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Archibald Magazine 1 Mars 2012

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Page 1: Archibald Magazine 1
Page 2: Archibald Magazine 1

Voici non pas sous vos mains mais bien sur votre écran un

nouveau magazine ayant l’humble but de parler de culture. Bien

sûr de nombreux magazines papiers sont beaucoup plus aptes à

parler de tous les phénomènes culturels. Mais notre singularité si

l’on peut appeler ça singularité est de n’être produit que par des

étudiants. Notre portée première est donc de parler à ces

étudiants. Une fois par mois nous ferons donc un tour de l’actualité

culturelle et des thèmes qui nous touchent plus particulièrement.

Ce journal étant en phase de développement, d’autres

contributeurs viendront s’ajouter à notre rédaction au fil des mois

et je l’espère le volume du journal augmentera au fil du temps.

Dans ce premier numéro il sera donc question de street-art, de

films qui nous parlent d’aujourd’hui, de musique et de littérature.

D’autres rubriques sont en cours d’élaboration pour mieux couvrir

tous les aspects de la culture.

En attendant bonne lecture et rendez-vous le 15 avril pour le

numéro 2

Page 3: Archibald Magazine 1

Société : Raler, graffeur dans l’air du temps

Cinéma : Detachment, film scolère

Bullhead, film XY

Quentin Dupieux : réalisateur volant

Musique : Areno Jaz, jazz 2.0

Dillon, surréalisme métallique et voix

chiffon

Littérature : Bret Easton Ellis, écrivain moderne

depuis 30 ans

Page 4: Archibald Magazine 1

par Paul Demougeot

Raler est un jeune graffeur de

Cannes de 21 ans. Son domaine

d’action c’est plutôt les stickers

qu’il dispose un peu partout dans la

ville et dans d’autres endroits. Il dit

avoir en tête un gros projet avec

des amis à lui qui se fera bientôt,

toujours à Cannes, ville plus connue

pour ses vieux et son petit festival

de cinéma. En attendant, nous

l’avons rencontré.

OU AS-TU TROUVE CE BLASE ?

Honnêtement, je sais pas trop, c’est

ma mère qui me disait à chaque

fois « arrête de râler, arrête de

râler.. ». Et puis après c’est venu

naturellement. J’avais d’autres

blases avant mais j’en voulais un

qui me corresponde vraiment.

Celui-là je l’ai depuis au moins 5

ans, que je suis en seconde.

A PARTIR DE QUAND T’ES TU PENCHE

SUR LE STREET-ART ? J’ai rarement

pris le train étant jeune mais dès

que je le prenais pour aller voir ma

grand-mère et ma tante à Lille

j’étais fasciné par les graffitis de

partout sur les murs, les wagons.

Même une fois on a taggué la

voiture de mon père et j’ai voulu

savoir en regardant de plus près qui

avait pu faire ça. Apres je me suis

lancé, je reprenais les blases de

mecs que je voyais dans la rue, ça

me chauffait bien et je me suis dit

pourquoi pas moi. Mais j’étais très

timide au début, j’avais un peu

peur.

DU COUP TU AS COMMENCE SUR

QUEL SUPPORT ? Surtout des feuilles

en fait et puis après tout ce qui

trainait dans ma chambre et sur

lequel je pouvais poser quelque

chose. Genre des vieux ordinateurs,

je dois encore en avoir chez moi.

Maintenant je me sers surtout de

stickers, ça me prend entre 15 et 30

minutes à dessiner un graphe et je

peux aller le poser où je veux.

Page 5: Archibald Magazine 1

QUELLES SONT TES INSPIRATIONS AU

SEIN MEME DU STREET ART MAIS

AUSSI DANS D’AUTRES DOMAINES

COMME LA MUSIQUE OU LE CINE ?

J’en ai plein qui me passent par la

tête là mais je peux te dire O’Clock,

Orsay qui sont des gros gros

graffeurs, des matraqueurs. Après

y’a tous les mecs du sud, tout ceux

qui ont arraché même si je kiffe pas

trop leur style. Sur Paname t’as Pear

aussi qui fait des gros trucs. Et puis il

y a Grems qui pour moi autant

artistiquement que musicalement

est au-dessus. De toute façon dès

qu’un mec va s’appliquer sur le

lettrage, faire un truc propre et qui

sort du lot ça va forcément

m’intéresser. Dans le cinéma, c’est

Vincent Cassel, pour moi un très

grand et aussi Jean Dujardin qui

m’a vendu du rêve, comme ça en

partant de rien. Mais sinon le délire

américain c’est pas trop mon truc,

je préfère la musique et le dessin.

PAR CONTRE TU TE RECONNAIS PLUS

DANS LA MUSIQUE AMERICAINE ?

Ouais, les trucs récents qui sont

sortis comme Mac Miller ou Chip

Tha Ripper ça rentre bien dans mon

délire. Ou les classiques Nas, A Tribe

Called Quest. En France, un peu

comme toute le monde : NTM, IAM,

Fabe, Scred Connexion mais je

pourrais te faire une grosse liste

tellement y’en a.

QUEL EST TON CHAMP D’ACTION,

TES ENDROITS PREFERES POUR POSER

DES GRAFFES ? Un peu où ça me

chante, je choisis pas vraiment les

endroits ça dépend d’où je suis. Je

suis parti une semaine à

Amsterdam avec un pote y’a pas

longtemps et on s’est bien fait

plaisir. Après, j’aime bien marier les

couleurs : si je fais un sticker bleu je

vais chercher un endroit qui va

bien le faire ressortir, pareil pour un

rouge. Mais le sticker c’est un

support bizarre, au début j’en ai fait

parce que je me suis cassé la

cheville et que je devais rester chez

Page 6: Archibald Magazine 1

moi à rien faire. J’avais trop envie

de sortir et niquer des murs mais je

pouvais pas. Du coup je suis resté

sur ce support après vu que ça me

plaisait bien et que c’est plutôt

pratique. Je vais essayer de voir

plus grand maintenant, genre des

affiches, ou poser directement à la

bombe sur des murs.

TU AS DES GENS QUI T’AIDENT OU TU

FAIS DE MANIERE PLUS SOLITAIRE ?

Ouais on a un bon petit crew là

dans le sud, on délire bien

ensemble. Celui qui m’a vraiment

lancé dans le graffiti est parti à Paris

mais que ce soit à Cannes ou Nice

on à toujours quelqu’un qui va

suivre même si c’est pas très légal

ce qu’on fait.

A PART LE DESSIN, TU AS D’AUTRES

CENTRES D’ACTIVITE ? (rires) Je

passe du son dans certains endroits

de cette ville, bien qu’elle ne soit

pas très réceptive, j’essaie de

transmettre un peu ma culture

musicale.

TU RETRAVAILLES TES SONS COMME

UN DJ OU TU AMBIANCES JUSTE

L’ENDROIT ? Non non, je passe ce

qui me passe par la tête, ce qui va

bien avec les gens qu’il peut y

avoir. Je rajoute quelques effets

comme ça pour bien marier les

chansons mais je ne suis pas du tout

DJ. J’essaie juste comme avec le

dessin de faire passer un message.

QU’EST-CE QUE TU TE VOIS FAIRE

PLUS TARD ? A vrai dire, je vis au jour

le jour, malgré moi. J’aurais aimé

faire une école d’art par contre.

Mais d’une je n’ai pas l’argent car

ça coute vraiment cher et de deux

je n’ai pas les dossiers car

scolairement je n’existe pas. Je ne

fais pas ça pour me faire connaître

en fait, je fais ça pour me faire

plaisir, avec mes potes. Le graffiti

c’est de l’égo-trip à fond, il faut le

dire, on aime bien voir notre blase

partout. Dans 10 ou 20 ans je me

vois bien continuer à faire ça,

même avec des gamins, pour

continuer à partager. J’ai

l’ambition de partir à Paris ou

Londres, de mettre mon nom

partout. Mais après tout dépend de

la perception des gens, y’en a qui

vont comme moi faire attention à

chaque dessin et puis t’en a qui

vont même pas y faire attention ou

Page 7: Archibald Magazine 1

alors ne pas savoir que c’est toi qui

a fait ça. C’est une forme de

culture d’apprendre à reconnaitre

un dessin et son auteur. Y’a un côté

combat aussi entre les graffeurs, si

je vois un graff quelque part je vais

poser le mien à côté, en plus

grand. En même temps y’a comme

un code de respect entre les

graffeurs, tu sais très bien qu’il faut

pas arracher des graffs les mecs du

crew vont venir te niquer. J’ai fait

des erreurs comme ça quand

j’étais plus jeune, je sais que je les

referais plus.

TU TE VOIS VIVRE DE CA ? C’est

plusqu’un rêve, c’est quasiment

impossible, et j’en suis bien

conscient. Etre artiste, je pense que

tout le monde rêve de faire ça,

que ce soit dans le cinéma ou

Page 8: Archibald Magazine 1

n’importe quoi. Y’en a qui font des

tableaux de merde aussi et qui sont

dans des musées.

ET LE STREET ART QUI RENTRE DANS DES

MUSEES T’EN PENSE QUOI ? Ouais, ça

commence à se démocratiser un

peu. C’est bien que ça commence à

toucher certaines personnes et que

ça rentre plus dans les mœurs mais

ceux qui en font un business comme

Klein ou Cartier je trouve ça moyen.

Après, le mec qui va faire sa toile et la

vendre, j’ai rien contre. C’est normal

qu’il touche un petit cachet. Son graff

peut même être dans le salon d’un

mec dans le XVe on s’en bat les

couilles. Les grandes enseignes qui

reprennent des graffs par contre

j’adhère pas, ça salit le truc.

raleraler.tumblr.com

Page 9: Archibald Magazine 1

par Alexia Armand

Sur un clin d'oeil à notre grand

Camus, Detachment débute sur

quelques mots de L’Étranger,

annonçant le sens des 96 minutes à

venir.

C'est indéniable, les clichés se

succèdent sans pause : prostitution,

violence morale et physique,

boulimie, suicide, c'est pour ainsi dire

très américain, malgré l'accent

marqué du réalisateur britannique.

On constate souvent dans son travail

la présence de questions sociales,

comme le racisme dans le poignant

American History X sorti en 1998. Ici,

Tony Kaye dresse le portrait d'une

profession en crise : on suit la vie d'un

remplaçant, mais également de

l'ensemble des enseignants d'un

lycée chaud de la banlieue New-

yorkaise. Dans cet endroit

s'enchaînent ambiguïté et

interrogations sur le rôle qu'ils doivent

occuper. Agressions permanentes ou

appels au secours, la frontière à ne

pas dépasser devient à chaque

confrontation plus fragile. Tour à tour,

on comprend ces individus qui ont

plus ou moins baissé les bras, aussi

démunis que la jeunesse qu'ils tentent

en vain de « sauver ». Comment faire

face à un déni du futur, à une

génération qui ne sait pas où elle va

ou qui ne veut pas le voir, à une

génération se percutant toujours

franchement à ses professeurs. Trois

générations orientent cette œuvre :

nos vieillards aux souvenirs vitreux (le

grand père de Henry), Henry et ces

enseignants qui sont dans l'impasse (si

certains s'en sortent, c'est grâce à

l'automédication) ; et puis ces jeunes

en colère, cassant tout ce qui passe

et tous ceux qui passent. Chaque

tranche de vie a sa façon d'assumer

sa solitude.

Mais Kaye n'a pas voulu résumer son

long métrage au quotidien d'un

professeur qui passe d'un

établissement à l'autre: ce film dessine

plus largement une société subie et

entretenue par ses individus. Ce ne

sont pas les gens qui sont malades,

c'est le travail qui est malade, c'est le

système qui déprime. La question qui

semble ressortir, en dépit d'un

pessimisme amer, est celle du bouc

émissaire ; il faut nécessairement

Page 10: Archibald Magazine 1

trouver un responsable à tous les

malheurs pourrissants. Non

seulement, il y a remise en cause

du système éducatif, mais la

communication est brouillée.

Détachement des profs qui luttent

sans espoir, des élèves qui

adoptent/abordent des attitudes

complètement nonchalantes, des

parents qui boycott l'éducation de

leurs enfants, d'un système scolaire

qui cherche à produire des

carrières.

Le personnage central, Henry

Barthes, est enfermé dans une sorte

d'errance bien illustrée par ses

marches nocturnes. Le

remplacement est pour lui un

moyen de tenir la distance pour

que tout se passe de la meilleure

façon ; il ne veut appartenir, ne

devoir rien à personne, en peu de

mots, être sans attache. Comme

ses élèves, il a ressenti la même

colère, mais elle s'est simplement

transformée en dégoût. Il est ce

courant d'air qui passe un instant,

mais on trouve en lui la volonté de

partager son savoir et la nécessité

d'apprendre pour faire face à

demain. L'écriture, la lecture, la

culture sont les thérapies de l'âme,

Page 11: Archibald Magazine 1

« pour vivre, il faut apprendre » nous

dit Kaye. Après 5 ans de travail, il

faut tout de même reconnaître le

sérieux du scénario, du moins du

contexte, puisqu'il a été écrit par

Carl Lung, anciennement

professeur dans un lycée.

On ressent tout à fait cette énergie

collective qu'exprime le casting :

Brody signe son autre grande

performance après Le Pianiste de

Polanski. Probablement coaché

par son père, enseignant durant 30

ans, il s'abandonne avec justesse et

se vide complètement sous l'oeil de

Kaye ; Marcia Gay Harden, la

directrice en fin de course, mérite

elle une reconnaissance certaine

pour son charisme et sa dureté qui

se brise à mesure que les désastres

s'enchaînent, premier rôle pour

Betty Kaye (fille du réalisateur) qui

interprète Meredith, la jeune artiste

boulimique, de même pour Erica

alias Sami Gayle, la gamine vivant

dans la promiscuité qui trouve en

Barthes le bras auquel s'accrocher.

Les personnages secondaires

renforcent également le scénario,

même s'ils ne sont pas vraiment

approfondis.

La dernière image du film est une

simple synecdoque de l'état

d'esprit dans lequel se trouve

Barthes : les feuilles jonchent le sol,

des feuilles mortes, mais aussi des

pages mortes qui ondulent dans le

courant d'air. L'école est vide. Les

chaises sont vides. Henry est seul. Et

pourtant, tout cela est plein de

sens.

Detachment (2012) de Tony Kaye avec

Adrian Brody, Marcia Gay Harden

Page 12: Archibald Magazine 1

Oui Bullhead appartient à la

catégorie des films XY, non ce n’est

pas un nouveau tag chelou de

films du samedi soir. Si Bullhead est

un film XY c’est parce qu’on y

cause essentiellement de

testostérone, de viande et de

mafia, tout ça situé dans la

charmante région belge du

Limbourg sous forme de polar

rondement mené.

« Les erreurs passées finissent

toujours par ressortir quoiqu’on y

fasse. » C’est sur ces paroles que

s’ouvre le film, le décor est déjà

planté : une région agricole où le

soleil ne se rend pas souvent. Jacky

est le fils ainé de la famille

Vanmarsenille, fratrie d’éleveurs

engraisseurs un brin mafieux. Le

bétail est dopé afin d’arriver à

maturation plus vite, Jacky est aussi

dopé à la testostérone dans le but

de conserver ses caractères mâles

suite à la perte de ses testicules

étant enfant. Mais Jacky est aussi

un colosse, une bête de muscles

incapable d’avoir de relations

avec des femmes. La première

peur de sa mère fut qu’il devienne

homosexuel. Jacky est obnubilé par

ce passé dont il n’arrive pas à se

défaire.

Le film raconte deux moments

distincts, celui où Jacky a 33 ans qui

est le moment présent et celui où

20 ans auparavant il est victime

d’un demi-attardé qui lui casse ses

testicules à coup de pierre. Dès son

enfance on le voit apprendre de

son père à injecter les substances

dans les bêtes. L’enfant semble

encore plein d’humanité par

rapport au Jacky de 33 ans. Il le dit

lui-même à la fin du film, il n’a

connu que les bêtes dans sa vie,

aucune autre responsabilité.

On trouve dans le premier film du

réalisateur Michaël R. Roskam de

nombreuses similitudes avec le chef

d’œuvre de Nicolas Winding Refn :

Drive. Le personnage principal

apparaît comme renfermé, timide

et cachant une grande violence. Il

y a même une scène dans un

ascenseur où Jacky tout comme le

conducteur laisse libre court à sa

folie.

Peu de films d’aujourd’hui parlent

de trafic d’hormones et de paysans

mafieux, c’est pourquoi il y a un

étonnement certain à voir des kilos

de viande sous vide, passer de

mains en mains avant de se

retrouver en circulation libre.

Jacky est donc sur le point de

conclure un marché important

pour la distribution d’hormones

dans tout le Limbourg. Sauf qu’un

agent fédéral qui enquêtait sur le

réseau mafieux de cette région se

fait tuer. La prudence s’installe chez

Jacky, il ne fait plus confiance à

personne. Le récit s’inscrit dans

Page 13: Archibald Magazine 1

cette atmosphère de suspicion

entre chacun des protagonistes qui

sont tous au niveau du film.

Bullhead a fait son petit chemin,

sélectionné dans la catégorie

meilleur film étranger aux Oscars et

récompensé au festival

international du film policier de

Beaune. Matthias Schoenaerts, que

l’on retrouvera dans le prochain

film de Jacques Audiard, a dû

prendre 30 kilos de muscles pour

incarner Jacky crève vraiment

l’écran, il rentre parfaitement dans

la peau de ce colosse privé de ses

organes sexuels, rien qu’à voir sa

démarche particulière.

Bullhead (2011) de Michaël R.

Roskam avec Matthias

Schoenaerts, Jeroen Perceval.

Page 14: Archibald Magazine 1

par Paul Demougeot

Alors que son prochain film Wrong

ne devrait plus tarder à sortir et que

son dernier album Stade 2, le

troisième sortit chez Ed Banger suit

son petit chemin, Archibald s’est

penché sur le parcours

cinématographique de ce Mr.Oizo

entamé il y a 11 ans avec Nonfilm.

Le petit Quentin alors âgé de 12

ans trouve une caméra et

commence à filmer diverses

expérimentations. Suite au succès

planétaire de son morceau et clip

Flat Beat en 1999, il franchit le pas

et se lance à la réalisation avec

Nonfilm qui sort en 2001. Ce moyen

métrage nous plonge dans une

atmosphère assez étrange, on n’a

pas vraiment l’impression de suivre

un récit construit, plutôt une

expérience qui se déroulerait

devant nos yeux.

On trouve dans ce film ses deux

potes Vincent Belorgey (Kavinsky)

et Sébastien Tellier. Ses deux

compères entourés cette fois ci

entre autres de Sebastian, Eric,

Ramzy et Jonathan Lambert dans

Steak sortit en 2007. On retrouve

dans ce véritable premier long

métrage du réalisateur cette

même atmosphère à la limite du

dérangeant. Blaise (Eric) n’a pas

vraiment l’air de comprendre ce

qui l’entoure lorsqu’il sort d’hôpital

psychiatrique après 7 ans

d’internement. La bande des

Chivers, et leur pseudo chef

(Kavinsky est assez malsain, c’est

bien) ne représente pas grand-

chose non plus, si ce n’est qu’en

2016 il sera cool de boire du lait à

tout moment de la journée.

En 2010, Dupieux réalise en deux

semaines chrono un nouvel ovni

cinématographique portant cette

fois ci sur un pneu télépathe sérial

killer : Rubber. Il transmet cette fois-

ci sa vision du monde aux Etats-Unis

puisque le film est tourné en

Californie avec des acteurs

américains. C’est toujours un ami

de chez Ed Banger, qui va

s’occuper de la b.o avec lui :

Gaspard Augé. C’est vachement

Page 15: Archibald Magazine 1

bien foutu, Robert le pneu va

presque nous apparaître humain

de par ses pulsions.

Au vu des teasers de Wrong qui

circulent sur internet, il semblerait

que ce drôle d’Oizo (lol) ait

appliqué la même recette qui a

construit son univers dans ses films,

c’est-à-dire un scénario improbable

servit par des acteurs investis et

bons, ambiancé par la french

touch de chez Ed Banger. On

attend plus que vous chez Mr. Oizo.

Page 16: Archibald Magazine 1

par Paul Demougeot

Membre des 1995, vous savez ce

posse connu même par des

twittasses de 16 ans mais qui

commence à voir sa côte vraiment

augmenter dans le rap hexagonal,

Areno Jaz n’est pourtant pas celui

qui s’affiche le plus souvent. Il n’est

pas non plus celui qui a l’air le plus

imbu de sa personne (qui a dit

Sneazzy ?). Alors que le nouvel E.P

de 1995 vient de sortir, revenons un

peu sur son premier projet solo sorti

le mois dernier : Alias Darryl Zeuja.

L’album qui est un 10 titres s’ouvre

avec une Intro comme dans les

bons vieux Snoop Dogg (l’ultime G-

funk intro de 1993) puis laisse la

place à Darryl Zeuja. La prod est

bien foutue, lourde et jazzy en

même temps. Areno Jaz déballe

son flow tranquillement, les rimes

sont travaillées. La prod est toujours

aussi douce sur J’vends d’la rime,

ça s’écoute posé dans un canapé,

comme une invitation à chiller. Les

40 dernières secondes d’instru pure

accentuent le côté jazz du

morceau.

Jaz Brel est censé se passer fin 1994,

début 1995. On s’y croirait presque

avec ces sons et flows à

l’ancienne. Les Gars avec Fonky

Flav’ (1995) finit bien le 10 titres

avec l’Outro. « laisse les gars de

mon équipe s’installer », ils savent

comment faire pour mettre une

ambiance jazz dans un rap français

bien trop souvent stéréotypé. « Jaz

est authentique » qu’il dit dans

Darryl Zeuja, et bien qu’il le reste ça

ne fait pas de mal.

Areno Jaz, Alias Darryl Zeuja (2012)

Page 17: Archibald Magazine 1
Page 18: Archibald Magazine 1

par Alexia Armand

C'est en novembre dernier que

Dominique Dillon de Byington

surnommée musicalement Dillon a

sorti le bout de son nez. Brésilienne de

naissance et Berlinoise d'adoption,

elle joue ses premières notes à 19 ans.

« C'est venu comme ça, un jour » dit-

elle, comme si la musique était venue

naturellement se loger dans sa voix.

Elle sort son premier EP en 2008 C

Unseen Sea, mais passe inaperçue.

Elle séduit de plus en plus

d'internautes en diffusant ses

morceaux via Youtube et Myspace,

et c'est avec This Silence Kills qu'elle

s'affirme, produit en collaboration

avec le label BPitch Control. Elle se

promène actuellement dans les

grandes villes européennes pour nous

le présenter.

Cet album s'ouvre et se ferme sur un

rythme soutenu. Vibration d'une grille

métallique mêlée aux battements

réguliers qui s'agitent sous nos tempes,

Dillon pour la première fois nous

emmène en promenade. Jolie moue

boudeuse dans la grisaille, elle réveille

quelques influences telles que Lykke

Li, Kate Nash, Johanna Newsom, ou

même Uffie. C'est avec difficulté que

l'on tente de la ranger dans une

catégorie ; les titres bondissent de

l'électronique à l'alternatif, la

cadence s'adapte parfaitement à

l'âme de chaque morceau, sans

rechercher la symétrie pure et simple.

Les titres sont très bien liés, malgré le

fait que certaines mélodies s'affirment

plus que d'autres : Dillon alterne entre

pessimisme, sons répétitifs, et

comptines sautillantes comme le joli

Hey Beau. Le morceau force de

l'album est sûrement 13 35, avec des

paroles qui laissent perplexe (mettant

en scène la relation d'une fille de 13

ans et d'un homme de 35), mais la

voix fragile et la corde caressée de la

harpe rendent le glauque presque

innocent. The Undying need to

Scream nous sert l'estomac alors que

la voix torturée s'entremêle aux

dissonances électriques; la chanson

qui n'a pour titre qu'un trait fait naître

une sorte de vertige ou de deuil, puis

nous fait tomber dans la transe,

l'étouffement subtil. Enfin, Tip Tapping,

premier titre devenu visuel, nous

Page 19: Archibald Magazine 1

embarque non dans l'imaginaire

mais bien dans le quotidien

surréaliste, comme une sorte de

ballade en ville, près des parcs.

Des mots qui se font écho d'une

chanson à l'autre. La justesse

persistant. L'émotion remplissant

toutes les noires. Entre amour

naissant, délaissé, se cachant, on

trouve une fraîcheur dans sa voix

un peu chiffonnée qui donne envie

de rallonger l'hiver. You are my

winter souligne ce qu'a été cette

petite Berlinoise durant cet hiver

lunatique, à savoir un savant menu

de chaud et

de froid, légèrement coloré, mais

bien

souvent plaquant le sépia et la

brise.

Belle expérience auditive, parfait

pour les gourmands et les curieux

musicaux.

This Silence Kills, Dillon

BPitch Control (2012)

Page 20: Archibald Magazine 1

par Paul Demougeot

Propulsé à 21 ans superstar de la

littérature américaine, Bret Easton

Ellis est peut-être à ce jour l’ultime

représentant d’une littérature

américaine, pas celle des

supermarchés où se mêlent

complots terroristes ou théories de

fou sur des sociétés secrètes

millénaires. Non, Bret Easton Ellis est

de la lignée des John Fante, Jack

Kerouac et autre Philip Roth : ces

écrivains qui ont accompagnés

tous les changements sociaux du

XXe siècle aux Etats-Unis. Il prépare

aujourd’hui le casting pour un film

dont il a écrit le scénario : The

Canyons, avec comme acteur

principal l’acteur porno James

Deen en quête avec d’autres

jeune de pouvoir, d’argent et de

sexe dans le Hollywood de 2012. Un

autre film dont il a écrit le scénario

prend lui aussi forme. En effet The

Golden Suicides pourrait être

réalisé par le charmant Gaspar

Noé et le rôle principal irait à Ryan

Gosling. Mais ce ne sont pas ces

suppositions qui nous intéressent ce

mois-ci, c’est plutôt son premier

Roman paru en 1985 : Less than

zero (Moins que zéro). Le roman

raconte le retour de Clay dans sa

famille habitant à Los Angeles pour

les vacances de Noël. Une histoire

qui pourrait être convenue,

n’apportant rien de nouveau à la

littérature américaine. A ce point

près qu’Ellis va mettre dans ce

roman toute la colère qu’il a contre

Page 21: Archibald Magazine 1

la société. Il l’avoue lui-même

« j’étais furieux, je détestais Los

Angeles, je détestais la culture

jeune. Le plus horrible c’est que j’en

faisais partie, et mes amis aussi. Je

haïssais les fringues qu’ils portaient,

la musique qu’ils écoutaient, je

trouvais que tout ça craignait »*

.

Moins que zero est sa réponse à ce

monde qui l’entoure. Le héros (si

s’en est vraiment un) se nomme

Clay et ne semble pas comprendre

dans quel endroit il se trouve. Sa

famille est complétement

inexistante et ne se soucie guère

de lui. Ses jeunes sœurs sont des

pures caricatures de la jeunesse

dorée californienne, bien que

surement exagérée. Clay va donc

pour combler ce vide affectif se

balader de soirées en soirées, dans

des villas de Beverly Hills plus

immenses les unes que les autres,

engager des conversations

dénuées d’intérêt avec des jeunes

plus riches les uns que les autres. Il

essaie toute sorte de drogues,

dépense des fortunes en cocaïne,

et est complétement perdu au

niveau sentimental. Il se questionne

sur ce qu’il éprouve pour son

ancienne petite amie Blair avec qui

il se remet durant ces vacances. Il

passe ses journées à regarder MTV

à moitié défoncé et à faire des

repas familiaux lassants. Tout ceci

rend le roman monotone, comme

une volonté de l’auteur de

partager son ennui. Chaque nouvel

individu rencontré par Clay semble

aussi creux que le précédent.

Certains passages tiennent

cependant en haleine, une sorte

de dégout s’installe au fur et à

mesure que l’on se rend compte

qu’un de ses amis, Julian, est obligé

de se prostituer auprès de cadres

répugnants afin de pouvoir

continuer à se droguer. Une soirée,

il découvre aussi que des personnes

qu’il connaît retiennent une fille de

16 ans prisonnière dans leur

chambre, se relayant pour la violer.

La vie de ces personnes se résume

à de nombreux non-sens, une

jeunesse en perdition dont

personne ne semble se soucier.

Ce roman paru il y a presque 30

ans serait encore d’actualité dans

notre société actuelle, tous les

Page 22: Archibald Magazine 1

problèmes qu’il soulève étant

encore le leitmotiv de la jeunesse

dorée californienne.

Moins que zero (1985), aux éditions

10/18.

*entretien avec Nelly Kaprièlian en 2005