1885 - le franc maçon n°7 - 7-14 novembre 1885 - 1ère année.pdf

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Première Année. N" 7. Le Numéro : ± O Centimes. Du Samedi 7 Novembre an Samedi H Novembre 188S Liberté PI galité Fraternité Travail Solidarité Justice I?£i:ra,i!3sa,:n--t le Ssumaecii Bien penser Bien dire Bien faire Vérité I_i TJL m i è T e Humanité ABONNEMENTS Six mois 4 fr. 50 Un an 6 fr. Etranger Le port en sus Recouvrement par la poste, 50 c. en plus. Adresser les demandes et émois de tonds au Trésorier-Administrateur. Boite, rue Ferrandière, 52 RÉDACTION & ADMINISTRATION Adresser tout ce qai concerne la Rédaction et l'Administration, 52, rue Ferrandière, 52 s L-sroisr îPARIS Vente en gros et abonnements, Agence de librairie PKRINET, 9, rue du Croissant - PARIS ANNONCES Les Annonces sont reçues à l'Agence V. FOURNIER & G ie 14, rue Confort, 14 et a/u. Bureau d.11 CToiirnaJ. Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus AVIS Dès aujourd'hui, le Franc-Maçon est mis en vente à : PARIS Agence de librairie PÉRINET, 9, rue du Crois- sant. Les abonnements sont reçus à la même adresse, 9, rue du Croissant, Paris. MONTPELLIER Société anonyme du Petit Méridional, 5, rue Leenhardt, doivent être adressées les de- mandes de dépôts dans les diverses villes des départements du Gard, de l'Hérault et dépar- lements limitrophes. SEDAN Papeterie-librairie, Cartier aine, 1, Grande Rue. BORDEAUX Chez M. Graby, marchand de journaux. Les abonnements sont reçus aux mêmes adresses. I Noire journal est également mis en vente dans les bi bliolhèques des gares. On le trouve notamment à PARIS- ORLÉANS, SAINT-LAZARE, NORD ; TARASGON, NÎMES, Lyon- BROTTEAUX, PERRACHE, SAINT-PAUL , VAISE, MARSEILLE, TOURS, NANTES, REIMS, LE HAVRE, BORDEAUX, TOULOUSE, LILLE, etc. A partir dit prochain numéro le service sera étendu à toutes nos principales villes et à l'étranger. Jusqu'à nouvel ordre, il est entendu que toutes les demandes d'abonnement partent du 1 er numéro paru. La collection entière est donc adressée à tous nos nouveaux abonnés . Les abonnements sont en recouvrement. Prière de réserver bcn accueil aux mandats de 6 fr. 50, qui, selon les avis antérieurs seront présentés par la poste. S OIMIIvr J^IZRIE Le Franc-Maçon. Esprits des Morts et des Vivants. La révocation de l'Edit de Nantes. Le respect au Concordat. La confession auriculaire. Le catholi- cisme jugé par Montesquieu. La Croisade noire. Taxes de la Chancellerie aposlolique. Curieuse sta- tistique. Les journaux maçonniques. Maçonnerie internationale. Revue des théâtres. Bibliographie. Petite correspondance. Tribune du Travail. LE « FRANO-MAÇOM » C'est encore de notre journal qu'il faut parler aujourd'hui. Succès oblige, dit-on, et jamais succès plus complet n'a couronné un plus sincère effort. Nous pouvons, dès à présent, rassurer nos amis, nos lecteurs, et aussi nos adversaires de la vitalité et de la prospérité croissante du journal que nous avons lancé depuis un peu plus d'un mois, et qui marche, à cette heure, d'un pas alerte, grandissant chaque jour et déjà sorti des lisières. On peut maintenant voir nos allures, notre pensée, notre but. Nous ne sommes pas les instruments d'un parti, d'un groupe, nous n'apportons pas un élément de dis- corde ou de désagrégation. Nous nous sommes interdit les questions personnelles en même temps que disparaissait la person- nalité de nos collaborateurs. Nous nous sommes également interdit la discussion des théories qui divisent soit la Franc-Ma- çonnerie, soit la République. Œuvre d'u- nion, de fraternité et de solidarité , le ((Franc-Maçon » se contente de combattre le grand combat de l'esprit moderne contre les idées surannées, des principes philoso- phiques contre les idées théocratiques, de la vérité contre l'erreur, de la bonne foi contre les partis pris. Il y a un champ qui suffirait à une plus grande ambition que la nôtre, et c'est que nous entendons faire notre récolte, notre propagande. C'est pour aider à ce résultat que nous ambitionnons de devenir les porte-paroles des orateurs de la Maçon- nerie dont la voix se fera publiquement entendre. C'est pour cela que nos colonnes sont ouvertes à tous ceux qui. sous une forme modérée, nous apporteront de la juste et libre pensée.. Déjà, nous sommes fiers de le constater, les communications et les correspondances nous parviennent nombreuses. Déjà, nous allons aux extrêmes limites des provinces de langue française, déjà nous voyons clas- sée régulièrement l'augmentation de notre tirage, déjà cette progression nous démon- tre que notre journal répondait à un besoin réel, et nous donne un surcroît de courage et de certitude. Aussi, jaloux de mériter la faveur qu'on nous témoigne, songeons-nous à répondre à cet empressement en améliorant la con- dition matérielle du « Franc-Maçon » . Nous étudions un agrandissement de format, du papier meilleur, permettant une impression plus nette. Bref, nous vou- lons que nos excellents collaborateurs soient lus facilement et que la forme ty- pographique de leurs intéressants articles devienne digne du jour c'est à quoi nous arriverons sous peu. En attendant, merci encore à tous ceux qui aident au succès de cette oeuvre de libre pensée, de libre conscience et de libre discussion. ESPRIT DES MORTS ET DES VIVANTS L"homme est .si bien fait pour être libre que l'esclavage détruit l'espèce. A. MARTIN. Le despotisme religieux a perdu l'Espagne, tandis que la liberté religieuse a fait la fortune de la Hollande et de l'Angleterre. E. LABOULAYE. Il ne doit pas y avoir de citoyen, clerc ou laïque, qui soit soustrait à l'action des lois. DUPIN. La liberté serait un mal si on gardait dos mœurs d'es- clave. MICHELET. Un gouvernement libre qui ne repose pas sur une so ciété libre est aussi fragile que le serait un arbre sans ra- cines. PRÉVOST-PARADOL. C'est une règle de la nature que plus on diminue le nombre des mariages qui pourraient se faire, plus on cor- rompt ceux qui sont faits. MONTESQUIEU, (Esprit des lois.) Etablissez les prêtres selon l'ordre, c'est-à-dire maris d'une seule femme. SAINT-PAUL, Epître à T.ite, chap. i, v, 6. Le marché n'est jamais libre entre l'homme qui a faim et le capital qui peut attendre. LEDRU-ROLLIN. Nos mœurs sont libérales, nos lois ne le sont point. E. LABOULAYE. La Conférence de Villefranche RÉVOCATION DE L'ÉDIÏ DE NANTES (Suite) L'œuvre préparatoire touchait à sa fin: vingt ans de ce régime d'oppression avaient rendu la position des protestants intenable; la place serrée de près était ré- duite à la dernière extrémité, il était temps de donner l'assaut. Mais un danger semblait vouloir contre- carrer la haine catholique. Les protestants commen- çaient à fuir. Fallait-il les laisser échapper ? Non pas. Il était nécessaire de les retenir en France courbés sous le joug, afin de les réduire sûrement à embrasser la vraie religion. Aussi, tandis qu'à Versailles, dans les conseils du 8 et du 19 septembre 1685, on mettait la dernière main à l'Edit de Révocation, tandis qu'on se prépa- rait à frapper le coup effroyable, par la plus perfide manœuvre, on résolut pour mieus: les atteindre de tromper les protestants. L.e 15 septembre 1685, c'est- à-dire remarquons-le bien, dans l'intervalle des deux conseils, le Parlement rendit un arrêt qui régle- mentait les baptêmes protestants, les entourant d'obstacles sans nom, astreignant les parents à se rendre par tous les temps dans des locfilité-i lointai- nes, sans souci de la vie de l'enfant. Mais les règle menter c'était les reconnaître. Et les protestants se disaient : « Notre religion est enfin tolérée, nos en- fants ne seront plus des bâtards, ils auront un état- civil », et ils se prenaient à espérer. La fuite s'arrêta : ils croyaient à la clémence du clergé et du roi. Le réveil fut terrible : le 22 octobre éclata le coup de fondre. La Revocation de l'Edit de Nantes était prononcée. En voici les mesures principales : ART I. Démolition de tous les temples pro- testants. ART. II. Interdiction de toute espèce de culte protestant, même dans les maisons particulières. ART. III. Expulsion des pasteurs dans le délai de quinze jours. ART. VII. Tous les enfants seront, sans excep- tion d'âge, enlevés à leurs parents, élevés dans la religion catholique, et bapti&és dans le délai de huit jours. Enfin, défense aux protestants de sortir du royaume. Tel est l'Edit de Révocation. Quant aux peines qui frappent les révoltés, il n'y en a guère qu'une seule : les galères, et on ajoute : i Nul, condamné aux galères pour cause de religion, n'en pourra sortir jamais ». Le plus souvent même, c'était la mort, et pour ceux qui mouraient mal, la claie. On essayait ainsi d'atteindre par delà la mort ceux qui avaient cru échapper à la persécution par le trépas. Il restait un point qu'on n'avait pas osé mettre dans l'Edit : la conversion forcée. Mais les prêtres y tenaient ; c'était le but principal. Pour l'atteindre, on eut recoure aux dragonnades; on organisa des expéditions de soldats, afin d'achever de forcer les protestants à se convertir. Pour se rendre compte de toutes les infamies commises, il faut lire les récits du temps, si naïfs, si sincères, et surtout les Plaintes des Protestants, par Jean Claude, dont M. F. Puaux, vient de donner une nouvelle édition. Il faut jeter les yeux sur le tableau d'ensemble (pp. 48-53) que dresse des dragonnades celui à qui Bossuet écrivait : « qu'il le tenait en une estime particulière » . Il est impossible de méconnaître l'exactitude de ces docu - ments écrits sous les yeux de l'Europe, publiés en Hollande, au moment même ces événements venaient de se passer, et que personne n'osa con- tester. Et quand bien même on révoquerait en doute ces pages du livre du pasteur Claude, les faits de détail abondent, authentiques et probants. De ce nombreest l'histoire lamentable des Péchels. t Une scène des plus affreuses se vit à Montauban : 'Feuilleton du "FRANC-MAÇON" (6) Lad I ¥ S /"\ ï i 1 1\ %J$ CE D'UN FRANC-MAÇON (Suite) Monsieur Aristide Lebonnard avait atteint la cinquantaine. Son histoire était simple sinon édi- fiante. Fils cadet d'un notaire , qui avait fait de mauvaises affaires et emporté,Dieu sait où, les débris des capitaux à lui laissés par de trop confiants dépositaires, il s'était trouvé à quinze ans^ sur le pavé de Lyon avec une mère réduite à un état pire que le veuvage et un frère aîné dont la première pensée avait été de s'engager dans un régiment d'Afrique et de mettre entre lui et la honte de son nom toute l'eau de la Méditerranée. L'argent de l'engagement avait été donné à M me Lebonnard. On avait pris une chambre et un cabinet au troisième étage d'une maison de la rue Romarin. La mère avait cherché des tra- vaux de broderie, et pendant qu'on essayait de caser le petit Aristide dans quelque bureau ou quelque magasin il pût trouver sinon la nour- riture, du moins le pain de son maigre repas, une singulière aventure avait jeté dans ces deux existences un élément de puissante transforma- tion. M m0 Lebonnard encore jeune (elle avait trente-cinq ans à peine) s'était adressée à une maison d'ornements d'église. Elle savait con- fectionner ces broderies d'or et d'argent qui couvrent les chapes et les chasubles, et comme ces travaux demandaient du goût et de l'adressé, ils étaient assez convenablement payés. Un jour qu'elle rendait son travail pour en prendre d'au- tre, elle fut rencontrée au magasin par un ecclé- siastique de haute taille et d'une belle mine sous sa soutane noire qu'il portait à l'italienne avec un camail, et dont une large ceinture à longues franges serrait avec recherche la taille pincée. Cet abbé n'était pas de ces prêtres ou prestolets de campagne qui courent péniblement après un casuel disputé sou à sou à l'avarice des paysans bigots. On devinait en lui l'abbé de ville, l'abbé mondain dont la vie est heureuse, facile, oisive. M me Lebonnard avait été fort jolie et avait encore mieux que ce qu'on appelle de beaux restes. En la voyant pauvrement mais encore élégamment vêtue le prêtre l'enveloppa de son regard. Bien- tôt il avait réussi à se mêler à la conversation de la marchande et de la brodeuse. Un moment après il savait l'histoire de la pauvre femme, et d'une voix douce et lente il lui promettait l'appui que l'Eglise doit à tous les malheureux et à tous les deshérités. Quelques jours plus tard, l'abbé Robert péné- trait dans la pauvre demeure de la rue Romarin. Il y apportait quelques discrets secours et quel- ques consolations plus discrètes encore. Peu à peu ses visites devinrent plus fréquentes. M rac Le- bonnard était dévote. On a remarqué que pour les dévotes le prêtre devient une sorte d'être mys- térieusement beau et séduisant. La soutane lui donne des attraits vainqueurs, et c'est une véri- table fascination que cet homme rasé, aux che- veux bouclés, au vêtement inusité et aux façons autoritaires et onctueuses à la fois produit sur celles qui se mêlent ainsi à sa vie privée. Il arriva donc ce qui devait arriver. L'abbé Robert trouva des plaisirs discrets et aisés. On jasait bien un pou dans la maison quand on rencontrait dans le noir escalier ce prêtre silen- cieux qui le rendait plus noir encore. Mais le logis du galant était loin, personne ne le connais- sait par son nom ; depuis que les visites de l'abbé étaient devenues à peu près journalières, M m0 Le- bonnard ne parlait plus à personne et sortait à peine. Elle avait seulement quitté sa petite chambre pour prendre à l'étage au-dessous un appartement plus confortable, et le premier soin de son amant avait été d'éloigner le petit Aristide. On l'avait donc, sous prétexte que son éduca- tion n'était pas terminée, envoyé au petit sémi- naire avec une bourse entière, et il y apprenait ce qu'on apprend dans les maisons d'enseignement, pendant que sa mère s'édifiait à huis clos en compagnie de son directeur spirituel. Elle aurait bien aimé en faire aussi un serviteur de Dieu, mais le jeune Lebonnard ne mordait guère au latin, à la philosophie et à la théologie. Il n'était guère fort qu'en arithmétique, en comptabilité, et l'abbé Robert fut le premier à conseiller à sa mère do lui faire quitter le petit séminaire. Mais ce n'é- tait pas pour rentrer au logis, assurément ; c'é- tait pour être admis comme petit commis, à Paris, chez MM. Lastinière et C' e , les fameux mar- chands de blanc dont la maison est appuyée par des capitaux énormes, capitaux que tout le monde prétend appartenir aux jésuites, sans qu'on en ait jamais bien eu la preuve. Aristide était dans son élément. De ses deux ans de séminaire il avait au moins su acquérir les allures, le ton et le langage qui sont indispen- sables pour réussir dans le monde clérical. D'ail- leurs il avait vu la misère de près à un âge déjà on en sent profondément les douleurs et les privations. Il s'était dit qu'il arriverait et il était arrivé. Son silencieux protecteur, l'abbé Robert, l'avait toujours, au bon moment, aidé à conquérir, échelon par échelon, un nouveau grade dans le régimemt industriel et commercial de la maison Lastinière et C ie . Un jour, après une longue conversation entre le prêtre et son jeune ami, Aristide avait apporté à ses patrons un pro- jet de succursale à Lyon avec des capitaux que des inconnus mettaient à sa disposition pour fonder ce nouvel établissement. L'idée était bonne, Lebonnard intelligent. Deux ans après, il était marié, toujours par les soins de l'abbé Robert, il devenait père d'une petite fille, Louise, et de- puis lors son existence n'avait guère -ou d'autre histoire que celle de sa prospérité, de son pieux rigorisme et de l'épanouissement de son orgueil. (A suivre.

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Première Année. — N" 7. Le Numéro : ± O Centimes. Du Samedi 7 Novembre an Samedi H Novembre 188S

Liberté

PI galité

Fraternité

Travail

Solidarité

JusticeI?£i:ra,i!3sa,:n--t le Ssumaecii

Bien penser

Bien dire

Bien faire

Vérité

I_i TJL m i è T eHumanité

ABONNEMENTSSix mois 4 fr. 50 — Un an 6 fr.

Etranger Le port en susRecouvrement par la poste, 50 c. en plus.

Adresser les demandes et émois de tonds au Trésorier-Administrateur. Boite, rue Ferrandière, 52

RÉDACTION & ADMINISTRATIONAdresser tout ce qai concerne la Rédaction et l'Administration, 52, rue Ferrandière, 52

——s L-sroisr î——

PARIS — Vente en gros et abonnements, Agence de librairie PKRINET, 9, rue du Croissant - PARIS

ANNONCESLes Annonces sont reçues à l'Agence V. FOURNIER & Gie

14, rue Confort, 14et a/u. Bureau d.11 CToiirnaJ.

Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus

AVISDès aujourd'hui, le Franc-Maçon est mis en

vente à :

PARIS

Agence de librairie PÉRINET, 9, rue du Crois-

sant. Les abonnements sont reçus à la même

adresse, 9, rue du Croissant, Paris.

MONTPELLIER

Société anonyme du Petit Méridional, 5, rue

Leenhardt, où doivent être adressées les de-

mandes de dépôts dans les diverses villes des

départements du Gard, de l'Hérault et dépar-

lements limitrophes.

SEDAN

Papeterie-librairie, Cartier aine, 1, Grande

Rue.

BORDEAUX

Chez M. Graby, marchand de journaux.

Les abonnements sont reçus aux mêmes

adresses.

I Noire journal est également mis en vente dans les bi

bliolhèques des gares. On le trouve notamment à PARIS-ORLÉANS, SAINT-LAZARE, NORD ; TARASGON, NÎMES, Lyon-BROTTEAUX, PERRACHE, SAINT-PAUL , VAISE, MARSEILLE,TOURS, NANTES, REIMS, LE HAVRE, BORDEAUX, TOULOUSE,LILLE, etc.

A partir dit prochain numéro le service sera étendu àtoutes nos principales villes et à l'étranger.

Jusqu'à nouvel ordre, il est entendu quetoutes les demandes d'abonnement partentdu 1 er numéro paru.

La collection entière est donc adressée àtous nos nouveaux abonnés .

Les abonnements sont en recouvrement. Prièrede réserver bcn accueil aux mandats de 6 fr. 50,qui, selon les avis antérieurs seront présentés parla poste.

S OIMIIvr J^IZRIE

Le Franc-Maçon. — Esprits des Morts et des Vivants.— La révocation de l'Edit de Nantes. — Le respect auConcordat. — La confession auriculaire. — Le catholi-cisme jugé par Montesquieu. — La Croisade noire. —Taxes de la Chancellerie aposlolique. — Curieuse sta-tistique. — Les journaux maçonniques. — Maçonnerieinternationale. — Revue des théâtres. — Bibliographie.— Petite correspondance. — Tribune du Travail.

LE « FRANO-MAÇOM »

C'est encore de notre journal qu'il fautparler aujourd'hui. Succès oblige, dit-on,et jamais succès plus complet n'a couronnéun plus sincère effort. Nous pouvons, dèsà présent, rassurer nos amis, nos lecteurs,

— et aussi nos adversaires — de la vitalitéet de la prospérité croissante du journalque nous avons lancé depuis un peu plusd'un mois, et qui marche, à cette heure, d'unpas alerte, grandissant chaque jour et déjàsorti des lisières.

On peut maintenant voir nos allures,notre pensée, notre but. Nous ne sommespas les instruments d'un parti, d'un groupe,nous n'apportons pas un élément de dis-corde ou de désagrégation. Nous noussommes interdit les questions personnellesen même temps que disparaissait la person-nalité de nos collaborateurs. Nous noussommes également interdit la discussiondes théories qui divisent soit la Franc-Ma-çonnerie, soit la République. Œuvre d'u-nion, de fraternité et de solidarité , le((Franc-Maçon » se contente de combattrele grand combat de l'esprit moderne contreles idées surannées, des principes philoso-phiques contre les idées théocratiques, dela vérité contre l'erreur, de la bonne foicontre les partis pris.

Il y a là un champ qui suffirait à uneplus grande ambition que la nôtre, et c'estlà que nous entendons faire notre récolte,notre propagande. C'est pour aider à cerésultat que nous ambitionnons de devenirles porte-paroles des orateurs de la Maçon-nerie dont la voix se fera publiquemententendre. C'est pour cela que nos colonnessont ouvertes à tous ceux qui. sous uneforme modérée, nous apporteront de lajuste et libre pensée..

Déjà, nous sommes fiers de le constater,les communications et les correspondancesnous parviennent nombreuses. Déjà, nousallons aux extrêmes limites des provincesde langue française, déjà nous voyons clas-sée régulièrement l'augmentation de notretirage, déjà cette progression nous démon-tre que notre journal répondait à un besoinréel, et nous donne un surcroît de courageet de certitude.

Aussi, jaloux de mériter la faveur qu'onnous témoigne, songeons-nous à répondreà cet empressement en améliorant la con-dition matérielle du « Franc-Maçon » .

Nous étudions un agrandissement de

format, du papier meilleur, permettantune impression plus nette. Bref, nous vou-lons que nos excellents collaborateurssoient lus facilement et que la forme ty-pographique de leurs intéressants articlesdevienne digne du jour — c'est à quoi nousarriverons sous peu.

En attendant, merci encore à tous ceuxqui aident au succès de cette oeuvre delibre pensée, de libre conscience et de librediscussion.

ESPRIT DES MORTS ET DES VIVANTS

L"homme est .si bien fait pour être libre que l'esclavagedétruit l'espèce. • A. MARTIN.

Le despotisme religieux a perdu l'Espagne, tandis quela liberté religieuse a fait la fortune de la Hollande et del'Angleterre. E. LABOULAYE.

Il ne doit pas y avoir de citoyen, clerc ou laïque, quisoit soustrait à l'action des lois. DUPIN.

La liberté serait un mal si on gardait dos mœurs d'es-clave. MICHELET.

Un gouvernement libre qui ne repose pas sur une société libre est aussi fragile que le serait un arbre sans ra-cines. PRÉVOST-PARADOL.

C'est une règle de la nature que plus on diminue lenombre des mariages qui pourraient se faire, plus on cor-rompt ceux qui sont faits.

MONTESQUIEU, (Esprit des lois.)

Etablissez les prêtres selon l'ordre, c'est-à-dire marisd'une seule femme.

SAINT-PAUL, Epître à T.ite, chap. i, v, 6.

Le marché n'est jamais libre entre l'homme qui a faimet le capital qui peut attendre. LEDRU-ROLLIN.

Nos mœurs sont libérales, nos lois ne le sont point.

E. LABOULAYE.

La Conférence de Villefranche

LÀ RÉVOCATION DE L'ÉDIÏ DE NANTES(Suite)

L'œuvre préparatoire touchait à sa fin: vingt ans dece régime d'oppression avaient rendu la position desprotestants intenable; la place serrée de près était ré-

duite à la dernière extrémité, il était temps de donnerl'assaut. Mais un danger semblait vouloir contre-carrer la haine catholique. Les protestants commen-çaient à fuir.

Fallait-il les laisser échapper ? Non pas. Il étaitnécessaire de les retenir en France courbés sous lejoug, afin de les réduire sûrement à embrasser lavraie religion.

Aussi, tandis qu'à Versailles, dans les conseils du8 et du 19 septembre 1685, on mettait la dernièremain à l'Edit de Révocation, tandis qu'on se prépa-rait à frapper le coup effroyable, par la plus perfidemanœuvre, on résolut pour mieus: les atteindre detromper les protestants. L.e 15 septembre 1685, c'est-à-dire remarquons-le bien, dans l'intervalle des deuxconseils, le Parlement rendit un arrêt qui régle-mentait les baptêmes protestants, les entourantd'obstacles sans nom, astreignant les parents à serendre par tous les temps dans des locfilité-i lointai-nes, sans souci de la vie de l'enfant. Mais les règlementer c'était les reconnaître. Et les protestants sedisaient : « Notre religion est enfin tolérée, nos en-fants ne seront plus des bâtards, ils auront un état-civil », et ils se prenaient à espérer. La fuites'arrêta : ils croyaient à la clémence du clergé etdu roi.

Le réveil fut terrible : le 22 octobre éclata le coupde fondre. La Revocation de l'Edit de Nantes étaitprononcée.

En voici les mesures principales :

ART I. — Démolition de tous les temples pro-testants.

ART. II. — Interdiction de toute espèce de culteprotestant, même dans les maisons particulières.

ART. III. — Expulsion des pasteurs dans le délaide quinze jours.

ART. VII. — Tous les enfants seront, sans excep-tion d'âge, enlevés à leurs parents, élevés dans lareligion catholique, et bapti&és dans le délai de huitjours.

Enfin, défense aux protestants de sortir du royaume.

Tel est l'Edit de Révocation.Quant aux peines qui frappent les révoltés, il n'y

en a guère qu'une seule : les galères, et on ajoute :i Nul, condamné aux galères pour cause de religion,n'en pourra sortir jamais ».

Le plus souvent même, c'était la mort, et pourceux qui mouraient mal, la claie. On essayait ainsid'atteindre par delà la mort ceux qui avaient cruéchapper à la persécution par le trépas.

Il restait un point qu'on n'avait pas osé mettredans l'Edit : la conversion forcée. Mais les prêtresy tenaient ; c'était le but principal.

Pour l'atteindre, on eut recoure aux dragonnades;on organisa des expéditions de soldats, afin d'acheverde forcer les protestants à se convertir. Pour se rendrecompte de toutes les infamies commises, il faut lire lesrécits du temps, si naïfs, si sincères, et surtout lesPlaintes des Protestants, par Jean Claude, dont M. F.Puaux, vient de donner une nouvelle édition. Il fautjeter les yeux sur le tableau d'ensemble (pp. 48-53) quedresse des dragonnades celui à qui Bossuet écrivait :« qu'il le tenait en une estime particulière ». Il estimpossible de méconnaître l'exactitude de ces docu -ments écrits sous les yeux de l'Europe, publiés enHollande, au moment même où ces événementsvenaient de se passer, et que personne n'osa con-tester.

Et quand bien même on révoquerait en doute cespages du livre du pasteur Claude, les faits de détailabondent, authentiques et probants.

De ce nombreest l'histoire lamentable des Péchels.

t Une scène des plus affreuses se vit à Montauban :

'Feuilleton du "FRANC-MAÇON" (6)

Lad I ¥ S /"\ ï i 11\ %J$ CE

D'UN FRANC-MAÇON

(Suite)

Monsieur Aristide Lebonnard avait atteint la

cinquantaine. Son histoire était simple sinon édi-

fiante. Fils cadet d'un notaire , qui avait

fait de mauvaises affaires et emporté,Dieu sait où,

les débris des capitaux à lui laissés par de trop

confiants dépositaires, il s'était trouvé à quinze

ans^ sur le pavé de Lyon avec une mère réduite à

un état pire que le veuvage et un frère aîné dont

la première pensée avait été de s'engager dans un

régiment d'Afrique et de mettre entre lui et la

honte de son nom toute l'eau de la Méditerranée.

L'argent de l'engagement avait été donné à

Mme

Lebonnard. On avait pris une chambre

et un cabinet au troisième étage d'une maison de

la rue Romarin. La mère avait cherché des tra-

vaux de broderie, et pendant qu'on essayait de

caser le petit Aristide dans quelque bureau ou

quelque magasin où il pût trouver sinon la nour-

riture, du moins le pain de son maigre repas,

une singulière aventure avait jeté dans ces deux

existences un élément de puissante transforma-

tion. Mm0 Lebonnard encore jeune (elle avait

trente-cinq ans à peine) s'était adressée à une

maison d'ornements d'église. Elle savait con-

fectionner ces broderies d'or et d'argent qui

couvrent les chapes et les chasubles, et comme

ces travaux demandaient du goût et de l'adressé,

ils étaient assez convenablement payés. Un jour

qu'elle rendait son travail pour en prendre d'au-

tre, elle fut rencontrée au magasin par un ecclé-

siastique de haute taille et d'une belle mine

sous sa soutane noire qu'il portait à l'italienne

avec un camail, et dont une large ceinture à

longues franges serrait avec recherche la taille

pincée. Cet abbé n'était pas de ces prêtres ou

prestolets de campagne qui courent péniblement

après un casuel disputé sou à sou à l'avarice des

paysans bigots. On devinait en lui l'abbé de ville,

l'abbé mondain dont la vie est heureuse, facile,

oisive.

Mme Lebonnard avait été fort jolie et avait

encore mieux que ce qu'on appelle de beaux restes.

En la voyant pauvrement mais encore élégamment

vêtue le prêtre l'enveloppa de son regard. Bien-

tôt il avait réussi à se mêler à la conversation

de la marchande et de la brodeuse. Un moment

après il savait l'histoire de la pauvre femme, et

d'une voix douce et lente il lui promettait l'appui

que l'Eglise doit à tous les malheureux et à tousles deshérités.

Quelques jours plus tard, l'abbé Robert péné-

trait dans la pauvre demeure de la rue Romarin.

Il y apportait quelques discrets secours et quel-

ques consolations plus discrètes encore. Peu à

peu ses visites devinrent plus fréquentes. Mrac Le-

bonnard était dévote. On a remarqué que pour

les dévotes le prêtre devient une sorte d'être mys-

térieusement beau et séduisant. La soutane lui

donne des attraits vainqueurs, et c'est une véri-

table fascination que cet homme rasé, aux che-

veux bouclés, au vêtement inusité et aux façons

autoritaires et onctueuses à la fois produit sur

celles qui se mêlent ainsi à sa vie privée.

Il arriva donc ce qui devait arriver. L'abbé

Robert trouva là des plaisirs discrets et aisés.

On jasait bien un pou dans la maison quand on

rencontrait dans le noir escalier ce prêtre silen-

cieux qui le rendait plus noir encore. Mais le

logis du galant était loin, personne ne le connais-

sait par son nom ; depuis que les visites de l'abbé

étaient devenues à peu près journalières, Mm0 Le-

bonnard ne parlait plus à personne et sortait à

peine. Elle avait seulement quitté sa petite

chambre pour prendre à l'étage au-dessous un

appartement plus confortable, — et le premier

soin de son amant avait été d'éloigner le petitAristide.

On l'avait donc, sous prétexte que son éduca-

tion n'était pas terminée, envoyé au petit sémi-

naire avec une bourse entière, et il y apprenait

ce qu'on apprend dans les maisons d'enseignement,

pendant que sa mère s'édifiait à huis clos en

compagnie de son directeur spirituel. Elle aurait

bien aimé en faire aussi un serviteur de Dieu, mais

le jeune Lebonnard ne mordait guère au latin,

à la philosophie et à la théologie. Il n'était guère

fort qu'en arithmétique, en comptabilité, et l'abbé

Robert fut le premier à conseiller à sa mère do

lui faire quitter le petit séminaire. Mais ce n'é-

tait pas pour rentrer au logis, assurément ; c'é-

tait pour être admis comme petit commis, à Paris,

chez MM. Lastinière et C' e, les fameux mar-

chands de blanc dont la maison est appuyée par

des capitaux énormes, capitaux que tout le monde

prétend appartenir aux jésuites, sans qu'on en ait

jamais bien eu la preuve.

Aristide était là dans son élément. De ses deux

ans de séminaire il avait au moins su acquérir les

allures, le ton et le langage qui sont indispen-

sables pour réussir dans le monde clérical. D'ail-

leurs il avait vu la misère de près à un âge où

déjà on en sent profondément les douleurs et les

privations. Il s'était dit qu'il arriverait et il

était arrivé. Son silencieux protecteur, l'abbé

Robert, l'avait toujours, au bon moment, aidé à

conquérir, échelon par échelon, un nouveau grade

dans le régimemt industriel et commercial de la

maison Lastinière et Cie . Un jour, après une

longue conversation entre le prêtre et son jeune

ami, Aristide avait apporté à ses patrons un pro-

jet de succursale à Lyon avec des capitaux que

des inconnus mettaient à sa disposition pour

fonder ce nouvel établissement. L'idée était bonne,

Lebonnard intelligent. Deux ans après, il était

marié, toujours par les soins de l'abbé Robert,

il devenait père d'une petite fille, Louise, et de-

puis lors son existence n'avait guère -ou d'autre

histoire que celle de sa prospérité, de son pieux

rigorisme et de l'épanouissement de son orgueil.

• (A suivre.

Page 2: 1885 - Le Franc Maçon n°7 - 7-14 Novembre 1885 - 1ère année.pdf

LE FRANC-MAÇON

On avait mis trente- huit cavaliers chez M. et Mm°Péchels. Elle était grosse et très près de son terme.Ils brisèrent, gâtèrent et vendirent ce qu'ils voulu-rent, ne laissèrent pas un lit. Ils mirent leurs hôtesdans la rue, et, avec cette femme enceinte, ses quatrepetits enfants dont l'aîné avait sept ans. Us ne per-mirent de rien emporter qu'un berceau. Pour adieu,ils leur jetèrent, au départ, des cruches d'eau froidedont ils restèrent mouillés, glacés. Ils erraient dans larue, quand un ordre leur vint de l'intendant de ren-trer dans leur maison pour recevoir d'autres soldats.Six fusiliers d'abord, et il en venait toujours d'autres.Tous mécontents de ne trouver plus rien, ilsse ven-gèrent par l'insolence et leur firent souffrir milleoutrages. Enfin, ils les chassèrent encore. La dame,prise de douleur à ce u&ornent, était sur le pavé sansasile. Défense de recevoir les rebelles.

«[Elle ne savait où aller. Son mari et une sage femmela' tenaient sous les bras ; le moment approchait etelle était près d'accoucher sur le pavé. Heureusement,la maison de sa sœur se trouva libre de soldats pourquelques heures. Elle y entra et accoucha la nuit. Lematin, il vint une bande; ils firent si grand feu danssa chambre qu'elle et l'enfant faillirent étouffer. Voilàdore cette femme, sanglante, faible, pâle, encoreforcée de se traîner dehors. Elle fait un grand effort,va jusqu'à l'intendant, croyant à la pitié, croyant ala nature. L'affreux commis la fit mettre à la porteElle s'assit sur une pierre. Mais là même, cette infor-tunée ne put êt:e tranquille. Des soldats la suivaient,l'entouraient , l'obsédaient , la martyrisaient derisées. » (Miche'et, XV, P- 271).

Un beau et terrible récit- Les Larmes de Cham-brun, pasteur d'Orange, vient à l'appui du précédent:

« C'était un homme énergique, éloquent, né poursoutenir tous les autres et qui pourtant succomba. Ilétait alité dans ce moment par un cruel accès degoutte, à qui une fracture delà cuisse ajoutait d'atro-ces douleurs. . . Le comte, de Tessé, un officier féroceet railleur fut envoyé là.

Le logement ne fut pas plus tôt fait qu'on entenditmille gémissements. On. ne voyait dans les rues quevisages inondés de larmes. La femme criait au se-cours du mari lié, roué de coups, pendu au feu, me-nacé du poignard. Le mari appelait pour sa femmemourante, qu'un coup avait t'ait avorter. Des crisd'enfants: . On tue mon père ! on abîme ma mère! onveut mettre à là broche mon petit frère!... » Quarante-deux dragons s'établirent dans la chambre deChambruri et autour de son lit. Us allument cent bou-gies, battent de quatre tambours, se coiffent deserviettes, fument à sonnez pour le faire étouffer. Ilsboivent tant que le sommeil leur vient, mais leursofficiers entrent et les éveillent à coups de canne.

Chambrun avait fait fuir sa femme. Mais on la ra-mène à Tessé. Le rieur dit cruellement : « Eh bien,tu serviras à toi seule tout le régiment.» Elle se roulaà ses pieds, désespérée. Elle était perdue, si un reli-gieux à qui Chambrun avait rendu service ne l'eûtcautionnée. »

Enfin cette époque eut aussi ses chauffeurs : onflambait le s victimes à la paille, on les suspendait à nu,sur des charbons ardents. (Vulliet, p. 32).

Après le coup violent, on employa la pression lente:la famille fut dispersée. On a nié la chose; citons desfaits précis.

En décembre 85 avait paru ce terrible décret : « Decinq ans à seize ans, tout enfant sera enlevé danshuit jours. «

Ces enfants élaiei t placés dans des couvents, sé-parés de leur mère, de leurs parents.

La famille du ducde la Force, qui avait refusé de seconveitir, offre un exemple de cette dispersion : lepère fut enfermé à la Bastille; la, mère au châteaud'Angers; les filles dans des couvents, séparées l'unede l'autre; les fils dansles cachots du collège de Cler-mont, sortes de logettes creusées dans les fosses d'ai-sance.

Dans les couvents,la fureur des religieuses s'exerçaitsur les enfants confiées à leur verni: en présence desrésistances terribles et indomptables qu'elles ren-contraient, elles en vinrent à l'idée diabolique de leschâtier devant témoins. Celles d'Uzès avaient huitrebelles. Elit s avertirent l'intendant Basville, et firentvenir le juge d'Uzès et le major du régiment deVivonne, et, devant eux, ces forcenées dévoilèrentles huit demoiselles (elles avaient de seize à vingtans), et les fouettèrent avec des lanières armées deplomb. (Elie Benoît, 893).

Il faut lire encore le récit qu'une des filles du ducde Gramond nous a laissé des tortures que lui fit en-durer le monstre d'Hérapine. (Vulliet, p. 28).

Vous croyez avoir atteint le fond de cet enfer. Non,une insulte manquait, il restait à déshonorer lesmorts. On imagina alors le supplice de 1«. claie: ondéterrait les cadavres, pour les traîner, les entraillesarrachées, sur des branches èntraceîées formantcbariot. Le vicomte de Novion,vieil officier, la vénérable mademoiselle de Montalembert, qui avait qua-tre-vingts ans, furent ignominieusement traînés. Lesbourreaux renonçant à faire la besogne, on en chargeales protestants eux-mêmes, créant ainsi un supplicenouveau. M. Mollières, de Montpellier, faible etmalade, fut condamné à traîner un corps mort. Iltomba en faibli- sse. Les soldats le frappèrent. Envain. Il était mort; on le mit sur la même claie.

Voilà comment les catholiques d'alors pratiquaientle respect des morts.

Mais toutes ces mesures avortaient. Les femmess'échappaient des couvents, laissant leurs bourreauxétonnés de tant d'héroïsme et de persévérance, at-tendris et parfois convertis. Un lazariste, l'aumônierBion, sentit son cœur se fondre. Lisez ses mémoires,écrites après sa fuite : « Leur sang prêchait, s'écrie-t-il, et je me sentis protestant. »

Marteiihe conte le fait étrange d'un comité, sortede bourreau patenté des galères, qui, vaincu parl'inaltérable patience de ses victimes, finit par raiblir, et devint indulgsnt.

Le peuple s'attendrissait:» Nous arrivâmes unsoir raconte Huber, dans un petit bourg, enchaînésma femme et mes enfants, pêle-mêle avec quatorzegalériens. Les prêtres vinrent nous proposer la déli-vrance moyennant l'abjuration. On avait convenu degarder le plus grand silence. Après eux vinrent lesfemmes et les enfants, qui nous couvrirent de boue.Je fis mettre tout mon monde à genoux, et nous pro-nonçâmes la prière que tous les fugitifs répétaient :« Bon Dieu, qui voit les injures où nous sommesexposés à toute heure, donne-nous de les supporteret de les pardonner charitablement. Affermis-nous debien en mieux. » Ils s'étaient attendus à des injures,à des cris; nos paroles les étonnèrent. Nous achevâ-mes notre culte enchantant le psaume CXVI. Enl'entendant, lesfemmes se mirent à pleurer. Elleslavèrent la boue dont le visage de nos enfants étaitcouvert, obtinrent qu'on nous mît dans une grangeséparément des galérien* . Ce qui fut fait. »

Il y avait un danger à cet attendrissement dupeuple. Il fallait frapper un coup nouveau. On orga-nisa de véritables expéditions. C'était la guerre.

Basville avec huit régiments d'infanterie régulièreet cinquante-deux régiments de catholiques marchasurles Cévennes. Le plus grand massacre fut auxhautes cimes de Meilaret. Il y eut 300 morts,50 blessés seulement, preuve d'un acharnement fé-

roce. 840 hommes; femmes, enfants, furent gardéspour être pendus de distance en distance sur toutesles routes des Cévennes. Des enfants de moins d'unan eurent les honneurs d'un poteau.

A Castres; les protestants, étaient réunis- sensarmes, en plein air. Au matin, deux troupes de catho-liques les environnent. On commence par tuer leshommes; puis quelques-uns s'amusent à achever lesfemmes à coups de couteau, de barre de fer, même àcoups de fourchette, coupant le ; doigts pour tirer lesbagues, arrachant et jupons et chemises. 11,000morts jonchaient le champ.

Ce n'était pas tout encore. En 1686 l'histoire aà enregistrer le Massacre des Vaudois. Là encoremille atrocités sont commises. Les hommes sont dé-sarmés, liés, envoyés à Turin, tués à raison de 100par jour pendant 7 semaines, ce qui fait un total de5,000 morts.

Restent les femmes, les enfants, les vieillards, quel'on donne au soldat. On joua aux mutilations. On lesattachait ensemble, par grappes pour jouer à laboule, jeter aux précipices ; tels, accrochés en routeaux rocs et éventrés, mais ne pouvant mourir, res-taient-là aux vautours.

Les femmes étaient la proie des soldats. Deuxsœurs, les deux Vittoria, martyrisées, ayant épuiséleurs assauts, furent de la même paille qui servit delit, brûlées vives. Une fut clouée par une épée enterre, pour qu'on en vînt à bout. Une détaillé à coupsde sabre, tronquée des bras, des jambes, et ce tronceffroyable fut violé dans la mare de sang (Michelet321).

Le total de ces massacres s'élève à 10,740 morts.La liste complète en a été dressée en 1693 par ElieBenoît, ministre protestant, qui chercha un refugeen Hollande. Les noms y sont accompagnés de cer-tificats émanant d'amis ou de parents.!

Cette fois nous sommes au bout de ces horreurs,et nous pouvons dresser le bilitn des pertes quela Révocation de l'Edit de Nantes a coûtées à laFrance.

D'abord les pertes en hommes. A la suite d'uneétude attentive, on arrive vite à se persuader que lechiffre de 300,000 hommes fixé à l'émigration est loind'être exagéré. A Francfort seulement 97,816 exilésfigurent aux registres comme ayant traversé la ville.A Lausanne on vit passer en 3 semaines, pendantl'année de 1685, plus de 17,000 Français. Enfin lechiffre de nos nationaux résidant en Hollande s'élevaà 75,000.

Il est triste de se dire que la Prusse doit une bonnepartie de sa force à cet émigration. Ce sont desFrançais qui ont implanté les diverses industriesdans les villes d'ELberfeld, de Créfeli, de Berlin, quiont développé l'agriculture dans la- Poméranie. Lesplus acharnés de nos ennemis étaient des descen-dants de protestants français. Enfin ne relevons-nouspas au ministère des affaires étrangères de Prussele nom tout français d'Ancillon, celui de Bronsart àla guerre, et qui. de nous a oublié celui du recteur del'Université de Berlin, M. Dubois Raymond?

Voilà les forces que nous avons su tourner contrela France.

Sur qui doit peser la responsabilité de cet acteodieux ? C'est ce que nous tâcherons d'établir d'aprèsles documents.

(A suivre).

LE RESPECT DU CONCORDAT

On lit dans les journaux religieux :

Mgr Caverot, cardinal-archevêque de Lyon,

vient d'associer M. Jourdan de la Passardière

à son administration, en qualité d'èvêgue auxi-liaire du diocèse de Lyon.

M. de la Passardière a été promu à la dignité

épiscopale, directement, parla cour de Rome,

sans l'intervention du ministre des cultes, à

la suite des instances puissantes de M. Fava,

le fougueux anti-maçon de Grenoble.

Or, on litdans les articles organiques de la Con»

vention du 26 messidor, an IX, vulgairementConcordat de 1801 :

^ART. 2. — Aucun individu se disant nonce ,

légat, vicaire ou commissaire apostolique, ou

se prévalant de toute autre dénomination ne

pourra, sans l'autorisation du Gouvernement,

exercer sur le sol français ni ailleurs aucune

fonction relative aux affaires de l'Eglise gal-licane.

M. de la Passardière commet ainsi une usur-

pation de pouvoirs et M. Caverot, une infractionau Concordat.

Le devoir strict du Préfet du Rhône serait

donc, d'après l'article 8, à défaut de plainte par-

ticulière, d'ex-ercer d'office un recours au Conseild'Etat.

La chose nous importe peu ; nous ne saurions

en vouloir à Nos SS. les Evoques de bien montrer

l'estime où ils ont le Concordat, ses prescriptionset ses défenses anodines.

C'est le plus grand service qu'ils puissent nousrendre.

Nous tenions à le signaler.

M «ni AillaiPAR M. PIERRE DES PILIERS

Ainsi que nous l'annoncions dans notre dernier

numéro, nous nous proposons de publier à cette place

une série d'études sur le livre de M. P. des Piliers,« la Confession auriculaire. »

Dans cet opuscule, fortement écrit et logiquement

raisonné, l'auteur s'attache à démontrer que la con-fession est :

1° Antichrétienne;

2° Anticatholique;

3° Immorale ;

4° Antisociale.

Chacune de ces propositions est elle-même divisée

en plusieurs propositions subsidiaires; M. des Piliers

étudie successivement chacune d'elles, et ne 1 aban-

donne qu'après avoir rendu toute obscurité ou toute

hésitation impossible dans l'esprit de ses lecteurs.

Nous suivrons M. des Piliers très exactement dans

les divisions qu'il a tracées de son œuvre, en nous

réservant toutefois de glisser rapidement sur certains

points, et*ae nous arrêter plus spécialement sur

d'autres.C'est en effet avec une grande autorité et une pro-

fonde compétence, que l'auteur, qui fut un éminent

théologien, prouve combien la confession auriculaire

est nuisible à la foi, contraire à la tradition et à l'es-

prit même de la religion chrétienne.Mais pour nos lecteurs, à qui ces discussions sont

étrangères, et l'étude des textes sacrés peu familière,

il serait peut-être sans intérêt d'accorder un trop long

développement à cette partie du livre; nous nous y

attacherons donc peu pour étudier plus curieusement

cette seconde partie de l'ouvrage qui établit d'une

façon absolue :Que si la confession auriculaire est immorale elle

est profondément aussi antisociale.

Que nous importe en effet que, par des adjonctions

successives, brutales et inintelligentes, nos adver-

saires aient gâté la religion du Christ, à la fois si

pure et si belle ! Qu'ils aient déshonoré ce Parthénon

si grand de lignes, si simple, en y ajoutant, les bar-

bares! des clochetons multicolores, en l'écra«ant, les

Vandales, sous des campaniles en zinc! Que de cette

religion si une, de cette doctrine si transparente, ils

aient fait un pathos incompréhensible, où eux mêmes

se cherchent sans se trouver ! Que de eet instrument

de délivrance ils aient fait un instrument de torture,

une camisole de force, un dur corselet d'acier

dans lequel ils oat essayé, et essaient depuis dessiècle?, d'enserrer, d'étouffer l'humanité ! Cette reli-

gion telle qu'ils l'ont faite avec la confession, c'est-à-

dire l'inquisition, n'est pas la nôtre, nous ne voulons

plus la connaître!En avilissant l'individu, en altérant profondément

la constitution de la famille pour laquelle elle est un

germe de corruption et un élément puissant de désor-

ganisation, la confession auriculaire fait obstacle, au

bon fonctionnement de l'État même.Elle est malsaine;

elle est dangereuse. 'C'est ce point surtout qui nous touche; c'est sous

ce rapport que nous nous proposons surtout de l'étu-

dier et de la combattre.L'objet de la première partie ou Conférence est de

démontrer que la confession auriculaire est anti-

chrétienne, et, pour se faire, l'auteur s'impose de

prouver : i" que cette confession n'a pas sa base dans

l'Evangile ; & qu'elle est nuisible à la foi.

« C'est d'abord Thomas-d'Aquin, le plus grand, le

plus fameux théologien de la papauté, par elle appelé

l'Ange de l'Ecole, qui avoue en sa Somme (Théol.

suppl., art. 6, al. 2), que l'on ne rencontre pas dans

les saintes Ecritures la confession auriculaire.

« Quel coup de massue au front des audacieux apo-

logistes de ladite confession que cette déclaration de

l'Ange de l'école ! »

Et cependant un Jésuite, le Cardinal Bellarmin,

trouve le moyen d'y parer.

(A suivre.)

LE CATHOLICISMEJugé par Montesquieu

Un des grands griefs des bonne s gens contre

les Francs-Maçons, c'est la liberté de critique

que l'on /se croit en droit d exercer dansles loges,

contre les dogmes du Catholicisme. Cette criti-

que d'une religion qui se plaît à accumuler les in-

vraisemblances, les contradictions, s'est imposée

à tous les esprits supérieurs, et à une époque

où le niveau intellectuel ne s'était pas élevé à la

hauteur où il est maintenant arrivé, si la masse

du peuple n'était pas encore froissée comme

aujourd'hui par une superstition heurtant de

front les plus simples données scientifiques, les

hommes de valeur ne pouvaient, accepter, sans

mot dire, des doctrines religieuses toujours en

lutte avec le bon sens. Montesquieu se permet-

tait déjà des railleries qu'on reproche trop amè-

rement, de nos jours, aux Francs-Maçons, en ou-

bliant les meilleures pages des grands auteurs du

siècle passé. Une citation des lettres Persanes

vient à propos faire partager à Montesquieu les

malédictions dont les encycliques accablent les

Francs-Maçons. On doit se consoler d'être ex-

communié en aussi bonne compagnie que celle de

l'auteur de l'Esprit des Lois.

LETTRE GXVII

USBECK A RHEDI

La prohibition du divorce n'est pas la seule cause de ladépopulation des pays chrétiens : le grand nombre d'eunu-ques qu'ils ont parmi eux n'en est pas une moins consi-dérable.

Je parle des prêtres et des dervis de l'un et de l'autresexe, qui se vouent à une continence éternelle; c'est chezles chrétiens la vertu par excellence, en quoi je ne lescomprends pas, ne sachant ce que c'est qu'une vertu dontil ne résulte rien.

Je trouve que leurs docteurs se contredisent manifes-tement quand Us disent que le mariage est saint, et quele célibat qui lui est oppssé l'est encore davantage; sanscompter qu'en fait de préceptes et de dogmes fondamentaux,le bien est toujours l'ennemi du mieux.

Le nombre de ces gens faisant profession de célibat estprodigieux. Les pères y condamnaient autrefois les enfantsdès le berceau : aujourd'hui ils s'y vouent eux-mêmes dèsl'âge de quatorze ans, co qui revient à peu près à la mêmechose.

Ce métier de continence a anéanti plus d'hommes que lespestes et les guerres le» plus sanglantes n'ont jamais fait.

On voit dans chaque maison religieuse une famille 'tnette où il ne naît personne, et qui s'entretient aux dé"de toutes les autres. Ces maisons sont toujours ouv S

comme autant de gouffres où s'ensevelissent lesfutures. aces .

Cette politique esthien différente de celle des Rorna'qui établissaient des lois pénales contre ceux qui ge r^T?'saient aux lois du mariage, et voulaient jouir d'une lib usi contraire à l'utilité publique.

Je ne te parle ici que des pays catholiques. Dans la rcVgion protestante, tout le monde est en droit de faire d '"enfants, elle ne souffre ni .prêtres, ni dervis, et si, dans r^t'*blissement de cette religion qui ramenait tout aux premie*"temps, ses fondateurs n'avaient été accusés sans cesse d'i>

S

tempérance, il ne faut pas douter qu'après avoir rendu 1~pratique du mariage universelle, ils n'en eussent encoreadouci le joug, et achever d'ôter toute la barrière qui sépareen ce point le Nazaréen et Mahomet.

Mais quoi qu'il en soit, il est certain que la religiondonne aux protestants un avantage mfini sur les catholiqae8

J'ose le dire; dans l'état présent où est l'Europe àn'est pas possible que la religion catholique y subsistecinq cents ans.

LA CROISADE NOIRE

La Croisade noire, se continue. Aujourd'huic'est une institutrice, l'institutrice de Parçay(Indre-et-Loire) que Y Univers dénonce haineu-sement à l'indignation de ses lecteurs.

Cette jeune fille est accusée d'avoir distribué àses élèves de ces bons points historiques coloriés

si vivement recommandés aux instituteurs parla presse républicaine.

Voilà le crime:

« Nous avons sous les yeux, dit V Univers, unde ces chromos valant 400 bons points.

Cela représente l'an 1,000, à ce qu'il paraît. Desmoines gros et gras reçoivent des présents de toutesorte, tandis qu'aux portes du monastère des malheu-reux s'entre-dévorent et que d'autres meurent defaim; le tout assez mal fait, avec accompagnementde cette note explicative:

« Dans cette désolation générale on ne cherchaitde refuge et d'appui qu'auprès des autels et des reli-ques des saints. L'Eglise, habile à profiter de toutecirconstance pour s'enrichir, entretenait la croyancesuperstitieuse. Les dons en terre, en argent, en serfsaffluèrent dans les églises, au point que le clergédevint propriétaire de plus des deux tiers de laFrance. »

Dame, le système de l'enseignement par lescartes, cahiers, bons points, et généralement toutes,choses susceptibles de frapper l'imagination etde fixer l'attention des enfants, étant admis, nousne voyons pas bien de quoi peut se. plaindrel' Univers.

On aurait pu, sans doute, pour lui plaire y re-présenter de pauvres moines, de misérables abbéshâves, décharnés, exsangues, quasi diaphanes,vêtus de loques, mourant de faim, tendant leurdernier morceau de pain, offrant le suprêmelambeau qui les couvre à une troupe de villageois,florissants, cossus et bien portants, avec cetteflatteuse légende : « Fidèle à son rôle séculaire,et à la doctrine du Christ, le clergé achève de sedépouiller pour enrichir les peuples. »

On l'aurait pu, sans tenir compte de l'entorsedonnée à l'Histoire, mais pourrait-on empêchercertaines questions d'éclore dans les petites têtesraisonneuses et toujours si logiques des enfants?

Ils pourraient se demander, par exemple, si onleur parlait de la Jacquerie, par quelle aberrationces paysans gros et gras, si frais, si florissants,voulaient changer d'existence — « si bien, ditl'historien Guillaume de Jumièges, qu'on futobligé d'arrêter leurs députés pour réprimer cetteaudace des campagnes ; on leur coupa les piedset les mains et on les renvoya ainsi mutilés chezeux pour détourner leurs pareils de telles entre-prises et les rendre plus prudents,crainte de pire.»

C'est donc qu'il n'était pas si heureux que celale paysan ! qu'il n'était pas comme dit Lhomond :« Contentus suâ sorte. »

lisse demanderaient aussi pourquoi sur 70 an-nées, de 970 à_ 1040 il y en a eu 48 de famine.

« Après avoir essayé de se nourrir avec l'écorcedes arbres et l'herbe des ruisseaux, dit le chroni-queur Raoul Glaber, témoin de la famine de l'anio33, il fallut se résoudre à dévorer des cadavres.Un misérable osa même porter de la chair hu-maine au marché pour la vendre cuite. »

Dans beaucoup d'endroits on mélangeait uneterre blanche semblable à l'argile avec un peu deson et de farine Dans une seule province il mou-rut dix mille personnes.

C'est donc qu'ils n'étaient pas si heureux quecela nos ancêtres! Car on ne peut raisonnable-ment attribuer ces dix mille morts à des excès detable faits "avec cette abominable nourriture.

Quant aux pauvres moines, abbés et prieurs, jecrois qu'ils essaieraient vainement de lutter parl'imagerie contre une réputation depuis longtempsacquise et véritablement justifiée.

O monachi, stomachivestri sunt amphora Bacchi

(O moines, vos estomacs sont des ampho-res de Bacchus), disait un poète du Moyen Age.

Et après kii, Boileau, le pieux Boileau, l'amide Racine ne nous a-t-il pas tracé cet immortel etriant portrait d'une abbaye au XVIIIe siècle :

Paris voyait fleurir son antique chapelle.Ses chanoines vermeils et brillants de santéS'engraissaient d'une longue et sainte oisivetéSans sortir de leurs lits,plus doux queleurs.hermines,Ces pieux fainéants faisaient chanter matinesVeillaient a bien diner et laissaient en leur lieuA des chantres gagés le soin de louer Dieu.

Est-il besoin de rappeler à Y Univers, qu'en1789 k clergé détenak effectivement les deux tiersde la propriété foncière et qu'on estime actuelle-ment la valeur des biens possédés par les congré-gations à un cinquième de la fortune de la France? i

Inutile, n'est-ce pas? Le métier a toujours |passé pour nourrir son homme, et c'est pour cela Iqu'il est si couru.

Mais revenons à notre institutrice:« En présence de cette violation flagrante des

« règlements, poursuit l' Univers, il nous reste i« demandera M. l'Inspecteur primaire, le dépla" ;

Page 3: 1885 - Le Franc Maçon n°7 - 7-14 Novembre 1885 - 1ère année.pdf

LE FRANC-MAÇON

« cernent immédiat d'une femme qui a su s ahé-« ner une notable partie de la population. »

Calomnies et dénonciations, voilà bien lesarmes de nos ennemis!

Si d'ailleurs le devoirde Y Univers est tout trace,

le nôtre ne l'est pas moins. _Dans cette affaire comme dans toutes les affaires

analogues, nous ferons une enquête sérieuse, si lacause nous paraît juste, nous nous efforcerons d'yintéresser nos lecteurs; et de toutes nos forces^detoute notre énergie, nous soutiendrons jusqu'aubout ces vaillants instituteurs dont tout je crimeest de vouloir faire des hommes des enfants qui

leur sont confiés.

——-

Taxes le la Chancellerie Apostolique

Nous avons omis dans notre premier article,

, à la fin du chap. i, un paragraphe très important,

' que nous nous empressons de placer sous les yeux

de nos lecteurs : « Pour le divorce simple on paie

à la chancellerie 19 livres 18 sous 6 deniers ».

Il est très intéressant d'apprendre que l'Eglise

catholique, qui de nos jours, jette les hauts cris

chaque fois que le mot divorce résonne à ses

'oreilles, qui a combattu avec acharnement la loi

qui l'a rétabli, qui a toujours considéré le divorce

comme le renversement de tous les principes de

morale, il est intéressant d'apprendre que cette

même Église l'a autorisé chaque fois qu'elle a pu

y trouver profits ou avantages pour elle : témoins

le divorce de Napoléon I*r approuvé par le pape

Pie VIII et ce livre des taxes , dans lequel nous

trouverons encore bien d'autres contradictions

entre les principes de l'Eglise etsesactes mêmes.

Il n'y a qu'un principe sur lequel elle n'a jamais

varié et qui domine la matière : c'est celui de la

Caisse.Nous nous en apercevrons de reste.

III. — DBS JUIFS

Un juif peut avoir chez lui une synagogue s'il paieà la chancellerie 106 livres 2 sous 6 deniers. — Ledroit d'ériger une synagogue publique sera taxé à218 livres 17 sous 6 deniers.

Un juif qui veut exercer la médecine peut le fairemoyennant une licence de 60 livres.

Ce chapitre nous inspire quelques réflexions.

Nous avons vu qu'un mari est absous du meurtre

de sa femme, moyennant 33 livres ; nous verrons

un peu plus loin que l'absolution d'un parricide ne

coûte que 17 livres, que celle d'un meurtre simple

sur la personne d'un laïc ne coûte que 15 livres,

par contre le droit d'ériger une synagogue monte

à 218 livres. Ainsi pour le pape Jean XXII et

pour ses dignes successeurs, représentants du

Dieu de paix, de bonté, de miséricorde et de

justice, il était plus coupable et plus criminel

aux yeux de la Divinité d'élever un temple juif,

que de tuer son père, sa mère ou son épouse.

Quelle belle morale ! et comme elle sied bien aux

disciples de celui qui a dit : honore tes père et

mère.

IV. — DISPENSES D'AGE POUR LES ORDRES

On pourra tonsurer un enfant de six ans, moyen-nant une dispense de 33 livres 13 sous.

On peut être sous-diacre à 15 ans accomplis,moyennant 46 livres 17 sous 6 deniers. A 16 ans ac-complis la taxe ne sera que de 27 livres 1 sou.

A 17 ans accomplis ou peut être diacre pour 46livres. — A dix-huit ans pour 36 livres.

On peut être prêtre à 21 ans accomplis pour 37livres 1 sou. — A 23 ans pour 6 livres.

Pour un enfant de 12 ans qu'on voudra faire cha-noine dans une cathédrale, nonobstant toute règlecontraire, 45 livres 19 sons 6 deniers. — Pour un en-fant de 13 ans, 27 livres 1 sou.

Nous passons sous silence le chapitre v qui

n'est que la continuation du chapitre iv et nous

arrivons au chapite vi qui ne manque pas d'un

certain intérêt, car il nous apprend que c'était

un crime ou tout au moins une grave faute de

vouloir prendre les ordres, si on était estropiéou mal fait. Qu'on en juge !

VI. — ESTROPIÉS ET GENS MAL FAITS

Ceux à qui il manquerait quelque membre peuventcependant recevoir latonsure et les quatre ordres mi-neurs, moyennant 27 livres 1 sou. S'ils veulent prendreles ordres sacrés et posséder des bénéfices, ils verseront58 livres2sons pour le membre qui leur manque.— C ux qui n'auraient pas tous leurs doigts paierontpour ceux qui leur manquent 35 livres 19 sous 6 de-niers. — Celui qui aura perdu l'œil droit pfiera 58livres 2 sous. Si c'est l'œil gauche, il donnera 106 li-vres 1 sou 6 deniers, etc.. etc..

Les chapitres vn et vin ont trait aux irrégu-

larités dans les ordres.

Dans le chapitre ix, il est dit : Qu'un bâtard quiveut recevoir les ordres sacrés et posséder des béné-fices paiera 15 livres 18 sous 6 deniers. Pour être frèremendiant, il doit payer 19 livres 14 sous 6 deniers.S'il veut monter jusqu'à la dignité de provincial etde prieur dans les ordres mendiants, il paiera57 livres2 sous.

X. — DU MAKIAGE

Celui qui ne s'est marié qu'une fois, qui a épouséune vierge et qui, après la mort de sa femme, veutentrer dans les ordres sacrés, doit payer 27 livres1 sou. S'il veut jouir des privilèges et posséder de*bénéfices, il donnera 38 livres 13 sous.

Celui aui s'est marié deux fois ne sera admis à latonsure que moyennant 45 livres 3 sous 6 deniers.

Celui qui, marié en secondes noces, aurait cachéson état en se faisant tonsurer, paiera 76 livres6 deniers.

Le chevalier marié en secondes noces recevra latonsure et jouira des privilèges attachés à la cheva-lerie, moyennant 45 livres 19 sous 6 deniers.

XII. — COUPS ET MUTILATIONS

Celui qui aura frappé un clerc ou un prêtre paierala taxe de 27 livres 1 sou.

Celai qui aura frappé un prélat ou le général d'unordre religieux, paiera 45 livres 16 sous 6 deniers. —Pour un évoque ou un prélat supérieur, 87 livres15 sous.

Celui qui aura mutilé un clerc sera relevé pardispense, moyennant 63 livres 14. sous. La simpleabsolution de ce délit se paiera 27 livieï 2 sous.

Si on a mutilé un abbé ou un général d'ordre, onajoutera 6 livres. Pour un évêque, on ajoutera encore27 livres 1 sou aux sommes susdites.

Si un laïc a mutilé un laïc, il sera totalement ab-sous pour 27 livres 1 sou.

Ainsi, d'après ce tarif, la vie d'un évêque était

estimée valoir 4 fois celle d'un simple citoyen.

Ce n'était d'ailleurs pas une nouveauté.

Gharlemagne avait déjà édicté des amendes

contre les meurtriers, amendes qui variaient se-

lon le grade du tonsuré victime; mais lorsqu'il

s'agissait d'un vulgaire laïc, c'était à meilleur

marché.

XII. — HOMICIDE

Un homme qui en a tué volontairement un autre,et qui veut entrer dans les ordres, peut posséder desbénéfices s'il achète l'absolution de son meurtre; cequi lui coûtera 45 livres 19 sous 6 deniers. S'il veutjouir des privilèges, il paiera 63 livres 14 sous —avec dispense en bulle contre toute poursuite, ilpaiera 75 livres.

Un meurtrier qui veut posséder trois bénéfices esttaxé à 63 livres 14 sous — s'il en veut posséder da-vantage et vivre à son aise, il paiera 87 livres 3sous.

Si celui qu'on a assassiné n'est pas mort de sa bles-sure, mais par un autre accident, et que le meurtriern'ait pas eu l'intention de le tuer tout-à-fait (commece mot est joli), ce meurtrier pourra être prêtre,avoir des bénéfices et recevoir toutes les absolutionset dispenses, moyennant 131 livres 14 sous 6 deniers.

Que pensez-vous, lecteurs, de ce mode de re-

crutement du clergé?

L'absolution d'un homicide commis par un évêqueou par un abbè, ou par un général d'ordre coûtera179 livres 14 sous.

Si deux hommes sa réunissent pour en tuer un au-tre, il paieront 134 livres 14 sous et seront absous. Siun seul homme en tue plusieurs dans une même oc-casion, on l'absoudra moyennant 131 livres 14 sous.

Un clerc qui aura tué quelqu'un par accidentpaiera 27 livres 1 sou. Pour être pleinement relevéavec assistance et pardon spécial il ajoutera 6 livres.

Celui qui voudra acheter provisoirement l'absolu-tion de tout meurtre acsidentel qu'il pourrait com-mettre à l'avenir, paiera cette absolution 168 livres15 sous. Et pour être, malgré ces meurtres, à l'abride toute interdiction dans l'exercice des fonctionssacrées, il ajoutera 106 livres 1 sou 6 deniers.

Nous voudrions bien savoir ce que Jean XXII

et Léon X entendaient par meurtre accidentel.

Serait-ce , par hasard , le fait de prendre , lors-

qu'on est à la chasse , un paysan pour une grive

et de lui tirer dessus? Moyennant 168 livres, ver-

sés d'avance , on n'a plus besoin de regarder

attentivement où l'on tire. Si on est prêtre en

ajoutant 106 livres, on peut continuer de tonner

en chaire contre ceux qui enfreignent le cinquième

commandement de Dieu , tout en se réservant la

faculté de tuer son prochain accidentellement, ad

majoremDei gloriam. C'est un permis de chasse

comme un autre ; point trop cher, si l'on con-

sidère les avantages qu'il a sur nos modernes per-

mis et surtout qu'il est viager.

C'était une heureuse innovation.

(A suivre)

CURIEUSE STATISTIQUEL'Acacia de Buenos-Ayres donne une curieuse

statistique des naissances dans la ville de Cordou

(Amérique) : enfants légitimes, 9; enfants de pères

inconnus, 3; enfants trouvés, 2; enfants des cou-

vents, 86. Total : 100. En conséquence, le clergé tra-

vaille à la reproduction de l'espèce dans la propoition

de 86 0/0.

LES JOURNAUX IA&0IMES

La Franc-Maçonnerie, répondant enfin au plus

cher désir de ses plus dévoués partisans, se décide

à laisser un peu de côté les pures théories spé-

culatives, pour se mêler, d'une façon plus active,

à la vie civique de tout pays. Elle prend en main

plus hautement qu'elle ne l'a fait jusqu'ici, le

drapeau du progrès, de la raison et de la liberté.

C'est un véritable réveil d'ardeur, de travail/pour

le bien de l'humanité, qui s'est emparée au même

moment de toutes les Loges.

En Amérique, des Maçons dévoués viennent

de se constituer en comité, à New-York, pour

fonder un journal maçonnique national. A Naples,

comme à Lyon, pour notre journal même, toutes

les Loges se sont entendues entre elles, ont fondé

de concert, un journal, intitulé Jordano Bruno ,et

qui a pour principal objet de combattre le cléri-

calisme. Les rédacteurs de ce nouveau journal

engagent la lutte avec une rare énergie, et repro-

duisent dans leur premier numéro un détail donné

par El Delta, de Porto-Rico, sur la mort du

martyr dont le nom a été pris pour titre :

« Jordano Bruno venait d'être excommunié par

le Saint-Office. Les termes de l'arrêt qui le frap-

pait étaient ceux-ci : Ix coupable est condamné

ci mort, mais la peine lui sera appliquée avec

toute la clémence possible et sans effusion de

sang. Or, quelle était cette clémence? La douce

et sainte faveur d'être brûlé vif !... »

Le journal qui porte son nom saura s'inspirer

des exemples et des principes de cette grande

victime du cléricalisme, qui, pour mieux montrer

son dédain de l'opinion, s'acharne comme à

plaisir sur tous les grands penseurs et sur tous

les grands savants.

Nous sommes fiers, quant à nous, que le géné-

reux accord de la Maçonnerie française nous ait

permis, en qualité d'aîné, de souhaiter la bienve-

nue la plus sincère à ces nouveaux combattants

du bon combat, ce frère d'outre-monts et ce

frère d'outre-mer.

A tous les deux, au nom du Frànç-Maçon,

salut et bienvenue !

ÏAWSMIE IlMAWAtl

Nous recevons la lettre suivante :

Monsieur le Rédacteur du Journalle Franc-Maçon.

En lisant dans votre journal de ce jour l'article« La maçonnerie des Femmes, » qui reproche auxréactionnaires de ne pas s'enthousiasmer pour votreFranc-Maçonnerie, je me souviens d'une conversationque j'ai eue en Angleterre avec un Franc-MaçonAnglais. .

Celui-ci me disait que dans le monde entier lesFrancs -Maçons fraternisent entre eux, en excluantles Français, qui n'ont plus les mêmes principesqu'autrefoD, et que tous les autres ont encoie.

Supposant que mon ami était bien renseigné, je mepermets de vous demander si peut-être l'abandon defa Franc-Maçonnerie par les réactionnaires et la trans-formation des principes de la Franc-MaçonnerieFrançaise datent de la même époque ou si l'un est laconséquence de l'autre ?

Veuillez bien excuser ma demande et mes obser-vations, si elles vous semblent indiscrètes, mais jevous assure que je n'ai eu d'autre but que de voiréclaircir une question dans un intérêt général, vu queje suis étranger moi-même et n'appartiens à aucunparti, ni fraction, ni société, de Lyon et même de laFrance.

Espérant, Monsieur le Rédacteur, de trouver dansvotre prochain numéro une réponse satisfaisante, j'ail'honneur de vous saluer respectueusement.

A. B.

La réponse est des plus faciles.

En premier lieu, les Francs-Maçons de[ France

sont reçus avec affection et cordialité dans toutes

les loges de l'Univers. En deuxième lieu, s'il est

exact que certaines relations officielles et d'ordre

intime soient suspendues entre les Grandes-Loges

d'Angleterre, par exemple et celles du Grand-

Orient de France, cela tient à un fait, assez ré-

cent, mal interprété et qui n'a aucun rapport avec

l'abandon — bien antérieur — par les réaction-

naires de nos jours des principes et des traditions

de libéralisme, de tolérance et de progrès que dé-

fend la maçonnerie universelle.

Il y a quelques années, la constitution du

Grand-Orient de France exigeait la croyance à

la doctrine spiritualiste de l'idée de Dieu. Quel-

ques plaintes lui étant parvenues à ce sujet, pour

assurer la liberté de conscience à tous les maçons

pour leur donner la certitude que toutes leurs

croyances, toutes leurs opinions seraient absolu-

Petits Dialogues plosopliipGS

SIXIEME DIALOGUE

M. Grosdos, député monarchiste du bas Finistère,

et M. Casmajou, député bonapartiste du Gers infé-

rieur, se rencontrent sur le boulevard, à Paris.

M. Grosdos. — Eh ! quelle heureuse rencontre !

bonjour, mon cher collègue.

M. Casmajou. — Enchanté, cher monsieur, de

vous rencontrer. Vous venez préparer vos loge-ments?

M. Grosdos. — Ma foi ! oui. Je profite de ce

que ma passe de chemin de fer peut encore servir

pour m'installer, en attendant le jour de la

bataille.

M. Casmajou. — Et de la victoire, cher ami,

. de la victoire ! Nous revenons deux cent vingt-cinq ;

quelques centre-gauchers hésitants que nous ral-

lierons, quelques socialistes intransigeants qui

nous aideront sans s'en douter, et nous sommes

les maîtres de la Chambre et du pays.

M. Grosdos. — Et ce n'est pas trop tôt! je

commençais à me lasser d'être toujours minorité

et encore minorité. Maintenant, les rôles vontchanger. . .

M. Casmajou. — Et nous allons pouvoir lancer

cette gueuse de république dans un petit chemin

où ily aura un certainnombredepierresdetaille...

M. Grosdos. — De forte taille 1

- Tous deux se mettent à rire aux éclats de cette spi-

rituelle et inédite plaisanterie.

M. Casmajou. — Ah! cher; ami! vous êtes

bien le représentant de cette société aristocratique

qui a le monopole de la verve moqueuse et de laplaisanterie piquante !

M. Grosdos. — Vous oubliez, mon excellent

ami, qite votre parti se recommande par des intel-

ligences au moins aussi fines et aussi aiguisées

que les- nôtres.

M. Casmajou. — D'ailleurs, il n'y a plus de

partis, il n'y a plus que l'union conservatrice,

dont nous sommes vous et moi les soldats dé-

voués.

M. Grosdos. — Soldats dévoués, fidèles alliés,

à la vie, à la mort.

Tous deux se serrent les mains avec une attention

et un enthousiasme tout à fait louchants.

M. Casmajou. — Et avez-vous déjà vu

quelques-uns de ces messieurs?

M. Grosdos. — Ma foi! non. J'arrive, je n'ai

pas encore eu le temps de porter ma carte au

comte de Paris.

M. Casmajou. — Peuh ! le comte de Paris !

ce monsieur qui ne dit jamais ni oui ni non ne me

produit pas l'effet d'un gaillard bien solide.

M. Grosdos. — Soyons justes, s'il ne dit rien,

il évite le ridicule de votre prince Victor qui,

lui, dit beaucoup trop de sottises.

M. Casmajou. — Hé! permettez. Au moins

il sait ce qu'il veut, ce petit-là. Qu'on lui donne

seulement un grand sabre, et il chambardera tout

le roulement du tremblement, et allez donc! v'ian!

M. Grosdos. — Seulement, on ne le lui donnera

pas, ce grand sabre, attendu qu'on sait ce que

coûtent les grands sabres des Napoléons!

M. Casmajou. — Ah ça ! mon petit monsieur,

est-ce que vous vous imaginez que c'est à vos

marins d'eau douce et à vos généraux de carnaval

que l'on se fiera pour exterminer la Gueuse! Vos

d'Aumale et vos Joinville prendraient le train

de Belgique rien qu'en entendant siffler la

Marseillaise par 14s moutards des bataillonsscolaires.

M. Grosdos. — Dans tous les cas, mon grand

monsieur, ce ne sont pas nos princes qui éprouve-

ront les désordres d'entrailles de votre Plon-Plon,

dont les diarrhées en face de l'ennemi sont de-

venues si joyeusement proverbiales.

M. Casmajou. — Moins proverbiales que le

renom de ladres et de fesse-mathieu* de tous vos

princes et de toutes vos princesses.

M. Grosdos. — Ladres ! allez voir le trousseau

de la princesse qui se marie, et vous me direzs'ils sont ladres.

M. Casmajou. — Pardi! ça ne sort de leurs

poches que pour entrer dans leurs armoires!

Allez donc leur demander si, par la même

occasion, ils veulent rendre un brin des quarante

millions qu'ils ont eu le cynisme de prendre à la

France quand elle exprimait tout l'argent de son

épargne pour payer la rançon des Prussiens !

M. Grosdos. — C'est vous qui parlez de la

rançon des Prussiens! Mais, malheureux, sans

vous, il n'y en aurait point eu de rançon! Vous de-

vriez avoir la pudeur de ne pas rappeler ces

douloureux souvenirs de l'invasion allemande.

M. Casmajou. — La pudeur ! c'est vous qui

devriez avoir la pudeur de ne jamais parler d'in-

vasion. Nous avons été vaincus, mais nous ne

sommes pas rentrés comme vous dans les four-gons des alliés.

M. Grosdos. — Vous vous êtes contentés de

dévorer dix milliards à la France !

M . Casmajou. — Dirait-on pas que je les

ai dans ma poche !

M. Grosdos. — Eh! il y en a bien quelques

bribes.

M. Casmajou. — Dites donc tout de suite que

je suis un voleur ! Venant d'un orléaniste, ce sera

piquant !

M. Grosdos. — On sait ce qu'on sait. La curée

a duré vingt ans, mes gaillards, et si le pays s'est

ruiné, vous vous êtes rempli les poches.

M. Casmajou. — Ce n'est pas vous, toujours,

que l'on a ruinés. Toute votre fortunejétait à l'abri,

et ce sont les pauvres diables qui ont payé les taxes

et les surtaxes pendant que vous vous gobergiez

avec les revenus de vos fonds placés à l'Etranger !

M. Grosdos. — Et bien j'ai agi en les plaçant

là. Vous me les auriez volés.

M. Casmajou. — Insolent!

M. Grosdos. — Canaille!

M. Casmajou. — Attends que je revienne au

pouvoir, les pontons feront quelques voyages à

Nouka-Hiva, et tu verras si la contrée est agréa-

ble.

M. Grosdos. — Laisse-moi seulement me réin-

staller, et tu connaîtras de quelle façon nous

expédions les brigands de bonapartistes à la fron-

tière. \

M. Casmajou. — Je te fusillerai!

M. Grosdos. — Je te guillotinerai!

M. Casmajou. — En attendant, coquin, voilà

de mes nouvelles !

M. Grosdos. — A l'assassin!

Une bataille en règle s'engage entre les deux alliés:

l'union conservatrice brille d'un pur éclat.

Page 4: 1885 - Le Franc Maçon n°7 - 7-14 Novembre 1885 - 1ère année.pdf

LE FRANC -MAÇON

ment respectées dans une assemblée d'hommes,professant d'abord la plus large tolérance, leconseil de l'ordre crut devoir prendre une déci-sion de neutralité complète en matière religieuseet déclarer qu'on ne devait pas exclure de laMaçonnerie un matérialiste, un positiviste, sim-plement par suite de leurs opinions philosophiques— ou ne les y recevoir qu'en exigeant d'eux unserment qui leur répugnait, une promesse que leurconscience réprouvait.

Les nouvelles constitutions ne portèrent doncplus <( la croyance obligatoire à l'idée spiritua-liste.» Ce fait fut mal interprété à l'étranger.Certaines loges ne virent qu'une attaque directeà un ancien principe maçonnique existant encorechez elles, dans ce qui n'était qu'une garantie deplus de dignité personnelle et de liberté de con-science donnée à ceux qui entraient dans laFranc-Maçonnerie.

Elles rompirent les relations officielles avec leGrand-Orient, non parcequ'il n'admettait pasl'idée spiritualiste, mais parce qu'il ne l'imposaitplus ; parce que après l'avoir inscrite au premierrang des obligations maçonniques, il permettaitqu'on la soumît elle aussi au libre examen.

Et cela est si vrai que toutes les loges dumonde sont parfaitement en relations avec unenouvelle puissance maçonnique de France, laGrande loge symbolique écossaise. Elle nonplus n'impose à personne aucun principe spiri-tualiste, mais en revanche ne l'ayant jamaisimposée, elle n'a jamais eu à revenir sur cette dé-cision qui, on le comprend sans peine, n'a pufroisser aucun esprit sérieux et tolérant, et n'a puéloigner de la maçonnerie aucun de ceux qui es-timent que le premier bien de l'esprit c'est la li-berté de conscience.

Lyon. — GRAND-THÉÂTRE. — Carmen auGrand-Théâtre a été l'occasion d'un très vif suc-cès pour Mlle Arnaud, notre excellente dugazon,et M. Dupuy, notre ténor léger, qui ont été rap-pelés à chaque acte du chef-d'œuvre de Bizet.MUe Jacob a partagé leur succès. On est obligéde faire quelques réserves pour le baryton Corpait qui a chanté le Toréador avec une fortbelle voix, mais aussi avec beaucoup de défail-lances.

La veille, le ténor Merrit s'était fait recevoir àson troisième début dans Robert. Comme c'étaitla seconde fois qu'il chantait ce rôle, la Pressen'avait pas assisté à la représentation ; il paraît

qu'il a eu vif succès. Nos ténors sont donctousadmis. Il en est de même, d'ailleurs, pour la plu-part de nos artistes d'opéra. Seul le baryton Ma-noury, qui remplace Deirat, a encore ses troisépreuves à subir. Etant donnée la réputation decet excellent artiste, nul doute qu'il ne soit admissans l'ombre d'une protestation.

On annonce que la basse Queyrel serait sur lepoint de résilier son engagement et être remplacépar un de nos compatriotes, M. Bourgeois, qui déjà,l'autre jour, aHjoué Robert au pied levé et avecun joli succès. Je vous dirai dans huit jours sic'était là une nouvelle fausse ou authentique.

CÉLESTINS. — Première représentation A'An-toinette Rigâud, la comédie qui vient d'êtrejouée avec tant de succès, il y a un mois, à laComédie Française. L'œuvre admirable et ha-bile de M. Raymond Deslandes n'a pas eu toutà fait, à Lyon, le même succès qu'à Paris. Elleétait pourtant bien montée, bien mise en scène etbien jouée surtout par Jalabert, Dalbert, Gerbertet Mme* Délia et Jalabert. Il faut conclure quel'enthousiasme des Parisiens était un peu beau-coup un enthousiasme de commande.

BELLECOUR. — Un enthousiasme sincère a étécelui du public lyonnais aux deux représentationsoù Coquelin a joué avec son admirable talent etsa verve inouïe le Légataire de Régnard, et leTartufe de Molière. Il était excellemment se-condé par la toute charmante Marie Kolb et parLeloir,dela Comédie Française. Les deux soiréesont été superbes.

Dans quinze jours, première représentation, àBellecour, du Voyage en Suisse avec les Hanlon-Lee et des trucs inédits. Great attraction.

Marseille. — Le maire de Marseille a signécette semaine la nomination de M. Campocasso,comme directeur de notre Grand-Théâtre, P

On espère que le rideau si longtemps baissése lèvera enfin vers le 20 novembre.

On ne saura jamais ce qu'il en a coûté de dé-marches, de courses à pied et en voiture, depourparlers, pour en arriver là.

D'abord, Messieurs les Conseillers municipauxqui n'aimaient pas la musique ; ensuite, Messieursles administrateurs du Bureau de bienfaisance,qui refusaient leur consentement à la délibérationpar laquelle le Conseil municipal décida que laville se substituerait au directeur pour le paie-ment du droit des pauvres ; puis, l'absence com-plète de directeurs reculant devant le gouffrebéant qui a déjà englouti beaucoup de bonnes vo-lontés et non moins d'écus.

Enfin l'écueil est franchi, nous avons un sau-veur !

Puisse M. Campocasso réussir !D'après les renseignements que j'ai pu recueil-

lir, il sera entouré de collaborateurs d'élite.

En dehors de l'engagement de M. Salomon, ilest question de M. Dereims qui chante encore à laMonnaie de Bruxelles et de M. Deirat que vousavez pu juger à Lyon.

Des pourparlers, assttre-t-on, seraient engagésavec Mmo Bilbaut-Vauchelet. On parle encore deM. Isnardon, notre jeune et sympathique com-patriote dSTOpéra-Comique.

Noire prochain courrier vous fixera définitive-ment.

Ne croyez pas cependant que la fermeture dela salle de la rue Beauvau nous oblige à vivre enanachorètes.

Nous avons le Gymnase, où l'on s'écrase litté-ralement tous les soirs, pour entendre les Petits

Mousquetaires.M" 0 Nixau (d'Artagnan), détaille le couplet

avec une verve mutine et sa it souligner d'une fa-çon spirituelle et discrète les malices et les sous-entendus.

Mmo Roche-Lanzy ( Desclauzas ) ; Mlle Maury(Constance Bonacieux), méritent une mentionspéciale.

M. Jean Roche est très amusant dans le rôle deBonacieux.

La mise en scène est très exacte, la marchede cet ouvrage est parfaitement réglée et lesPetits Mousquetaires peuvent compter sur unelongue carrière au Gymnase.

A partir du prochain numéro, nous donneronsdes correspondances théâtrales de la plupart desgrandes villes de province et de l'étranger.

BIBLIOGRAPHIELa Révolution française, revue historique, fondée par

M. A. Dide et publiée chez Charavay frères, vient d'ac-complir sa quatrième année d'existence. Voici le sommairedu numéro du 14 octobre 1885.

TEXTE : Les évêques constitutionnels delà Mayenne,par Victor Jeanvrot. — Affaire Réveillon, par AugusteBandon. — L'insurrection et le siège de Lyon on 1793, parAdrien Duvand. — Pierre Tlrain, évêque constitutionnel deSeine-et-Marne, par Th. Lhuillier. — Pontarlier sous laRévolution, par Jules Mathez. — Autographes et docu-ments révolutionnaires, par Etienne Charavay. — Ephé-mérides de la Révolution française (octobre 1793) par Mau-rice Spronck.

FAC-SIMILE : Brevet de la médaille en or accordée auxgardes françaises en 1789.— Signature et souscription dugénéral Ferrand. — Signature du général Ferrand. — Si-gnature du général Caffarelli du Falga.

Petite Correspondance

Clemaron-Dion. — Votre lettre sera soumise au comitésamedi soir. Vous transmettrai réponse directement.

Tante Mira. — Reçu communication. Bonnes chosesdont nous ferons profit. Cordialement merci.

Bourjeat. — Il nous est très difficile de vous indiquerce que vous demandez; d'ailleurs, les livres dont vousparlez sont excessivement rares et très chers. Nous publie-rons dans le Franc-Maçon tous les renseignements dési-rables.

Callègari. — Les trois initiales R. P, R. sont tout cequ'il y a de plus catholique et signifient : religion préten-due réformée. C'est le nom dont on se servait au xvir3 siè-cle pour désigner la religion protestante.

Qouv... Charleville. — Nos amis de Charleville nepouvaient faire meilleur choix; nous nous en félicitons.Lettre prochaine.

K. Martin (Suisse). — Merci de cette lettre. Soyez doncnotre correspondant là-bas et écrivez-nous le récit du mi-racle Mermillod, çà doit être bien joyeux.

Lebrun, avocat. — Votre deuxième lettre chargée nousparvient mercredi soir, au moment où l'on met le journalsous presse. Nous nous en occuperons dans le n° 8.

JOURNAUX RECOMMANDÉS1. Affiches ardéchoises . — Privas. — Journal de publicité

s'adresse en particulier aux entrepreneurs de travaux pu-blics.

2. L'Avenir des Campagnes.— A Soucieu-en-Jarrêt, parBrignais (Rhône;.

3. Le Clairvoyant. — 9, place Richelieu, Bordeaux. —Annonces diverses, concernant surtout la propriété fon-cière. Service de renseignements pour l'émigration.

4. L'Escarmouche.— Journal littéraire etd'annonces,91rue Malbec, Bordeaux.

Journal du Magnétisme, fondé en 1845, par M. lebaron du Potet-Mersuel. — Sommaire du numéro d'oc-tobre : Réouverture du cours. — Polarité (H. Durville).—Fondation d'un prix. — Anesthésie par suggestion (Doc-teur A. -A, Liébeault). — Revue de thérapeutique :I. Guérison de troubles nerveux ; II. Guérison d'unesurdi mutité. (H. Durville.) — Le général Noizet (Doc-teur A. A. I iébeault). rt — De droite et de gauche. —Catalogue de la Librairie du Magnétisme.

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Le Gérant : PONCET.

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A NOS LECTEURSLe Franc-Maçon croit qu'il sera

utile à ses nombreux lecteurs , en ré-servant une demi-page pour les an-nonces, réclames et avis divers.

Par ce temps de publicité à ou-trance, alors que la réussite des meil-leures opérations ne s'obtient qu'auprix d'une réclame vigoureuse , leFranc-Maçon ne pourrait, sans man-quer aux intérêts du public auquel ils'adresse , refuser ses colonnes aumonde commercial.

D'ailleurs , ayant la certitude derencontrer des lecteurs un peu danstoutes les classes de la société : arti-sans , négociants , industriels , ingé-nieurs, avocats, etc., etc., il se croiten droit d'affirmer, que toutes les an-nonces qui lui seront confiées rapporte-ront de sérieuse affaires à leure au-teurs.

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