-naire, tels que Planet Finance, l’orga-nisme fondé et présidé par JacquesAttali, spécialisé dans le microcrédit.Orange participe ainsi au soutien de800 artisans à Madagascar.GILLAUME DE CALIGNON

L’opérateur télécoms finance des actions sociales multiples dans l’éducation ou la santé.Par son activité et le déploiement de son réseau, il participe au développement économique.

France Télécom développeson écosystème en AfriqueCAS D’ÉCOLE

Orange a installé plus d’unmillierd’antennes en Afrique et auMoyen-Orient fonctionnant à l’énergie solaire.

N.B

AKER

/AB

ACA/O

RANGE

Dans le monde, près de285 millions de personnessont atteintes de diabète,

soit 6,6 % de la populationadulte mondiale. Une per-s o n n e m e u r t t o u t e s l e sdix secondes de cette maladieet de ses complications. En tantque leader dans le traitementdu diabète, avec près de 51 % depart de marché en 2010, lasociété danoise Novo Nordisk adû très tôt prendre en compteles enjeux sociaux et environ-nementaux liés à son activité.

La société, qui emploie 30.000personnes dans 74 pays, investitdonc dans des programmesd’accès au soin et dans la forma-tion directement ou à travers sesfondations d’entreprise. C’estdanssonorganisationquerésidel’originalité du géant pharma-ceutique. Sa structure, déjà,puisque le laboratoire, fondé en1923, est contrôlé financière-ment par la Fondation NovoNordisk qui possède une vastemajorité des voix à travers sonholding Novo A/S. Dans lereporting ensuite. Dès 1996, uneapproche de Triple Bottom Line(TBL), ou triple bilan, a été miseenplaceenmêmetempsqu’uneméthodologie de management(Novo Nordisk Way of Manage-ment) avec pour but d’équilibrerles conflits d’intérêt entre les dif-férents niveaux décisionnaires.Cela s’organise autour de troisoutils managériaux : le reporting

durable, le tableau de bord pros-pectif et des facilitateurs. Le TBLpermet, quant à lui, de répartirles objectifs financiers et RSE àtous les niveaux. Ce tableau debord comporte 24 objectifs divi-sés en quatre points essentiels :les clients et la société civile, lesfinances, les process et, enfin, lesgens et les associations.

Equilibre à maintenirLes indicateurs sociaux et envi-ronnementaux ont été définiti-vement intégrés aux rapportsde performance financière en2004. Selon les dirigeants deNovo Nordisk, il s’agit de « tou-jours de faire en sorte que lesdécisions stratégiquesmaintien-nent l’équilibre entre la rentabi-lité et les intérêts sociétaux ».

Au fil des années, Novo Nor-disk a donc mis en place ungrand nombre d’indicateurssocio-économiques afin d’éva-luer l’impact de ses activités surles différents acteurs impliquésdans son secteur d’activité. Lasociété reconnaît cependantque, même si à long terme leretour sur investissement estpositif, il est extrêmement diffi-cile d’intégrer les effets à courtterme dans les calculs financiersinternes et que de telles mesuresne sont pas forcément utiliséespour rééquilibrer les problèmeset les différences qui peuvent seposer entre les différentes partiesprenantes. J. R.

La société danoise, leader dans letraitement du diabète, a mis en placedes indicateurs socio-économiques.

Novo Nordisk chiffresa responsabilité

Sergio Amoroso, présidentfondateur du groupe Orsa.

MILTO

NMAN

SILH

A/LU

Z

Page 4: Article World Forum Lille

37JEUDI 3 NOVEMBRE 2011 LES ECHOSSPÉCIAL DÉVELOPPEMENT DURABLE

Signedes temps. En facedusyndicat des ouvriers del’industrie métallurgistedans la banlieue grise deSão Paulo, un hypermar-

chéWal-Mart a été érigé sur le ter-rain jadis occupé par l’usine Villa-res,celle-làmêmeoùagissaitensontemps un certain Luiz Inácio daSilva, qui deviendra plus tard, au fildes luttes syndicales et politiques,tout simplement Lula. Cette ban-lieue ouvrière a subi de plein fouetles effets de la restructuration aucours des vingt dernières années. Aquelques kilomètres de Villares,Uniforja a elle aussi bien failli boirele bouillondans les années 1990.A deux pas de l’autoroute qui relie

São Paulo à la plage, une ancienneentreprise familiale spécialisée danslesforgesapurenaîtredesescendresil y a une douzaine d’années. Ellecroulait alors sous les dettes. Poursauver lasociétéauborddela faillite,un grouped’ouvriers a repris l’affaireenmain. Ilsmettent alors surpied lacoopérative Uniforja. Son président,José Luiz Trofino, se dit fièrementmembrefondateurdelacoopérative,qui n’emploie toutefois aujourd’huiqu’un quart des effectifs d’antan(2.000 ouvriers à la belle époque).Mais la grande victoire, c’était demontrer, alors que la plupart deséquipementiers de l’industrie auto-mobiledisparaissaientousefaisaientracheter par des groupes étrangers,que l’économiesolidaire, çamarche.

« Nous avons été les pionniers en lamatièredanslesecteurindustrielet,enplus, on est un exemple de réussite »,explique le responsablede la coopé-rative, dont le chiffre d’affaires est del’ordre de 200 millions de reals(80millionsd’euros).

Salué par LulaPetrobras, le géant du pétrole, estl’un de ses grands clients. Unebonnepartiede l’industrieautomo-bileinstalléedanslabanlieuedeSãoPaulo également. Lula, ancienmétallo, n’a pasmanqué de revenir

danscebastiondela luttesyndicale.Durant la campagne électorale de2002, il avait tenu à visiter Uniforjaen compagnie d’un patron du sec-teur textile, José Alencar Gomes daSilva, qui deviendra peu après sonvice-président. Avec la convictionqu’« il y a une alternative à la désin-dustrialisationetauchômage ».Huitansplustard,enfindemandat,Lularéunit un Conseil national de l’éco-nomie solidaire et cite en exempleUniforja, qui « a le vent en poupe ».Surtout depuis qu’elle a obtenu desprêts à taux bonifiés de la Banque

nationale de développement(BNDES), ce qui ne s’était pas avérépossible sous le précédent gouver-nement.EnévoquantUniforja,Lularetrouvesonâmed’ouvrierautoges-tionnaire. « Tout le monde com-mande, tout le monde obéit et tout lemonde travaille, parce que la coopé-rative est un état d’esprit », indiqueceluiqui,aprèsdeuxmandatsprési-dentiels, est retournévivredans sonappartement de banlieue, non loindusyndicatdesmétallos.THIERRYOGIERCORRESPONDANT À SÃO PAULO

Dans la banlieue de São Paulo, une coopérative ouvrière a réussi à faire revivreune entreprise spécialisée dans les forges. Jusqu’à devenir un exemple de réussite nationale.

Uniforja, unmodèlecoopératif pour l’industrieCAS D’ÉCOLE

Uniforja compte parmi ses clients une partie de l’industrie automobile installée dans la banlieue de São Paulo.

MAISA

NTLU

DOVIC/HEM

IS.FR

COUPS DE PROJECTEURS SUR D’AUTRES CAS D’ÉCOLE D’ENTREPRISES EN POINTE SUR LES QUESTIONSDE RESPONSABILITÉ SOCIALE ET ENVIRONNEMENTALE, ET QUI ONT PLACÉ CELLE-CI AU CŒUR DE LEUR STRATÉGIESUR lesechos.fr

h VEJA, MARQUE FRANÇAISE DE BASKETS « COMMERCE ÉQUITABLE »h DESSO, PRODUCTEUR DE MOQUETTE NÉERLANDAIS, PIONNIER DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

En Indonésie, les femmesreprésentent 66 % de lapopulation en âge de tra-

vailler. Pourtant, les efforts dugouvernement, appuyés par lesorganisations féministes, pourfavoriser le travail des femmesetl’égalité des chances entre lessexes ne sont toujours pas vrai-ment suivis d’effets. Les Indoné-s iennes sont encore malemployées et participent peu audéveloppement économiqued’un pays où 14%de la popula-tion vit sous le seuil depauvreté,avecuntauxdechômagedeplusde 8 %. Des études ont cepen-dant prouvé que lesmieux édu-quéeset forméesavaientplusdechances de trouver un travaildansdebonnesconditions.

Programme d’éducationC’est notamment à partir de ceconstat que le groupe MarthaTilaar, qui emploiemajoritaire-ment des femmes, a lancé dès1990unprogrammed’éducationpour des centaines de jeunesfillesoriginairesdesrégionspau-vresd’Indonésie.Leprogrammeconsiste principalement en uneformation aux métiers de labeauté et du spa. Elles sontlogéespendant toute laduréedeleur stage puis placées dans undes centres de soin du groupe.Créée en 1970 dans le garage desesparents, la société deMarthaTilaar réalise aujourd’hui unchiffred’affairesde75millionsdedollarsà travers lemonde.Cette démarche sociale s’intè-

gredansledéveloppementcom-mercial de la société, qui pour-suit son expansion avec la ventede franchises et l’ouverture decentresdespaenAsieduSud-Estmais aussi en Europe et auxEtats-Unis, offrant ainsi l’assu-rance aux diplômées d’obtenirun emploi et à ses centres lagarantie d’un personnel parfai-tementformé.En2009,lesécoles

Martha Tilaar ont recruté2.120 adolescentes. L’implanta-tion du programme bénéficieplus largementà toute lasociété.AJakarta,lerevenumoyend’uneemployée de spa se situe entre150et250euros,soitplusdedeuxfoisetdemielesalaireminimum.Unrevenuquipeut suffireà fairevivre touteune famille et àpayerdesétudesauxenfants.MarthaTilaarestmembrefon-

dateur du Global Contact desNations unies et mène desactionsenfaveurdel’environne-ment,de l’agriculturebiologiqueet du développement local enfavorisant notamment les coo-pérativesagricolesetl’autoentre-prise. Cependant, sur ce dernierpoint, des experts soulignent lerisque à faire reposer la respon-sabilité sociale et environne-mentale sur des sous-traitantsautonomes, plusdifficiles à con-trôler et beaucoupmoins sensi-bilisésàcesquestions.JÉRÉMYREBOUL

Avec plus de 4.000 employés, le groupeest l’un des plus importants fournisseursde produits de beauté en Indonésie.

Martha Tilaar faitbouger les lignesen Indonésie

Martha Tilaar a lancéun programme pour former desadolescentes aux métiers de labeauté, celles-ci ayant ensuitel’assurance de travailler dansun des centres du groupe.

DR

Laresponsabilité socialeetenvironnementale (RSE)desentreprisespeut-elle resterunepriorité faceà lacrise ?Silesbonnespratiquesavaientétéunpeu plus généralisées et la RSE unpeuplusrépandue,onn’auraitpas lacrisequ’onaaujourd’hui.Cette crisen’estpastechniquemêmesiellevientdel’endettement,elleestd’abordunecrise d’une civilisationqui s’estimaitdominante, qui s’est lancée avectriomphalismedansune financiari-sation de l’économie. Si on rêve dumondedemain endisant « businessasusual », lesmêmescausesprodui-ront lesmêmes effets. LaRSEest unconcept au contraire extrêmementmoderne, malheureusementdevenuunpeuàlamode.

LaRSEn’est-ellepasparfoisunsimplehabillagemarketing ?Biensûr.Ilsuffitdevoir lenombredeprix citoyens ou autres qui fleuris-sent. Et les banques ne sont pas lesdernières à créer ce genre de prix !Notre réseauAlliances existe depuisdix-septans.Certes,ceteffetdemodenous donne raison,mais la démar-chemérite une réflexion enprofon-deur.Lanotionderesponsabilitédoitêtre centrale dans l’économie.L’urgenceestunechose, lapremièreresponsabilitéd’unchefd’entreprise,c’est faire duprofit, cen’est pashon-teux ! Le profit c’est le progrès, quigarantit la viabilité d’une entreprise,sa capacité à se pérenniser, investir,distribuerdupouvoird’achat.

CesontsouventdegrandsgroupesquiaffichentdesdémarchesdeRSE.Comment intégrer lesPME ?Ce qui est terrible, et lesmédias ensont partiellement responsables,c’est qu’on voit tout à travers lesgrands groupes. Un grand groupe,c’est spectaculaire, c’est beaucoupd’emplois, de chiffre d’affaires, derésultat,dedividende…AvecAllian-ces, nous travaillons énormémentavec des PME, en leur dédiant desdiagnostics ou des opérationsd’accompagnement, et cette annéeleWorldForummetvolontairementl’accent sur lesPME.Nousenavonsde toute taille, dont les dirigeantss’interrogent sur leur façonde faire,surladifférenciationparrapportàlaconcurrenceet qui trouventdans laRSE le moyen de conquérir ou demaintenirdespartsdemarché.

Pourquoivotredémarchen’est-ellequerégionale ?Penser hexagonal n’a aucun intérêt.Il fautpenser làoùonest,oùonpeutagir sur un territoire. Jeme suis tou-jours refusé à porter Alliances auniveau national. On deviendrait un«machin »commeunautre,passantplus de temps en structure qu’enopérationnel.Mais aller regarder cequi se passe ailleurs dans lemonde,oui, et ça rendmodeste. En Indoné-sie, auBangladesh, auChili, il existedes pratiques extrêmement intéres-santes qui peuvent servir de leçons,mêmesilaresponsabiliténeserapas

lamême auDanemark ou en Afri-que.Lemondeest faitdediversité.

Depuisqu’Alliancesessaiedediffusercette« bonneparole »,voyez-vous lespratiquesévoluer ?Dans la région, oui, incontestable-ment. C’est une région très particu-lière avecun terreau fertile et le lan-gage est entendu. Ce n’est pas unhasardsidesprésidentsnationauxduCJD,commeGontrandLejeune,sontissusduNord-Pas-de-Calais.C’est iciquesontnéesdanslepatronatdesini-tiativesquimontraientunepréoccu-pation autre que le seul enrichisse-ment :lesallocationsfamiliales,le1%patronal…Beaucoupd’entreprises

relèvent du capitalisme familial. Ilspossèdent leur entreprise, ils y tra-vaillentetnedépendentpasdefondsde pension situés à des dizaines demilliersdekilomètres.Et celachangetout ! Ces gens se voient, se croisent,c’estlaforced’unterritoire.

Quepeuventdesdirigeantsmobilisés sans leurs salariés ?C’est plus dur ! Une opération deRSE suppose que les salariés sel’approprient, sanss’estimerprison-niersdelapolitiqueàlaquelleilsontcontribué. Il y a beaucoupdepéda-gogie à faire. Et la RSE ne dispensepas des conflits sociaux ! Le thèmede la diversité n’est pas fortement

portéparlessyndicats,mêmesicer-tains le défendent. Ils vont plutôtévoquer des revendications sur lagarantie de l’emploi, la progressiondu pouvoir d’achat, les conditionsde travail… La RSE ne s’octroie pas,ellesepartage.Onaméliorenosper-formances économiques tout enrespectantplusetmieuxlesperson-nes et l’environnement, dans l’inté-rêtde toutes lespartiesprenantes.

Ledéveloppementdurableestdevenutrèsmédiatisé.Surquoilebesoindepédagogie reste-t-illeplus fort ?Souvent, on n’en voit que la partieenvironnementale, la plus facile, laplus spectaculaire, la plus simplisteaussi.Surlaresponsabilitésociale,ladémonstration peut être faite aussifacilement.Sivousprenez lesentre-prises classées dans le « best placesto work », ce ne sont pas celles quiontlesmoinsbonnesperformanceséconomiques ! Jean-Marie Descar-pentries le dit dans son dernierlivre : les salariés heureux font lesentreprisesquigagnent.Unebonnegestion sociale de l’entreprise, unebonnemotivation des salariés sontdesgagesdeperformance. Ilne fautjamais dissocier l’économie, lesocial et l’environnemental. LaRSE,c’est un tout que nous appelonschezAlliances « laperformanceparla responsabilité ».C’estnécessaire-mentdumoyenoudu long terme.PROPOS RECUEILLIS PAROLIVIERDUCUING

Philippe Vasseur « La RSE ne s’octroie pas,elle se partage »

« Une opération de RSE suppose que les salariésse l’approprient, sans s’estimer prisonniersde la politique à laquelle ils ont contribué. »

NICOLA

STA

VERN

IER/

RÉA

INTERVIEWPHILIPPE VASSEURPRÉSIDENT DU CRÉDIT MUTUELNORD EUROPE ET DU RÉSEAUALLIANCES, FONDATEURDU WORLD FORUM DE LILLE