affections du système lacrymal chez les petits animaux

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Affections du système lacrymal chez les petits animaux Diseases of the lachrymal system in pets H. Laforge (Docteur vétérinaire) a, *, P. Maisonneuve (Docteur vétérinaire) b a Clinique vétérinaire, 4, rue Linois, 75015 Paris, France b Clinique vétérinaire des Acacias, 23-25, avenue de la Libération, 45000 Orléans, France MOTS CLÉS Œil ; Appareil lacrymal ; Chien ; Chat ; Kératoconjonctivite sèche ; Épiphora KEYWORDS Eye; Lachrymal system; Dog; Cat; Keratoconjunctivitis sicca; Epiphora Résumé L’appareil lacrymal fabrique le film lacrymal et en assure le renouvellement, puis l’élimination. Il est constitué de deux systèmes distincts : l’appareil sécréteur et l’appareil excréteur. Les affections intéressant ces deux systèmes sont fréquentes et parfois sous-diagnostiquées. Les affections de l’appareil lacrymal excréteur se manifes- tent la plupart du temps par un débordement de larmes en dehors des voies lacrymales : c’est l’épiphora. Si les affections de l’appareil lacrymal excréteur n’ont souvent que des conséquences esthétiques, il n’en va pas de même pour celles de l’appareil sécréteur, car les larmes interviennent dans le bon fonctionnement de la cornée et donc de la vision. Elles protègent la conjonctive et la cornée par leur rôle lubrifiant, nettoyant et antisep- tique. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The lachrymal system secretes, renews, and then eliminates the lachrymal film. It consists of two distinct systems: the secreting apparatus and the excretory apparatus. Affections related to these two systems are frequent and sometimes under-diagnosed. Most of the time, the affections of the lachrymal excretory apparatus are revealed by an overflow apart from the lachrymal pathways, called the epiphora. If most of the time the lachrymal excretory apparatus diseases have only aesthetic consequences, it is not the case for those diseases of the secreting system since tears occur within the correct function of the cornea and thus of the vision. They have a protective role as they lubricate, clean, and disinfect the conjunctiva one and the cornea. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Introduction L’appareil lacrymal fabrique le film lacrymal et en assure le renouvellement, puis l’élimination. Il est constitué de deux systèmes distincts : l’appareil sécréteur et l’appareil excréteur. C’est donc tout naturellement que nous étudie- rons ces deux appareils de manière distincte puis- que les affections, les moyens sémiologiques et la thérapeutique des deux appareils sont parfaite- ment individualisés. Les affections intéressant ces deux systèmes sont fréquentes et parfois sous-diagnostiquées. Les af- fections de l’appareil lacrymal excréteur se mani- festent la plupart du temps par un débordement de * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Laforge). EMC-Vétérinaire 1 (2004) 93–123 www.elsevier.com/locate/emcvet © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcvet.2004.04.001

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Page 1: Affections du système lacrymal chez les petits animaux

Affections du système lacrymalchez les petits animaux

Diseases of the lachrymal system in pets

H. Laforge (Docteur vétérinaire) a,*,P. Maisonneuve (Docteur vétérinaire) b

a Clinique vétérinaire, 4, rue Linois, 75015 Paris, Franceb Clinique vétérinaire des Acacias, 23-25, avenue de la Libération, 45000 Orléans, France

MOTS CLÉSŒil ;Appareil lacrymal ;Chien ;Chat ;Kératoconjonctivitesèche ;Épiphora

KEYWORDSEye;Lachrymal system;Dog;Cat;Keratoconjunctivitissicca;Epiphora

Résumé L’appareil lacrymal fabrique le film lacrymal et en assure le renouvellement,puis l’élimination. Il est constitué de deux systèmes distincts : l’appareil sécréteur etl’appareil excréteur. Les affections intéressant ces deux systèmes sont fréquentes etparfois sous-diagnostiquées. Les affections de l’appareil lacrymal excréteur se manifes-tent la plupart du temps par un débordement de larmes en dehors des voies lacrymales :c’est l’épiphora. Si les affections de l’appareil lacrymal excréteur n’ont souvent que desconséquences esthétiques, il n’en va pas de même pour celles de l’appareil sécréteur, carles larmes interviennent dans le bon fonctionnement de la cornée et donc de la vision.Elles protègent la conjonctive et la cornée par leur rôle lubrifiant, nettoyant et antisep-tique.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract The lachrymal system secretes, renews, and then eliminates the lachrymal film.It consists of two distinct systems: the secreting apparatus and the excretory apparatus.Affections related to these two systems are frequent and sometimes under-diagnosed.Most of the time, the affections of the lachrymal excretory apparatus are revealed by anoverflow apart from the lachrymal pathways, called the epiphora. If most of the time thelachrymal excretory apparatus diseases have only aesthetic consequences, it is not thecase for those diseases of the secreting system since tears occur within the correctfunction of the cornea and thus of the vision. They have a protective role as theylubricate, clean, and disinfect the conjunctiva one and the cornea.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

IntroductionL’appareil lacrymal fabrique le film lacrymal et enassure le renouvellement, puis l’élimination. Il estconstitué de deux systèmes distincts : l’appareilsécréteur et l’appareil excréteur.C’est donc tout naturellement que nous étudie-

rons ces deux appareils de manière distincte puis-

que les affections, les moyens sémiologiques et lathérapeutique des deux appareils sont parfaite-ment individualisés.

Les affections intéressant ces deux systèmes sontfréquentes et parfois sous-diagnostiquées. Les af-fections de l’appareil lacrymal excréteur se mani-festent la plupart du temps par un débordement de

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (H. Laforge).

EMC-Vétérinaire 1 (2004) 93–123

www.elsevier.com/locate/emcvet

© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emcvet.2004.04.001

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larmes en dehors des voies lacrymales : c’est l’épi-phora. Si les affections de l’appareil lacrymal ex-créteur n’ont souvent que des conséquences esthé-tiques, il n’en va pas de même pour celles del’appareil sécréteur, car les larmes interviennentdans le bon fonctionnement de la cornée et donc dela vision. Elles protègent la conjonctive et la cornéepar leur rôle lubrifiant, nettoyant et antiseptique.De ce fait, les affections de l’appareil sécréteursont variées et entraînent souvent l’atteinted’autres structures oculaires, en particulier lors dekératoconjonctivite sèche (KCS).

Rappels anatomiques et physiologiques

Les bases anatomiques de l’appareil lacrymal(Fig. 1) varient peu parmi les différentes espècesdomestiques.

Appareil sécréteur : glandes lacrymales

L’appareil sécréteur est formé de nombreuses glan-des dont les sécrétions vont constituer le film la-crymal. Deux glandes principales sont responsablesde la quasi-totalité de la phase aqueuse des lar-mes : la glande lacrymale orbitaire et la « glandenictitante ». Les glandes « accessoires » sécrètentla majeure partie des autres constituants du filmlacrymal.2,29,82,109

Glande lacrymale principaleou glande lacrymale orbitaireDe forme aplatie, elle est située dans la fossesupraorbitaire, dans la partie supérieure latérodor-sale de l’orbite, sous le ligament orbitaire, enregard de l’angle externe de la fente palpébrale.122

Cette situation anatomique la rend particulière-

ment sensible aux traumatismes de la face. Chez lechien, elle mesure 15 mm de long sur 12 mm delarge.20

Cette glande à sécrétion séreuse est responsablede la sécrétion de la phase aqueuse du film la-crymal. Elle est responsable de 70 % à 85 % de lasécrétion lacrymale totale.43,115 Ses acini de typeséreux déversent leur sécrétion par dix à 30 canauxexcréteurs microscopiques qui débouchent dans lecul-de-sac conjonctival supérieur.20 Elle est inner-vée par des fibres sensitives et excitomotrices dunerf lacrymal issu du noyau ophtalmique du nerftrijumeau, et de fibres excitosécrétoires provenantdu noyau parasympathique du nerf facial et qui sontvéhiculées par la partie distale du nerf lacrymal.Ceci explique que sa sécrétion soit exacerbée lorsde phénomènes douloureux (réflexes lors d’irrita-tion des terminaisons du nerf trijumeau) (Fig. 2).Chez le chien, on ne connaît pas de larmoiementd’ordre émotionnel comme on peut le rencontrerchez l’homme. La glande lacrymale orbitaire estirriguée par l’artère ophtalmique interne.

Glandes lacrymales annexesde la membrane nictitanteLa glande nictitante (ou glande superficielle) estsituée à la partie postérieure de la membrane nic-titante, à la base du cartilage en T qu’elle recouvrepartiellement. De nature histologique comparableà celle de la glande lacrymale orbitaire, elle pos-sède le même type de sécrétion séreuse qui estdéversée par de nombreux canaux qui débouchentà la face interne de la membrane nictitante. Sui-vant les auteurs, elle serait responsable d’environ15 à 30 % du volume lacrymal total,20,43,47 d’oùl’importance de la préserver lorsqu’il existe uneanomalie de position de cette glande. Son innerva-tion est également comparable à celle de la glandelacrymale orbitaire. L’innervation de ces deux

Figure 1 Principaux éléments de l’appareil lacrymal du chien (d’après 129).1. Glande lacrymale principale ; 2. canaux excréteurs de la glande lacrymale principale ; 3. glande lacrymale de la membranenictitante ; 4. glandes accessoires tarsales et conjonctivales ; 5. caroncule lacrymale ; 6. points lacrymaux ; 7. canalicules lacrymaux ;8. sac lacrymal ; 9. canal nasolacrymal ; 10. ostium nasolacrymal.

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glandes principales (orbitaire et nictitante) est es-sentiellement parasympathique, ce qui explique lesdiminutions de sécrétion remarquées lors de l’em-ploi de certains médicaments comme l’atropine.L’innervation sympathique pourrait également sti-muler leurs sécrétions.La glande profonde, ou glande de Harder,

n’existe pas chez nos carnivores domestiques. Onne l’identifie que chez le cheval, le bœuf, le porcet le lapin, chez qui elle est responsable de sécré-tions séromuqueuses ou lipidiques.

Glandes accessoiresElles sont situées dans la conjonctive et les bordspalpébraux136 (Fig. 3). Elles n’assurent que 1 à 3 %de la phase aqueuse du film lacrymal, mais sécrè-tent la plus grande partie des autres composants dufilm lacrymal (phases mucinique et lipidique). Cesont :

• les glandes tarsales ou glandes de Meibomius ;• les glandes de l’appareil cilié : glandes de Zeisset de Moll ;

• les glandes de Krause et de Wolfring ;• les glandes à cellules caliciformes de laconjonctive.77,105

Les glandes tarsales ou glandes de Meibomiussont des glandes sébacées modifiées qui ont unesécrétion lipidique. Elles sont en forme de tubes quidébouchent sur la face interne du limbe palpébral.Ces orifices sont faciles à examiner au biomicro-scope. Ces glandes sont parallèles entre elles etforment une « palissade » perpendiculaire au bordpalpébral, sur toute la largeur de la paupière. Onl’observe facilement lors de meibomiite. On endénombre de 20 à 40 dans chaque paupière chez lechien et 30 chez le chat. Elles sont plus nombreuses

sur la paupière supérieure que sur la paupièreinférieure.Les glandes de Zeiss et de Moll sont également

des glandes du tarse qui débouchent sur le bord

Figure 2 Système nerveux autonome destiné à l’innervation lacrymale.121

1. Glande lacrymale ; 2. rameau communiquant avec le nerf lacrymal ; 3. ganglion ptérygopalatin ; 4. foramen rond ; 5. canalptérygoïdien ; 6. nerf du canal ptérygoïdien (« nerf vidien ») ; 7. nerf grand pétreux ; 8. os pétreux (rocher) ; 9. moelle allongée(« bulbe rachidien ») ; 10. nerf lacrymal ; 11. nerf frontal ; 12. nerf zygomatique ; 13. nerf nasociliaire ; 14. fissure orbitaire ; 15. nerfophtalmique ; 16. nerf maxillaire ; 17. nerf mandibulaire ; 18. ganglion trigéminal ; 19. plexus carotidien ; 20. ganglion cervicalcrânial ; 21. sympathique ; 22. noyau parasympathique du VII (partie lacrymo-muco-nasale).

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Figure 3 Localisation des glandes lacrymales accessoires(d’après 23,69,122).1. Os orbitaire ; 2. tissu adipeux ; 3. muscle releveur de lapaupière supérieure ; 4. muscle tarsal supérieur ; 5. glande deKrause ; 6. cellules à mucus ; 7. glande de Wolfring ; 8. tarsesupérieur ; 9. glande tarsale ; 10. muscle orbiculaire de l’œil ;11. septum orbitaire ; 12. glandes sébacées (glandes de Zeiss) ;13. glandes ciliaires (glandes de Moll) ; 14. cils.

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palpébral. Les glandes de Moll sont des glandessudoripares modifiées. Les glandes de Zeiss sontdes glandes sébacées modifiées, accessoires du sys-tème ciliaire. Elles sécrètent des composants lipi-diques.Les glandes de Krause et de Wolfring ont une

sécrétion séreuse et ont la même structure histolo-gique que la glande lacrymale principale. Elles sontsituées dans la conjonctive palpébrale et dans lesculs-de-sac conjonctivaux. Elles pourraient pro-duire jusqu’à 3 % de la phase aqueuse.Les glandes à cellules caliciformes de la conjonc-

tive (ou cellules mucipares, cellules à mucus, cel-lules à gobelet) ont un appareil de Golgi qui sécrètela mucine (glycoprotéine), qui constitue la partie laplus interne du film lacrymal, accrochée sur lesmicrovillosités des cellules épithéliales. Chez lechien, c’est dans les culs-de-sac conjonctivaux quel’on en rencontre le plus. Elles sont parfois regrou-pées en véritables glandes, les glandes de Henle.69

Film lacrymal

Les larmes baignent en permanence la cornée et lesconjonctives et forment ainsi une barrière qui lesprotège du milieu extérieur, le film lacrymal pré-cornéen.3,43,106

D’une épaisseur moyenne de 7 à 9 lm, il est plusfin au centre de la cornée.9

Schématiquement, le film lacrymal est composéde trois phases : muqueuse, aqueuse et lipidique(Fig. 4).

Couche lipidique externeC’est la plus superficielle, sécrétée par les glandessébacées de Zeiss et surtout par les glandes tarsalesde Meibomius. Elle est composée d’un mélange delipides polaires et non polaires qui restent fluides à35° (cholestérol, triglycérides et phospholipides).Cette couche est mince, d’épaisseur variable,

généralement plus épaisse chez le chien (de 0,013 à0,6 lm) que chez le chat (0,09 lm).15,20,42,109,122

Elle forme une couche élastique qui s’attache surles bords palpébraux et est reconstituée à chaquebattement de paupières. Elle recouvre la coucheaqueuse dont elle diminue l’évaporation et la sta-bilise, évitant ainsi son débordement par dessus lebord des paupières. Enfin, elle participe aux quali-tés optiques de la cornée en « gommant » sesirrégularités.

Couche aqueuse moyenneSécrétée par la glande lacrymale principale, laglande de la membrane nictitante et les glandes deKrause et de Wolfring, elle représente 90 % duvolume lacrymal et c’est la plus épaisse (7 lm).42

Elle est composée de 98,2 % d’eau et de 1,8 % dematières solides (sels minéraux, protéines, glucoseà des concentrations voisines de celles du sang).Ainsi, une hyperglycémie peut parfois être détec-tée dans les larmes.Chez le chien, on trouve de 3,5 à 6,2 mg/ml de

protéines (2,8 mg/ml chez le chat) qui sont princi-palement constituées de globulines (93 %, principa-lement des immunoglobulines A et G), d’albumine(4 %) et de lysozyme (3 % ; absente chez le chat,cette enzyme attaque la paroi des germes à Grampositif).Le pH moyen des larmes est de 7 chez le chien,

avec des variations114,115 de 6,8 à 7,5 contre7,5 chez le chat.14

La phase aqueuse assure plusieurs fonctions :• humidification de l’épithélium cornéen etconjonctival (rôle protecteur et optique) ;

• nutrition de la cornée superficielle (structureavasculaire) ;

• lubrification facilitant le glissement des pau-pières ;

• lavage et protection contre les agressions mé-caniques, microbiennes et thermiques (en as-sociation avec les paupières) ;

• action antibactérienne et antivirale (immuno-globulines).

Couche mucinique profondeElle est composée d’une couche de mucine épaissede 1 lm en moyenne (entre 2 lm sur la conjonctiveet 0,02 lm au centre de la cornée) qui s’imbriquedans le glycocalyx des cellules de l’épithélium cor-

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Figure 4 Morphologie du film lacrymal.15

1. Air ; 2. phase lipidique ; 3. phase aqueuse ; 4. phase mu-queuse ; 5. épithélium cornéen ; 6. lipides meibomiens hydro-phobes ; 7. lipides meibomiens polarisés ; 8. mucine adsorbée ;9. mucus conjonctival ; 10. glycocalix.

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néen (0,2 lm).122 La mucine, sécrétée par les cel-lules mucipares, est un mélange de glycoprotéinesde différents poids moléculaires qui ont la particu-larité de posséder un pôle hydrophile (en contactavec la phase aqueuse) et un pôle hydrophobe (encontact avec l’épithélium cornéen lipophile). Cettecouche permet donc de maintenir la phase aqueusesur l’épithélium cornéen hydrophobe. Elle parti-cipe également à la protection de la cornée et desconjonctives, le mucus formant une barrière dedéfense mécanique, chimique et immunologique(adsorption des immunoglobulines A).56

Dynamique du film lacrymal

La sécrétion basale est de 0,5 à 1 ll/min et il a étémontré qu’elle variait légèrement dans le tempschez un même individu (fluctuations journalières ethebdomadaires).12,45 Le film lacrymal se renouvelledonc totalement en quelques minutes. Le contrôlede cette sécrétion est multifactoriel et n’est pasencore complètement élucidé. L’innervation para-sympathique stimule les glandes lacrymales princi-pale et nictitante. L’innervation adrénergiquepourrait également les stimuler.104 Des médiateurschimiques sont également évoqués, comme les ago-nistes bêta-adrénergiques, les agonistes cholinergi-ques, divers peptides et des hormones (prolactineet androgènes).131

La sécrétion se produit en harmonie avec l’élimi-nation, de telle sorte qu’il n’existe pas de déborde-ment physiologique des larmes en dehors des voieslacrymales. En revanche, ce débordement s’ob-serve lorsqu’on est en présence d’un défautd’écoulement ou d’un phénomène d’hypersécré-tion réflexe central ou périphérique, que celui-cisoit d’origine psychogène (comme chez l’homme),provoqué par des facteurs irritants affectant lesannexes, la conjonctive, la cornée, l’uvée ou lamuqueuse nasale (poussière, vent, substances la-crymogènes, douleur).19,130 Un débordement peutenfin être secondaire à une rare hypersécrétionprimitive de la glande lacrymale principale.La qualité du film lacrymal dépend des différen-

tes fractions évoquées précédemment, mais égale-ment de l’intégrité des paupières et de leurs mou-vements qui vont lui permettre de se reconstituer àchaque clignement (14 par minute chez le chienmais l’occlusion n’est complète et donc efficaceque pour 45 % des battements ; 2,5 par minute chezle chat).15,24,42,69,70,109,122

À chaque clignement de paupières, les lipidesdes glandes de Meibomius sont expulsés et formentune fine membrane entre les deux bords palpé-braux87 (Fig. 5). Lorsque ces derniers s’écartent, lapartie lipidique s’étale à la surface de la partie

aqueuse qui s’était accumulée dans les culs-de-sacconjonctivaux. La phase aqueuse est donc dirigéede façon centripète et la phase lipidique de façoncentrifuge. Le contact de la conjonctive avec lacornée lors du clignement des paupières favoriseégalement l’accrochage de la mucine aux villositésdes cellules épithéliales de la cornée. Chez le chatet le chien, le rôle d’étalement du film lacrymal estégalement dévolu à la membrane nictitante.42

Les larmes sont collectées par gravité dans lecul-de-sac conjonctival inférieur (lac lacrymal) etsont aspirées lors du clignement des paupières parles ouvertures des points lacrymaux. Il existe danscette zone un muscle qui contribue à l’action de lapompe lacrymale.2 Le clignement va ensuite diri-ger, par l’intermédiaire de la caroncule, le filmlacrymal vers les points lacrymaux supérieurs etinférieurs. Ceux-ci s’accolent lors de la fermeturedes paupières, se dilatent et le sac lacrymal estcomprimé. À l’ouverture des paupières, ce sac sedilate, jouant un rôle de pompe, afin d’aspirer leslarmes et de les diriger vers le conduit nasola-crymal.On estime que 70 % des larmes sont drainées par

les points lacrymaux, le reste étant éliminé parévaporation.69,70

Appareil excréteur (voies lacrymales)

L’évacuation des larmes est réalisée par les voieslacrymales. Elles sont constituées d’une muqueuse

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A B

Figure 5 Dynamique du film lacrymal.69 A. Fermeture des pau-pières. B. Ouverture des paupières. 1. Phase aqueuse ; 2. phaselipidique ; 3. glande lacrymale principale ; 4. cellules calicifor-mes (en « gobelet ») à mucus ; 5. glandes de Meibomius ; 6.glande nictitante ; 7. phase mucoïde (mucinique).

97Affections du système lacrymal chez les petits animaux

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recouverte d’un épithélium pavimenteux stratifiéqui contient quelques glandes muqueuses et descellules ciliées qui contribuent à l’élimination la-crymale.Extérieurement, elles comprennent la caroncule

lacrymale et les points lacrymaux. Elles se poursui-vent par les canalicules lacrymaux, le sac lacrymalet le conduit nasolacrymal qui débouche dans l’os-tium nasal2,4,29,82 (Fig. 6).

Caroncule lacrymaleC’est une légère saillie située dans le canthus in-terne qui est recouverte de muqueuse conjoncti-vale. On lui attribue deux rôles : diriger le laclacrymal vers les points lacrymaux et éviter lapénétration des corps étrangers dans les voies la-crymales.

Points lacrymaux inférieurs et supérieursCes deux orifices sont situés sur le bord libre palpé-bral interne. On les trouve à 2-5 mm du canthusinterne. De forme plus ou moins ovale, leur diamè-tre varie de 0,5 mm à 1 mm. Ils sont parfois dépig-mentés, ce qui peut simplifier leur repérage, maisun système grossissant est souvent nécessaire pourles observer. Ils se poursuivent par les canaliculeslacrymaux. Le point inférieur joue un rôle primor-dial puisqu’il évacue à lui seul près de 90 % de lasécrétion lacrymale.

Canalicules lacrymauxAbouchés aux points lacrymaux, ils suivent le bordpalpébral en direction médiale pour se rejoindre auniveau du sac lacrymal. Cette position les rendvulnérables lors de blessures des paupières. Chezles chiens, ils sont longs de 3 à 7 mm pour undiamètre de 0,5 à 1 mm.20

Sac lacrymalIl est logé dans une dépression de l’os lacrymal(fossette lacrymale ou fosse du sac lacrymal).Celui-ci est peu développé chez nos carnivores do-mestiques où il représente plutôt l’élargissementde l’anastomose des deux canalicules. Il est long de2 à 5 mm pour 0,5 à 2 mm de large chez le chien.9 Ilse poursuit par le conduit nasolacrymal.

Conduit ou canal nasolacrymalLe conduit nasolacrymal débouche dans les fossesnasales après un trajet intraosseux puis intramu-queux.44 Il relie le sac lacrymal à l’ostium nasola-crymal. Sa portion proximale, ou canal lacrymal,traverse l’os lacrymal par un conduit osseux. Chezle chien,9 il mesure de 2 à 7 cm.

Ostium nasolacrymalC’est l’abouchement des voies lacrymales dans lesfosses nasales. La zone d’abouchement est trèsvariable chez le chien, et il peut même exister desvariations chez un même individu d’un côté àl’autre. Il débouche généralement dans l’aile dunez sous le pli alaire, mais parfois plus en arrièredans le méat moyen ou ventral, en regard de lacanine supérieure (races brachycéphales notam-ment).

Méthodes d’examen de l’appareillacrymal

La sémiologie de l’appareil lacrymal peut parfaite-ment se différencier entre sécrétion et élimination.On peut donc les étudier successivement.

Examen de l’appareil sécréteur

Exploration quantitative de la phase aqueuse :test de SchirmerDestiné à mesurer la fraction aqueuse du film la-crymal, le test de Schirmer se réalise à l’aide d’unpapier filtre gradué de 5 mm en 5 mm que l’onplace au milieu du cul-de-sac conjonctival infé-rieur33,34,35,74 (Fig. 7, 8). On recommande souventde laisser l’œil ouvert mais il semble que la ferme-ture des paupières ait en réalité peu d’influence sur

1

Figure 6 A. Trajet du système lacrymal excréteur du chat(d’après 122). 1. Canal excréteur.B. Dacryocystorhinographie.

98 H. Laforge, P. Maisonneuve

Page 7: Affections du système lacrymal chez les petits animaux

les résultats. Les larmes vont venir imbiber cepapier et on mesure le cheminement de celles-ciaprès 1 minute dans le test de Schirmer « classi-que » (ou test de Schirmer 1). Ce test évalue laglobalité de la sécrétion lacrymale, à savoir la

sécrétion basale, la sécrétion réflexe (provoquéeen partie par l’irritation due au papier du test) etles larmes résiduelles situées dans le lac la-crymal.114

Les résultats obtenus sont donnés en millimètrespar minute (Tableau 1). La plupart des auteursfrançais admettent que 13 à 15 millimètres repré-sentent une valeur moyenne du test de Schirmer1 chez le chien. Mais il faut rappeler qu’il existe desvariations non négligeables qui sont dues aux ryth-mes nycthéméraux (fluctuations journalières ethebdomadaires),12 ainsi qu’à la marque du testutilisé.19,45,133 Cela explique sans doute que lesnormes trouvées dans la littérature anglo-saxonnesoient souvent supérieures aux mesures effectuéesen France. Dans notre expérience, avec le testcommercialisé par Virbac/U.V.A., on constate desnormes inférieures de 5 mm/min chez le chatcomme le chien par rapport aux normes anglo-saxonnes (Tableau 1).19 Il convient donc de s’habi-tuer à un test et, en cas de doute sur un animal, derefaire l’examen un autre jour. Enfin, nos observa-tions personnelles nous ont fait observer un abais-sement de ces valeurs chez les races miniaturessans que l’on assiste à aucun des troubles associés àla sécheresse oculaire. Cela est confirmé par lalittérature : Berger et King12 constatent une aug-mentation de 0,2 mm du test de Schirmer 1 et de1,2 mm du test de Schirmer 2 par tranches de 4,5 kgde poids corporel. Les grands chiens auraient uneproduction basale supérieure aux petites races quicompensent par une sécrétion réflexe supé-rieure.12,116 De même, chez le chat, il n’est pasrare de mesurer des valeurs très basses du test deSchirmer en l’absence de toute pathologie cor-néenne ou conjonctivale.En conclusion, on peut considérer comme normal

un résultat compris entre 10 et 20 mm/min chez lechien (7 à 15 mm/min chez le chat).Le test de Schirmer 2 a été proposé pour estimer

la sécrétion basale seule. Chez nos carnivores, on

Tableau 1 Valeurs normales des différents tests lacrymaux relevées dans la littérature (les normes admises en France sontindiquées en italique).

Test de Schirmer 1en mm/min

Test de Schirmer 2en mm/min

Break up timeen secondes

Phenol red tear testen mm/15 s

d’après références

Chien 15 ± 4 10 ± 4 25 19, 20a, 7021 ±4,2 11,6 ±6,1 34,15 14, 34, 35, 135b

19,8 ±5,3 11,6 ± 6,1 12, 13, 33, 59, 102, 13018,1 à 18,9 ± 2,6 9,5 à 10,3 ± 4,5 21 ± 7,4 29,3 ± 3,45 115, 116

Chat 11 ± 4 9 ± 3 19, 20a, 7020,16 ± 4,45 11,38 ± 3,23 23,4 ± 2,23 1416,9 ± 5,7 23,04 14, 20b, 35, 59, 13016 ± 3,8 à 5 13 ± 3,5 23 ± 2 78, 135

a France, test UVA. Faure.b États-Unis, test Knox Laboratory.

1

1

223

3

4

4

A B

Figure 7 Interprétation d’un test de Schirmer 1 chez le chien (A)et chez le chat (B).Zone 1 : valeur normale ; zone 2 : hyposécrétion et kératocon-jonctivite sèche ; zone 3 : hyposécrétion probable à vérifier pard’autres examens ; zone 4 : hypersécrétion.

Figure 8 Test de Schirmer en place sur un œil sec.

99Affections du système lacrymal chez les petits animaux

Page 8: Affections du système lacrymal chez les petits animaux

l’effectue 5 minutes après instillation d’une goutted’anesthésique local. Il est réalisé dans les mêmesconditions que précédemment, avec mesure à 1 mi-nute.114,116 Il est inférieur de 20 à 50 % au test deSchirmer 1 et ces différences pourraient mêmevarier énormément d’une race à l’autre.46

Plus récemment, le phenol red tear test (ZoneQuick® de Pharmacia) a également été proposé,notamment pour estimer la quantité de larmesrésiduelles dans le cul-de-sac inférieur. Il se réaliseen 15 secondes, ce qui semble un avantage, notam-ment chez le chat. Il présenterait également plusde répétitivité que le test de Schirmer.Ces deux derniers tests sont de plus en plus

souvent décrits dans la littérature mais, si le test deSchirmer 1 est classiquement utilisé en clinique, iln’en est pas de même pour le test de Schirmer 2 etle phenol red tear test, qui sont surtout employéslors d’expérimentation et dont l’intérêt cliniquereste discuté.

Exploration qualitative du film lacrymal

Temps de rupture du film lacrymalLe break up time (BUT), ou temps de rupture dufilm lacrymal, se réalise en instillant une solutionde fluorescéine à 0,5 % sur la cornée.79,134 Aprèsquelques battements de paupières, on les main-tient ouvertes puis on examine la surface cor-néenne recouverte du film lacrymal coloré en vert àl’aide de la lampe à fente équipée du filtre bleucobalt. On recherche l’apparition des taches som-bres qui signent la rupture du film lacrymal. Letemps qui s’écoule entre un clignement de pau-pière et l’apparition de la tache est le BUT (Fig. 9).Les résultats varient suivant les auteurs. Ainsi,

chez le beagle normal, il a été trouvé une moyennedu BUT égale à 21,5 ± 7,4 secondes, mais avec desvaleurs variant de 10 à 35 secondes chez des chienssains.114 On retrouve ces écarts dans la plupart desétudes.On estime que, physiologiquement, les résultats

obtenus ne doivent pas se situer en dessous de 10 à15 secondes chez le chien (il est souvent inférieur à15 secondes chez le chat).24,114

Ce test permet d’estimer des défauts qualitatifsdu film lacrymal à l’origine d’un manque de stabi-lité du film. Il révèle principalement les carences

de la phase mucinique43,91,115 et dans une moindremesure la diminution de la phase aqueuse.19 On aégalement montré que le BUT diminuait en mêmetemps que le test de Schirmer 2 et donc que lasécrétion lacrymale basale.114

Si ce test manque de répétitivité et n’est pastoujours facilement interprétable, les valeurs ob-servées dans les déficit muciniques marqués sontsouvent très basses et inférieures à 5 secondes.17,24

Cytologie conjonctivaleCet examen peut être réalisé selon deux modali-tés :

• raclage de la muqueuse conjonctivale (à l’aided’une cytobrosse, d’une spatule de Kimura ou,à la rigueur, d’une lame de bistouri émoussée)puis étalement sur lame, fixation et colora-tion ;

• empreinte conjonctivale sur filtre Millipore®.La première méthode peut être réalisée simple-

ment au cabinet si l’on possède les colorants May-Grünwald-Giemsa et un microscope.51,52,54

La seconde méthode fait appel à la mise en placed’un demi-cercle de filtre Millipore® (GSWP 01300)dans le cul-de-sac conjonctival supérieur, ce quipermet d’arracher quelques cellules superficielles,puis au traitement de ce disque. Celui-ci est fixé auformol, coloré au crésyl avant d’être placé dansune solution de xylol qui le rend transparent, puismonté sur une lame pour l’examen.

Électrophorèse des larmesIl est possible de doser les protéines lacrymales.L’électrophorèse réalise une séparation des molé-cules protéiques en fonction de leur vitesse demigration sous l’effet d’un champ électrique.7,28,56

Son utilisation sur les larmes humaines présentedéjà de nombreux intérêts pour toutes sortes d’af-fections : elle permet de suivre l’évolution d’unemaladie et l’aggravation progressive de l’altérationde la fonction lacrymale au cours des atteintes dela glande, ainsi qu’une exploration fonctionnelle dela glande lacrymale et une mise en évidence desréactions inflammatoires.L’interprétation de l’électrophorèse des protéi-

nes des larmes tient compte de l’allure des tracés,mais également de la concentration des protéinestotales des différentes fractions. Le dosage desprotéines totales permet d’obtenir la concentra-tion de chaque fraction en fonction du pourcentageindiqué à la lecture.Les différentes fractions des protéines lacryma-

les sont :• l’albumine, qui est considérée chez l’hommecomme le marqueur le plus sensible de l’in-flammation ;Figure 9 Principe du test du break up time.

100 H. Laforge, P. Maisonneuve

Page 9: Affections du système lacrymal chez les petits animaux

• les lactotransferrines (fractions 2 et 3), quisont augmentées dans les cas présentant lessignes inflammatoires les plus marqués ;

• le lysozyme, qui montre une augmentation del’activité antibactérienne des larmes dans lescas d’infections.28,41

Cette technique présente de nombreuses diffi-cultés et nécessite d’avoir recours à un laboratoirespécialisé, ce qui explique qu’elle reste anecdoti-que en médecine vétérinaire.

Examen de la surface cornéenne et conjonctivale :utilisation du rose BengaleLe rose Bengale est un colorant vital, dérivé de lafluorescéine, qui se fixe électivement sur les cellu-les épithéliales en souffrance et le mucus (Fig. 10).En cas d’insuffisance de sécrétion lacrymale, on

assiste à une dessiccation de la cornée et de laconjonctive, entraînant la kératinisation des cellu-les superficielles, ainsi qu’une augmentation de laproduction du mucus. On estime que le colorantmarque les surfaces non protégées par le film la-crymal précornéen, c’est-à-dire les cellules épithé-liales de la cornée et de la conjonctive non recou-vertes par la phase mucineuse du film lacrymalainsi que les cellules dégénérées, en voie de kéra-tinisation ou de desquamation.30,112,123,125

Ce test étant douloureux, il convient de n’utili-ser chez le chien que des solutions diluées à 0,5 %ou 1 % plutôt que les bandelettes imbibées decolorant. L’anesthésie locale, qui modifie la sur-face épithéliale, ne doit jamais être effectuéeavant l’emploi du colorant. Actuellement, iln’existe plus de préparation disponible en France.Pour conclure cette revue des examens sémiolo-

giques, nous constatons que, s’il est facile de quan-tifier la sécrétion lacrymale, il est bien plus délicatd’apprécier la qualité du film lacrymal.

Examen de l’appareil excréteur

Ces examens permettent d’estimer les capacitésdes voies lacrymales à éliminer convenablement leslarmes en excès.L’examen de l’écoulement des larmes est réalisé

facilement en instillant dans le cul-de-sac conjonc-

tival une petite goutte de solution de fluorescéine à1 ou 2 %, ou mieux en utilisant une bandeletteFluo-contact® afin de ne pas trop diluer les larmes.Le colorant se mélangeant aux larmes s’écoule parles voies lacrymales et se retrouve dans les fossesnasales, venant ainsi colorer l’extrémité du museauen vert (Fig. 11). Le temps de passage est variablemais ne doit en aucun cas dépasser 5 minutes.51

Cependant, on ne retrouve pas toujours cette colo-ration, et jusqu’à 50 % des chats et chiens normauxpeuvent présenter un test négatif.9 En particulier,chez les races brachycéphales, le trajet du conduitnasolacrymal aboutit souvent dans la gorge et letest peut paraître négatif sauf si l’on prend la peined’observer la déglutition de l’animal au passage dela fluorescéine ou de lui ouvrir la gueule pourobserver la coloration caractéristique.19,74 Seuls lesrésultats positifs doivent donc être retenus. Unrésultat négatif n’est pas significatif et peut tout auplus permettre une suspicion diagnostique.Le cathétérisme des voies lacrymales peut par-

fois être effectué au cours de la consultation mais,le plus souvent ou en cas de difficulté, l’anesthésieest indispensable chez le chien, et obligatoire chezle chat, car les risques pour les canalicules nedoivent pas être négligés. On introduit une sondeou un cathéter par le point supérieur et, en injec-tant du sérum physiologique, on teste tout d’abordla perméabilité des canalicules en faisant ressortirpar le point inférieur le liquide introduit au pointsupérieur (Fig. 12). En obturant ce point inférieurpar pression du doigt, on teste ensuite la perméa-

Figure 10 Test au rose Bengale. Figure 11 Test à la fluorescéine.

Figure 12 Tests de perméabilité des voies lacrymales par injec-tion de sérum physiologique au point lacrymal supérieur.70

101Affections du système lacrymal chez les petits animaux

Page 10: Affections du système lacrymal chez les petits animaux

bilité du conduit nasolacrymal en observant l’écou-lement du liquide par la narine. On peut égalementobserver l’animal déglutir, ce qui est un signe depassage positif. La pression à exercer sur le pistonde la seringue doit être modérée, car un test deperméabilité peut être positif malgré la présenced’une anomalie des voies lacrymales, une pressiontrop forte pouvant permettre un passage que lapompe lacrymale seule ne saurait forcer, voireendommager les voies lacrymales. Rappelons quece cathétérisme est essentiellement un acte dia-gnostique et est rarement thérapeutique.La dacryocystorhinographie19,36,38,80,132,139 per-

met la visualisation du trajet des voies lacrymalesdans lesquelles on a injecté un produit de contraste(Fig. 6B). L’examen se réalise sous anesthésie. Onutilise généralement 1 ml d’un produit huileux (Li-piodol®) mais, lorsqu’il existe un obstacle impor-tant, nous préférons une solution iodée aqueusefortement concentrée telle que le Vasurix 50® ou leIopamiron 300®. La radiographie doit ensuite êtreeffectuée très rapidement. On réalise au moinsdeux clichés, l’un sous incidence latérale, l’autresous incidence dorsoventrale ou ventrodorsale(gueule ouverte, faisceau des rayons X parallèle à lamandibule pour éviter la superposition de celle-ci)suivant la portion que l’on désire examiner. Cetexamen permet de mettre en évidence des anoma-lies sur le trajet des voies lacrymales : déviation,atrésie, compression, obstruction.La scintigraphie1 est surtout utilisée chez

l’homme. C’est la seule méthode d’examen dyna-mique de l’écoulement des larmes et elle permetde déterminer la clairance lacrymale. Elle consisteen l’instillation d’une goutte de solution de techné-tium 99 dont on suit la progression à l’aide d’unegammacaméra.Citons enfin les techniques d’endoscopie (endos-

copes de 0,5 mm de diamètre) (Fig. 13) et d’écho-graphie qui se développent en médecine hu-maine.97

Affections de l’appareil sécréteur

Les plus fréquentes sont représentées par les hypo-sécrétions et la luxation de la glande nictitante, lesautres affections étant plus anecdotiques.

Déficits lacrymaux

Ils sont fréquents chez le chien, mais plus rareschez le chat.136 Nous étudierons successivement lesdéficits de la phase aqueuse (déficits quantitatifsou hyposécrétions), puis les déficits qualitatifs dufilm lacrymal.

Déficit quantitatif : kératoconjonctivites sèchesLe déficit quantitatif des larmes est le trouble leplus fréquent chez le chien et le chat, et il entraîneune affection connue sous le nom de KCS ou d’« œilsec ».73 Sa prévalence n’est toujours pas connue :estimée à 0,4 % des chiens en 1970, elle ne cessed’augmenter (1,5 % en 1995), alors que dans lemême temps le nombre de conjonctivites inexpli-quées diminue,59,136 ce que l’on attribue à lameilleure formation des vétérinaires.Le syndrome « œil sec » regroupe un ensemble

de modifications pathologiques de la cornée et dela conjonctive résultant du déficit de la fractionaqueuse du film lacrymal. Les signes cliniques del’affection peuvent aller de la simple hyperhémieconjonctivale à des lésions gravissimes de la cornéepouvant entraîner la cécité.

Signes cliniquesIls intéressent principalement la conjonctive et lacornée, d’où le nom de KCS (Fig. 14, 15). L’hype-rhémie conjonctivale caractéristique des conjonc-tivites est généralement le premier signe rencon-tré. Il s’accompagne de symptômes fonctionnels,qui sont tout d’abord l’inconfort, cause du blépha-rospasme ou de la procidence de la membranenictitante, avec une sensation de sable dans lesyeux identique à celle que l’on a au réveil, notreglande lacrymale s’arrêtant de fonctionner pen-dant le sommeil.Les sécrétions conjonctivales sont modifiées et,

en particulier, la sécrétion de mucus est exacer-bée, donnant un aspect sale à l’œil malade, d’oùparadoxalement un motif de consultation qui peutêtre un « œil qui coule ». C’est parfois le seulsymptôme chez des animaux qui présentent un testde Schirmer très légèrement abaissé.59

Fréquemment, l’insuffisance de sécrétion la-crymale s’accompagne de prolifération micro-bienne transformant le mucus en mucopus(Fig. 16).101,129 Au tout début de l’affection, lacornée prend un aspect terne et dépoli tel que celuiFigure 13 Endoscope pour les voies lacrymales.

102 H. Laforge, P. Maisonneuve

Page 11: Affections du système lacrymal chez les petits animaux

que l’on peut observer si on empêche le clignementdes paupières ou lors d’anesthésie. Puis une kéra-tite va s’installer. Elle augmente dans un premiertemps l’épaisseur des couches de l’épithélium de lacornée qui se kératinise. Cela favorise l’installationd’un œdème, lui-même à l’origine de la néovascu-larisation responsable de l’infiltration cellulaire et

de la mélanogenèse. En fin d’évolution, on assiste àune pigmentation complète de la cornée et, chez lechien, à une destruction des terminaisons sensitivesde la cornée, ce qui explique que l’affection, sur leplan de la douleur, soit relativement bien toléréepar l’animal à ce stade.59

Des ulcères cornéens peuvent apparaître et secompliquent fréquemment de surinfection par desgermes à collagénases comme Pseudomonas et delibération d’enzymes protéolytiques par les polynu-cléaires et les kératocytes. Compliqués par la sé-cheresse, ces ulcères peuvent aboutir à une perfo-ration très rapide (Fig. 17).

DiagnosticTous les animaux peuvent être affectés sans dis-tinction de sexe. L’âge moyen du diagnostic est de7 ans chez le chien.Le diagnostic repose sur l’observation des symp-

tômes et sur le test de Schirmer. Chez le chien, onpeut parler de KCS sévère en dessous de 5 mm/min.Entre 5 et 10 mm/min (KCS modérée), les symptô-

Figure 14 Clinique de la kératoconjonctivite sèche (d’après 129).

Figure 15 A. Clinique de la kératoconjonctivite sèche à l’œil.B. Clinique de la kératoconjonctivite sèche à la narine.

Figure 16 Clinique de la kératoconjonctivite sèche : mucopus.

Figure 17 Clinique de la kératoconjonctivite sèche : ulcère decornée.

103Affections du système lacrymal chez les petits animaux

Page 12: Affections du système lacrymal chez les petits animaux

mes et le test au rose Bengale permettent le plussouvent de conclure.Le diagnostic est beaucoup plus délicat chez le

chat. Contrairement au chien, la cornée du chatsemble supporter plus longtemps et de façon pluspassive la diminution de l’humidification. Le dia-gnostic repose bien souvent sur la difficulté d’obte-nir la guérison d’un ulcère de la cornée ou d’uneconjonctivite récurrente. Généralement, on estimequ’il y a déficit quantitatif entre 0 et 4 à6 mm/min,59,137 mais il n’est pas rare de rencontrerdes chats avec un test de Schirmer bas, parfoisinférieur à 5 mm, et qui ne présentent aucun symp-tôme. Le stress pourrait engendrer un réflexe sym-pathique qui conduirait à l’assèchement transitoirede la sécrétion chez le chat.59 Cela permettraitd’expliquer en partie ces tests de Schirmer quipeuvent paraître aberrants au vu de la clinique.Dans cette espèce, un test de Schirmer normalpermet souvent d’éliminer l’hypothèse d’une KCS,mais l’inverse n’est pas toujours vrai.

ÉtiologieLes syndromes « œil sec » intègrent des dysfonc-tionnements d’ordre immunologique, nerveux, en-docrinien ou iatrogène. On peut arbitrairement lesdiviser en déficits primaires et déficits secondairesà une autre maladie.- Kératoconjonctivites sèches primaires.

Congénitales et/ou héréditairesUn certain nombre de races, généralement despetits chiens, peuvent présenter une aplasie ou unehypoplasie congénitale de la glande lacrymale en-traînant des KCS : le yorkshire terrier, le schnauzernain, le lhassa apso et le burmese.11,59,63,83,137,138

Ce sont des sécheresses intenses, irréversibles,mais heureusement rares et souvent unilatérales.59

Des facteurs héréditaires ont été trouvés chez lechien (schnauzer nain, bulldog anglais, cocker amé-ricain), mais pas chez le chat.31

Acquises adultes : dysimmunitairesou idiopathiquesLa plus grande partie des KCS du chien est néan-moins liée, comme chez l’homme (syndrome deSjögren), à des processus dysimmunitaires ou auto-immunitaires avec envahissement de la glande la-crymale par des cellules mononucléées.11,60,61,73

On classe ici les KCS idiopathiques qui sont égale-ment présumées à médiation immune. On retrouvesouvent une infiltration par des cellules lympho-plasmocytaires des glandes principale et nictitanteaccompagnée d’une fibrose plus ou moins impor-tante qui conduit finalement à la destruction irré-versible de la glande. Au final, on estime que 80 %

des KCS non iatrogènes du chien seraient d’origineimmunitaire. Ce n’est pas le cas chez le chat.9 Laliste des prédispositions raciales est longue (Ta-bleau 2).19,59,137,138

Déséquilibres hormonauxLes androgènes ont un rôle immunomodulateur di-rect et indirect via la suppression de la sécrétion deprolactine pituitaire. Les KCS sont souvent secon-daires à des troubles dysimmunitaires et la prolac-tine diminue la sécrétion lacrymale.On a ainsi constaté une plus grande sensibilité à

certaines KCS chez la chienne.11 De même, lesanimaux castrés ont un risque plus élevé que lesautres de développer une KCS et/ou une hypothy-roïdie.45,100 On rapporte également des KCS secon-daires aux déséquilibres hormonaux intervenantdurant la mise-bas ou l’allaitement.59

Atrophie sénile des glandes lacrymalesElle affecte sans distinction de sexe des chiens âgéscomme le cocker. Elles sont souvent irréversiblescar la glande est totalement fibrosée au moment dudiagnostic. La baisse des stéroïdes sexuels liée àl’âge pourrait prédisposer à l’affection.59

- Kératoconjonctivites sèches secondaires.Elles sont très nombreuses, mais ne sont respon-

sables que d’une minorité des KCS chez le chien.Iatrogènes. De nombreuses substances sont

connues pour leur effet inhibiteur de la sécrétionlacrymale et leur utilisation pourrait d’ailleurs êtreenvisagée pour le traitement d’une hypersécrétion,en premier lieu les parasympatholytiques, les bêta-bloquants (comme le timolol) et les anesthésiques(kétamine, xylazine, halothane, d’où l’intérêt de

Tableau 2 Principales prédispositions raciales à la kérato-conjonctivite sèche (d’après 20,58,129,137,138).

Chiens ChatsBulldog anglais BurmeseLhassa apso AbyssinWest Highland white terrier HimalayanCarlin PersanBloodhound Domestic shorthairPékinoisShi tzuCocker spaniel américainFauve de BretagneBichon friséBull terrierBoston terrierYorkshire terrierCaniche nain et toyTeckelSchnauzer nainChow-ChowGolden retriever

104 H. Laforge, P. Maisonneuve

Page 13: Affections du système lacrymal chez les petits animaux

protéger la cornée durant une chirurgie) qui agis-sent directement sur le fonctionnement de laglande.42,66,76 Ces sécheresses sont transitoires.Rappelons que l’atropine doit être employée avecprudence lors d’ulcères secondaires à une hyposé-crétion. Il est bien connu qu’elle diminue la sécré-tion lacrymale et, suite à l’instillation d’une goutted’atropine dans un œil, cet effet secondaire peutpersister de 2 à 6 jours.59 On a également détectéun effet controlatéral lors de son utilisation, avecdiminution de la sécrétion sur l’œil non traité.49

Les sulfamides, certains antiépileptiques (hy-dantoïnes), les phénothiazines et certains antican-céreux (adriamycine)13,93,137 sont responsables descléroses parfois irréversibles de la glande. Lessulfamides sont la première cause de KCS iatro-gène ; ils pourraient affecter jusqu’à 15 % deschiens traités au long cours.13 Ainsi, chez le chien,on recommande de n’utiliser la salazopyrine et lessulfonamides, classiquement employés dans les af-fections digestives, qu’avec précaution et sur decourtes périodes, surtout dans les races prédispo-sées à la KCS- L’atteinte est souvent irréversible sile traitement n’est pas rapidement suspendu. Ils’agirait d’une toxicité directe sur les acini de laglande.128,137 Cet effet iatrogène des sulfamidesn’est pas rencontré chez le chat.L’ablation chirurgicale de la glande lacrymale

accessoire luxée est souvent à l’origine de KCS (cf.infra), même si celles-ci ne se déclenchent parfoisque plusieurs mois plus tard.94

Enfin, la radiothérapie peut entraîner une des-truction totale et irréversible de la glande la-crymale.137

Traumatiques et/ou neurologiques. Le trauma-tisme direct de la glande lacrymale ou du nerfresponsable du déclenchement de sa sécrétion (ra-meau parasympathique du nerf facial) (Fig. 2) peutêtre à l’origine d’une KCS. Celle-ci peut être ou nonirréversible selon la gravité des lésions. Les brûlu-res chimiques graves, souvent par des bases commel’alcali, peuvent également se compliquer de KCS.Les KCS traumatiques sont généralement unilatéra-les.Nous classerons également les kératites paralyti-

ques ou d’exposition dans cette catégorie (Fig. 18).Elles sont souvent unilatérales et provoquent dessymptômes équivalents à ceux de la KCS par défautd’étalement du film lacrymal par les paupières. Lacornée n’est alors plus protégée, bien que la sécré-tion lacrymale et le test de Schirmer restent sou-vent normaux. Ainsi, une neuropathie du nerf facial(traumatique ou non) peut n’affecter que les mou-vements palpébraux sans diminution de la sécrétionlacrymale. Chez le chien, la paralysie de la face estsouvent associée à l’hypothyroïdie et à la KCS.66

Une perte de sensibilité cornéenne (nerf trijumeau)provoque les mêmes symptômes.La dysautonomie, ou syndrome de Key-Gaskell,

est plus fréquente chez le chat (Fig. 19, 20). Ellerésulte de la dégénérescence des neurones gan-glionnaires du système nerveux autonome. Elle as-socie systématiquement une sécheresse lacrymaleà d’autres symptômes oculaires (mydriase aréflexi-que, procidence des membranes nictitantes, ptosede la paupière supérieure) et généraux (nez sec,coprostase, rétention urinaire, bradycardie, etc.).Cette KCS n’entraîne pas de lésions. Chez le chat,les symptômes oculaires sont parfois isolés au dé-but de la maladie. On assiste actuellement à uneraréfaction des cas.25 Le traitement fait appel auxagonistes cholinergiques (pilocarpine à 1 %, deuxfois par jour).

Figure 18 Kératite neuroparalytique sur un chat ayant subi untraumatisme crânien.

Figure 19 Dysautonomie féline, signes oculaires : mydriase,procidence de la membrane nictitante, sécheresse oculaire.

Figure 20 Dysautonomie féline, sécheresse du nez.

105Affections du système lacrymal chez les petits animaux

Page 14: Affections du système lacrymal chez les petits animaux

Infections et autres maladies générales. Des ma-ladies virales ou bactériennes (blépharites,conjonctivites) peuvent diminuer la sécrétion la-crymale. Chez le chien, la maladie de Carré(Fig. 21) provoque une dacryoadénite (cf. infra) quiest à l’origine d’une KCS réversible.81 Chez le chat,il semble que la KCS soit le plus souvent secondaireaux blépharoconjonctivites ou aux ulcères chroni-ques qui sont fréquemment associés aux infectionsrécurrentes ou chroniques par l’herpès virus félinde type 1.5,31 La KCS pourrait donc être une consé-quence de l’infection par l’herpès virus félin detype 1, surtout en cas de conjonctivite sévère quipourrait affecter les canalicules des glandes la-crymales et conduire à leur obturation. L’atteintedirecte des glandes a également été envisagée.Mais il n’existe encore aucune certitude dans cedomaine. Une diminution de la sensibilité cor-néenne secondaire à l’infection par l’herpès virusfélin a également été envisagée et la kératite neu-rotrophique pourrait aggraver les lésions dues à laKCS.8,27,31 L’hyposécrétion est également rappor-tée dans les conjonctivites éosinophiliques, affec-tion qui pourrait elle-même être liée à l’herpèsvirus félin de type 1 comme le rapportent plusieursétudes ;99,131,138 cependant, deux études récentesne confirment pas ces résultats.5,71 Il subsiste doncencore beaucoup d’inconnues sur les implicationsde l’herpès virus félin dans les hypolacrymies.On retrouve enfin un certain nombre de maladies

systémiques qui sont généralement associées à desdésordres immunitaires et semblent également as-sociées à la KCS. On cite le plus souvent l’atopie etl’hypothyroïdie.45,59,100,137 Ainsi, dans les races quiont un risque élevé de KCS, on trouve égalementune incidence élevée de l’hypothyroïdie (notam-ment chez le cocker spaniel américain).137 D’autresmaladies sont évoquées : pyomètre, syndrome deCushing, hyperadénocorticisme, diabète sucré, po-lyarthrites rhumatoïdes, anémies hémolytiquesauto-immunes, lupus érythémateux disséminés sys-témiques et pemphigoïdes, désordres séborrhéi-ques, démodécie, leishmaniose.45,57,59,68,96,119,137

Nous citerons pour mémoire l’hypovitaminose A,

qui est rarissime et plus connue expérimentale-ment.137

Traitement médicalLe traitement a beaucoup évolué ces dernièresannées avec l’avènement de la ciclosporine. Enl’absence d’une étiologie évidente, ce qui est le casle plus fréquent, on peut retenir l’hypothèse dysim-munitaire. Un traitement de substitution (succéda-nés des larmes) et des traitements symptomatiquesdes complications sont associés si nécessaire.50 Lathérapeutique médicale est systématiquement en-treprise et éventuellement complétée, en casd’échec, par un traitement chirurgical.On associe classiquement la ciclosporine, les suc-

cédanés des larmes et les antibiotiques.- Ciclosporine.L’utilisation de la ciclosporine est devenue quasi

systématique chez le chien, la pathogénie de la KCSétant le plus souvent immunitaire.23,118

On utilise une pommade de ciclosporine A à 0,2 %par voie locale (Optimmune®). L’administration deciclosporine par voie orale nécessite des doses100 à 1 000 fois supérieures59 et n’est donc passouhaitable en raison des risques de toxicité géné-rale.Au plan pratique, on commence par un traite-

ment toutes les 12 heures ou toutes les 8 heuresdans les cas rebelles. Un traitement de substitutionlacrymale doit être associé en cas de test de Schir-mer bas. On procède par la suite à un suivi régulierdu test de Schirmer. Le traitement de substitutionest adapté en fonction des résultats et des symptô-mes observés. L’action lacrymomimétique durant12 heures, on conseille d’effectuer la mesure3 heures après le traitement, ceci afin de mieuxévaluer son efficacité. Une mesure trop rapprochéeaprès l’instillation de la pommade pourrait altérerles résultats du test de Schirmer.Après la normalisation de la sécrétion lacrymale,

la ciclosporine peut être maintenue seule et lestraitements complémentaires sont arrêtés. Aprèsplusieurs semaines de sécrétion lacrymale « nor-male », ou dès que le test de Schirmer dépasse20 mm/min,59 on peut réduire progressivement lafréquence d’instillation tout en maintenant lesuivi. On recommande de maintenir au moins troisinstillations par semaine et de ne jamais dépasser3 jours sans traitement. À l’arrêt du traitement, larécidive est parfois très rapide mais peut ne s’ex-primer qu’après plusieurs mois.L’efficacité de la ciclosporine dépend de la pré-

cocité du traitement. Elle ne saurait restaurer uneglande totalement fibrosée. Elle est très efficaceau stade initial de l’inflammation de la glande lorsde l’envahissement des acini par les cellules mono-

Figure 21 Ulcère de cornée et kératite sèche en cas de maladiede Carré.

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nucléées (lymphoplasmocytes), du fait de son ac-tion inhibitrice sur les lymphocytes T cytotoxi-ques.58,64 On considère qu’elle augmente le test deSchirmer d’au moins 5 mm chez 80 % des chiensaprès 3 mois de traitement, mais seulement chez50 % des animaux qui présentaient une KCS trèsavancée (test de Schirmer 1 à 0-1 mm/min).59 Elledoit donc être instaurée le plus rapidement possi-ble.On ne peut conclure à l’échec de la ciclosporine

qu’après au moins 6 semaines59,137 à 3 mois detraitement inefficace. On peut cependant l’utilisersans dommage si une action anti-inflammatoire estrecherchée sur la cornée. Elle contribue égalementà diminuer les symptômes de KCS par son effetrégulateur des cellules à mucus de la conjonctive,même en l’absence de réponse lacrymale.86

Il existe quelques contre-indications à l’utilisa-tion de la ciclosporine, principalement lors de viro-ses et de mycoses, car la réponse des lymphocytes Tauxiliaires est alors importante. Lors d’infections,ulcère cornéen par exemple, elle présente des ris-ques comparables aux corticoïdes par ses effetsanti-inflammatoires et immunomodulateurs. Ce-pendant, en cas d’ulcère, elle n’active pas l’actiondes collagénases (à l’inverse des corticoïdes quimultiplient leur activité par 15). Elle modifie éga-lement moins la flore conjonctivale.117

On observe parfois des intolérances locales chezcertains chiens, qui se manifestent par une hyper-hémie conjonctivale59 et du prurit. Ces intoléran-ces étaient fréquentes avec les préparations magis-trales à base d’huile, mais sont devenues beaucoupplus rares avec l’Optimmune®. Elles nécessitentparfois l’arrêt du traitement, au prix d’une récidivepossible de la KCS.- Succédanés des larmes ou lacrymomimétiques.Leur utilisation permet la formation d’un film

lacrymal artificiel, mais de moindre qualité, et ilfaut s’efforcer de restaurer en priorité la sécrétionnaturelle. Ils ne sauraient remplacer l’action de laciclosporine.111

On les utilise d’abord pour améliorer le confortde l’animal en diminuant l’irritation, mais ils doi-vent également contribuer à restaurer en partie lesfonctions de la phase aqueuse du film lacrymal,notamment ses rôles de protection, lubrification,lavage et nutrition de la cornée.Ces « larmes artificielles » doivent donc être le

moins toxique possible et demeurer le plus long-temps possible sur la cornée, notamment afin defaciliter l’observance du traitement. Les impératifséconomiques du propriétaire ne doivent pas êtreoubliés. Les produits disponibles sont maintenanttrès nombreux (Tableau 3) et le choix n’est pastoujours aisé. Quelques principes de pharmacologie

sont évoqués afin de mieux comprendre les critèresde choix qui doivent inclure l’efficacité du produit,sa tolérance, la facilité du traitement et son coût.Un collyre classique ne subsiste que très peu de

temps sur l’œil. Ainsi, une préparation au chlorurede sodium (Larmes Artificielles®) ne subsiste que5 à 6 minutes. On a donc augmenté cette réma-nence en jouant sur la viscosité et le pouvoir mu-coadhésif par l’adjonction de polymères, macromo-lécules hydrophiles, et la fabrication de gels. Parexemple, la rémanence passe à 17 minutes avecl’alcool polyvinylique povidone (PVA, très souventutilisé dans les lacrymomimétiques) et à 31 minutesen associant PVA et un carbomère 974P.110

On préfère donc des polymères sous forme de gelcomme substituts lacrymaux et on doit retenir queles meilleurs gels protègent au maximum 1 h 30. Ilfaut donc renouveler les instillations quatre à dixfois par jour dans les cas les plus graves.59

Le choix d’une molécule doit également prendreen compte son pouvoir protecteur et sa toxicité.Ainsi, la PVA n’a pas de toxicité épithéliale, maisn’est pas toujours bien tolérée chez le chien chezqui elle peut provoquer des irritations.120 Les car-bomères 934P ou 974P sont peu toxiques sur lescellules épithéliales et l’acide hyaluronique nel’est pas. Ces trois derniers principes actifs possè-dent également une action protectrice antioxy-dante démontrée in vitro.22 L’acide hyaluroniquefaciliterait également la cicatrisation cor-néenne.127

Actuellement, les préparations contenant uncarbomère ou l’acide hyaluronique sont un excel-lent choix, ce dernier restant malheureusement leplus cher.Le problème de l’innocuité nous oblige à envisa-

ger le problème des conservateurs qui sont présentsdans les collyres et les gels (mais rarement dans lespommades). Ce sont souvent des ammoniums qua-ternaires comme le chlorure de benzalkonium, quiont des propriétés allergisantes et toxiques. Or,chez un animal victime de KCS, qui présente un trèsfaible lavage lacrymal, les allergènes de l’air res-tent longtemps au contact de l’œil. Son risqueallergique, déjà plus élevé que la moyenne, estrenforcé par l’emploi de molécules allergisantes.19

D’autre part, les conservateurs provoquent, mêmeà très faible concentration, une dégénérescencedes cellules épithéliales qui aboutit à l’apoptose etfinalement à des modifications de l’épithélium cor-néen. Cette action est renforcée par le faible turn-over lacrymal qui maintient plus longtemps lesconservateurs au contact de la cornée. On devraitdonc s’efforcer de choisir des formes sans conser-vateur (unidoses ou flacons filtrants), qui sont mal-heureusement les plus onéreuses.

107Affections du système lacrymal chez les petits animaux

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On doit donc raisonner au cas par cas le choix dessubstituts lacrymaux, en fonction des impératifsthérapeutiques et économiques. Ils sont employésjusqu’à restauration d’une sécrétion lacrymale suf-fisante. La fréquence d’instillation est adaptée à lasymptomatologie et surtout aux possibilités du pro-priétaire.- Antibiotiques (Tableau 4).Ils sont souvent indispensables pour contrôler les

infections qui sont fréquentes lors de KCS et quisont le plus souvent le fait de germes opportunis-tes. Par ordre d’importance, on retrouve d’aborddes germes à Gram positif, streptocoques puis sta-phylocoques, ensuite les germes à Gram négatif,Pseudomonas puis Escherichia coli.101 On utilisegénéralement une antibiothérapie à large spectre.En cas de conjonctivite non ulcéreuse, on préco-

nise l’acide fusidique, qui est bactéricide pour lesgermes à Gram positif, y compris les staphyloco-ques à bêtalactamases qui sont les plus fréquentsdans les conjonctivites du chien ou du lapin.92

L’association avec un gel lacrymal est particulière-ment intéressante lors de KCS (Fucithalmic vet®).Le chloramphénicol ou l’association bacitracine-

polymyxine-néomycine est également intéressante

chez le chien. Chez le chat, on retient l’oxytétra-cycline ou le chloramphénicol (inactif sur Pseudo-monas). On doit éviter le recours systématique à lagentamicine ou aux fluoroquinolones en premièreintention (résistances antibiotiques), d’autant quece ne sont pas forcément les meilleurs choix face àces infections.En cas de kératite ulcéreuse, on préfère privilé-

gier les antibiotiques actifs contre Pseudomonascomme l’association néomycine-polymyxine B (Té-vémyxine®) ou la gentamicine (on la réserve auxulcérations car elle est hydrophile et ne pénètre lacornée qu’après rupture de l’épithélium ; son spec-tre est orienté contre les germes à Gram négatif etles staphylocoques, mais elle n’est pas activecontre certains E. coli et est inactive contre laplupart des streptocoques). La rifamycine ou l’oxo-floxacine sont également intéressantes. Rappelonsque l’on doit éviter d’utiliser l’atropine dans ceskératites ulcéreuses (cf. supra).- Corticoïdes.Ils sont indispensables pour diminuer les réac-

tions inflammatoires trop importantes, mais il fautprendre garde à ce qu’ils ne viennent pas aggraverdes lésions cornéennes ulcératives débutantes. On

Tableau 3 Principaux substituts de larmes utilisables dans le traitement des déficits lacrymaux (spécialités vétérinaires enitalique).

Forme Type de polymèrehydrophile

Principe actif(Dénominationcommuneinternationale)

Noms commerciaux® Intérêts/limites

Sans conservateur Avec conservateur

Larmesartificielles

Aucun Chlorure de sodium Larmabak,Larmes artificiellesunidoses,Unilarmes

Larmes artificielles Durée d’actiontrès courte

Dérivé polyvinylique Alcool polyvinyliquepovidone (PVA)

Dulcilarmes unido-ses, Refresh

Dilcilarmes, Siccafluid(PVA+ carbomère)

Durée d’action courte

Gels etapparentés

Synthétique de hautpoids moléculaire

Carbomère 934P Gel-LarmesunidosesLacryvisc unidoses

Ocrygel, Gel-Larmes,Lacryvisc, Fucithalmicvet

Film protecteur,lubrifiant et mouillant

Carbomère 974P Siccafluid (+ PVA)Carbomère 940 Lacrifluid,

Lacrinorm, LacrigelCarbomère 980 NF CivigelPolycarbophile Humiscreen

Éthers de cellulose Méthylcellulose Méthylcellulose 1% ActionmucinomimétiqueCarmellose Celluvisc

Hydroxypropylméthylcellulose+ perborate

Lacrisert (insert) Gen Teal,Dacryolarmes

Polysaccharides Dextran Humiscreen Dialens,excipient de N.A.C.,Tévémyxine ...

Actionmucinomimétique

Chondroïtine sul-fate

Lacrypos

Acide hyaluronique Vismed, Hylo ComodPommade Ciclosporine Optimmune Lacrymomimétique

Excipient gras

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peut les associer à la ciclosporine. Ils sont utilespour maîtriser les opacifications cornéennes.- Traitements médicaux complémentaires.Mucolytiques. L’utilisation des mucolytiques (N-

acétylcystéine) est maintenant controversée.20,137

Le mucus contribue en effet à la protection de lacornée et retient l’humidité. En revanche, les dé-charges muqueuses qui accompagnent la KCS sontchargées de protéines inflammatoires et de protéa-ses.59 Nous conseillons donc de bien laver les yeuxafin d’éliminer ces éléments, une ou deux fois parjour. On utilise soit du chlorure de sodium, soit dessolutions ne contenant de préférence pas d’ammo-nium quaternaire. Le lavage est préférable à untraitement mucolytique réparti au cours de la jour-née, qui reste au demeurant peu efficace et quipeut être irritant.Cependant, l’action anticollagénase de la

N-acétylcystéine reste indispensable dans les kéra-tites ulcéreuses.Pilocarpine. Avant l’avènement de la ciclospo-

rine, elle a longtemps été employée pour stimuler

la sécrétion lacrymale. Par voie orale, elle stimuleen effet la sécrétion lacrymale par son action para-sympathomimétique directe (effet cholinergi-que).113,130 Elle a également été utilisée seule ouassociée dans des préparations artisanales combi-nant antibiotiques, acétylcystéine et larmes artifi-cielles (solution de Severin), à des concentrationsde 0,25 à 1 %. Dans ce cas, son action est beaucoupplus discutable, voire nulle,130 et elle n’est plusutilisée, d’autant qu’elle est généralement trèsmal supportée chez le chien, notamment en raisond’un pH très bas (pH = 4,5). Elle provoque desirritations allant jusqu’au blépharospasme, etmême des iridocyclites.130,137 De plus, le passagesystémique est non négligeable et peut être dange-reux chez des animaux de faible poids. Per os, si sonaction est réelle, ses effets indésirables ne sont pasnégligeables (bradycardie, vomissement, etc.) etelle n’a plus aujourd’hui qu’une seule indication, letraitement des dysautonomies. On l’administremélangée à la nourriture (chez le chat, une goutteà 1 %/kg/j ; chez le chien, une goutte à 2 %, deux à

Tableau 4 Autres médicaments utilisables dans le traitement complémentaire des kératoconjonctivites sèches (spécialitésvétérinaires en italique).

Principe actif Nom déposé® Formes PosologieAntibiotiques Acide fusidique Fucithalmic vet gel 2 applications par jour

Ophtalon pommade 2 applications par jourChloramphénicol Lacrybiotic pommade 2 applications par jour

Cébénicol pommade et collyre 2 à 6 applications par jourGentamycine Soligental collyre 2 applications par jour

Gentalline pommade et collyre 2 à 6 applications par jourNéomycine + polymyxine B Tévémyxine pommade et collyre 2 à 6 applications par jour

Kératobiotic collyre 6 applications par jourOmnicol collyre 6 applications par jourCébémyxine pommade et collyre 2 à 6 applications par jour

Tobramycine Tobrex pommade et collyre 2 à 6 applications par jourCorticoïdes Dexaméthasone Maxidex collyre 6 applications par jour

Fluorométholone Flucon collyre 6 applications par jourAntibiotiques etcorticoïdes

Bêtaméthasone + gentamicine Bêta-Septigen collyre 6 applications par jourTiacil collyre

Triamcinolone + néomycine Cidermex pommade 2 applications par jourChibron-Cadron collyre 6 applications par jour

Dexaméthasone + néomycine Maxidrol pommade et collyre 2 à 6 applications par jourDexaméthasone + néomycine+ polymyxine B

Fradexam pommade et collyre 2 à 6 applications par jour

Dexaméthasone + framycétine Néo-Hydrops collyre 2 à 6 applications par jourHydrocortisone + néomycine Zovirax pommade 2 applications par jour

Antiviraux Aciclovir Virophta collyre 6 applications par jourTrifluridine Virgan gel 2 applications par jourGanciclovir N.A.C. collyre 6 applications par jour

Anticollagénase N-acétyl-cystéine Euronac collyre 6 applications par jourGenac collyre 6 applications par jourOptimmune pommade 2 applications par jour

Immunomodula-teur

Ciclosporine Pilocarpine 1% collyre 2 applications par jour

Sympathomiméti-que

Pilocarpine

109Affections du système lacrymal chez les petits animaux

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quatre gouttes pour 10 à 12 kg et par jour en deuxou trois prises).59,137 D’autres substances excitosé-crétrices ont également été utilisées comme l’ané-tholtrithione (Sulfarlem S25®) ou la bromhexine(Bisolvon®) avec des résultats décevants.Plus récemment, l’utilisation per os d’interféron

alpha a été proposée dans le traitement des KCSd’origine immunitaire ; les résultats semblent en-courageants.40

Pour conclure, il ne faut pas oublier que la réus-site du traitement médical repose avant tout sur lacoopération du propriétaire et donc sur son éduca-tion qui est essentielle à l’observance d’un traite-ment lourd et très long. Il convient de lui expliquerlonguement la maladie et les modalités du traite-ment. Il faut ensuite suivre l’animal régulièrementau début, puis tous les 6 mois, afin de prévenirtoute rechute.

Traitement chirurgicalIl s’agit ici de traitements palliatifs visant soit àréduire les pertes lacrymales, soit à restaurer unepseudosécrétion. Il ne doit être envisagé qu’aprèséchec du traitement médical, c’est-à-dire dans laplupart des cas après 2 à 3 mois, ou lorsque lepropriétaire est dans l’impossibilité de respecterun traitement trop lourd.19,84,88,137

- Obturation des points lacrymaux.Cette intervention est proposée afin de retenir

les larmes dans le cul-de-sac inférieur chez lesanimaux qui possèdent encore un peu de larmes. Onpeut envisager une obturation soit temporaire(colle chirurgicale, clous méatiques) (Fig. 22),84 quin’a à notre avis que peu d’intérêt, soit définitive.On procède alors à une sténose chirurgicale despoints lacrymaux par débridement puis suture (mo-nofil résorbable 8/0). L’intervention est simple etréalisée sous système grossissant. Son intérêt restetrès controversé.137

- Canthoplastie.Afin de réduire les pertes par évaporation, il a

également été proposé de réduire la taille de lafente palpébrale par canthoplastie, mais l’effetreste négligeable (Fig. 23). Cette technique peutêtre utile dans les lagophtalmies, exophtalmie, etkératites d’expositions.137 On utilise soit une tech-nique classique, soit une technique modifiée59 quiest moins esthétique mais protège mieux la cornéelatérale.- Transposition du canal de Sténon.Le canal de Sténon conduit la salive de la glande

parotide à la cavité buccale. Il débouche dans

Figure 22 Clou méatique.

Figure 23 Canthoplastie modifiée.59

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celle-ci par une papille située en regard de la dentcarnassière, à environ 1 cm au-dessus de celle-cisur la muqueuse de la joue. La papille peut êtrefacilement repérée par instillation d’une solutionamère (atropine) ou de pilocarpine dans la bouchede l’animal, ce qui permet de voir la salive s’écou-ler par la papille. La xérostomie (sécheresse du nezet de la bouche contre-indique l’interven-tion).59,137

L’intervention19,37,137 (Fig. 24) consiste à décou-per un morceau de muqueuse buccale autour decette papille, à disséquer le canal qui la prolongesur quelques centimètres, et à transplanter l’en-semble dans le cul-de-sac conjonctival inférieuraprès avoir pratiqué une tunnellisation du tissusous-cutané. La papille entourée de quelques milli-mètres de muqueuse est ensuite suturée avec pré-caution à la conjonctive à l’aide d’un fil résorbablede fin diamètre (Vicryl® 6/0 à 8/0 par exemple).L’ancienne technique par incision jugale n’est pra-tiquement plus utilisée aujourd’hui. L’interventionréussit dans 63 à 80 % des cas.58,59

Parfois, comme chez les brachycéphales ou leschats, le conduit parotidien peut s’avérer tropcourt et il faut alors le rallonger, ce qui complique

l’intervention et surtout augmente les risquesd’échec.L’apparition de la ciclosporine a beaucoup réduit

les indications de cette intervention. Elle doit êtreréservée en dernière extrémité aux cas rebelles, dufait de ses nombreuses complications à court etlong termes (Fig. 25). Ainsi, on l’évite chez lesraces à salives très basiques ou calcaires, ou lors

Figure 24 Transplantation du canal de Sténon.69,136

A. Repérage de l’orifice excréteur de la glande parotide, située en arrière et au-dessus de la carnassière. Cathétérisme du conduitavec un fil coloré afin de faciliter le repérage du conduit, puis dissection de la muqueuse buccale autour de la papille (lambeautriangulaire afin d’éviter la torsion du canal ; taille 7 mm ou plus si le canal doit être allongé).B. Dissection mousse en direction de la glande parotide et libération du canal sur une longueur de 5 à 7 cm.C. Incision conjonctivale et tunnellisation par l’orifice buccal en direction de l’œil à l’aide d’une pince-clamp droite (1). Celle-ci saisitson homologue (2) introduite par l’orifice conjonctival et la fait ressortir dans l’orifice buccal.D. Transfert de la papille à l’aide de la pince (C2) et suture dans le cul-de-sac conjonctival avec un fil de Vicryl® 8/0.E. Principe pour allonger un canal trop court à partir d’un lambeau de muqueuse buccale (suture avec un fil de Vicryl ® 8/0).

Figure 25 Complications cutanées de la transposition du canalde Sténon.

111Affections du système lacrymal chez les petits animaux

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d’infection buccale. Dans ces races, des dépôtscornéens minéraux peuvent se former. Ils pour-raient être diminués par l’utilisation d’un régimealimentaire (type Hills s/d ®). De même, on doit sesouvenir que la composition de la salive n’est pascelle des larmes, et que cette transposition provo-que systématiquement une altération de la floreoculaire et des infections rebelles (98,5 % deschiens dans une étude101). Les débordements sontfréquents et induisent des dermatoses faciales.

Déficits qualitatifsIl s’agit ici des déficits affectant les fractions lipi-diques et muciniques du film lacrymal. Ces déficitssont encore mal connus et souvent difficiles à dia-gnostiquer en médecine vétérinaire, plus encorechez le chat que chez le chien.

Anomalies de la couche muciniqueOn les rencontre lors de conjonctivites ou kératiteschroniques, de brûlures chimiques et d’hypovitami-nose A.55,116,126,137

La raréfaction en cellules à mucus de la conjonc-tive est à l’origine d’une diminution de la phasemuqueuse du film qui permet l’accrochage du filmlacrymal sur la cornée.62,89 Il en résulte desconjonctivites, des épithéliopathies cornéennes etdes kératoconjonctivites chroniques dont le dia-gnostic est rendu difficile par l’absence de testsimple d’exploration. Le traitement est rebelle auxmédicaments symptomatiques. On doit les suspec-ter lors d’ulcères ou de kératites chroniques asso-ciées à un test de Schirmer normal et à l’absence dedécharge de mucus.Le BUT est fortement diminué (inférieur à 5 se-

condes), la cytologie conjonctivale permet d’envi-sager le diagnostic, mais celui-ci n’est confirméque par la biopsie de la conjonctive dans le cul-de-sac inférieur. Celle-ci permet la mise en évidenceaprès coloration à l’acide périodique Schiff d’unnombre de cellules à mucus insuffisant par rapportaux cellules épithéliales. Classiquement, le rapportcellules à mucus/cellules épithéliales est égal à0,3. Lors de déficit en mucine,51,60,90 on le trouveinférieur ou égal à 0,05. Le test de Schirmer estnormal, voire augmenté.En plus du traitement étiologique, le traitement

symptomatique fait appel aux solutions lubrifiantesmucinomimétiques et surtout aux gels qui ont uncomportement rhéologique proche du mucus. Lehyaluronate de sodium, dont la viscoélasticité estcomparable à celle du mucus, semble le meilleur(solutions de 0,04 % à 0,2 %, une goutte quatre foispar jour). La méthylcellulose, la chondroïtine sul-fate (Lacrypos®) et le carbomère 940 (Ocrygel®)sont également efficaces. Le dextran, excipient

fréquent de nos collyres vétérinaires, aurait égale-ment une action mucomimétique.22

La vitamine A régule la croissance des cellulesépithéliales et a été proposée en complément sousforme topique, mais son utilité reste décriée.137

La ciclosporine, qui possède in vitro un effet surla différenciation des cellules à mucus17,86 pourraitégalement être employée, surtout si l’on rechercheun effet anti-inflammatoire associé.

Anomalies de la couche lipidiqueLa sécrétion des lipides par les glandes de Meibo-mius peut être modifiée par toute atteinte de cesglandes, notamment lors de blépharites ou de mei-bomiites, le plus souvent d’origine infectieuse.Cette infection peut être à l’origine de la formationde produits de dégradation du cholestérol, toxiquespour l’épithélium cornéen et conjonctival. Dansd’autres cas, l’accumulation de sécrétions lipidi-ques est à l’origine de chalazions qui peuvent irriterla cornée.62

Le déficit lipidique est à l’origine d’une instabi-lité du film lacrymal, qui peut se traduire par unBUT diminué et un débordement rapide sur lespaupières, y compris supérieures, souillant la facede l’animal. La coloration par la fluorescéine per-met de mieux le visualiser. L’instabilité du filmpeut également conduire à l’apparition de kératiteschroniques.Le traitement des meibomiites repose sur l’utili-

sation prolongée d’antibiotiques par voie locale etgénérale, éventuellement associée à un curetagechirurgical en cas de meibomiite chronique. Unantibiogramme peut être réalisé sur les sécrétionsmeibomiennes. Les chalazions sont également trai-tés chirurgicalement. Par voie locale, on privilégiel’utilisation de pommades dont l’excipient grascontribue à améliorer la qualité du film la-crymal.126

Ces troubles qualitatifs sont difficiles à diagnos-tiquer, mais il convient de les rechercher en pré-sence d’un épiphora, d’une conjonctivite, d’unekératite rebelle ou ulcérative, et enfin en cas deblépharite.

Luxation de la glande lacrymale nictitante

Cette affection est très répandue, principalementchez les jeunes chiens. On la rencontre plus rare-ment chez les chiens âgés et exceptionnellementchez le chat.6,18,124 On note une nette prédisposi-tion raciale :53 cocker, brachycéphales asiatiques,chiens de chasse courants, shar peï, bouledogues,molossoïdes et chiens géants chez qui elle ne doitpas être confondue avec l’éversion ou l’inversiondu cartilage de la membrane nictitante, les deux

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affections pouvant d’ailleurs être associées. Chezle chien âgé, il convient de faire le diagnosticdifférentiel avec une tumeur de cette glande(Fig. 26) ou un dacryokyste.103

Le rôle de la glande nictitante est important,tant sur le plan de la quantité des larmes que deleur composition. De nombreuses études ont main-tenant démontré que l’ablation de cette glandenon seulement diminue la quantité de la sécrétionlacrymale basale, mais modifie également la qua-lité et la stabilité du film lacrymal.47,77,85,115

Au plan quantitatif, suivant les auteurs et lesparamètres étudiés, on constate des diminutionsallant de 20 à 60 %.85 Ainsi, on trouve des tests deSchirmer 1 diminués de 10 à 22 % et des tests deSchirmer 2 diminués de 31,5 à 43 %.48 Il a égalementété noté, après ablation de cette glande, une lé-gère augmentation du pH lacrymal associée à unediminution importante du BUT (50 %) et l’apparitionde lésions cornéennes discrètes.115 En conclusion,son ablation augmente de plus de 30 % le risque dedévelopper une KCS chez les animaux prédisposés àcette affection.94,95 De même, l’ablation d’unepartie de la membrane nictitante pour des raisonsesthétiques (boxer) favorise l’apparition de KCS.137

Il est donc maintenant admis que l’ablation de laglande nictitante ne doit être envisagée que lors detumeur maligne mettant en péril la survie de l’ani-mal. Dans les autres cas, son ablation est formelle-ment proscrite47 et peut même être interprétéecomme une faute professionnelle, des plaintesayant d’ailleurs déjà été déposées à ce sujet. Destechniques chirurgicales simples permettent de luifaire réintégrer son emplacement en partie infé-rieure de la membrane nictitante16,62,85 (voir Af-fections de la glande nictitante, de la membranenictitante et de la conjonctive, fascicule OP2200 del’Encyclopédie Vétérinaire). Cette chirurgie donnele plus souvent d’excellents résultats.53

Tumeurs

Il existe des tumeurs de la glande lacrymale princi-pale comme de la glande lacrymale acces-soire ;48,65,67,78,107 ce sont le plus souvent des adé-nomes et plus rarement des adénocarcinomes. Encas d’atteinte de la glande lacrymale accessoirepar une tumeur maligne, l’ablation de la totalité dela membrane nictitante est recommandée.78,107 Lessymptômes (exophtalmie, strabisme, procidencede la membrane nictitante, épiphora, etc.) et lestraitements sont ceux des tumeurs orbitaires. Lediagnostic repose sur l’utilisation des cytoponc-tions, de l’échographie et du scanner. Citons enfinles dacryokystes108 (Fig. 27), qui sont rares et peu-vent provoquer les mêmes symptômes. Le traite-ment est chirurgical ; il est simple pour les kystesde la glande nictitante mais beaucoup plus lourd etdélicat lors d’atteinte de la glande principale enraison des difficultés anatomiques de cette région.

Dacryoadénite

C’est l’inflammation de la glande lacrymale princi-pale ou de la glande lacrymale accessoire qui estoccasionnée par des agents infectieux, toxiques outraumatiques. Elle peut conduire au tarissement dela sécrétion.Cette affection est donc rencontrée au cours de

maladies infectieuses comme la maladie de Carré(Fig. 21), un pyomètre ou les syndromes générauxentraînant des phénomènes de déshydratationcomme les occlusions intestinales.81 Elle est alorsréversible à l’arrêt de la maladie. Elle peut égale-ment être secondaire à l’intoxication par des pro-duits, dont les plus connus sont les sulfamides, lesphénothiazines, certains antiépileptiques (cf. su-pra).66,76,93,128

Des traumatismes directs peuvent aussi entraî-ner une inflammation de la glande, de même que lacompression du nerf lacrymal.

Figure 26 Adénocarcinome de la glande lacrymale accessoire.

Figure 27 Dacryokyste.

113Affections du système lacrymal chez les petits animaux

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Hypersécrétions

On observe ici un larmoiement permanent provo-qué par l’excès de larmes. Le test de Schirmer esttrès augmenté, au-delà de 25 mm/min chez lechien et 20 mm/min chez le chat.De rares cas d’hypersécrétions primitives ont été

décrits, mais ils restent exceptionnels.19 Il s’agitpresque exclusivement d’hypersécrétions secon-daires à des phénomènes douloureux (glaucome parexemple), irritatifs ou inflammatoires, comme lesirritations de la cornée provoquées par un corpsétranger, un entropion ou l’herpès virus félin detype 1 chez le chat. De même, on doit recherchersystématiquement la présence d’une anomalie ci-liaire (cils ectopiques, etc.). Le diagnostic différen-tiel doit être fait d’avec l’épiphora26 (cf. infra).

Affections de l’appareil lacrymalexcréteur

Toute obstruction partielle ou totale des voies la-crymales va entraîner un déversement des larmesau canthus interne.16,19,69,70,83,102 Au sens strict, cedébordement porte le nom d’épiphora, qu’ilconviendrait de différencier du larmoiement quiest secondaire à une hypersécrétion. En pratique,de nombreuses publications ne différencient pasces deux entités pathologiques et utilisent le termed’épiphora.19,20

Les étiologies sont très nombreuses. Nous envi-sagerons les causes externes aux voies lacrymales(entropion, symblépharon, tumeur compressive),puis les anomalies sur les voies elles-mêmes :

• absence ou imperforation du point lacrymal ;• absence congénitale, atrésie ou obstruction ducanalicule ;

• trajet anormalement coudé du canalicule chezles chats brachycéphales (persans) ;

• déchirure traumatique du canalicule ;• infection du sac lacrymal ;• obstruction du conduit nasolacrymal.Toutes ces anomalies des voies lacrymales se

traduisent par les mêmes signes cliniques (épi-phora, face souillée, test de Schirmer normal), etseuls les examens complémentaires comme le ca-thétérisme ou la dacryo-cysto-rhinographie per-mettent de préciser la nature et surtout la localisa-tion de la lésion.

Causes externes aux voies lacrymales

Malpositions palpébralesLors d’obstruction secondaire à un entropion ou àun ectropion, le point lacrymal ne se trouve plus en

contact avec le lac lacrymal et ne peut plus remplirses fonctions de drainage. On a alors débordementau canthus interne ou en partie déclive (ectropionsdu cocker, dogues, chow-chow, etc). Le test à lafluorescéine permet d’objectiver ces déborde-ments.

La cure chirurgicale de l’affection causale suffitgénéralement à supprimer l’épiphora (voir Patholo-gie des paupières, fascicule OP200 de l’Encyclopé-die Vétérinaire).

Dans d’autres races, comme le caniche, le bi-chon, le chow-chow, etc., on constate souvent laprésence d’un très léger entropion de l’angle in-terne de la paupière inférieure, qui inverse la posi-tion du point lacrymal et, en le comprimant, rendcelui-ci inefficace (Fig. 28). Le traitement de cetentropion est simple (Fig. 29), mais il ne suffit pastoujours à supprimer totalement l’épiphora, no-tamment chez le caniche chez qui l’origine del’épiphora est souvent multifactorielle (étroitessedes voies lacrymales, effet de mèche dû aux poilsde la caroncule, défaut de pompe lacrymale, etc.).

Figure 28 A. Épiphora du caniche.B. Vue rapprochée.

114 H. Laforge, P. Maisonneuve

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Affections conjonctivalesDe nombreux chats présentent des séquelles d’oph-talmies néonatales ou d’infections respiratoires(herpès virus félin de type 1) qui peuvent se mani-fester par des adhérences palpébroconjonctivales(symblépharon) (Fig. 30) qui peuvent oblitérer lespoints lacrymaux. Le traitement chirurgical est sou-vent décevant dans ce cas, car on assiste régulière-ment à la repousse des membranes. Un chémosispeut également engendrer une obturation réversi-ble des points lacrymaux.

TumeursLes nombreuses néoformations palpébrales ouconjonctivales qui peuvent être à l’origine d’uneobstruction des voies lacrymales (papillomes, cha-lazion, mélanome, adénomes meibomiens, carcino-mes épidermoïdes chez le chat, etc.). Leur ablationsuffit dans la majorité des cas à restaurer uneperméabilité des voies lacrymales. Dans certainscas où leur localisation devient dangereuse pourpratiquer l’ablation sans léser la voie lacrymale, ilpeut être nécessaire de pratiquer au préalable uncathétérisme du canalicule, voire de disséquer soi-gneusement la muqueuse entourant le point la-crymal, et de réimplanter celle-ci après avoir pra-tiqué l’ablation de la tumeur et la partie de lapaupière intéressée.Les tumeurs et pseudotumeurs des voies la-

crymales sont rapportées mais rares.135 Leur abla-tion est facile lorsqu’elles se situent à l’extérieurdes fosses nasales.Enfin, lors d’épiphora, il faut toujours envisager

la possibilité d’un envahissement par une tumeur

agressive provenant d’une zone voisine (tumeur dessinus par exemple). Chez les chats présentant unetumeur orbitaire, ce symptôme est retrouvé chezun tiers des individus. En fréquence, c’est le secondsigne clinique, juste après l’exophtalmie (38 % deschats).39

Absence ou imperforation du point lacrymal

Il existe dans certaines races (cockers anglais etaméricains, caniches, golden retriever, Bedlingtonterrier, chow-chow, épagneul breton) de fréquen-tes imperforations de l’orifice du canalicule infé-rieur.10 Elles sont plus rares chez le chat et affec-tent plutôt le point supérieur.138 Si lesimperforations du canalicule inférieur sont le plussouvent décrites, il faut se souvenir que les imper-forations du canalicule supérieur ne s’accompa-gnent généralement pas de signes cliniques et nesont donc habituellement pas diagnostiquées.Les signes cliniques sont ceux que nous retrou-

vons dans tous les cas d’obstruction des voies la-crymales, à savoir un épiphora, qui peut colorer enrouge les poils humidifiés par l’écoulement deslarmes. La suspicion diagnostique peut se faire parle test à la fluorescéine qui est négatif, ou trèsretardé si le point supérieur a réussi à capter un peude colorant. On confirme alors par l’examen aubiomicroscope qui ne permet pas de trouver lepoint lacrymal. On peut parfois repérer une zone demuqueuse de teinte différente à l’endroit où de-vrait se trouver le point.Le traitement est chirurgical (Fig. 31). On cathé-

térise le point restant, puis on repère la position dupoint manquant par le ballonnement de la conjonc-tive qui se produit lors de l’injection de liquide. Ilfaut ensuite agripper avec une pince à dents lamuqueuse qui recouvre l’orifice, ce qui n’est pastoujours aussi facile qu’il y paraît. Dans certainscas, on n’observe pas le ballonnement ou celui-cipeut être fugace. Il faut alors essayer de repérerune différence de coloration de la muqueuse puis laponctionner avec une aiguille ou une lame de ra-soir. On résèque ensuite la muqueuse à l’aide deciseaux, en prenant la précaution d’épargner le

Figure 29 Correction de l’entropion médial du caniche (d’après 101).

Figure 30 Symblépharon chez un chat ayant souffert d’herpèsvirose.

115Affections du système lacrymal chez les petits animaux

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canalicule. Habituellement, un simple traitementlocal à base d’antibiotiques et de corticoïdes suffità empêcher la réobstruction de l’orifice, mais ilpeut être parfois prudent de réaliser une intubationbicanaliculaire (cf. infra) (Fig. 32).

Atrésie ou sténose du pointet/ou du canalicule

Cette anomalie est soit congénitale, habituelle-ment chez les caniches nains ou toys et chez uncertain nombre de races de petit format, soitacquise suite à une inflammation. Elle affectealors un canalicule ou les deux. Les symptômesobservés sont identiques au cas précédent (im-perforation) et le cathétérisme est parfois pos-sible, de même que l’injection rétrograde. Tou-tefois, il est possible d’élargir chirurgicalementle diamètre du point, ou du canalicule qui luifait suite, à l’aide de dilatateur à voies lacryma-les (dilatateur à boules de Dachaume ou dilata-teurs coniques de Sichel). Ce traitement seul

paraît insuffisant pour éviter la récidive et ilfaut le compléter par la mise en place d’une finetubulure d’intubation (diamètre de 0,65 mm).De même, s’il ne subsiste qu’un seul canalicule,on utilise la technique d’intubation bicanalicu-laire afin de restaurer le point manquant. Latubulure est maintenue 4 semaines et est géné-ralement bien supportée. On l’associe à un sim-ple traitement local antibiotique et anti-inflammatoire.

Obstruction du canalicule et dacryocystite

Les obstructions des canalicules et les inflamma-tions du sac lacrymal (dacryocystites) sont souventintimement liées, qu’il s’agisse d’une infection oud’un corps étranger.La dacryocystite (Fig. 33) s’accompagne le plus

souvent d’une infection et d’une suppuration chro-nique qui souille les paupières et que l’on peutconfondre à tort avec une conjonctivite modérée etrebelle dont elle peut être la cause. L’inflamma-tion et l’infection provoquent une décharge muco-

Figure 31 Ablation de la muqueuse recouvrant un point lacrymal imperforé71.A. Par injection de liquide.B. Par cathétérisme rétrograde. 1. Fil de Nylon® introduit par l’ostium nasolacrymal ; 2. canal nasolacrymal ; 3. découpe au niveau dela déformation.

Figure 32 Visualisation de l’imperforation du point lacrymalinférieur à l’aide de la sonde « queue de cochon ». Figure 33 Dacryocystite chez un chien beauceron.

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Page 25: Affections du système lacrymal chez les petits animaux

purulente et une desquamation des cellules inflam-matoires qui vont conduire à l’obstruction du sac oudu conduit nasolacrymal.Le diagnostic se fait par pression sur le sac la-

crymal et par cathétérisme des voies lacrymales :on voit alors s’échapper du pus, des débris cellulai-res, et éventuellement un ou des corps étrangers dupoint lacrymal opposé à celui par lequel le liquideest injecté. L’épillet de graminées est le corpsétranger le plus souvent responsable des dacryocys-tites car, ayant pénétré par un point lacrymal, ilchemine dans le canalicule retenu par ses barbuleset vient se bloquer dans le sac lacrymal à l’endroit

où celui-ci se rétrécit pour pénétrer ensuite dansson trajet intraosseux. Un cas où deux épilletssuccessifs ont été retirés a même été décrit.72,98

L’extraction de ces corps étrangers peut nécessiterl’ouverture du sac lacrymal.Le traitement fait appel au cathétérisme et au

lavage afin d’éliminer pus et cellules inflammatoi-res. L’extraction de corps étrangers peut nécessiterl’ouverture du sac lacrymal.On poursuit ensuite par la mise en place d’un

drain à demeure dans les voies lacrymales, consti-tué d’un monofilament de Nylon® D2 ou D3 surlequel vient s’enchâsser, si possible, un tube en

Figure 34 Intubation bicanaliculaire.70

Figure 35 Traitement de la dacryocystite.70

Figure 36 Réparation d’une lacération du canalicule.

117Affections du système lacrymal chez les petits animaux

Page 26: Affections du système lacrymal chez les petits animaux

silicone, polyéthylène ou Téflon®. Suivant les cas,on utilise la technique d’intubation bicanaliculaire(obstruction d’un canalicule) (Fig. 34) ou un cathé-térisme entre le point supérieur et l’égout nasal(dacryocystite) (Fig. 35). Ce drain sert à favoriserl’élimination des déchets protéiques que le lavagen’a pu totalement ôter, permet la diffusion destraitements locaux, mais surtout empêche la ré-traction puis la sténose des voies lacrymales, quiest alors définitive et nécessite d’avoir recours àdes interventions plus lourdes (cf. infra). Les da-cryocystites et les inflammations importantes descanalicules sont en effet une cause importanted’obstruction permanente des voies lacrymales.Dans certain cas, on peut également poser à de-meure, dans le point lacrymal supérieur, à traversla paupière, un cathéter qui permet des irrigations

antiseptiques biquotidiennes pendant une semaine.On associe un traitement topique antibiotique(chloramphénicol, tétracyclines). Les anti-inflammatoires sont utiles pour limiter les risquesde sténose. Les drains et le traitement médical sontmaintenus 4 semaines.

Déchirure traumatique du canalicule

La rupture traumatique du canalicule lacrymal peutêtre la conséquence d’une déchirure de la paupièreà la suite d’un coup de griffe, d’un accident de lacirculation ou de toute autre plaie. En pratique, onl’observe exceptionnellement et son origine est leplus souvent iatrogène. C’est pour cette raison quel’on conseille de toujours repérer les canaliculeslors d’une intervention sur les paupières.La réparation du canalicule doit être effectuée

minutieusement sous microscope opératoire, enayant au préalable identifié les parties proximaleet distale qui sont cathétérisées à l’aide d’unesonde spiralée de Worst à intubation bicanaliculaireou d’une sonde bicanaliculaire de Bodkin (Fig. 36).Un cathéter en silicone (0,65 mm) est ensuite misen place jusqu’à la cicatrisation, qui est générale-ment rapide et sans sténose dès l’instant où elles’effectue par première intention. La technique estsimilaire à celle utilisée pour l’intubation bicanali-culaire.Figure 37 Intubation bicanaliculaire en place.

Figure 38 Dacryorhinostomie chez un chat persan souffrant d’anomalie des voies lacrymales.

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Page 27: Affections du système lacrymal chez les petits animaux

Obstructions du canal lacrymonasal

L’origine est le plus souvent traumatique (morsu-res) ou infectieuse (infection respiratoire supé-rieure, rhinite chronique et maladies dentaires),plus rarement inflammatoire ou tumorale (tumeurdes sinus, carcinome épidermoïde). Lors d’obstruc-tion basse des voies lacrymales, on utilise l’intuba-tion entre le point lacrymal supérieur et les fossesnasales (Fig. 37). La prothèse est laissée en place4 semaines, et on associe un traitement local à based’antibiotiques et corticoïdes. Toutes ces techni-ques d’intubation sont relativement bien suppor-tées par les animaux, mais moins par les propriétai-res en raison du port prolongé du carcan. Enfin, si lecathétérisme est impossible, on a recours aux tech-niques palliatives (cf. infra).

Trajet anormalement coudédes voies lacrymales

Chez les races brachycéphales, en particulier chezle chat persan, le trajet du canalicule inférieur esttellement coudé qu’il rend celui-ci totalementinefficace. Le test à la fluorescéine peut être posi-tif, mais le cathétérisme est toujours réalisé avecdifficulté. L’anatomie suffit à elle seule à expliquerle défaut d’élimination des larmes et l’épiphora,que l’on peut résoudre en créant une nouvelle voied’évacuation par conjonctivorhinostomie (Fig. 38).

Techniques de restauration palliativesdes voies lacrymales

Bien souvent, il y a impossibilité de retrouver unestructure anatomique complète et le cathétérismeéchoue. Cela nous amène à créer une nouvelle voied’élimination des larmes. De nombreuses techni-ques ont été décrites chez de nombreuses espèces.Elles consistent toutes à mettre en communicationle canalicule ou le cul-de-sac conjonctival inférieuravec une nouvelle zone d’élimination.La conjonctivorhalostomie, qui consiste à mettre

en communication cul-de-sac conjonctival inférieuret cavité buccale, est aujourd’hui abandonnée enraison de ses trop nombreuses complications, no-tamment infectieuses.On lui préfère la conjonctivorhinostomie qui met

en relation le canalicule, ou à défaut le cul-de-sacinterne, avec les fosses nasales. Il existe de nom-

Figure 39 Principe de la conjonctivorhinostomie et la conjonctivorhalostomie.70

Figure 40 Conjonctivorhinostomie chez un abyssin souffrant desymblépharon causé par une herpès virose.

119Affections du système lacrymal chez les petits animaux

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breuses techniques (dacryocystorhinostomie, da-cryorhinostomie, lacorhinostomie, etc.)21,32,75

(Fig. 39, 40).Toutefois, ces techniques relativement lourdes

et pénibles, tant pour l’animal que pour le chirur-gien, ne doivent être employées qu’en parfaiteconnaissance de leurs limites. Les résultats peuventêtres aléatoires, voire décevants, surtout en ce quiconcerne le résultat esthétique, qui est souvent leseul que recherche le propriétaire.En conclusion, rappelons que toutes les techni-

ques précédemment décrites nécessitent de préci-ser avec exactitude la nature et surtout la localisa-tion de la lésion (Fig. 41). Cela impose unedémarche diagnostique rigoureuse, parfois longue,avant d’envisager un traitement adapté. Cela peutse révéler lourd pour le propriétaire dont ilconvient de bien préciser les attentes.

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Injection par le point supérieur

Traitement :dacryorhino-

ou -rhalostomie

Diagnostic :absence ou atrésie

des canalicules

Ne ressort pas

Ne ressort pas

Obstruction manuelledu point inférieur

Ressort par le point inférieur Ressort par le pointinférieur et le nez

Ressort par le nez seulement

Diagnostic :absence ou imperforationdu point lacrymal inférieur

Traitement :intubation bicanaliculaire

Diagnostic :intégrité du conduit

nasolacrymalet des canalicules

Diagnostic :obstruction du conduit

nasolacrymal

Traitement :Dacryorhino- ou -rhalostomie

Figure 41 Algorithme de diagnostic de la zone d’obstruction.

120 H. Laforge, P. Maisonneuve

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