À propos d’un cas de fongémie à kodamaea ohmeri : difficultés d’identification et revue de...

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CAS CLINIQUE/CASE REPORT À propos d’un cas de fongémie à Kodamaea ohmeri : difficultés d’identification et revue de la littérature Kodamaea ohmeri fungemia: Difficulties of identification and review of the literature C. Koebel a , V. Letscher-Bru a, * , D.-I. Varela b , J. Waller a , J. Marescaux b , P. Dupeyron c , E. Candolfi a a Laboratoire de parasitologie et de mycologie me ´ dicale, institut de parasitologie et de pathologie tropicale, ho ˆ pitaux universitaires de Strasbourg, 3, rue Koeberle ´ , 67000 Strasbourg, France b Service de chirurgie ge ´ne ´ rale et endocrinienne, ho ˆ pitaux universitaires de Strasbourg, 1, place de l’Ho ˆ pital, 67000 Strasbourg, France c De ´ partement d’anesthe ´ siologie, ho ˆ pitaux universitaires de Strasbourg, 1, place de l’Ho ˆ pital, 67000 Strasbourg, France Rec¸u le 14 novembre 2007 ; accepte´ le 20 mars 2008 Disponible sur Internet le 27 mai 2008 MOTS CLÉS Kodamaea ohmeri ; Fongémie ; Milieux chromogènes Résumé Kodamaea ohmeri est une levure rarement isolée en pathologie humaine. Depuis le premier cas de fongémie décrit en 1998, une quinzaine d’infections locales ou disséminées impliquant cette levure ont été décrites. Nous rapportons le cas d’une patiente de 91 ans hospitalisée pour une altération de l’état général. Devant la suspicion d’une ischémie intesti- nale, elle subit une laparotomie exploratrice et une colostomie. Au dix-huitième jour d’hospi- talisation, elle développe une embolie pulmonaire, puis présente, les jours suivants, une fièvre fluctuante, une cyanose des extrémités et une hyperleucocytose. Une aspiration trachéale, un prélèvement urinaire, puis une hémoculture révèlent la présence d’une levure tout d’abord identifiée comme Candida albicans sur milieu chromogène. Une relecture des primocultures, au bout de 96 heures, met en évidence une modification de l’aspect des colonies et remet en cause l’identification initiale. Des tests biochimiques complémentaires et un séquençage moléculaire permettent finalement d’identifier K. ohmeri. L’état respiratoire de la patiente se dégrade progressivement et elle décède au vingt-cinquième jour d’hospitalisation. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Kodamaea ohmeri; Abstract Kodamaea ohmeri is a yeast that has rarely been isolated in human disease. Since the first reported case of fungemia in 1998, 15 cases of local or disseminated infections involving K. ohmeri have been reported. Here, we report the case of a 91-year-old woman who was admitted for impairment of her general condition and underwent a laparotomy because Journal de Mycologie Médicale (2008) 18, 106110 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (V. Letscher-Bru). Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/mycmed 1156-5233/$ see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.mycmed.2008.03.002

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Page 1: À propos d’un cas de fongémie à Kodamaea ohmeri : difficultés d’identification et revue de la littérature

CAS CLINIQUE/CASE REPORT

À propos d’un cas de fongémie à Kodamaea ohmeri :difficultés d’identification et revue de la littérature

Kodamaea ohmeri fungemia: Difficulties ofidentification and review of the literature

C. Koebel a, V. Letscher-Bru a,*, D.-I. Varela b, J. Waller a,J. Marescaux b, P. Dupeyron c, E. Candolfi a

a Laboratoire de parasitologie et de mycologie medicale, institut de parasitologie et de pathologie tropicale,hopitaux universitaires de Strasbourg, 3, rue Koeberle, 67000 Strasbourg, Franceb Service de chirurgie generale et endocrinienne, hopitaux universitaires de Strasbourg, 1, place de l’Hopital,67000 Strasbourg, FrancecDepartement d’anesthesiologie, hopitaux universitaires de Strasbourg, 1, place de l’Hopital, 67000 Strasbourg, France

Journal de Mycologie Médicale (2008) 18, 106—110

Dispon ib le en l igne sur www.sc iencedi rect .com

journa l homepage: www.e l sev ie r.com/locate/mycmed

Recu le 14 novembre 2007 ; accepte le 20 mars 2008Disponible sur Internet le 27 mai 2008

MOTS CLÉSKodamaea ohmeri ;Fongémie ;Milieux chromogènes

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : valerie.letscher@

1156-5233/$ — see front matter # 20doi:10.1016/j.mycmed.2008.03.002

Résumé Kodamaea ohmeri est une levure rarement isolée en pathologie humaine. Depuis lepremier cas de fongémie décrit en 1998, une quinzaine d’infections locales ou disséminéesimpliquant cette levure ont été décrites. Nous rapportons le cas d’une patiente de 91 anshospitalisée pour une altération de l’état général. Devant la suspicion d’une ischémie intesti-nale, elle subit une laparotomie exploratrice et une colostomie. Au dix-huitième jour d’hospi-talisation, elle développe une embolie pulmonaire, puis présente, les jours suivants, une fièvrefluctuante, une cyanose des extrémités et une hyperleucocytose. Une aspiration trachéale, unprélèvement urinaire, puis une hémoculture révèlent la présence d’une levure tout d’abordidentifiée comme Candida albicans sur milieu chromogène. Une relecture des primocultures, aubout de 96 heures, met en évidence une modification de l’aspect des colonies et remet en causel’identification initiale. Des tests biochimiques complémentaires et un séquençage moléculairepermettent finalement d’identifier K. ohmeri. L’état respiratoire de la patiente se dégradeprogressivement et elle décède au vingt-cinquième jour d’hospitalisation.# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSKodamaea ohmeri;

Abstract Kodamaea ohmeri is a yeast that has rarely been isolated in human disease. Since thefirst reported case of fungemia in 1998, 15 cases of local or disseminated infections involvingK. ohmeri have been reported. Here, we report the case of a 91-year-old woman who wasadmitted for impairment of her general condition and underwent a laparotomy because

medecine.u-strasbg.fr (V. Letscher-Bru).

08 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Fongémie à Kodamaea ohmeri 107

Fungemia;Chromogenic media

intestinal ischemia was suspected. On day 18, pulmonary embolism was diagnosed. In thefollowingdays, shepresented intermittent fever, cyanosisof theextremitiesandanelevatedwhiteblood cells counts. Tracheal aspiration, urine and blood cultures revealed the presence of a yeast,first identified on chromogenic media asCandida albicans. The cultures were examined again after96 hours and after biochemical analysis and molecular sequencing K. ohmeri was identified.Progressive deterioration of respiratory function led to the death of the patient on day 25.# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction

Bien que les levures du genre Candida occupent toujours lepremier rang en matière d’infections fongiques, d’autresgenres, tels que Trichosporon, Rhodotorula, Malassezia ouPichia [5] ont été plus récemment incriminées en pathologiehumaine, en particulier chez des patients présentant unterrain d’immunodépression. Kodamaea ohmeri, auparavantrattachée aux genres Pichia (P. ohmeri) ou Yamadazyma(Y. ohmeri), est une levure appartenant à la classe desAscomycètes et à la famille des Saccharomycetaceae [18].Isolée pour la première fois en 1984 par Kurtzman à partir duliquide pleural d’un patient, elle a alors été considéréecomme un contaminant [8]. Bien que sa mise en évidenceen pathologie humaine reste exceptionnelle, cette levure aété mise en cause, depuis, dans une quinzaine d’infectionshumaines impliquant divers sites, majoritairement desfongémies [1,3,4,6,10—12,16,17].

Nous rapportons un nouveau cas de fongémie à K. ohmerichez une femme de 91 ans.

Observation

Une patiente de 91 ans est admise aux urgences pourmalaise, déshydratation et altération de l’état général. Unexamen cytobactériologique du liquide céphalorachidien etdes urines réalisés le jour de l’admission s’avèrent normaux.Devant la suspicion d’une ischémie intestinale, elle est priseen charge au bloc opératoire pour une laparotomie explora-trice qui révèle une nécrose ischémique rectosigmoïdienne,nécessitant la réalisation d’une intervention de Hartmann(colostomie). Au décours de l’intervention, un cathétercentral d’insertion jugulaire est mis en place en vue d’unenutrition parentérale et une sonde urinaire est posée. Uneantibiothérapie postopératoire par Augmentin1 par voieintraveineuse, 1 g trois fois par jour, et Flagyl1 par voieintraveineuse, 500 mg deux fois par jour, est instaurée pen-dant cinq jours, puis interrompue, la patiente ayant toujoursété apyrétique. L’analgésie est obtenue par Morphine1 etContramal1 intraveineuse et une héparinothérapie préven-tive est instaurée.

Une hémoculture de contrôle, prélevée le lendemain del’intervention, reste stérile. Une aspiration trachéaleprélevée à j5 révèle la présence de levures, alors iden-tifiées comme C. albicans sur milieu chromogène (quan-tification supérieure à 40 colonies), C. glabrata (20 à 40colonies) et C. guillermondii (moins de dix colonies).L’identification de C. albicans sera ultérieurement rec-tifiée en K. ohmeri. La patiente est extubée le lendemain,mais son état respiratoire nécessite le maintien d’unmasque à oxygène.

À j7 d’hospitalisation, la patiente présente des œdèmeset des suintements des membres supérieurs. En raison d’unesécrétion purulente au niveau de la cicatrice, une antibio-thérapie par Augmentin1 par voie intraveineuse, 1 g troisfois par jour, et Ciflox1 par voie intraveineuse, 400 mg deuxfois par jour, est réinstaurée. La culture du frottis de cica-trice met en évidence des bacilles Gram négatif (Enterobac-ter cloacae et Morganella morganii), ainsi que de rarescolonies de C. glabrata. La patiente est toujours apyrétique.Une corticothérapie par Solumédrol1 par voie intraveineuse,20 mg par jour, est également décidée, du fait d’une throm-bopénie à 62 G/L, sans doute liée à l’héparinothérapie.

À j18 d’hospitalisation, le diagnostic d’embolie pulmo-naire est posé devant des signes de détresse respiratoireaiguë. La patiente présente toujours des œdèmes et suinte-ments des membres supérieurs et inférieurs, elle est trèsalgique à la mobilisation. Son hémogramme révèle unehyperleucocytose à 33 G/L avec 88 % de polynucléairesneutrophiles, la CRP est normale à 6 mg/L. Des examensbactériologiques et mycologiques des urines prélevées sur lasonde le lendemain révèlent la présence de très nombreuseslevures à l’examen direct. La culture permet dans un premiertemps d’identifier plus de 40 colonies de C. albicans et deC. parapsilosis ; au bout de 96 heures, une relecture de laculture met en évidence une modification de l’aspect macros-copique des colonies identifiées initialement commeC. albicans et des tests complémentaires montrent qu’ils’agit, en réalité, de K. ohmeri. La souche isolée à j5 à partirde l’aspiration trachéale et initialement identifiée commeC. albicans est reprise et également identifiée commeK. ohmeri. La nuit suivante, la patiente, toujours très algiqueà la mobilisation, présente une fièvre à 38 8C et une cyanosedes extrémités, qui ont motivé la prescription d’une perfusionsur une heure d’une dose unique de 400 mg de Triflucan1. Elleest légèrementhypothermique (36 8C) les jours suivants tandisque cyanose des extrémités et phlyctènes persistent.

À j22, elle est à nouveau subfébrile (38 8C), ce qui motivela réalisation d’hémocultures bactériennes et fongiques sursang artériel. Une hémoculture est positive à K. ohmeri.L’hyperleucocytose (19 G/L) à polynucléaires neutrophiles(87 %) persiste et la CRP est à 68 mg/L. Aucun traitementantifongique n’est mis en route. La fièvre disparaît dès lelendemain (36—36,5 8C), mais l’état respiratoire de lapatiente se dégrade peu à peu avec encombrement bron-chique très important, conduisant au décès par arrêt cardio-respiratoire à j25.

Mycologie

K. ohmeri a été isolée chez cette patiente à partir de troissites : respiratoire (aspiration trachéale) à j5 d’hospitalisa-

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108 C. Koebel et al.

tion, urinaire (urine sur sonde) à j19 et sanguin à J22(hémoculture prélevée sur sang artériel sur milieu MycosisIC/FTM et incubée dans le système automatisé Bactec 9240TM

[Becton Dickinson]).Au bout de 24 et 48 heures, ces trois cultures ont permis

l’isolement de colonies bleues brillantes sur milieu chromo-gène ChromIDTM Candida (bioMérieux), de texture et couleursimilaire aux colonies de C. albicans et, par conséquent,identifiées comme tel dans un premier temps dans l’aspira-tion trachéale et dans les urines. Une relecture des primo-cultures au bout de 96 heures a mis en évidence unemodification de l’aspect des colonies, devenues plusmuqueuses, de couleur violacée avec un dôme central bleu.Des méthodes d’identification complémentaires ont étémises en œuvre. L’examen morphologique sur milieu PCBen culture sur lame a montré des petites levures rondes sanspseudofilamentation. Le profil biochimique en galerie Auxa-color 2TM (Bio-Rad) (code du profil 75 602) ne correspondait àaucune des espèces référencées par cette technique. Lesystème Vitek II (bioMérieux) a identifié C. guillermondiiet la galerie ID 32C (bioMérieux) a identifié de K. ohmeri(code du profil 5177/1500-1/1). L’identification a étéconfirmée par séquençage moléculaire des régions ITSF1et ITSF4. L’ADN a été extrait à partir des colonies fongiquessur des colonnes QiAampTM DNA Blood Mini kit (Qiagen) aprèsprétraitement par un tampon de lyse, amplifié par PCR àl’aide des primers fongiques universels ITSF1 et ITSF4 [13],

Tableau 1 Synthèse des infections à Kodamaea ohmeri, adaptéTable 1 Reported cases of Kodamaea ohmeri infections, adapted

Âge/sexe Facteurs de risque Site de l’infec

48/F Diabète, transplant rénal, cathétercentral, nutrition parentérale

Fongémie

64/M Dialyse péritonéale Péritonite, Diabète, chirurgie Fongémie14/M Leucémie, neutropénie, cathéter

centralFongémie

74/M Tumeur sous-cutanée, plaie Infection de p84/M Carcinome sinus, cathéter central Fongémie42/M Hépatite C, toxicomanie

intraveineuse, lésions cutanées,vasculopathies

Endocardite

71/M Diabète, pacemaker, endocardite,laparotomie

Fongémie

58/F Leucémie, neutropénie, cathétercentral

Fongémie

8 mois/M Encéphalite Fongémie10/M Leucémie aiguë, neutropénie,

cathéter centralFongémie

73/M Lymphome, chimiothérapie etcorticoïdes

Infection urina

76/M Pacemaker, valve Endocardite59/M Hospitalisation et antibiothérapie

prolongéesPhlébite + fong

NNé/F Prématuré (25SA), poids : 680 g Fongémie91/F Laparotomie, chirurgie digestive,

cathéter centralFongémie

AmB : amphotéricine B ; AmB-L : amphotéricine B liposomale ; 5FC :

puis séquencé (société Cogenics). L’analyse des séquences aensuite été faite avec l’outil BLAST (http://www.ncbi.nlm.nih.gov) et le résultat intégré aux données morphologiqueset biochimiques déjà obtenues sur la souche.

La sensibilité aux antifongiques de la souche isolée del’hémoculture a été testée par méthode E-testTM (ABBiodisk) ; elle était sensible à l’amphotéricine B(CMI = 0,094 mg/mL), au fluconazole (CMI = 4 mg/mL), àl’itraconazole (CMI = 0,094 mg/mL) ainsi qu’au voriconazole(CMI = 0,094 mg/mL) et présentait des CMI basses pour leposaconazole (0,094 mg/mL) et pour la caspofungine(0,38 mg/mL).

Discussion

K. ohmeri est une levure environnementale, fréquemmentutilisée dans l’industrie alimentaire pour ses propriétés fer-mentatives, en particulier dans la fabrication des pickles [8].Il s’agit du téléomorphe de Candida guilliermondii variétémembranaefaciens.

Les infections profondes impliquant K. ohmeri sont trèsrares. Le premier cas de fongémie a été décrit en 1998 parBergman et al. [1]. Au total, seuls dix cas de fongémie ont étérapportés [1,3,4,6,10—12,16,17]. Par ailleurs, un cas depéritonite [2], deux cas d’endocardite [7,15], une infectionurinaire [14] et une infection de plaie [4] ont également été

de Ostronoff et al. [11].from Ostronoff et al. [11].

tion Traitement Issue Référence

5FC, AmB Décès [1]

5FC, AmB, retrait cathéter Guérison [2]? ? [3]5FC, retrait cathéter Guérison [4]

laie Drainage Décès [4]5FC, AmB, retrait cathéter Décès [6]Chirurgie, AmB-L Guérison [7]

AmB Décès [10]

AmB-L, retrait cathéter Guérison [11]

5FC Décès [12]AmB Guérison [12]

ire 5FC Guérison [13]

chirurgie, 5FC, AmB Guérison [14]émie AmB Guérison [15]

5FC, AmB AmB-L Guérison [16]Fluconazole Décès

flucytosine.

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Fongémie à Kodamaea ohmeri 109

publiés. Les caractéristiques de ces différentes infectionssont résumées dans le Tableau 1. Les patients cités dans cesrapports, âgés de quelques jours à 84 ans, présentaient tousplusieurs facteurs ayant pu favoriser la survenue d’uneinfection fongique : déficit immunitaire (neutropénie dueà un traitement immunosuppresseur ou à une hémopathie,diabète, prématurité) [1,3,4,11,12,14,17], effraction de labarrière cutanéomuqueuse par des matériaux invasifs (intu-bation, sondage urinaire, cathéter central) [1,2,4,6,11,12,14] ou par une plaie [4,7], antibiothérapie à large spectre[16], intervention chirurgicale [3,10] ou encore nutritionparentérale [1]. Le traitement reposait sur l’administrationde fluconazole ou d’amphotéricine B, associée au retrait ducathéter si celui ci était contaminé ou à des procédéschirurgicaux. Une guérison a été obtenue pour neuf patientstandis que l’infection a provoqué le décès ou a contribué àcelui-ci dans cinq cas. L’information n’a pas été retrouvéepour un cas [3].

Plusieurs conditions prédisposant aux infections fongi-ques étaient également réunies chez notre patiente, puis-qu’elle a subi, dès son admission, une laparotomie suivied’une intervention de Hartmann. Elle a bénéficié ensuited’une nutrition parentérale par cathéter central, d’un son-dage urinaire permanent, d’une antibiothérapie prolongéeainsi que d’une corticothérapie. La porte d’entrée n’a pour-tant pas été identifiée avec certitude. Il pourrait s’agir d’unpoint de départ urinaire, par colonisation de la sonde oud’une porte d’entrée respiratoire au vu de l’aspiration tra-chéale positive à K. ohmeri dès j5 et de la dégradationrespiratoire de la patiente au cours des derniers jours. Lecathéter veineux central ne peut être exclu, car il n’a pas étéexploré, ni par le biais d’hémocultures ni par mise enculture.

L’identification de K. ohmeri n’a été obtenue que tardi-vement en raison d’une erreur d’identification initiale, lalevure ayant été faussement identifiée dans un premiertemps comme du C. albicans, car elle présentait sur milieuchromogène ChromIDTM Candida l’aspect typique bleu,bombé et brillant des colonies de C. albicans. L’erreurd’identification a été détectée lors de la relecture de laprimoculture après 96 heures d’incubation, car l’aspect descolonies s’était légèrement modifié avec l’apparition d’uneteinte plus violacée et d’un dôme central bleu. Un repiquagede la souche sur deux autres milieux chromogènes, CHRO-Magar Candida (Becton Dickinson) et CandiSelect4 (Bio Rad),a donné des colonies similaires à celles de C. albicans sur cesdeux milieux après 48 heures d’incubation suivi d’une modifi-cation de la couleur des colonies plus tardivement. Cetaspect évolutif particulier des colonies de K. ohmeriavait déjà été mis en évidence par Lee et al. [9]. Pournotre souche, l’identification finale n’a pu être obtenuequ’avec la galerie ID32CTM et a été ensuite confirmée parséquençage moléculaire. Contrairement aux résultats deLee et al. [9], le Vitek II n’a pas aboutit à l’identificationprécise de K. ohmeri, mais proposait C. guilliermondii,proche de l’anamorphe de K. ohmeri. Ces difficultésd’identification, en particulier l’identité morphologiquemacroscopique de C. albicans et K. ohmeri au bout de24 et 48 heures sur les milieux chromogènes utilisés,suggèrent un risque de méconnaissance et de sous-estimation de la présence de cette espèce dans lesprélèvements analysés. Il faut souligner l’importance

d’une relecture systématique des cultures après 72 à96 heures d’incubation.

Conclusion

Depuis quelques années, les infections fongiques invasivesimpliquant des levures autres que C. albicans suscitent unintérêt croissant, le perfectionnement des techniques diag-nostiques permettant une identification plus précise desagents pathogènes. K. ohmeri est une levure rarement isoléeen clinique, mais, au vu des observations publiées au coursdes dix dernières années, elle s’ajoute à la liste croissantedes pathogènes opportunistes responsables d’infections sur-venant à tout âge, particulièrement sur un terrain d’immu-nodépression. Sa présence pourrait toutefois être méconnuesur les milieux chromogènes en raison de sa similitudemorphologique de ses colonies avec celles de C. albicansaprès 24 et 48 heures d’incubation. L’erreur d’identificationinitiale décrite dans cette observation met l’accent sur lesprécautions de rigueur pour l’analyse des cultures sur milieuxchromogènes et, surtout, sur la nécessité d’une relecturesystématique des primocultures au bout de quelques jours.

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