a/r magazine voyageur

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www.ar-mag.fr 2 ANS NOUVELLE FORMULE L 13134 -13- F: 5,50 e - RD ALLER RETOUR N°13 juil. / août 2012 DJIBOUTI PLONGÉE AVEC LES REQUINS-BALEINES AUVERGNE DES HOMMES ET DES LIEUX BIRMANIE LE VOYAGE C’EST MAINTENANT JEAN ROLIN ÉCRIVAIN AU PIED MARIN

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Magazine de voyage Travel magazine

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Page 1: A/R Magazine voyageur

www.ar-mag.fr

2 ans

nouvelle

formule

L 13134 - 13 - F: 5,50 € - RDL 13134 -13- F: 5,50 e - RD

allerretour

n°13—

juil. / août 2012

djibouti plongée avec les requins-baleines

auvergnedes hommeset des lieux

birmaniele voyage c’est maintenant

jean rolin

écrivainau piedmarin

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n°13 / juillet — août 2012

A/R magazine voyageur — 3

le livre de la junte « Voici la Birmanie, un pays différent de tous ceux que tu connais ». Ainsi s’exprimait Rudyard Kipling en 1898 au temps des Indes Britanniques. Un siècle et des broutilles plus tard, la phrase fleurit dans tous les guides, toutes les brochures, tous les blogs. À croire que la Birmanie reste incomparable et que l’Office national de tourisme ne trouvera jamais de meilleur slogan. Il est vrai que le pays placé sous la coupe des militaires et ayant vécu à l’écart de la marche du monde depuis des décennies est resté dans son jus. Voyager au Myanmar, c’est voyager dans le temps : Birmans avec leurs longyi noués autour de la taille, femmes aux visages enduits de pâte de thanaka, hommes qui mâchonnent du bétel, moines avec leur bol. Mais les temps changent, heureusement. La démocratie pointe son nez. Aung San Suu Kyi, l’icône des démo-crates a été élue députée en avril 2012. Le pays s’ouvre et les touristes affluent ce qui d’ailleurs ne manque pas de provoquer un certain désordre, car les hôtels et les compagnies aériennes domestiques peinent à s’ajuster à la demande qui explose et fait flamber les prix. À Bagan, le site archéologique digne d’Angkor, des patrouilles de touristes mitraillent les pagodes au téléobjectif comme dans une photo de Martin Parr. Et le pays se transforme. Dans les rues de Rangoun, jeans et jupes concurren-cent le vêtement traditionnel tandis que les voitures créent des embouteillages. Star-bucks sans doute prépare une implantation. Alors jusqu’à quand la Birmanie sera un pays différent de tous ceux que l’on connaît ?

Je vous embrasse,Sandrine

directeur de la publication Michel Fonovich [email protected]

rédactrice en chef Sandrine Mercier [email protected]

directeur artistique Albéric d’Hardivilliers [email protected]

reporter Christophe Migeon [email protected]

journaliste Camille Rustici

stagiaire Margot Boutges

diffusion MLP

service des ventes (réservé aux professionnels) Vive la Presse 09 61 47 78 49

publicité A/R publicité [email protected]

régie publicitaire

125, rue du FaubourgSaint-Honoré - 75008 Paris Laureline Jouanneau Directrice de la publicité 01 45 61 23 [email protected]

imprimeur Corelio Printing – Belgique

A/R magazine voyageur1 rue du Plâtre — 75004 Paris06 87 83 22 56 / www.ar-mag.fr

Publication bimestriellePrix de vente : 5,50 €Édité par les Éditions du PlâtreSAS au capital de 10 000 €Siège social : 1 rue du plâtre — 75004 ParisR.C.S : 523 032 381 / ISSN : 2108-3347CPPAP : 1015K90544

© A/R magazine voyageurLa reproduction, même partielle, des articles et illustrations publiésdans ce magazine est interdite.

Photo :Alex Crétey-Systermans Image de couverture :Pagode Shwedagon / Rangoun© Corbis / Richard T. Nowitz

L’éDItOSandrine Mercier

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4 — A/R magazine voyageur / carnet

juillet — août 2012/ n°13

au sommairedans ce numéro#13 — juil. / août 2012

Regards 006Virginie Sueres & Michael Friberg

Carnet L’entretien 010Jean RolinActus 014Nos adresses 016Bric-à-brac 018Culture 019Archi / Livres / Ciné Zoom 022Gand / Belgique

Partir Auvergne 026Des hommes et des lieuxPortfolio 036Lola Reboud / TangerDjibouti 044Plongée avec les requins-baleinesBirmanie 052La nouvelle pépite d’Asie

Durable Actus 068Petites distances, grands plaisirs 070Reprenez le large

Parc National 072Grampians / AustralieC’est quelqu’un 080Un tour du monde bio Passage à l’acte 082Paris comme à la campagne

Bazar Miam-miam 088Moscou / RussieArtisans du monde 092La soie au CambodgeTourista 094Madame Tussauds / LondresLe guide du queutard 095Une divine pornographieCarnettiste 096Mehdi ZannadCarte Postale 098Le soleil de Saint-Pierre et Miquelon

Contributeurs :Julien Blanc-Gras (JBG) / Hélène Bamberger (HB) / Magali An Berthon (MAB) / Antoine Cervoni (AC) / Alex Crétey-Systermans (ACS) / Laurent Delmas (LD) / Paula Diaz (PD) / Jean-Luc Eyguesier (JLE) / Antonio Fischetti (AF) / Jean-François Mallet (JFM) / Matthieu Raffard (MR) / Lola Reboud (LR) / Albert Zadar (AZ) / Mehdi Zannad

Auvergne : Des hommes et des lieux (P.26)

Djibouti : Le requin-baleine (P.44)

Tourista : Londres (P.94) itinéraires et brochure disponibles sur www.horizonsnomades.fr

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UN ART DE VOYAGER !Orientés vers la découverte de pays et de peuples parfois très méconnus, nos voyages privilégient les conditions qui permettent de faire l’expérience d’une terre et d’y rencontrer ses habitants : petits groupes, randonnées, bivouacs... Cet art de voyager requiert plus de souplesse d’esprit que de force physique.

aboen pages

8 et 66

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10 — A/R magazine voyageur / carnet

juillet — août 2012/ n°13

Vous auriez pu naître à Dinard ?Dans un opuscule publié par les Éditions de la Table Ronde, je prétends être né de ma grand-mère à Dinard à l’âge de trois ou quatre ans. Fantaisie ! Pour l’excel-lente raison que comme tout le monde je suis né de ma mère et en l’occurrence à Boulogne-Billancourt. Mais j’ai passé les premières années de ma vie à Dinard avec ma grand-mère pendant que mes parents et mon frère étaient à Brazzaville. Je pense de manière pas très originale que ma relation à la mer vient de cette enfance. Les premières années, il me semble que ça compte !

Elles ont marqué Chateaubriand en tout cas qui est né juste en face à Saint-Malo.Elles ont marqué Chateaubriand et moi ! Je ne prétends pas comme lui être venu au monde une nuit de tempête annoncia-trice des tempêtes qu’allait connaître ma propre vie, mais l’atmosphère particu-lière de l’anse de Dinard au milieu des années 1950 m’a beaucoup marqué. Cette relation aussi un peu particulière avec ma grand-mère, institutrice à la

retraite qui à ce titre avait le droit de me délivrer un enseignement qui me dispen-sait d’aller à l’école.

Vous avez reçu en mai le Prix Gens de mer à Saint-Malo.Je suis content de l’avoir reçu sur le pont d’un chalutier de grande pêche. L’ironie, c’est que je n’ai jamais parlé de grande pêche. Mais j’ai vu depuis la passerelle d’un porte-conteneur les malheureux pêcheurs qui sont jetés d’un côté et de l’autre dans des conditions très dures. Tout ce dont on peut souffrir en mer à savoir l’agitation du bateau, l’instabilité du sol, les odeurs de gasoil ou de poisson est décuplé avec la pêche. Mais je pense que je vais m’offrir une session de grande pêche un de ces quatre. Je me dis que cela manque à ma collection d’expé-riences de la mer !

L’appellation d’écrivain-voyageur vous convient-elle ?non, elle me broute un peu. La pure lit-térature de voyage ne m’intéresse que peu. C’est un genre limité qui ne com-

prend que quelques chefs-d’œuvre qui sont toujours britanniques. Ce sont les maîtres du genre. J’ai beaucoup de consi-dération pour Wilfred Thesiger qui a écrit notamment Le Désert des Déserts. Il est un des premiers à avoir traversé entiè-rement le grand désert saoudien. Quant à moi, je suis un écrivain qui voyage, ce qui est assez banal et pas une nécessité. Comme chacun le sait, Proust voyageait peu et c’est quand même l’un des meilleurs. Moi, j’ai toujours voyagé, car j’exerçais jusqu’à il y a une dizaine d’an-nées le métier de reporter. Je tiens à faire observer que la moitié de mes livres se déroulent dans les limites de l’Hexagone, certains dans la périphérie parisienne, d’autres dans des zones portuaires. Calais, Dunkerque, Saint-nazaire m’in-téressent autant que les îles lointaines.

Voyagez-vous à des fins autres que littéraires ou journalistiques ?non. À titre personnel, je suis assez casa-nier. La France me prodigue tout ce dont j’ai besoin en matière de loisirs et de vacances, entre la Bretagne et l’Ardèche.

jean rolinl’écrivain

au pied marin

EntrEtiEn : MiChEL fonoViChPhoto : héLènE BaMBErGEr

JEAn RoLIn SE DIT CASAnIER. ÇA nouS FAIT DouCEMEnT RIgoLER, LuI

L’ÉCRIvAIn, LE REPoRTER QuI A voyAgÉ PARTouT AvEC unE ATTIRAnCE

PouR LES LIEux À LA MARgE où LES HoMMES nE FonT QuE SE DÉBATTRE

ConTRE un SoRT ABSuRDE. nouS L’AvonS REnConTRÉ À SAInT-MALo,

FACE À LA MER, oMnIPRÉSEnTE DAnS SA vIE ET DAnS Son œuvRE.

L’EntrEtiEn

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carnet / A/R magazine voyageur — 11

n°13 / juillet — août 2012

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14 — A/R magazine voyageur / carnet

juillet — août 2012/ n°13

Actualités

« Je suis reconnaissant à Borat de contribuer à attirer des touristes au Kazakhstan. »Ierjan Kazykhanov, ministre kazakh des Affaires étrangères

Après avoir interdit la diffusion en 2006 du long métrage Borat, leçons cultu-relles sur l’Amérique au profit glorieuse nation Kazakhstan qui dépeignait le Kazakhstan comme un pays arriéré et barbare, le gouvernement a finalement reconnu les mérites du personnage de Borat interprété par Sacha Baron Cohen. Et pour cause, après la sortie de ce film, le nombre de visas a été mul-tiplié par dix.

4 BONNES RAISONS D’ALLER AU COSTA RICABordé par l’Océan Pacifique et la mer des Caraïbes, le tout petit Costa Rica (52 000 km2) est grand par sa nature. Sur une superficie égale à 0,03% de la planète, il accueille près de 5% de la biodiversité mondiale.

1 Les parcs nationaux Ils couvrent 25% de la superficie du pays. Rendez-vous avec les baleines à bosse au parc marin Ballena et avec les gigantesques tortues luth au parc Tortuguero.

1 Les volcansPlus d’une centaine se haussent du col par dessus les forêts. L’Irazú, qui crachote à seu-lement 30 km de la capitale San José, s’élève à 3 432 mètres.

1 L’ara rougeEn voilà un qui porte bien son nom en dépit des plumes bleutées qui constituent sa queue. En plus d’être rouge, l’ara est farou-chement monogame.

1 L’île de CocoSituée à 532 kilomètres de la côte pacifique, l’île de Coco fut qualifiée de plus belle île du monde par le commandant Cousteau au couvre-chef aussi rouge qu’un ara.

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carnet / A/R magazine voyageur — 15

n°13 / juillet — août 2012

Zappez les intermédiaires !Evaneos

Le web a bousculé les façons de voyager, on ne vous l’apprend pas, mais connaissez-vous Evaneos ?Un nouveau venu sur la toile qui propose de construire son voyage sans inter-médiaires. Vous devenez ainsi votre propre agent de voyage en entrant directement en contact avec les agents locaux. Evaneos en a choisi une centaine en fonction de la qualité de leur service, de leur engagement durable, et francophones de préférence pour faciliter les échanges. Le site annonce une réduction des coûts de 20 % par rapport à une agence traditionnelle. À vous de faire votre marché. www.evaneos.com

Allons voir chez les Grecs !Direct Tours

Ça chauffe chez les Grecs : grèves à répétition, manifestations, échauffourées, risque de sortie de la zone Euro. L’image de paradis méditerra-néen est quelque peu écornée. En 2012, les revenus du tourisme devraient chuter de 15 %. Il faut soutenir la Grèce en s’y rendant en vacances cet été ! Dans un élan de solidarité, revisitez les classiques : Delphes, Olympie, Mycènes, Nauplie, Epidaure. Les prix sont plus petits et vous aurez toutes les chances de vous retrouver seuls sur une plage. www.directours.com

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Dernières nouveautésDes tours-opérateurs

Grande-BretagneUne cabine de téléphone pour mon royaume !

72 ans de règne, qui dit mieux en Grande-Bretagne ? Pas la reine Elizabeth II qui vient seulement de célébrer ses 60 ans, ni même la reine Victoria qui resta sur le trône pendant 63 années. Non, le record appartient à la fameuse cabine téléphonique rouge telle-ment british. Aujourd’hui, il en reste encore 11 000 sur les 70 000 qui furent installées, mais la concurrence du téléphone portable semble les condamner à une disparition pro-gressive, car la majorité d’entre elles sont déficitaires. Dans un souci de préservation de l’identité britannique, British Telecom les cède désormais pour une livre symbolique aux collectivités locales qui s’en servent alors à leur guise. Selon les villages, les K6 (nom du modèle) deviennent épiceries, biblio-thèques, galeries d’exposition. L’une d’elles est même devenue un pub.

HollandeFumez des tulipes

Fumeurs de joints de tous les pays, inquiétez-vous ! Depuis le 1er mai, les coffee-shops situés dans les provinces du sud ne peuvent plus vendre de cannabis aux étrangers. Seuls des Bataves détenteurs d’un passeport cannabis (wietpas) sont désormais autorisés à faire leurs emplettes dans ces célèbres magasins. La législation devrait s’appliquer au reste du pays et en particulier à Amsterdam dès l’année prochaine à moins que le nouveau gouvernement qui sera élu en septembre ne fasse machine arrière.

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n°13 / juillet — août 2012

Les sabots d’HélèneDouce chanson—

Non, Hélène n’a pas de sabots, mais elle a tout d’une reine. Reine en son royaume, simple et bien tenu. Vous tomberez dessus si vous avez la chance de vous égarer aux environs de la Godivelle, sur le Cézallier. Là, une bonne table vous attend. Dehors, s’il fait beau, ou dedans, près de la cheminée, si le vent souffle trop fort. Quoi qu’il arrive, vous y serez bien. Pendant qu’Hélène vous préparera une divine ome-lette à l’oseille, Jean des Plantes vous entretiendra des mystérieuses propriétés des plantes et de la beauté des montagnes. Avec sa verve mystique et une bonne bière, rien ne sera plus simple que d’at-tendre votre déjeuner, même si vous revenez d’une longue randonnée. Ne soyez pas pressé, c’est tout ce que l’on peut vous dire, prenez le temps, pour une fois. Par respect pour elle, on ne vous donnera pas l’adresse exacte, elle se mérite paraît-il.

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n°13 / juillet — août 2012

LES GÉAnTS DE

DJIBOUTI

Christophe Migeon — Textes & photos

Des paysages tourmentés et austères, peu fignolés par Dieu le Père, une ville qui mâchonne son qat à l’ombre de ses façades de corail, un golfe

sillonné pendant trois mois de l’année par les requins-baleines qui sont les plus gros poissons du monde, et puis aussi ce parfum de lointain et d’épices,

soufflé depuis l’Océan Indien. C’est Djibouti, carrefour des mondes.

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n°13 / juillet — août 2012

birmaniele voyage c’est maintenant

albert Zadar — Textesalex crétey-systermans — Photographies

« You’re safe with us ». ces quelques mots inscrits sur le ticket de la compagnie yangon airways trottent dans ma tête. Pourquoi prendre la peine de préciser que l’on est en sécurité avec eux ? aurait-on des raisons d’en douter ? Faut-il faire confiance à une compagnie aérienne dont l’emblème dessiné sur l’aileron est un éléphant, animal peu connu pour son aptitude à voler même si celui-ci, faut-il le préciser, est affublé d’une paire d’ailes à rendre jaloux Pégase. le moine à qui j’ai dû céder ma place au premier rang de l’avion (c’est une tradition de respect bien établie sur n’importe quel coucou qui fait des sauts de puce à travers la birmanie) ne partage pas mes craintes. il dort, confiant en son karma quand le mien connaît des hauts et des bas comme l’atr-72 suspendu dans le ciel grâce à deux hélices, deux hélices seulement. il serait peut-être temps alors que je survole ce pays imprégné jusqu’à la moelle par le bouddhisme de penser aux actes que j’ai commis dans cette vie, qui déter-mineront ma réincarnation. À quelques milliers de pieds sous la carlingue, l’ir-rawaddy déroule ses méandres entre des rives sableuses. long de plus de 2 000 km, il coule du nord au sud et atten-dit jusqu’en 1934 pour enfin être enjambé par un pont à proximité de mandalay, à croire que ça ne lui manquait pas. Dans un ultime virage avant d’amorcer

la descente vers bagan, à l’endroit où le fleuve s’arrondit, j’aperçois par le hublot une plaine desséchée et piquetée jusqu’à l’horizon de pagodes pointues. vu du ciel l’ensemble a tout l’air d’une chaise de fakir. Un terrain idéal pour un atter-rissage en douceur ? bagan, un magni-fique champ de ruines, digne d’angkor. Plus de 2000 édifices religieux (stûpas, temples, monastères - il y en eut environ 12000) antérieurs au Xive siècle dissé-minés parmi une brousse poussiéreuse. À la fin de la journée, il s’agit de ne pas manquer le coucher du soleil. Quelques temples parmi les plus élevés sont pris d’assaut par des régiments de touristes toujours préférables aux régiments de militaires. en 2011, la junte a cédé le pouvoir à un gouvernement « civil » en prenant soin toutefois de nommer d’an-ciens militaires à la tête des principaux ministères. et depuis, l’improbable s’est produit. le 1er avril 2012, aung san suu Kyi, fille du héros de l’indépen-dance, placée sous résidence surveillée pendant une quinzaine d’années a été élue députée au grand soulagement de la population et de son parti, la Ligue Nationale pour la Démocratie. il reste à la « Dame de rangoun » à parachever une transition fragile. Plus facile à dire qu’à faire, mais elle peut compter pour cela sur son habileté et sa foi bouddhiste à l’origine de sa philosophie politique.

alors qu’aung san suu Kyi vient à peine de récupérer son nobel de la Paix attribué il y a 21 ans, la birmanie entame un lent processus de démocratisation et s’ouvre au monde à toute vitesse. il est temps d’aller enfin découvrir ce pays où le bouddha a semé à foison

temples et pagodes. la birmanie, c’est maintenant.

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72 — A/R magazine voyageur / durable

juillet — août 2012/ n°13

parc national des grampians

état du victoria / australie

Parc national

Tout au sud de l’Australie, à 250 km de Melbourne, cinq petites chaînes de montagnes déclinent le bush

down under entre prairies broutées par les kangourous et cuestas de grès spectaculaires.

01

texte & photos : christophe migeon

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durable / A/R magazine voyageur — 73

n°13 / juillet — août 2012

I l y a de la vie le long des routes du Victoria. Enfin …, il y a aussi beaucoup de morts. Tous les deux ou trois kilomètres, un petit

cadavre fauve ou tirant sur le roux repose sur le bas-côté au milieu de feuilles aussi mortes que lui, transformé alors en car-pette ou en porridge de chair et d’os écar-late. « Les gens roulent lentement chez nous, ils ont toujours peur de percuter un kangourou ou un wallaby », explique Phil Coleman, un guide de randonnée basé à Halls Gap, la « capitale » des Grampians. « Faut dire que ces animaux ont des réactions imprévisibles. Ils sont parfois dos à la route, tu penses qu’ils vont filer dans les broussailles, mais ces couillons-là font volte-face au dernier moment et se précipitent en deux bonds sous tes roues ! » Du coup, Phil s’est acheté un « shoo’ roo », un appareil émettant des ultra-sons, fixé à l’avant de la voiture supposé repousser les kangourous. 600 AUD (550 €) quand même pour éviter le goulasch de mar-supial ! À les voir comme ça dans les prés, faire les zébulons au milieu des moutons, tantôt occupés à tondre la pelouse, tantôt alanguis sur l’herbe rase dans des poses de circassiennes alanguies, ces braves bêtes ne semblent pourtant pas particulièrement maniaco - dépressives. Il faut croire que brouter de l’herbe à longueur de journée ne rend pas bien futé. Le visiteur apprend

vite à distinguer le kangourou, ama-teur de vastes prairies ouvertes, du wallaby, invétéré forestier retranché à l’ombre des sous-bois : l’un bondit la tête haute, le regard fixé au loin, sur un avenir sans doute radieux, tandis que l’autre, songeant probablement à ses impôts ou à la sordide brièveté de la vie, sautille tête baissée, les yeux tour-nés vers le sol.

Les montagnes au museau pointuSous ses airs de maître d’hôtel stylé, Phil n’en demeure pas moins un original dans la grande tradition anglo-saxonne. Alors que deux émeus s’apprêtent à traverser la route, il stoppe la voiture et ouvre la portière en lançant : « J’aimerais bien voir si je parviens à attirer leur attention ! » À ces

sette son short d’officier de l’Armée des Indes et se remet derrière le volant. « Hummm, l’expérience n’était guère concluante », avoue-t-il avec une pointe de dépit avant de redémarrer la voiture. La route monte à l’assaut de lourdes molaires crénelées enrochées dans une gencive de forêts d’eucalyptus. Il y a plus de 400 millions d’années, les sédiments déposés par une immense rivière paresseuse s’ag-glutinaient en une épaisse couche de grès que les éléments n’ont depuis cessé de plier, basculer, triturer, éroder jusqu’à donner cette enfilade de crêtes revêches et bosselées. Les géologues et les érudits appellent cuestas ces drôles de reliefs dis-symétriques qui d’un côté s’achèvent brusquement en falaise et de l’autre rejoi-gnent la plaine par un plateau doucement

« Les gens rouLent Lentement chez nous, iLs ont toujours peur de percuter

un kangourou ou un waLLaby. »

mots, le voilà qui se couche sur le dos au milieu de la route et se met à pédaler comme un coureur ibérique sous EPO. Après avoir lorgné ce spectacle inattendu, les émeus passent leur chemin, bec ouvert et prunelles effarées, avec un air de volaille outragée. Phil se redresse, épous-

incliné. Les « côtes » des Grampians s’égrènent en archipel d’îles rougeaudes tout juste émergées d’un vaste océan de prairies endormies. En 1836, le Major Mitchell dépêché par le gouverneur de nouvelle-Galles du Sud pour recon-naître la région, décide de passer la nuit

01. La « Hollow Mountain » vers le massif du Mont Stapylton02. Eastern Grey kangourou (Kangurum boxis sautarum)03. Eucalyptus dans un marais

02 03

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carnettisteCoups d’œil, de crayon et de pinceau

mehdizannadMehdi compose, chante, écrit et arrange des albums de musique pour son groupe Fugu. Il dessine aussi. Ou plutôt redessine. Il récupère des vues aériennes publiées dans des revues d’architecture des années 40 ou photographie des sites actuels puis les redessine scrupuleusement en vue d’une gravure. La pointe sèche trace les motifs qui seront mordus par l’acide. En uti-lisant cette technique, Mehdi cherche à retrouver les origines de la photo, à effec-tuer un travail de lenteur qui se rapproche du daguerréotype. « Je cherche aussi à détourner les documents oubliés »www.mehdizannad.frwww.zannad.fr

De gauche à droite: Marseille, France Los-Angeles, USA Milan, ItalieSète, France

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bazar / A/R magazine voyageur — 97

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