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Archéologie sur l’Arc de Dierrey : découvertes à Chappes Avec 2 000 collaborateurs et chercheurs, l’Inrap est la plus importante structure de recherche archéologique française et l’une des toutes premières en Europe. Institut national de recherche, il réalise l’essentiel des diagnostics archéologiques et des fouilles en partenariat avec les aménageurs privés et publics : soit plus de 2 000 chantiers par an, en France métropolitaine et dans les Dom. Ses missions s’étendent à l’exploitation scientifique des résultats et à la diffusion de la connaissance archéologique auprès du public. Inrap Grand Est nord 12 rue de Méric CS 80005 57063 Metz cedex 2 tél. 03 87 16 41 50 fax. 03 87 16 41 51 www.inrap.fr Prélévement dans une coupe, à Chappes , afin de réaliser une étude micromorphologique © Simon Loiseau, Inrap Des sépultures isolées à Chappes Au Moyen Âge, les défunts sont habituellement enterrés au sein de nécropoles ou cimetières. Or, à Chappes, les archéologues ont mis au jour quatre tombes à inhumation qui semblent répondre à une pratique funéraire rare, celle d’être inhumé dans une aire d’habitat ou d’artisanat. A ce stade de la fouille, l’observation des ossements a permis à l’anthropologue d’identifier deux hommes et une femme. Le quatrième individu, d’âge adulte, restera de sexe indéterminé car ses os sont mal conservés. Du fait de l’absence d’objets dans les sépultures, les archéologues devront attendre les résultats d’analyse d’une datation au carbone 14 pour déterminer si les quatre sépultures sont contemporaines, ou non, du site artisanal découvert. Fouille de l’une des sépultures découvertes à Chappes © Simon Loiseau, Inrap Sépultures de la nécropole médiévale de Villenauxe-la-Grande (Aube) © Jérémy Maestracci, Inrap Maquette : Mehl Lorraine, Inrap, septembre 2015. Long de 310 km environ et d’un diamètre de 1,20 m, le gazoduc Arc de Dierrey reliera Cuvilly (Oise) à Voisines (Haute Marne) en traversant 3 régions (Picardie, Ile-de-France et Champagne- Ardenne). Sa construction, portée par GRTgaz, vise à développer les capacités de transport de gaz naturel par canalisation et à accueillir les nouveaux flux de gaz en provenance du terminal méthanier de Dunkerque. Enregistrement d’un relevé micromorphologique © Simon Loiseau, Inrap Autres sépultures médiévales révélées par l’Arc de Dierrey Une découverte comparable a eu lieu sur le tracé du gazoduc, dans le hameau d’artisans du haut Moyen âge de Pont-sur-Seine déjà évoqué. Sur ce site, un peu à l’écart des bâtiments en bois qui devaient servir de maisons, un adulte est inhumé seul. La raison est inconnue, comme à Chappes. Ces inhumations sont d’autant plus singulières que l’Arc de Dierrey illustre une fois de plus l’existence de nécropoles près des lieux de vie à cette période, où les défunts de chaque communauté sont censés être regroupés. Ainsi les sites de Mesnil-Saint-Loup et de Barbuise déjà cités sont installés à proximité immédiate de petites nécropoles, légèrement plus ancienne que l’habitat dans le premier cas. La nécropole médiévale la plus imposante se trouve sur un autre site, à Villenauxe-la-Grande « La Garenne ». L’habitat associé est inconnu, car il serait probablement situé en dehors de l’emprise de l’Arc de Dierrey. La nécropole elle-même se poursuit au-delà du tracé. Bien qu’à cet endroit les travaux aient été réduits à 4 mètres afin de limiter la contrainte archéologique, plus d’une trentaine de sépultures ont été fouillées.

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Archéologie sur l’Arc de Dierrey : découvertes à Chappes

Avec 2 000 collaborateurs et chercheurs, l’Inrap est la plus importante structure de recherche archéologique française et l’une des toutes premières en Europe. Institut national de recherche, il réalise l’essentiel des diagnostics archéologiques et des fouilles en partenariat avec les aménageurs privés et publics : soit plus de 2 000 chantiers par an, en France métropolitaine et dans les Dom. Ses missions s’étendent à l’exploitation scientifique des résultats et à la diffusion de la connaissance archéologique auprès du public.

Inrap Grand Est nord12 rue de MéricCS 8000557063 Metz cedex 2tél. 03 87 16 41 50fax. 03 87 16 41 51

www.inrap.fr

Prélévement dans une coupe, à Chappes , afin de réaliser une étude micromorphologique © Simon Loiseau, Inrap

Des sépultures isolées à Chappes Au Moyen Âge, les défunts sont habituellement enterrés au sein de nécropoles ou cimetières. Or, à Chappes, les archéologues ont mis au jour quatre tombes à inhumation qui semblent répondre à une pratique funéraire rare, celle d’être inhumé dans une aire d’habitat ou d’artisanat. A ce stade de la fouille, l’observation des ossements a permis à l’anthropologue d’identifier deux hommes et une femme. Le quatrième individu, d’âge adulte, restera de sexe indéterminé car ses os sont mal conservés. Du fait de l’absence d’objets dans les sépultures, les archéologues devront attendre les résultats d’analyse d’une datation au carbone 14 pour déterminer si les quatre sépultures sont contemporaines, ou non, du site artisanal découvert.

Fouille de l’une des sépultures découvertes à Chappes © Simon Loiseau, Inrap Sépultures de la nécropole médiévale de Villenauxe-la-Grande (Aube) © Jérémy Maestracci, Inrap

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Long de 310 km environ et d’un diamètre de 1,20 m, le gazoduc Arc de Dierrey reliera Cuvilly (Oise) à Voisines (Haute Marne) en traversant 3 régions (Picardie, Ile-de-France et Champagne-Ardenne). Sa construction, portée par GRTgaz, vise à développer les capacités de transport de gaz naturel par canalisation et à accueillir les nouveaux flux de gaz en provenance du terminal méthanier de Dunkerque.

Enregistrement d’un relevé micromorphologique © Simon Loiseau, Inrap

Autres sépultures médiévales révélées par l’Arc de Dierrey Une découverte comparable a eu lieu sur le tracé du gazoduc, dans le hameau d’artisans du haut Moyen âge de Pont-sur-Seine déjà évoqué. Sur ce site, un peu à l’écart des bâtiments en bois qui devaient servir de maisons, un adulte est inhumé seul. La raison est inconnue, comme à Chappes. Ces inhumations sont d’autant plus singulières que l’Arc de Dierrey illustre une fois de plus l’existence de nécropoles près des lieux de vie à cette période, où les défunts de chaque communauté sont censés être regroupés. Ainsi les sites de Mesnil-Saint-Loup et de Barbuise déjà cités sont installés à proximité immédiate de petites nécropoles, légèrement plus ancienne que l’habitat dans le premier cas.La nécropole médiévale la plus imposante se trouve sur un autre site, à Villenauxe-la-Grande « La Garenne ». L’habitat associé est inconnu, car il serait probablement situé en dehors de l’emprise de l’Arc de Dierrey. La nécropole elle-même se poursuit au-delà du tracé. Bien qu’à cet endroit les travaux aient été réduits à 4 mètres afin de limiter la contrainte archéologique, plus d’une trentaine de sépultures ont été fouillées.

Depuis 2013 et jusque fin septembre 2015, sur prescription de l’Etat, des équipes d’archéologues de l’Inrap fouillent les vestiges qu’ils avaient préalablement détectés sur le parcours du gazoduc Arc de Dierrey. Bien que les travaux ne bouleversent le sous-sol que sur une largeur moyenne de 25 mètres, les vestiges archéologiques révélés, denses, auront nécessité quarante-six fouilles au total dans le département de l’Aube. Les plus anciennes traces étudiées datent du Mésolithique, soit environ 8 000 ans avant notre ère, et les plus récentes, des fondations en bois d’un moulin à eau, des XVIe -XVIIe siècles. Les informations collectées sont particulièrement précieuses car l’Arc de Dierrey traverse les plateaux crayeux et le Pays d’Othe, territoires, à l’écart des grandes villes, beaucoup moins impactés par les projets d’aménagement et donc habituellement peu explorés par l’archéologie préventive.

DépartementAube

AménagementGRTgaz

Recherches archéologiquesInrap

Prescription et contrôle scientifiqueService régional de l’archéologie Drac Champagne-Ardenne

Responsable scientifiqueMarie-Caroline Charbonnier

Diagnostic archéologique de l’Arc de Dierrey,à Fontvannes (Aube) © Raphaël Durost, Inrap Vue aérienne d’une partie de la fouille à Chappes © Frédéric Canon, Vertical photos / Inrap Fouille en cours de probables fours à Chappes © Estelle Bénistant, Inrap

Fouilles archéologiques de part et d’autre de la Seine à Pont-sur-Seine (Aube), à l’emplacement d’un hameau du Moyen Âge. © Laura Leclerc, Inrap

A Chappes, vie quotidienne à l’époque romaine et au Moyen Âge La fouille réalisée à Chappes au lieu-dit « La Planchotte » a permis de mettre au jour plusieurs vestiges, représentant trois phases d’occupation humaine. Deux fosses de chasse et deux sépultures, attribuables à une phase chronologique entre le Néolithique et l’âge du Bronze. S’installe ensuite sur le plateau, à distance de la Seine, un habitat gallo-romain comportant des fosses, des caves et des bâtiments sur poteaux, dont la fouille est en cours. Enfin, sur le bas de pente, proche du lit de la Seine, les archéologues ont découvert une occupation datée du Moyen Âge, apparemment dédiée à l’artisanat, ainsi que quatre sépultures isolées. Les premiers objets ou éléments découverts permettent de dater le site des environs du XIIIe siècle. Le secteur semble être abandonné par la suite. Il est possible qu’une dégradation du climat entraînant des inondations sur les bords de Seine, en soit la cause.

Un site d’activité(s) artisanale(s) ? A Chappes, les archéologues mettent au jour plusieurs fonds de cabane datés du Moyen Âge. Ils se présentent sous la forme de

fosses peu profondes à fond plat et sont utilisés en général pour les activités artisanales. Les archéologues ont retrouvé les traces d’un poteau dans chaque fond de cabane, celui-ci pouvait servir à supporter une armature, à tenir une potence, … L’abondance d’ossements d’animaux découverts dans ces fosses interroge : s’agit-il de boucherie, de production d’objets en os (tabletterie) ? A proximité, des fosses de déchets, comblées d’argile cuite, ont été identifiées ainsi que deux structures empierrées riches en argile crue et cuite : il pourrait s’agir de fours, mais leur forme atypique nécessitera des analyses complémentaires afin d’en déterminer la fonction avec certitude.

Autres pôles artisanaux du Moyen Âge sur l’Arc de Dierrey D’autres sites traversés par l’Arc de Dierrey ont révélé des pôles artisanaux du haut Moyen Âge. Ces zones se matérialisent par des bâtiments en bois et torchis dont les plus élaborés ont un sol en contrebas, comme à Chappes, et nécessitent donc de descendre une à deux marches. Les archéologues retrouvent également des

fours regroupés, à la fonction là aussi incertaine. Tous ces ateliers artisanaux du haut Moyen Âge ont un point commun, y compris avec ceux fouillés en dehors de l’Arc de Dierrey : ils sont accolés au plus près d’un cours d’eau, dans les zones inondables actuelles. Celui de Pont-sur-Seine « Les Gués » et celui de Barbuise « Les Forges » sont à moins de 100 mètres du lit actuel de la Seine pour le premier et de la Noxe pour le second. Un site se démarque cependant de cette organisation habituelle, il s’agit de celui de Mesnil-Saint-Loup, situé sur les plateaux crayeux, loin des vallées. Cette fouille de l’Arc de Dierrey a en effet révélé un pôle artisanal d’envergure similaire aux autres mais son implantation sur un plateau, inédite, interroge particulièrement : cette implantation est-elle réellement marginale ou est-ce que l’Arc de Dierrey offre une fenêtre d’exploration inhabituelle qui ouvrirait de nouvelles perspectives de recherche ?

Chappes